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27/10/2025

Une lecture complète des racines du conflit israélo-palestinien du point de vue du jeune historien Zachary Foster

  Imran Abdallah , Aljazeeranet, 8/6/2025
Traduit par
Tlaxcala
Original : 
قراءة شاملة لجذور الصراع الفلسطيني الإسرائيلي من منظور المؤرخ الشاب زكاري فوستر


Imran Abdallah est un journaliste soudanais, rédacteur culturel au site ouèbe Aljazeeranet

Dans cet entretien atypique et approfondi, l’historien et militant usaméricain Zachary Foster propose sa lecture de l’histoire palestinienne contemporaine et moderne, ainsi qu’une vision approfondie et complète du conflit israélo-palestinien. Foster a obtenu son doctorat en études du Proche-Orient à l’Université de Princeton en 2017 et est le fondateur du projet Palestine Nexus, qui, espère-t-il, deviendra la source privilégiée pour comprendre la situation en Palestine.


 Ce dialogue retrace les racines historiques du conflit et son évolution au cours des deux derniers siècles. Foster, spécialiste de l’histoire de la région, explore les multiples dimensions de la question, proposant une analyse critique des discours dominants et déconstruisant certaines idées reçues.

Le dialogue débute par un historique de la question : l’invité déclare : « Je crois que les racines de la question israélo-palestinienne remontent à la fin du XIXsiècle… lorsque des Juifs décidèrent de transformer un État arabe, la Palestine, en État juif. » Cette définition chronologique replace la question dans son contexte historique, soulignant que ses origines sont antérieures à la période du colonialisme traditionnel.

Le dialogue compare le sionisme à d’autres mouvements coloniaux de peuplement, soulignant sa singularité. L’invité déclare : « Le sionisme, parmi tous les mouvements coloniaux de peuplement du monde… est un exemple idéal de ce mouvement ». Il ajoute, expliquant la différence : « Ce qui distingue les mouvements coloniaux de peuplement des mouvements coloniaux ordinaires, c’est qu’ils abandonnent leurs liens avec leur patrie d’origine. »

Le dialogue aborde également l’évolution des positions académiques sur la question, notamment parmi les historiens occidentaux et juifs. L’invité souligne qu’« il existe une longue tradition d’antisionisme parmi les Juifs. En fait, cette tradition remonte aux origines du sionisme lui-même. » Il réfute également les affirmations selon lesquelles il n’existait pas d’identité palestinienne avant la création d’Israël.

Il conclut en soulignant l’importance de comprendre les racines historiques du conflit pour en saisir la complexité actuelle. L’invité déclare : « On peut comprendre une grande partie de l’histoire palestinienne en comprenant seulement leur réponse à cette question : quelle est la réponse appropriée à un groupe qui tente de s’emparer de mes terres, de détruire ma maison et de me purifier ethniquement du pays ? »


L’activiste et historien Zachary Foster (médias sociaux) 

Comment voyez-vous les racines des problèmes actuels au Moyen-Orient, en particulier en Palestine ?

Je crois que les racines de la question israélo-palestinienne remontent à la fin du XIXe siècle. Cette période est donc antérieure à la période coloniale. Dans les années 1870 et 1880, les Juifs d’Europe parlaient de la création d’un État juif en Palestine. Je pense que c’est là, pour moi, l’origine de la question palestinienne. C’est lorsque les Juifs ont décidé de transformer un État arabe, la Palestine, en État juif. Pour moi, ce fut le début de la question israélo-palestinienne moderne.

Au XIXe siècle, cent ans avant la formation d’Israël ?

Oui. Nous parlons des années 1870 ou 1880, il y a donc 140 ou 150 ans. J’ai généralement reçu des réactions très positives à une vidéo expliquant ce sujet. Mon objectif était d’aborder le plus de sujets possibles dans une vidéo aussi courte que possible, et de m’attacher à comprendre pourquoi les choses se sont produites, comment elles se sont déroulées.

Et je pense que les gens ont généralement apprécié cela, car j’essaie avant tout d’être objectif. Je parle du terrorisme juif, du terrorisme palestinien, des crimes de guerre commis par Israël et le Hamas. C’est vrai. Je m’efforce donc de donner un compte rendu objectif, et de faire preuve d’un courage interprétatif pour vous aider à comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui.

Et je pense que les gens apprécient cela. Évidemment, j’ai mon propre point de vue. Et bien sûr, je pense que pour vraiment comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui, il faut comprendre l’idée fondamentale du sionisme : sa volonté de transformer ce pays, d’un pays arabo-palestinien, en un pays juif.

Chaque dirigeant sioniste a donc dû se poser cette question : que faire des autochtones ? J’essaie donc de mettre en avant le point de vue palestinien, et je m’attache en particulier à donner la parole aux victimes de ce conflit, à ceux dont la voix a été perdue dans les récits traditionnels.

Je pense que je me concentre également sur Israël et la Palestine plutôt que sur le conflit israélo-arabe. Pendant des décennies, on a considéré ce conflit comme un conflit israélo-arabe entre Israël et les États arabes. Je pense qu’il est clair qu’il n’y a jamais eu de véritable conflit majeur entre Israël et les États arabes. Au contraire, le conflit a toujours principalement opposé Israël aux Palestiniens.

Et je pense que c’est aujourd’hui plus évident que jamais. Voilà donc un autre aspect de l’histoire. Je ne parle pas de la guerre de 1973. Je ne parle pas de l’invasion du Sinaï. Je ne parle pas vraiment des traités de paix entre la Jordanie et l’Égypte dans les années 1970, 1950 et 1990.

Pour moi, ce ne sont que des événements secondaires. Pour moi, le problème principal est la question israélo-palestinienne, c’est-à-dire la tentative sioniste, puis israélienne, de contrôler toutes les terres situées entre le fleuve et la mer. Je pense que c’est ce qu’il nous faut vraiment comprendre, pour comprendre comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui.

Selon vous, la période coloniale a jeté les bases de ce conflit. Quelle est donc la différence entre le colonialisme en Australie, puis dans le Nouveau Monde, en Amérique, et ce qui s’est passé au Moyen-Orient ?

Je pense qu’il y a quelques différences. Tout d’abord, je ne qualifierais pas le sionisme de mouvement colonialiste. Je le qualifierais plutôt de mouvement de colonisation de peuplement. En fait, on pourrait dire que de tous les mouvements de colonisation de peuplement à travers le monde, en Australie, aux USA et au Canada, le sionisme est le plus exemplaire.

Autrement dit, ce qui distingue les mouvements coloniaux de peuplement des mouvements coloniaux ordinaires, c’est que les mouvements coloniaux de peuplement abandonnent leurs liens avec leur patrie, tandis que les mouvements coloniaux veulent maintenir leurs liens avec leur patrie.

Prenons l’exemple des Français d’Algérie. C’était un mouvement colonial, n’est-ce pas ? Parce qu’ils souhaitaient vraiment maintenir leurs liens avec leur patrie. On pourrait dire que les USA se situaient entre les deux, car beaucoup de colons souhaitaient conserver leurs liens avec la Grande-Bretagne et y retourner. Ils ne voulaient pas rompre complètement ce lien.

Dans le cas du sionisme, ils ont complètement abandonné leur pays d’origine. Ils n’avaient aucune intention d’y retourner. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux y sont retournés, mais à leur arrivée en Palestine, leur objectif était : « Nous n’avons pas l’intention de rentrer chez nous. Nous allons nous installer en Palestine, nous allons nous y établir et nous allons prendre le contrôle de ce pays. » C’est donc l’une des principales différences.

La deuxième différence majeure est que le sionisme est ancré dans de nombreuses idées juives. N’est-ce pas ? Le judaïsme part de l’idée que les Juifs finiront par retourner en Terre Sainte. C’est une sorte de croyance eschatologique selon laquelle le Messie reviendra à la fin des temps et que tous les Juifs des quatre coins du monde se rassembleront et retourneront en Palestine.

C’est ce qui les distingue des autres mouvements coloniaux qui ne s’appuyaient pas sur des traditions religieuses vieilles de 3 000 ans. Ils étaient profondément attachés à la terre, entretenaient un lien religieux avec elle, et la considéraient comme ayant une signification religieuse. Je pense donc que c’est aussi ce qui les distingue.

Mais je dirais que, de manière générale, les similitudes sont assez frappantes. Il y a ces personnes persécutées, n’est-ce pas ? Je pense que c’est très important pour comprendre l’essence de la plupart des mouvements coloniaux. Il faut comprendre que ce sont principalement des personnes qui se sentent persécutées dans leur pays d’origine. N’est-ce pas ? Les protestants américains arrivés au Nouveau Monde ont été persécutés dans leur pays d’origine. C’est pourquoi ils ont plié bagage et sont partis. Pensez-vous qu’ils voulaient embarquer ? C’était une traversée très dangereuse et périlleuse. La traversée a duré deux mois. Beaucoup ont péri en chemin. Voulaient-ils vraiment faire ça ? Non, bien sûr que non. Tout comme les Juifs, pour la plupart, ne voulaient pas abandonner leur patrie. Ils ont été contraints de partir à cause des pogroms, de l’antisémitisme et de la violence qu’ils subissaient dans leur pays d’origine.

Je pense donc qu’en ce sens, le sionisme est très similaire à de nombreux autres mouvements coloniaux.

Une nouvelle génération d’historiens occidentaux a récemment émergé, s’opposant à la politique israélienne. Comment une génération d’universitaires comme la vôtre, a-t-elle émergé au sein d’institutions traditionnellement considérées comme pro-israéliennes ?

Tout d’abord, je ne suis affilié à aucune organisation universitaire. Je ne suis pas professeur dans une université usaméricaine. Et je pense que ceci explique en grande partie cela. D’ailleurs, lorsque j’ai obtenu mon doctorat à l’Université de Princeton, plusieurs membres du corps professoral de mon département, dont mon directeur de thèse, ont lancé un appel et une déclaration appelant l’université à adopter une résolution de boycott, la résolution BDS, soutenant ce mouvement et exigeant que l’université se désinvestisse des entreprises qui profitent de l’occupation israélienne de la Cisjordanie et du blocus de Gaza.

Je dirais que la grande majorité des membres du corps enseignant qui étudient Israël et la Palestine aux USA sont très favorables à la cause palestinienne.

Mais je dirais aussi qu’il existe une crainte institutionnelle. Ils craignent que leurs institutions, leurs administrations universitaires et les personnes qui occupent les plus hautes sphères de la hiérarchie universitaire ne subissent des représailles de la part de ces individus, car ces derniers ont des intérêts différents. Ce ne sont ni des historiens, ni des politologues. Ils ne suivent pas les événements sur le terrain. Ils ignorent ce qui se passe en Israël et en Palestine. Mais la plupart du temps, ils sont fidèles aux donateurs et à leurs désirs, et sont donc redevables à la classe des donateurs, qui est un groupe très différent.

Comme vous le savez, il existe une grande différence entre le corps professoral et l’administration universitaire, et une différence encore plus grande entre le corps professoral et les donateurs. En réalité, ce sont les dirigeants de l’université qui sont véritablement responsables. Ce n’est pas le corps professoral qui compte.

Nous notons que cette guerre constituait un événement distinct dans ce contexte, et que de nombreux historiens antisionistes ont émergé au sein de la communauté juive d’Europe et des USA. Pourriez-vous nous en donner un bref aperçu ?

Écoutez, on peut remonter à plusieurs décennies. Je parle de personnalités comme Noam Chomsky et Norman Finkelstein. Il existe une longue tradition d’antisionisme parmi les Juifs. En fait, cette tradition remonte aux origines du sionisme lui-même, n’est-ce pas ? Lorsque le sionisme est apparu pour la première fois, en Europe et aux USA, le Juif moyen y était opposé.

Lorsque le sionisme est apparu aux USA à la fin du XIXe siècle, le mouvement réformé, aujourd’hui le plus important mouvement juif des USA, regroupait un tiers des Juifs usaméricains. J’appartiens à ce mouvement, fondé dans les années 1880 et qui a adopté la Plateforme de Pittsburgh.

Le programme de Pittsburgh disait essentiellement : « Nous ne soutenons pas l’immigration juive en Palestine, car elle contredit notre conviction que les Juifs doivent s’assimiler aux sociétés dans lesquelles ils vivent. » À l’époque, ils tentaient de s’assimiler aux USA face à l’antisémitisme. Ils pensaient que si un mouvement juif émergeait affirmant que les Juifs appartenaient à la Palestine, ils seraient davantage persécutés dans leurs pays d’origine, accusés de double allégeance et victimes de discrimination, car on leur dirait : « Si vous voulez aller en Palestine, que faites-vous ici ? »

Il y avait donc un mouvement très actif parmi les Juifs. Il s’agissait du Programme de Pittsburgh dans les années 1880. De nombreux intellectuels juifs, tout au long de l’entre-deux-guerres, s’opposaient au sionisme. Je pense que leur opposition au sionisme était due au fait qu’ils voyaient que le sionisme, en tant que mouvement colonial de peuplement, n’aurait qu’une seule issue inévitable : le déplacement des populations autochtones de leurs terres. Ce constat a été réitéré par de nombreux antisionistes, notamment par des Juifs antisionistes, durant l’entre-deux-guerres, de 1919 à 1939. Nombre de Juifs s’opposent au sionisme pour cette raison.

Il y avait ensuite une troisième génération de Juifs antisionistes, essentiellement religieux et antisionistes, dont certains étaient très instruits. Certes, ils n’étaient peut-être pas des intellectuels, mais ils étaient certainement imprégnés de la tradition juive et croyaient que toute tentative d’accélérer la venue du Messie était, à leurs yeux, une tentative sioniste d’accélérer l’avenir, une tentative des Juifs d’entraver la seconde venue du Messie.

Il existait une croyance théologique dans le judaïsme selon laquelle les Juifs retourneraient en Palestine ou en Israël à la fin des temps, lors du retour du Messie. Leur conviction était que s’installer en Palestine violait la loi de la Torah, car seul Dieu pouvait en décider. C’est à Dieu de décider quand il viendra, et non à l’homme. Lorsque l’homme agit pour tenter de hâter cet avenir, il viole la loi de la Torah. C’était un troisième courant au sein du judaïsme, dans les cercles juifs. On pourrait dire qu’il s’agissait d’une opposition au sionisme.

Il y avait donc des Juifs qui souhaitaient s’intégrer dans leurs communautés d’origine et qui s’opposaient au sionisme. D’autres s’opposaient peut-être au sionisme parce qu’ils pensaient qu’il entraînerait l’expulsion des populations autochtones de leurs terres. Et cela les inquiétait beaucoup. Et ils avaient parfaitement raison. C’est la deuxième tendance. Et puis il y avait la troisième, celle des antisionistes religieux.


Les juifs ortohodoxes croyaient que lorsque les humains agissaient pour essayer de hâter cet avenir, cela constituait une violation de la loi de la Torah (Getty)

Qu’en est-il des Juifs d’origines ethniques différentes ?

Je pense que ce que je veux dire, c’est que les intellectuels qui s’opposent au sionisme s’opposent probablement à la plupart des nationalismes, car le sionisme est une forme de nationalisme. C’est le nationalisme juif. Et je pense que de nombreux universitaires sont de cet avis, surtout après la Seconde Guerre mondiale, notamment à la suite du nettoyage ethnique des Bosniaques, au Myanmar, et du nettoyage ethnique des peuples autochtones dans le monde, en Australie et aux USA.

Je pense qu’il y a eu une prise de conscience ces dernières décennies quant au fait que le sionisme était fondamentalement très similaire à de nombreux autres mouvements coloniaux de peuplement. Si l’on remonte aux années 1940 et 1950, on ne trouvait pas beaucoup d’universitaires parlant du sionisme comme d’un mouvement colonial de peuplement. Ce n’est qu’au cours des dernières décennies que les universitaires ont réalisé que le sionisme partageait beaucoup de points communs avec tous ces autres mouvements coloniaux de peuplement, qui ont tous commis d’horribles atrocités contre les peuples autochtones.

Je pense donc que le nationalisme ethnique, en particulier à la suite du génocide qui a eu lieu dans les Balkans dans les années 1990, lorsque les milices serbes sont entrées à Srebrenica et ont massacré 8 000 musulmans bosniaques, pour le crime d’être bosniaque, je pense que cela a en quelque sorte réveillé le monde à l’idée que lorsque vous essayez de créer un État national ethnique, c’est-à-dire un État qui sert les intérêts d’un seul groupe ethnique, cela a des conséquences très graves pour les groupes au sein de l’État qui sont d’une ethnie différente.

Vous étudiez de nombreuses questions de l’histoire contemporaine palestinienne et israélienne, et vous avez également étudié les réactions et les interactions du peuple palestinien avec les sionistes à plusieurs reprises. Comment comparez-vous ce qui s’est passé en 1948, avant et après 1967, avec la situation actuelle ? Et comment comparez-vous les réactions du peuple palestinien à l’occupation, avant et après la Nakba ? Car vous vous concentrez également sur la période antérieure à la Nakba. Ce n’est pas courant aujourd’hui, car il semble, pour certains, que l’histoire ait commencé le 7 octobre. Nous souhaitons donc resituer le contexte historique.

On peut comprendre beaucoup de choses sur l’histoire palestinienne si l’on comprend la réponse palestinienne à une seule question : quelle est la voie légitime ? Quelle est la manière appropriée de résister à un groupe qui veut s’emparer de votre pays et prendre toutes les décisions importantes concernant votre vie ? Car c’est précisément l’essence même du sionisme.

Il est clair que les Palestiniens ont réagi de différentes manières, et les réactions étaient diverses. Sous le Mandat [britannique], dans les années 1920, 1930 et 1940, des Palestiniens disaient : « Travaillons avec ces gens. Travaillons avec les sionistes. Soumettons des lettres de protestation aux Britanniques et disons-leur que nous allons résister pacifiquement. Nous allons consigner nos protestations par écrit. Nous allons manifester pacifiquement dans les rues. » Et c’est exactement ce que firent de nombreux Palestiniens. Ce fut d’ailleurs l’un des courants les plus importants du mouvement national palestinien des années 1930 et 1940. Cette forme de lutte était entièrement non violente, et ils organisèrent ce qu’ils appelèrent des conférences nationales tout au long des années 1920, et tout se passa pacifiquement.

Les Palestiniens se sont réunis en 1919, 1920, 1921, 1922, 1923, 1924 et 1925 et ont déclaré : « Écoutez, nous appelons à la création d’un État démocratique en Palestine. Nous avons demandé aux Britanniques de nous permettre d’élire démocratiquement nos représentants parmi les populations juives, chrétiennes et musulmanes autochtones de Palestine ». Naturellement, les Britanniques ont complètement ignoré ces propositions.

Le système britannique était antidémocratique. Il violait la volonté politique de 85 % de la population. Et puis, bien sûr, il y avait un courant plus radical au sein du gouvernement.


On peut comprendre une grande partie de l’histoire des Palestiniens en comprenant simplement leur réponse à cette question : « Quelle est la meilleure façon de résister à un groupe de personnes qui tente de s’emparer de ma terre, de détruire ma maison et de me purifier ethniquement ? » (Agence Anadolu)

Il ne s’agit pas seulement de politiques ratées, mais de toutes celles qui ont réussi durant la période de domination britannique en Palestine. Il s’agit de milliers de Palestiniens qui ont travaillé sous domination britannique, chacun d’entre eux ayant implicitement accepté, par ce travail, le système imposé par les Britanniques, un système qui n’avait rien de démocratique et qui était clairement orienté en faveur du projet sioniste. Cette acceptation, même si elle semblait pragmatique, reflétait une attitude répandue à l’époque.

Cependant, d’un autre côté, je dois dire qu’un courant clair au sein du mouvement national palestinien a adopté une position plus ferme. Ce courant était convaincu que le colonialisme britannique n’était pas le fruit d’un consensus, mais avait été imposé par la force armée. Par conséquent, la réponse doit également être vigoureuse. Face à un projet colonial violent qui vise à s’emparer de vos terres, à effacer votre identité et à transformer votre patrie d’un pays arabe en une entité juive, la seule façon de lui résister est de riposter par la force.

Je crois que cette tendance, bien que non prédominante au début, a commencé à prendre de l’ampleur, surtout à la fin des années 1930, plus précisément avec le déclenchement de la Grande Révolte Arabe en Palestine entre 1936 et 1939. Depuis lors, et tout au long des sept décennies qui ont suivi la Nakba de 1948, et jusqu’à aujourd’hui, on peut dire que ces deux courants – pacifique et armé – sont restés présents et entrelacés dans le paysage palestinien.

Il y a toujours eu des partisans de l’idée que la libération de la Palestine ne pouvait se faire que par la force. Ce point de vue n’était pas marginal ; il constituait la tendance dominante au sein de la diaspora palestinienne et était adopté par des groupes majeurs comme le Fatah et le Front populaire de libération de la Palestine. De fait, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) elle-même, à ses débuts, a adopté la lutte armée comme seul moyen de libération nationale, avant de progressivement s’orienter vers des options politiques et pacifiques, rejetant ensuite la violence.

Il me semble important de souligner ici la question de la dynamique des positions, car ces transformations ne se sont pas limitées à un seul groupe. Au contraire, les mêmes groupes, avec les mêmes individus, les mêmes dirigeants et la même structure organisationnelle de base, ont oscillé sur l’échiquier politique, entre violence et non-violence, selon les circonstances, la nature de l’occupation et ses tactiques répressives.

Nous avons observé la même évolution avec le Hamas. Ce mouvement, initialement issu du « Complexe islamique » caritatif et non violent, a ensuite évolué vers la lutte armée. Comme pour l’OLP avant lui, les positions évoluent en fonction de l’escalade de la violence de l’autre camp, de l’ampleur de la brutalité exercée par l’occupation israélienne et des conditions politiques à chaque étape.

Par conséquent, pour comprendre l’histoire palestinienne contemporaine, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de lire chaque détail. Il suffit de se poser une question et d’observer la réponse des Palestiniens au fil du temps : quels sont les moyens légitimes de résister à un projet colonial qui vise à s’emparer de vos terres, à détruire votre foyer et à vous purifier ethniquement de votre patrie ? La réponse à cette seule question suffit à comprendre nombre des transformations et des tendances que ce peuple a observées face à un colonialisme de longue date.

La première carte géographique décrivant et désignant la Palestine par son nom a été établie par l'immense géographe Claudios Ptolemaïos, dit Ptolémée, un Gréco-Égyptien d'Alexandrie, au deuxième siècle après Jésus-Christ. Ceci est une reproduction de la carte originale, perdue, datant du début du quatorzième siècle et réalisée à Constantinople, la future Istanbul, contenue dans un ouvrage détenu par la Bibliothèque du Vatican

 

Il y a actuellement un grand débat sur l’identité palestinienne avant la Nakba, et il y a ceux qui nient cette identité historique ?

Le discours sioniste a longtemps cherché à nier l’identité nationale palestinienne en présentant les Palestiniens comme de simples « Arabes » ou « Syriens du Sud », dans le but de remettre en cause l’idée qu’ils constituent un peuple authentique doté d’une existence nationale et historique. Ce déni constituait un moyen de favoriser le discours sioniste, qui prône un nationalisme juif accordant « Israël » exclusivement aux Juifs.

D’où les efforts délibérés de réécriture de l’histoire, à travers des articles et écrits universitaires niant l’existence du « Palestinien » en tant que figure nationale. En réponse, j’ai tenté de documenter l’utilisation du terme « Palestinien » dans les contextes locaux, prouvant, par des éléments linguistiques et historiques, que les Palestiniens se définissaient comme une nation des années, voire des décennies, avant l’émergence du sionisme.

Dans les sources anglaises, le terme apparaît depuis les années 1860, et dans les sources arabes depuis la fin des années 1890, plus précisément en 1898. Le chercheur affirme que l’utilisation de ce terme n’était pas le résultat d’une réaction au sionisme, mais l’a plutôt précédé et est apparue parmi les étudiants palestiniens de Nazareth, loin de toute influence directe du mouvement sioniste, qui ne s’était pas encore répandu dans toute la région.

Il souligne également que ces pionniers palestiniens, tels que Najib Nassar, Khalil Baydas et Salim Qub'ayn, ont été éduqués dans des écoles arabes et russes, et que pour eux les concepts de patrie et d’identité faisaient partie d’une conscience culturelle plus large sans rapport avec le conflit ultérieur avec le sionisme, mais plutôt avec des racines nationalistes profondément ancrées dans la conscience, la langue et les cartes accrochées aux murs de l’école.


Najib Nassar (1865-1947), fondateur en 1908 de l'hebdomadaire Al Karmil, premier journal palestinien résolument antisioniste


Khalil Baydas (1874–1949), traducteur du russe vers l'arabe et romancier, le premier Arabe à utiliser le terme "Palestinien" au sens moderne du terme 


Salim Qub'ayn (1870-1951), enseignant, journaliste, écrivain, historien et traducteur palestinien. Il fut l'un des premiers traducteurs arabes à avoir fait découvrir la littérature russe aux lecteurs arabes, ce qui lui a valu le surnom de « doyen des traducteurs du russe ». 
 

27/09/2025

OFER ADERET
L’historien israélien Avi Shlaim a tourné le dos au sionisme il y a longtemps. Aujourd’hui, il soutient le Hamas

Depuis l’université d’Oxford, Shlaim affirme que le Hamas incarne la résistance palestinienne, s’éloignant ainsi même de ses collègues les plus radicaux.

Ofer Aderet, Haaretz, 25/9/2025
Traduit par Tlaxcala


Avi Shlaim : « Les jeunes Arabes et musulmans me remercient de parler en leur nom. » Photo Charlie Bibby/The Financial Times Ltd

Résumé : L’historien Avi Shlaim, universitaire juif israélien à l’université d’Oxford, est devenu une figure controversée [en Israël, NdT] en raison de ses critiques acerbes à l’égard d’Israël et de sa vision du Hamas comme un mouvement de résistance légitime, en particulier depuis les événements du 7 octobre. Dans une interview, Shlaim revient sur son parcours, qui l’a mené du patriotisme sioniste à la critique virulente, en s’appuyant sur son histoire personnelle en tant que Juif irakien et sur des décennies de recherches dans les archives. À l’approche de son 80e anniversaire, il appelle à une réévaluation fondamentale du discours israélien sur le conflit.

Six mois après l’attaque du 7 octobre, une vidéo a été mise en ligne, provoquant la colère de nombreux internautes. L’homme qui y apparaît est le professeur Avi Shlaim, historien juif israélien de l’université d’Oxford. À première vue, il ressemble à un gentil grand-père britannique, avec sa chevelure blanche et son élocution lente et douce. Mais ses propos sont loin d’être agréables à entendre pour les Israéliens.

Une publication partagée par Hamzah Saadah (@hamzahpali)


« Le Hamas est le seul groupe palestinien qui incarne la résistance à l’occupation israélienne », déclarait-il dans la vidéo. « En lançant l’attaque contre Israël le 7 octobre, le Hamas a envoyé un message fort : les Palestiniens ne seront pas mis à l’écart, la résistance palestinienne n’est pas morte. Même si l’Autorité palestinienne collabore avec Israël en Cisjordanie, le Hamas continuera à mener la lutte pour la liberté et l’indépendance des Palestiniens. »

En octobre, Shlaim fêtera son 80e  anniversaire chez lui, à Oxford. « Depuis le début de la guerre, je suis devenu une sorte de célébrité. Les gens me reconnaissent dans la rue et me serrent la main. C’est une nouvelle expérience pour moi », déclare-t-il dans une interview accordée au magazine Haaretz Weekend.

« Les jeunes Arabes et musulmans me remercient de parler en leur nom, de leur donner une voix et de l’espoir pour l’avenir, et de leur redonner confiance dans les Juifs. »

Et qu’en est-il de l’autre côté ?

« Je reçois également des courriels hostiles et des menaces de mort, mais pour chacun d’entre eux, il y en a dix positifs. Je reçois de plus en plus de soutien et de moins en moins de critiques. Dans le passé, chaque fois que je m’exprimais devant un public, il y avait toujours un étudiant juif qui me contestait et défendait Israël. Depuis le début de la guerre à Gaza, cela ne s’est pas produit une seule fois. Israël a aliéné même ses propres partisans. Il est responsable de l’effondrement spectaculaire de sa réputation.

Les médias occidentaux continuent de pencher en faveur d’Israël et ne relaient pas le discours du Hamas, mais les jeunes n’écoutent plus la BBC et ne lisent plus les journaux : ils s’informent via les réseaux sociaux. C’est ainsi que j’explique le soutien croissant dont je bénéficie. »

Quel est le « discours » du Hamas dans ce cas ?

« J’ai étudié le récit du Hamas concernant l’attaque du 7 octobre et la guerre. Expliquer le comportement du Hamas n’est pas la même chose que le justifier. Tuer des civils est mal, point final. Mais comme toujours, le contexte est crucial. Les Palestiniens vivent sous occupation. Ils ont le droit de résister, y compris par la résistance armée. Les combattants du Hamas ont reçu des instructions explicites pour l’attaque, et il y avait des cibles militaires spécifiques. Le Hamas a d’abord frappé des bases militaires et tué des soldats, des policiers et des membres des  forces de sécurité. Ce n’est pas un crime de guerre. Les choses ont ensuite dégénéré. »

08/01/2025

AVI STEINBERG
La citoyenneté israélienne a toujours été un outil de génocide : je renonce donc à la mienne

Ma décision relève du constat que ce statut n’a jamais eu la moindre légitimité.
Avi Steinberg, Truthout, 26/12/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

الكاتب آفي شتاينبرغ: الجنسية الإسرائيلية كانت أداة للإبادة الجماعية منذ البداية: لذلك أتخلى عن جنسيتي

Avi Steinberg est né à Jérusalem de parents USaméricains juifs orthodoxes retournés aux USA en 1993. Il est l’auteur de Running the Books: The Adventures of an Accidental Prison Librarian (2010), The lost Book of Mormon: a journey through the mythic lands of Nephi, Zarahemla, and Kansas City, Missouri (2014) et The Happily Ever After: A Memoir of an Unlikely Romance Novelist (2020). Il travaille actuellement à une biographie de l’écrivaine et militante féministe Grace Paley

Récemment, je suis entré dans un consulat israélien et j’ai présenté des documents pour renoncer officiellement à ma citoyenneté. C’était une journée d’automne exceptionnellement chaude et les employés de bureau en pause se prélassaient au bord de l’étang de Boston Common. La nuit précédente avait été marquée par une série d’attaques aériennes particulièrement épouvantables menées par Israël contre des camps de tentes de réfugiés à Gaza. Alors que les Palestiniens comptaient encore les corps ou, dans de nombreux cas, rassemblaient ce qui restait de leurs proches, la banlieusarde qui me précédait dans la file d’attente du consulat m’a joyeusement demandé ce qui m’amenait ici aujourd’hui.
Les universitaires, les journalistes et les juristes du monde entier dressent un inventaire détaillé de toutes les façons dont les crimes commis par Israël depuis octobre 2023 constituent des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des génocides pouvant donner lieu à des poursuites judiciaires. Mais l’histoire va bien au-delà des horreurs de l’année écoulée. La citoyenneté, telle que je la possède, a été un élément matériel d’un processus génocidaire de longue date. Depuis sa création, l’État israélien s’est appuyé sur la normalisation de lois suprémacistes fondées sur des critères ethniques pour soutenir un régime militaire dont l’objectif colonial clair est l’élimination de la Palestine.
En haut du formulaire que j’avais apporté au consulat ce jour-là figure une citation de la loi sur la citoyenneté de 1952, la base juridique sur laquelle mon statut m’a été conféré à la naissance. La raison pour laquelle je renonce à ce statut est en effet directement liée à cette loi - ou plutôt à la situation sur le terrain dans les années 1950, le contexte de la Nakba, qui a façonné cette loi.

Emad Hajjaj

En 1949, dans les mois qui ont suivi la signature des accords d’armistice mettant ostensiblement fin à la guerre de 1948, les colons sionistes, qui avaient réussi à massacrer et à expulser les trois quarts de la population palestinienne autochtone dans les territoires désormais sous leur contrôle, ont commencé à chercher des moyens de sécuriser leur État de garnison militarisé. Leur préoccupation la plus pressante était de s’assurer que les Palestiniens qui avaient été chassés de leurs villages et de leurs fermes ancestrales ne reviendraient jamais, que leurs terres passeraient en possession légale du nouvel État, prêtes à être occupées par les prochaines vagues d’immigrants juifs venus de l’étranger. Plus de 500 villages et villes palestiniens ont été vidés de leur substance en l’espace d’un an, et il était désormais temps de les effacer à jamais de la carte.
Bien qu’il ait fallu de nombreuses décennies pour que l’État colonisateur reconnaisse officiellement qu’il était une entité suprémaciste juive de jure, la pratique du nettoyage ethnique était intégrée dans la stratégie militaire, sociale et juridique de l’État. Il a toujours été question d’un État juif conçu pour créer et maintenir une majorité juive sur une terre qui était à 90 % non juive avant l’arrivée massive des sionistes dans les premières décennies du XXe siècle.
L’achèvement du processus de nettoyage ethnique nécessiterait en effet une ingénierie agressive et, compte tenu de la forte résistance indigène, n’aboutirait jamais. En 1949, les frontières arbitrairement tracées étaient encore poreuses et les territoires ruraux sous occupation sioniste étaient encore loin d’être entièrement sous leur contrôle. Les Palestiniens, nouvellement réfugiés, vivaient dans des tentes à quelques kilomètres de chez eux. Nombre d’entre eux survivaient avec un seul maigre repas par jour et étaient déterminés, après l’armistice, à retrouver leurs maisons et leurs récoltes.
Certains ont tenté d’agir dans le cadre du nouveau système juridique colonial imposé à la hâte. Ils font appel à la « Déclaration d’indépendance » de la nouvelle entité, qui revendique l’égalité des droits pour tous. Mais ce document n’avait aucune valeur juridique et était conçu comme un document de propagande destiné à obtenir l’acceptation internationale au sein des toutes jeunes Nations unies. La demande d’adhésion à l’ONU, présentée par cette nouvelle entité se désignant elle-même comme l’« État d’Israël », avait déjà été rejetée une première fois, et les dirigeants sionistes s’efforçaient de donner à leur nouvelle demande un air de légitimité. Un clin d’œil symbolique aux droits des Palestiniens, espéraient-ils, donnerait une couverture politique à cet État résolument illibéral pour qu’il rejoigne l’ordre international émergent, dominé par les USA.
Indépendamment de ce que la machine de propagande de l’État mettait en avant à l’étranger, la situation sur le terrain était un cas flagrant de nettoyage ethnique. Pendant près de dix ans, les colons sionistes ont utilisé tous les moyens de la force pour rompre le lien entre les autochtones palestiniens et leurs terres. En avril 1949, ils ont adopté une politique de « tir libre », en vertu de laquelle des milliers de soi-disant infiltrés - c’est-à-dire des Palestiniens autochtones retournant dans les maisons qu’ils avaient habitées depuis des générations - pouvaient être, et ont souvent été, abattus à vue. L’État a créé des camps de concentration en procédant à de vastes rafles de villageois et d’agriculteurs. À partir de ces camps, des masses de Palestiniens ont été déportées de l’autre côté de la « frontière », où elles ont été transférées dans des camps de réfugiés de plus en plus nombreux en Jordanie et au Liban, ainsi que dans la bande de Gaza, sous contrôle égyptien. C’est ainsi que Gaza est devenue le territoire le plus densément peuplé de la planète.
Rappelons que de telles scènes se sont produites après l ‘armistice, c’est-à-dire après la fin supposée de la guerre de 1948. Cela faisait partie d’une stratégie délibérée d’après-guerre qui utilisait les cessez-le-feu comme couverture pour sécuriser un territoire ethniquement nettoyé, un schéma qui allait se répéter pendant des décennies. L’objectif était clairement défini dès le départ : expulser les Palestiniens de leurs terres pour toujours, affaiblir les intérêts de ceux qui restaient, et effacer la Palestine à la fois dans le concept et dans la réalité matérielle.
C’est dans ce contexte qu’ont été promulguées les lois sur la citoyenneté de l’État au début des années 1950 : tout d’abord, la loi du retour de 1950, qui accordait la citoyenneté à tout juif dans le monde, puis la loi sur la citoyenneté de 1952, qui annulait tout statut de citoyen détenu par les Palestiniens. La reconfiguration de la citoyenneté par l’État selon les principes de la suprématie juive sera son principe constitutionnel clé. L’effet de cette législation radicale, appliquée par une force d’occupation armée brutale sur le terrain, « a rendu les colons indigènes et a fait des indigènes palestiniens des étrangers », écrit l’universitaire Lana Tatour. Ce cadre juridique n’était pas un échec politique, note Lana Tatour, mais il « faisait ce pour quoi il avait été créé : normaliser la domination, naturaliser la souveraineté des colons, classer les populations, produire des différences et exclure, racialiser et éliminer les indigènes ».
Dix-neuf ans après la promulgation de la loi sur la citoyenneté de 1952, mes parents ont quitté les USA pour s’installer à Jérusalem et ont obtenu la citoyenneté et tous les droits en vertu de la « loi du retour ». Par une naïveté juvénile qui allait se transformer en ignorance délibérée, ils ont réussi à devenir à la fois des libéraux usaméricains opposés à l’invasion du Viêt Nam, tout en agissant comme des colons armés sur la terre d’un autre peuple. Ils se sont installés dans un quartier de Jérusalem qui avait fait l’objet d’un nettoyage ethnique quelques années auparavant. Ils ont occupé une maison construite et récemment habitée par une famille palestinienne dont la communauté avait été expulsée vers la Jordanie et dont le retour avait été violemment interdit par le canon d’un fusil - et par les papiers de citoyenneté que ma famille tenait entre ses mains.
Ce remplacement d’une personne par une autre n’était pas un secret. Des gens comme ma famille vivaient dans ces quartiers précisément parce qu’il s’agissait d’une « maison arabe », fièrement présentée comme telle en raison de son élégance et de ses hauts plafonds, en opposition aux immeubles d’habitation utilitaires et construits au petit bonheur par les colons sionistes. Je suis né dans le village palestinien d’Ayn Karim, qui a fait l’objet d’un nettoyage ethnique et qui est très prisé pour son charme arabe, sans qu’aucun Arabe ne vienne troubler ce joli tableau. Mon père était dans l’armée israélienne, dont lui et nombre de ses amis sont sortis, après la monstrueuse invasion du Liban en 1982, partisans libéraux de la « paix ». Mais pour eux, ce mot signifiait toujours vivre dans un pays à majorité juive ; il s’agissait d’une « paix » dans laquelle le péché originel de l’État, le processus continu de nettoyage ethnique, resterait fermement en place, légitimé et donc plus sûr que jamais. En d’autres termes, ils recherchaient la paix pour les Juifs ayant la citoyenneté israélienne, mais pour les Palestiniens, la « paix » signifiait une reddition totale, une occupation permanente et l’exil.
Tout cela pour dire : je ne considère pas ma décision de renoncer à cette citoyenneté comme une tentative de renverser un statut légal, mais plutôt comme une reconnaissance du fait que ce statut n’a jamais eu la moindre légitimité. La loi sur la citoyenneté israélienne est fondée sur les pires types de crimes violents que nous connaissons et sur une litanie croissante de mensonges destinés à blanchir ces crimes. L’aspect officiel, les apparats de la gouvernance légale, avec leurs sceaux du ministère de l’intérieur, ne témoignent de rien d’autre que de l’effort rampant de cet État pour dissimuler son illégalité fondamentale. Il s’agit de faux documents. Plus important encore, il s’agit d’un instrument contondant utilisé pour déplacer continuellement des personnes vivantes, des familles, des populations entières d’habitants indigènes de la terre.
Dans sa campagne génocidaire visant à effacer le peuple autochtone de Palestine, l’État a militarisé mon existence même, ma naissance et mon identité - et celles de tant d’autres. Le mur qui empêche les Palestiniens de rentrer chez eux est constitué autant de papiers d’identité que de dalles de béton. Notre travail doit consister à retirer ces dalles de béton, à déchirer les faux papiers et à perturber les récits qui font apparaître ces structures d’oppression et d’injustice comme légitimes ou, à Dieu ne plaise, comme inévitables.
À ceux qui invoqueront à bout de souffle le point de discussion selon lequel les Juifs « ont le droit à l’autodétermination », je dirai simplement que si ce droit existe, il ne peut en aucun cas impliquer l’invasion, l’occupation et le nettoyage ethnique d’un autre peuple. Personne n’a ce droit. En outre, on peut penser à quelques pays européens qui doivent des terres et des réparations à leurs Juifs persécutés. Le peuple palestinien, en revanche, n’a jamais rien dû aux Juifs pour les crimes commis par l’antisémitisme européen, et il ne le doit pas non plus aujourd’hui.
Ma conviction personnelle, comme celle de nombre de mes ancêtres du XXe siècle, est que la libération juive est inséparable de vastes mouvements sociaux. C’est la raison pour laquelle tant de Juifs étaient socialistes dans l’Europe d’avant-guerre et que beaucoup d’entre nous se rattachent à cette tradition aujourd’hui.
En tant que juif traditionnel, je pense que la Torah est radicale dans son affirmation que le peuple juif, ou tout autre peuple, n’a aucun droit à une quelconque terre, mais qu’il est plutôt lié par des responsabilités éthiques rigoureuses. En effet, si la Torah a un seul message, c’est que si vous opprimez la veuve et l’orphelin, si vous êtes corrompus par la cupidité et la violence sanctionnées par le gouvernement, et si vous acquérez des terres et des richesses aux dépens des gens ordinaires, vous serez chassés par le Dieu de la justice. La Torah est régulièrement brandie par les nationalistes adorateurs de la terre comme s’il s’agissait d’un acte de propriété, mais si on la lit vraiment, c’est un enregistrement de reproches prophétiques contre l’abus de pouvoir de l’État.
La seule entité ayant des droits souverains, selon la Torah, est le Dieu de la justice, le Dieu qui méprise l’usurpateur et l’occupant. Le sionisme n’a rien à voir avec le judaïsme ou l’histoire juive, si ce n’est que ses dirigeants ont longtemps vu dans ces sources profondes une série de récits puissamment mobilisateurs pour faire avancer leur programme colonial - et c’est à ce seul programme colonial que nous devons nous attaquer. Les efforts constants pour évoquer l’histoire de la victimisation juive afin de justifier ou simplement de détourner l’attention des actions d’une puissance économique et militaire seraient positivement risibles s’ils n’étaient pas aussi cyniquement armés et mortels.
La colonisation sioniste ne peut être ni réformée ni libéralisée : son identité existentielle, telle qu’elle est exprimée dans ses lois sur la citoyenneté et répétée ouvertement par ses citoyens, équivaut à un engagement en faveur du génocide. Les appels à des embargos sur les armes, ainsi qu’à des boycotts, à des désinvestissements et à des sanctions, sont des demandes qui relèvent du bon sens. Mais ils ne constituent pas une vision politique. La décolonisation l’est. Elle est à la fois le chemin et la destination. Nous devons tous orienter notre organisation en conséquence.
C’est déjà le cas. Une réalité différente est déjà en train d’être construite par un mouvement large, énergique et plein d’espoir de personnes du monde entier qui savent que le seul avenir éthique est une Palestine libre, libérée de la domination coloniale. Nous y parviendrons grâce à un mouvement de libération soutenu au niveau mondial, mais en fin de compte local, dirigé par les Palestiniens, un mouvement dont les politiques et les tactiques sont déterminées par les Palestiniens. Cette libération se fera par le biais d’une diversité de tactiques, en fonction des situations - y compris la résistance armée, un droit universellement reconnu pour tout peuple occupé.
La décolonisation commence par l’écoute et la réponse aux appels des organisateurs palestiniens à développer une conscience et une pratique décolonisatrices, à supprimer les structures matérielles qui ont été placées entre les Palestiniens et leur terre, et à inverser la normalisation de ces barrières arbitraires. La décolonisation de la citoyenneté implique également de comprendre le lien matériel entre le colonialisme israélien et d’autres formes de colonialisme à travers le monde. Il est bien connu que les USA fournissent sans cesse des armes et du capital politique à leur allié colonial ; ce que l’on sait moins, c’est que la conception australienne de la jurisprudence anti-indigène a servi de modèle juridique à Israël. La lutte pour une Palestine libérée est liée à la lutte des mouvements de défense des terres indigènes partout dans le monde. Ma citoyenneté unique n’est qu’une brique dans ce mur. Néanmoins, c’est une brique. Et elle doit être physiquement enlevée.
Ceux qui occupent exactement la même position que moi sont invités à rejoindre un réseau croissant et solidaire de personnes qui se défont de leur citoyenneté dans le cadre d’une pratique décolonisatrice plus large. Ceux qui ne sont pas dans cette situation devraient prendre d’autres mesures. Si vous vivez en Palestine occupée, rejoignez le mouvement de résistance et faites-en quelque chose de concret. Luttez pour décoloniser et révolutionner le mouvement ouvrier et faites-en le levier du pouvoir antiétatique qu’il devrait être. Rejoignez la résistance dirigée par les Palestiniens. Si vous ne pouvez pas faire ces choses, partez et résistez depuis l’étranger. Prenez des mesures matérielles pour démanteler cet édifice colonial, pour perturber le récit qui dit que c’est normal, que c’est l’avenir. Ce n’est pas notre avenir. La Palestine sera libérée. Mais seulement lorsque nous nous engagerons, dès maintenant, dans les pratiques de libération.

20/06/2024

ANNA RAJAGOPAL
Pas besoin de “valeurs juives” dans la lutte pour la Palestine

Anna Rajagopal, Mondoweiss, 13/6/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Anna Rajagopal, 24 ans, est une auteure usaméricaine de père blanc chrétien et de mère hindoue, convertie au judaïsme à l’âge de 11 ans et une stratège en médias vivant à Houston, au Texas. Anna a obtenu son diplôme avec distinction en recherche et créations artistiques, ainsi qu’avec mention honorable, de l’université Rice en 2023, où elle a reçu une licence en anglais et écriture créative. Anna est une poétesse et une auteure de non fiction publiée, et son travail a été publié localement, nationalement et internationalement. L’ensemble du travail d’Anna se concentre sur les géographies de l’identité de la communauté colonisées par l’empire et en résistance Anna est une coordinatrice de médias numériques qualifiée avec une expérience dans la gestion de médias pour des publications, des institutions et des marques de célébrités. Elle a fait l’objet de violentes campagnes de dénigrement de la part d’une obscure organisation sioniste la qualifiant, vi geventlikh [comme d'habitude en yiddish] d’ “antisémite”. @annarajagopal

Les Juifs n’ont pas besoin d’invoquer les “valeurs juives” pour justifier leur travail en faveur de la libération palestinienne. En fait, le faire renforce l’idéologie même que nous cherchons à démanteler.

La lutte populaire juive pour la libération palestinienne est souvent qualifiée par une invocation des « valeurs juives ». « Mes valeurs juives m’obligent à m’opposer au génocide » (ou des variantes) est une phrase populaire utilisée dans des discours, des déclarations et des slogans — donnant un sceau d’approbation juif légitime à ce qui suit.

« Le génocide n’est pas une valeur juive » : Des militants lors d’une manifestation contre le chanteur pro-israélien Matisyahu à Philadelphie, le 22 mars 2024. (Photo : Joe Piette/Flickr)

C’est ce que disent les fondateurs et les représentants d’organisations juives comme If Not Now, Independent Jewish Voices, Na’amod et Jewish Voice for Peace. C’est ce que disent des politiciens comme politicians such as Alexandra Ocasio-Cortez. Ainsi disent des tweets viraux et des vidéos populaires.

Que ce soit intentionnel ou non, ces organisations, individus et sentiments ont un point commun qui les aligne avec les groupes et mouvements sionistes populaires : un appel à la suprématie juive.

Quelles sont exactement les valeurs juives ? Bien sûr, les valeurs juives, comme celles de toute religion, couvrent un large spectre allant du libérateur au répressif. Mais si vous demandiez à Jonathan Greenblatt, directeur de l’Anti-Defamation League, il dirait probablement que cette notion abstraite de « valeurs juives » se résume à la nécessité de défendre la communauté juive en promouvant une politique pro-israélienne face à la montée des mouvements propalestiniens, ou qu’elle se résume à soutenir le sionisme lui-même. Si vous demandiez aux dirigeants militaires israéliens, ils diraient probablement que même l’attaque génocidaire contre Gaza a été guidée par les valeurs juives.

22/05/2024

MATTHEW GINDIN
L’échec du sionisme et ce que cela doit enseigner au monde

 Matthew Gindin, 29/10/2023
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

Matthew Gindin est un Canadien d’origine juive qui a été moine bouddhiste et pratique l’acupuncture chinoise, la médecine ayurvédique et le yoga. Il enseigne à la synagogue Or Shalom Bet Midrash de Vancouver (Colombie-Britannique) et contribue à diverses publications anglophones sur des thèmes liés au dialogue interreligieux.

 À l’heure où j’écris ces lignes, cela fait 23 jours qu’Israël bombarde Gaza, une zone de 365 km² abritant 2,3 millions d’êtres humains précieux. Les bombes israéliennes ont tué, en moyenne, 110 enfants par jour. Les mères palestiniennes ont commencé à écrire les noms de leurs enfants sur leurs corps, afin de pouvoir les identifier lorsque leurs cadavres seront retirés des décombres laissés par les bombardements israéliens.

 Joe Biden, le président du plus grand soutien militaire du projet sioniste, a dit quelque chose que j’ai également entendu de la part de certains de mes amis juifs : que le ministère de la santé dirigé par le Hamas gonfle le nombre de morts. Il a dit cela sans vérifier les preuves réelles ou les opinions des experts, qui affirment que les rapports du ministère de la santé sur les victimes se sont avérés exacts lors de conflits précédents. Le ministère a réagi en publiant une liste détaillée des noms de tous les civils tués jusqu’alors, soit près de 7 000 personnes (ce chiffre dépasse aujourd’hui les 8 000).

Le Premier ministre israélien, un homme politique au long passé de corruption et d’idéologie d’extrême droite, a décrit aujourd’hui l’assaut actuel contre Gaza en évoquant la mémoire de l’ancienne tribu d’Amalek (vers 1400 avant notre ère).

Un passage de la Bible hébraïque dit : « Vous devez vous souvenir de ce qu’Amalek vous a fait, dit notre Sainte Bible. 1 Samuel 15:3 : “Va maintenant, frappe Amalek, et voue à la destruction tout ce qui lui appartient; tu ne l’épargneras point, et tu feras mourir hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et brebis, chameaux et ânes” », a déclaré M. Netanyahou. Les rabbins qui ont créé le judaïsme que nous connaissons aujourd’hui ont décidé il y a longtemps (il y a des siècles) qu’aucune nation moderne ne pouvait être assimilée à Amalek, mais Netanyahou se soucie peu des valeurs rabbiniques progressistes, c’est le moins que l’on puisse dire. En citant ce passage, il signale explicitement son intention génocidaire et achève le mariage du sionisme - à l’origine un mouvement laïc qui répudie la religion juive - avec une vision tordue et cauchemardesque du judaïsme.

Dans l’imaginaire religieux des Juifs entre 136 de notre ère et le XIXe  siècle, Israël était une terre magique. Les Juifs priaient plusieurs fois par jour pour le retour messianique en Israël et la rédemption du monde. La prophétie, disaient-ils, était plus facilement accessible en Israël (ou seulement accessible en Israël selon certains) ; les produits étaient énormes et avaient un goût incroyable ; le sol avait des propriétés magiques. Pendant des siècles, cependant, bien que de nombreux petits groupes de Juifs soient allés vivre en Palestine pour des raisons religieuses, la loi juive elle-même a été interprétée comme interdisant un retour massif en Palestine. Les rabbins du Talmud ont écrit que trois serments empêchaient les Juifs de reprendre Israël par la guerre ou le transfert de population : Le premier est que les Juifs ne doivent pas monter sur Eretz Yisrael comme un mur (le reprendre en revenant en masse). Une autre est que le Saint, béni soit-il, a recommandé aux Juifs de ne pas se rebeller contre les nations du monde. Enfin, le Saint, béni soit-il, a recommandé aux nations du monde de ne pas soumettre les Juifs de manière excessive.

Les trois serments mentionnés ci-dessus, ou plutôt les deux qui s’appliquent aux Juifs, étaient pris très au sérieux, tout comme l’enseignement rabbinique selon lequel les Juifs devaient entretenir des relations non violentes avec les nations, même s’ils étaient opprimés par elles. Avant 1890, la loi et le consensus juifs stipulaient que les Juifs devaient se défendre hardiment devant les nations, mais seulement en paroles. Dans les années 1890, certains ont soutenu que, puisque les nations avaient rompu le troisième serment, les Juifs étaient libérés des deux premiers. Les rabbins orthodoxes n’étaient pas d’accord, estimant au contraire que si les nations rompaient le serment qu’elles avaient prêté à Dieu, celui-ci s’en chargerait lui-même.

Au XIXe siècle, un groupe a commencé à soutenir que les Juifs étaient un peuple comme les autres - c’est-à-dire un peuple défini par son ethnie ou sa culture, et non par les idées de la religion juive - et qu’à ce titre, ils devaient vivre dans l’autodétermination et la liberté comme les autres. Selon eux, les Juifs ne peuvent vivre dans la liberté, la paix et la force que s’ils se débarrassent de la religion traditionnelle et de ses promesses et s’ils construisent leur propre État-nation pour se protéger. Après quelques débats sur le lieu, il a été décidé qu’il s’agirait d’un “Altneuland” (Vieux-nouveau pays) en Palestine.

Les rabbins de tous horizons - orthodoxes et réformés - ont généralement exprimé leur désaccord. Les bundistes - militants juifs non sionistes et non religieux - n’étaient pas non plus d’accord, estimant que le seul moyen de trouver la liberté et la paix pour les Juifs était de construire un monde de liberté et de paix pour tous. Cependant, à mesure que le sionisme prenait de l’ampleur, les Juifs affluaient en Palestine, où, entre 1878 et 1917, ils sont passés de 3 % à 10 % de la population palestinienne.

 Ahad Ha’am lisant Altneuland, de Theodor Herzl, par Mark Anderson

 Alors que la nouvelle colonie juive se développe, une minorité de sionistes juifs critique le gratin sioniste juif pour son racisme, son mépris des préoccupations des Arabes palestiniens et son injustice à leur égard. Ahad Ha’am (1856-1927), le sioniste juif russe, a écrit en 1891 :

« Nous devons certainement apprendre, de notre histoire passée et présente, à quel point nous devons veiller à ne pas provoquer la colère des autochtones en leur faisant du tort, à quel point nous devons être prudents dans nos relations avec un peuple étranger parmi lequel nous sommes revenus vivre, à traiter ce peuple avec amour et respect et, cela va sans dire, avec justice et discernement. Et que font nos frères ? Exactement le contraire ! Ils étaient esclaves dans leurs diasporas, et soudain ils se retrouvent avec une liberté illimitée, une liberté sauvage que seul un pays comme la Turquie [l’Empire ottoman] peut offrir. Ce changement soudain a semé dans leur cœur des tendances despotiques, comme cela arrive toujours aux anciens esclaves [‘eved ki yimlokh - quand un esclave devient roi - Proverbes 30:22]. Ils traitent les Arabes avec hostilité et cruauté, les violent injustement, les battent honteusement sans raison suffisante et se vantent même de leurs actes. Il n’y a personne pour arrêter le flot et mettre fin à cette tendance méprisable et dangereuse.

    « Nous, qui vivons à l’étranger, avons l’habitude de croire que les Arabes sont tous des sauvages du désert qui, comme des ânes, ne voient ni ne comprennent ce qui se passe autour d’eux. Mais c’est une grave erreur....Les Arabes, en particulier l’élite urbaine, voient et comprennent ce que nous faisons et ce que nous voulons faire sur la terre, mais ils se taisent et font semblant de ne rien remarquer. Pour l’instant, ils ne considèrent pas que nos actions représentent un danger futur pour eux. ... Mais si le temps vient où la vie de notre peuple en Eretz Yisrael se développe à un point tel que nous prenons leur place, que ce soit légèrement ou de manière significative, les indigènes ne vont pas s’écarter si facilement ».

Ahad Ha’am, sioniste juif russe, 1891 – « Vérité de la terre d’Israël [Eretz Israël] »

En 1907, dans un article paru dans HaShiloah, l’une des premières publications modernes en hébreu et reprenant une intervention faite au 7ème congrès sioniste de Bâle en 1905, l’enseignant et militant Yitzhak Epstein, né à Odessa, revient sur les propos d’Ahad Ha’am. Epstein appartenait au Hovevei Tzion, la première organisation sioniste. Il avait assisté à l’achat des terres de Ras al-Zawiya et al-Metulla (aujourd’hui connues en hébreu sous le nom de Rosh Pina et Metullah) plusieurs années auparavant. Lorsque les sionistes achetaient ces fermes à leurs propriétaires arabes, ils dépossédaient les métayers arabes et les remplaçaient par de la main-d’œuvre juive. Il se souvient de la colère des fermiers druzes dépossédés :

« Les lamentations des femmes arabes ... résonnent encore à mes oreilles » », écrit-il. « Les hommes montaient sur des ânes et les femmes les suivaient en pleurant amèrement, et la vallée était remplie de leurs lamentations. En chemin, ils s’arrêtaient pour embrasser les pierres et la terre».

Epstein a averti que les relations avec les Arabes étaient la “question cachée” que le mouvement sioniste n’abordait pas. Il affirme que les sionistes ont tendance à « oublier un petit détail : il y a sur notre terre bien-aimée un peuple entier qui y est attaché depuis des centaines d’années et qui n’a jamais envisagé de la quitter....Que feront les fellahin [éleveurs de faisans arabes] après que nous aurons acheté leurs champs ? » demande-t-il, « nous devons admettre que nous avons chassé des gens appauvris de leur humble demeure et que nous leur avons ôté le pain de la bouche ». Son argumentation n’a guère suscité de réactions, comme celle d’Ahad Ha’am avant lui.

Buber (à g.) et Scholem

Martin Buber (1878-1965), le grand philosophe et mystique juif, a proposé au 12e congrès sioniste de 1921 une résolution exhortant les Juifs à rejeter « avec horreur les méthodes de domination nationaliste dont ils ont eux-mêmes longtemps souffert » et à renoncer à tout désir « de supprimer un autre peuple ou de le dominer », puisque dans le pays « il y a de la place à la fois pour nous et pour ses habitants actuels ».

Buber et d’autres, notamment des universitaires affiliés à la toute nouvelle université hébraïque de Jérusalem, comme Gershom Scholem, le grand spécialiste de la mystique juive, ont créé en 1925 Brit Shalom, le premier grand groupe sioniste arabo-juif pour la paix. L’association existait pour « parvenir à une entente entre Juifs et Arabes [...] sur la base de l’égalité politique absolue de deux peuples culturellement autonomes, et pour déterminer les lignes de leur coopération pour le développement du pays ».

Les fondateurs de Brit Shalom venaient d’horizons politiques et personnels différents. Certains d’entre eux étaient des dirigeants du Yichouv bien établis, qui considéraient la réconciliation avec les Arabes comme une nécessité pratique (comme Arthur Ruppin, un haut fonctionnaire sioniste chargé de la colonisation). D’autres encore étaient inspirés par des convictions morales et voyaient la nécessité d’intégrer les besoins et les préoccupations des populations locales - et pas seulement des Juifs - dans la mission sioniste.


Ruppin, en tant que haut responsable de la colonisation, est critiqué par ses alliés travaillistes qui considèrent Brit Shalom comme “délirant”. Ruppin, à son tour, craint que le sionisme ne « se détériore en un chauvinisme inutile » et qu’il devienne impossible « d’attribuer une sphère d’action à un nombre croissant de Juifs en Palestine sans opprimer les Arabes ».

 Le courant sioniste dominant a toujours affirmé que le nationalisme palestinien était superficiel et qu’il résultait de la manipulation des “masses ignorantes” d’Arabes par une élite désireuse de détruire le projet sioniste. Il s’agit là d’un dangereux malentendu. En fait, comme l’ont constaté d’autres sionistes, les non-Juifs de Palestine étaient profondément attachés aux fermes et aux villages où leurs familles vivaient depuis des générations et s’identifiaient à leur terre et à leur culture tout autant que les Juifs s’identifiaient à la leur.


Hans Kohn (1891-1971), sioniste, philosophe et critique du nationalisme, a écrit : « Je ne peux pas être d’accord avec cette politique lorsque le mouvement national arabe est dépeint comme l’agitation gratuite de quelques grands propriétaires terriens. Je ne sais que trop bien que la presse impérialiste la plus réactionnaire d’Angleterre et de France dépeint souvent les mouvements nationaux en Inde, en Égypte et en Chine de la même manière - en bref, partout où les mouvements nationaux des peuples opprimés menacent les intérêts de la puissance coloniale ».

Il écrit : « Nous sommes en Palestine depuis douze ans [depuis 1917] sans avoir une seule fois fait une tentative sérieuse pour rechercher par la négociation le consentement des populations indigènes. Nous nous sommes appuyés exclusivement sur la puissance militaire de la Grande-Bretagne. Nous nous sommes fixé des objectifs qui, par leur nature même, devaient conduire à un conflit avec les Arabes. Nous aurions dû reconnaître que ces objectifs seraient la cause, la juste cause, d’un soulèvement national contre nous... Mais pendant douze ans, nous avons prétendu que les Arabes n’existaient pas et nous étions heureux qu’on ne nous rappelle pas leur existence ».

Avec une prescience lucide, Kohn écrit que sans le consentement des Arabes locaux, l’existence des Juifs en Palestine ne sera possible que « d’abord avec l’aide britannique, puis plus tard avec l’aide de nos propres baïonnettes ... mais à ce moment-là, nous ne pourrons pas nous passer des baïonnettes. Les moyens auront déterminé le but. La Palestine juive n’aura plus rien de ce Sion pour lequel j’ai risqué ma vie ».

Judah Magnes, par Bernard Sanders, 1932

Ihud (Unité) est un nouveau mouvement bi-nationaliste qui succède à Brit Shalom. L’association appelle à un « gouvernement en Palestine basé sur l’égalité des droits politiques pour les deux peuples ». Elle était dirigée par Judah Magnes (1877-1948) et Martin Buber, critiques chevronnés de la politique traditionnelle, ainsi que par la célèbre intellectuelle juive antifasciste Hannah Arendt (1906-1975). Dans une lettre adressée en 1942 à un rabbin réformiste américain, Magnes définit le nationalisme juif comme « malheureusement chauvin, étroit et terroriste dans le meilleur style du nationalisme d’Europe de l’Est ».

Lorsque cette déclaration a été rendue publique, Magnes a été sévèrement critiqué. Il a défendu son point de vue : « Ce que j’avais à l’esprit, ce n’était pas les quelques extrémistes ... mais plutôt des actes précis que certains dirigeants et groupes importants n’ont pas répudiés et qui prennent l’aspect, pour le moins, de ne pas être contraires à leur politique nationale ».

En Palestine même, le leader émergent du nouveau Yichouv est David Ben-Gourion (1886-1973), qui joue un rôle clé dans l’élaboration des politiques du courant sioniste dominant. Celles-ci comprenaient un gouvernement de gauche (B-G était un socialiste modéré) et l’espoir d’une paix avec les Arabes qui serait basée, comme il le disait, sur le “pouvoir juif”.

En 1948, la population totale était composée de 68 % d’Arabes et de 32 % de Juifs. En novembre 1947, à la suite des horreurs de l’Holocauste, les Nations unies ont approuvé une résolution visant à partager le pays entre les deux parties, 61 % des terres allant à l’État juif et 39 % à l’État arabe.

Les Nations unies votent en faveur de la partition, un résultat accueilli avec enthousiasme par le Yichouv, alors même que des violences intercommunautaires éclatent entre les populations juives et arabes. Ben-Gourion déclare l’indépendance, puis une guerre internationale éclate entre l’État juif naissant et cinq pays arabes. Buber déplore que l’État ait été « construit dans le sang » et déclare que même si le Yichouv l’emportait, ce serait une fausse victoire, car ce serait une défaite du véritable idéal sioniste de renaissance nationale – « pas simplement la sécurité de l’existence de la nation », mais la renaissance de sa mission éthique. Pour Buber, la normalisation de l’État juif équivalait à l’assimilation. Les Juifs réussissaient à devenir un État normal, écrivait-il, « à un degré terrifiant »

« Je ne peux pas me réjouir en anticipant la victoire », écrit-il, « car je crains que l’importance de la victoire juive ne soit la chute du sionisme »

Le premier gouvernement israélien a choisi de ne pas autoriser les réfugiés palestiniens à retourner dans leurs villages et sur leurs terres, dont certaines appartenaient à leurs familles depuis des générations. Le jeune gouvernement israélien, confronté à la tâche colossale de construire un pays quasiment à partir de zéro et d’intégrer des réfugiés juifs venus de nombreux pays différents, dont beaucoup parlaient des langues différentes, considérait les réfugiés palestiniens comme un fardeau indésirable et dangereux.

Les appels de pacifistes juifs comme Martin Buber à les accueillir dans le nouvel Israël ont été ignorés. La société israélienne se préparait à ce qui est certainement l’une des réalisations les plus remarquables de l’histoire de l’humanité : la naissance intentionnelle d’un pays, doté d’une nouvelle langue et d’une infrastructure économique, politique, technique, agricole et sociale fonctionnelle, y compris une riche communauté d’artistes, d’écrivains, de musiciens et de philosophes, ainsi que la création d’une nouvelle patrie pour les Juifs orthodoxes (même si nombre d’entre eux continuaient à être officiellement antisionistes et à ne pas reconnaître l’État).

Les réfugiés arabes palestiniens se sont installés dans des camps ou sont devenus des citoyens de seconde zone en Égypte, en Jordanie, en Syrie et au Liban. Un homme d’État arabe de l’époque a déclaré que les camps de réfugiés n’étaient pas une mauvaise chose : ils produiraient les futurs combattants qui détruiraient l’État sioniste injuste.

L’entrée du camp de réfugiés palestiniens d’Al Aida, à Bethléhem

La destruction de la société palestinienne d’avant Israël est connue des Palestiniens sous le nom de “Nakba”, ou Catastrophe, et est commémorée aujourd’hui le lendemain du jour de l’indépendance d’Israël, bien que le gouvernement pénalise financièrement toute institution israélienne qui la reconnaîtrait. Certains Palestiniens portent les clés de leurs anciennes maisons sur des colliers transmis dans leur famille ou fabriquent des “symboles de clés” pour marquer le “droit au retour” qu’ils estiment avoir.

C’est ainsi qu’est né le conflit israélo-palestinien, qui, 76 ans plus tard, fait toujours rage comme une plaie suppurante.

Aujourd’hui, le sionisme est un échec juif et humain.

Le rêve sioniste était qu’Israël fournisse un refuge sûr pour les Juifs, une base à partir de laquelle la culture juive s’épanouirait, et une solution à l’antisémitisme.

Dans la pratique, Israël a connu un état de guerre quasi permanent depuis sa création. Bien qu’à bien des égards, la culture juive y ait effectivement prospéré grâce à ses grandes réussites technologiques et créatives, le maintien et la défense d’un État dont l’identité est exclusivement juive et qui donne la priorité aux Juifs par rapport aux autres a compromis les valeurs éthiques juives fondamentales. Il a totalement échoué à réaliser la vision fondamentale de la culture juive traditionnelle : la création d’une société utopique dédiée à ce que nous croyions être les valeurs de Dieu : une justice édifiante et une bonté réparatrice (chesed u’ mishpat).

Aujourd’hui, en Israël, nous avons une société fondée, fondamentalement, sur la croyance que le pouvoir est synonyme de sécurité, un État-nation qui est une incarnation du golem en grand. Afin de maintenir ce pouvoir, Israël est devenu un marchand d’armes mondial pour les super-vilains et les États tyranniques, un fournisseur de technologies d’espionnage pour les services secrets les plus perfides du monde, et une société qui, afin de préserver son caractère juif, dispose d’une armée massive. Elle est un leader mondial dans le développement d’armes, dispose d’un réseau d’espionnage infâme et rejette et brutalise les réfugiés africains et autres qui cherchent refuge en son sein. Plus grave encore, il persiste dans une occupation illégale et extrêmement destructrice de la Cisjordanie et de Gaza qui s’accompagne, depuis des décennies, d’une oppression routinière et omniprésente et de violations des droits de l’homme, et qui est une source permanente de violence à l’encontre des civils israéliens.

Il est incendiaire de dire cela, mais je pense que la vérité est que le projet sioniste est l’une des principales causes de la haine des Juifs dans le monde aujourd’hui. J’en veux pour preuve le fait que depuis le début du siège israélien de Gaza, les incidents antisémites au Royaume-Uni ont augmenté de près de 1 500 %. (Mise à jour le 9 novembre avec des informations sur les sondages américains). C’est cela notre protection ? C’est notre guérison ? C’est la fin de l’antisémitisme ? Chaque agression violente d’Israël contre les Palestiniens au cours des dernières décennies entraîne une recrudescence du vandalisme antijuif, des discours de haine et des agressions violentes dans le monde entier. Ces mêmes agressions sont ensuite invoquées comme la raison pour laquelle nous avons besoin d’Israël en premier lieu.

Il est peut-être temps de se demander si les Bundistes - des socialistes juifs non sionistes du début du XXe siècle - avaient raison. Ils affirmaient que la liberté juive ne serait acquise que par la liberté pour tous, et non par la construction d’une forteresse militarisée pour nous-mêmes. Une comparaison rapide entre la situation du Canada pluraliste et multiculturel et celle d’Israël semble indiquer qu’ils avaient raison.

Mais qu’en est-il du Hamas ? Son désir d’éliminer l’État sioniste ne prouve-t-il pas que nous avons besoin d’une forteresse militarisée et ne justifie-t-il pas les attaques éclair d’Israël contre ses camps de réfugiés ?

Stephen M. Walt, chroniqueur à Foreign Policy et professeur de relations internationales Robert et Renée Belfer à l’université de Harvard, note qu’ « Israël a pilonné la bande de Gaza lors de l’opération Plomb durci en décembre 2008, l’a refaite lors de l’opération Bordure protectrice en 2014, puis l’a refaite (à plus petite échelle) en mai 2021. Ces attaques ont tué plusieurs milliers de civils (dont peut-être un quart d’enfants) et appauvri davantage la population piégée de Gaza, mais elles ne nous ont pas rapprochés d’une solution durable et juste ».

Sur la plupart des points, le sionisme est donc un échec, un échec qui s’est fait au détriment des droits et de la dignité de millions de Palestiniens et qui a piégé des générations de civils israéliens dans la guerre, la violence et les traumatismes.

Certains Israéliens diront, bien sûr, avec colère et de manière compréhensible : « Êtes-vous en train de dire que tout mon pays bien-aimé est un échec ? »

Il y a beaucoup, beaucoup de choses belles et étonnantes dans la société juive de l’Israël moderne. Mais oui, tout pays qui repose sur les fondations de trois millions de réfugiés déplacés, contrôlés par un appareil de sécurité élaboré et une guerre sans fin, est, jusqu’à présent, un échec.

On est loin de l’ancien rêve juif d’être une lumière pour le monde.

Il y a cependant un moyen par lequel le régime sioniste peut encore être une telle lumière, et c’est dans son échec même.

Le sionisme démontre avec des détails douloureux et horribles la faillite totale de l’idée selon laquelle la solution au problème juif réside dans la puissance et le pouvoir.

L’État moderne d’Israël est un avertissement pour toutes les nations et tous les peuples : la suprématie ethnique, le chauvinisme, l’isolationnisme et la violence non seulement ne sont pas des solutions à nos problèmes, mais les aggraveront considérablement et les propageront au-delà de nos frontières pour infecter le corps politique de l’humanité en général.

Je n’écris pas cela pour inciter à la haine du sionisme ou d’Israël, Dieu m’en garde, mais plutôt pour affirmer que la seule façon d’avancer passe par le démantèlement de la suprématie juive en Israël, le retour des droits politiques aux Palestiniens et un effort de vérité et de réconciliation dans l’ensemble d’Israël/Palestine, comme cela s’est produit en Afrique du Sud.

Ceux qui affirment que nous ne devrions pas critiquer les structures de l’occupation et de l’apartheid en Israël au milieu de cette guerre sont comme ceux qui disent qu’un patient qui se frappe au visage ne devrait pas être diagnostiqué avec la tumeur cérébrale qui en est la cause.

Oui, il faut faire quelque chose d’humain pour immobiliser son bras ; oui, il peut avoir besoin de médicaments contre la douleur, mais nous devons aussi comprendre que la tumeur est la source des problèmes. Les cris "Comment pouvez-vous parler de tumeurs cérébrales alors qu’ils ont des blessures si graves après s’être frappés eux-mêmes !" n’aident pas, surtout quand c’est ce qu’ils crient chaque fois que le patient commence à s’automutiler, année après année après année.

C’est d’autant plus vrai lorsque les personnes présentes dans la pièce injectent activement au patient des produits chimiques qui aggravent la tumeur - si je peux me permettre de pousser la métaphore un peu plus loin - pour couvrir le financement à l’étranger et l’aide militaire que le gouvernement israélien, ouvertement juif et suprémaciste, reçoit des USA et du Canada.

Les dangers très réels associés à une telle voie ne sont pas plus grands que ceux associés à la voie sur laquelle Israël est actuellement engagé. De nombreux Israéliens voient et savent que le statu quo actuel est intolérable, et qu’aucun “État juif” ne vaut la peine de maintenir une prison à ciel ouvert pour 2,3 millions de personnes.

Pendant ce temps, à l’heure où j’écris ces lignes, l’assaut sur les civils palestiniens à Gaza, qui risque d’être génocidaire, se poursuit. La communauté juive ne doit pas soutenir cet effort de guerre, pas plus qu’elle ne doit soutenir l’État d’Israël jusqu’à ce qu’il devienne une démocratie pluraliste et juste pour tous ses peuples.