Nate/Nathan
a travaillé comme journaliste, responsable des relations publiques et de la
communication pour des entreprises, des fonds monétaires, des ONG, des
organisations climatiques et des groupes de défense de la faune sauvage. Il a
vécu et étudié en Angleterre, aux USA et en Espagne. Sa vie
d'adulte a été marquée par un processus de radicalisation. Il est passé d'un
libéral modéré à quelqu'un dont les convictions et la compréhension du monde se
rapprochent davantage de celles d'un révolutionnaire.
Les
développeurs à l’origine de centaines d’applications Android et iPhone
téléchargées des milliards de fois sont d’anciens espions israéliens dont les
applications génèrent des revenus importants pour l’économie de guerre
génocidaire d’Israël.
Les
applications que j’ai identifiées vont des applications inoffensives d’édition
d’images et de vidéos aux jeux occasionnels, et la plupart des utilisateurs ne
se rendent pas compte qu’ils installent des produits israéliens sur leurs
téléphones. Beaucoup de ces développeurs d’applications opèrent dans l’ombre,
leurs structures de propriété sont opaques et l’identité de leurs propriétaires
n’est généralement pas connue.
L’identification
de ces applications devrait ajouter une nouvelle dimension au mouvement de
boycott, de désinvestissement et de sanctions, car elle offre aux citoyens
ordinaires un moyen simple d’éviter les produits israéliens qui contribuent à l’apartheid,
au génocide et au nettoyage ethnique.
La
prolifération de ces applications sur l’App Store d’Apple et le Google Play
Store soulève également des questions sur la confidentialité et la collecte de
données personnelles, compte tenu de la réputation de la technologie
israélienne et des scandales passés impliquant des logiciels espions introduits
clandestinement dans des appareils par des applications fabriquées en Israël.
L’une des
plus importantes sociétés holding et développeurs d’applications israéliennes
est ZipoApps, dont le modèle consiste à racheter et à monétiser des
applications à grande échelle. Les applications détenues par Zipo (également
connue sous le nom de Rounds.com) comprennent une suite d’applications d’édition
de photos et de vidéos qui ont été téléchargées des centaines de millions de
fois. Parmi les applications individuelles, on trouve Collage Maker Photo
Editor et Instasquare Photo Editor : Neon, qui ont toutes deux été téléchargées
plus de 50 millions de fois sur le Google Play Store. Parmi les autres produits
de ZipoApps, on trouve des outils d’édition et de retouche de photos de bébés.
En 2022, le fondateur et PDG de Zipo, Gal Avidor, a déclaré lors d’une
interview (sa seule interview à ce jour) que tous les fondateurs de la société
sont d’anciens membres des services de renseignement israéliens de l’unité
8200. Sur Reddit, les utilisateurs se sont plaints de l’approche de ZipoApps en
matière de confidentialité et d’exploration de données. Un groupe d’outils
populaire connu sous le nom de Simple Gallery est passé d’un produit gratuit et
open source à un produit payant avec des publicités et des traceurs seulement
une semaine après son acquisition par ZipoApps.
Une autre
application de retouche photo israélienne disponible sur le Play Store est
Bazaart, qui utilise l’intelligence artificielle. Elle a été fondée par Dror
Yaffe et Stas Goferman, deux anciens officiers du renseignement de l’armée
israélienne. Goferman a largement dépassé la durée de son service obligatoire,
passant une décennie dans l’armée israélienne jusqu’en 2011.
Facetune,
développée par Lightricks et disponible sur Android et iPhone, est une autre
application israélienne de retouche photo qui compte plus de 50 millions d’installations.
Les utilisateurs de l’Apple Store ont qualifié Facetune, qui exige l’accès à
des identifiants uniques et à votre emplacement, d’arnaque. Le cofondateur de
Lightricks, Yaron Inger, a passé cinq ans dans l’unité 8200.
Si vous
aimez les jeux mobiles ou si vous créez des jeux mobiles pour les vendre, vous
avez certainement déjà rencontré la société israélienne Supersonic de Unity,
sans le savoir. Avec des milliards de téléchargements ces dernières années,
Supersonic est l’un des plus grands éditeurs de jeux mobiles au monde, avec un
chiffre d’affaires estimé à environ 23 millions de dollars par an. Au début de
l’année, la société a annoncé qu’elle détenait trois des dix jeux mobiles les
plus téléchargés au monde par les joueurs occasionnels : Build a Queen, Going
Balls et Bridge Race. Trash Tycoon est un autre titre populaire. La société
propose également un jeu appelé « Conquer Countries », qui a été téléchargé des
millions de fois et dont la publicité met en scène une version caricaturale de
Donald Trump. Le fondateur de Supersonic, Nadav Ashkenazy, a passé sept ans et
demi dans l’armée israélienne, où il a gravi les échelons jusqu’à devenir chef
des opérations de l’armée de l’air israélienne, dirigeant près de la moitié du
personnel à temps plein. Vous pouvez voir tous les jeux de Supersonic ici.
Playtika est
un autre développeur israélien d’applications de jeux mobiles plus connu, dont
nous n’avons pas besoin d’estimer les revenus. Cotée au NASDAQ, Playtika génère
plus de 2,5 milliards de dollars de revenus, ce qui représente des recettes
fiscales importantes pour la machine de guerre israélienne. Playtika, qui
développe des applications de jeux d’argent, est étroitement liée à la machine
de guerre génocidaire israélienne. La société a été fondée par Uri Shahak, fils
de l’ancien chef de l’armée israélienne, Amnon Lipkin-Shahak, et son rapport
annuel de l’année dernière a révélé que 14 % de son personnel avait été appelé
en tant que réservistes pour participer au génocide à Gaza. L’actuel PDG,
Robert Antokol, affirme que la société a une « responsabilité » envers Israël
et que les impôts payés par son personnel sont « merveilleux pour l’économie
israélienne ».
Une autre
entreprise israélienne dont les applications ont été téléchargées des milliards
de fois est Crazy Labs. Avec une valeur estimée à environ 1 milliard de dollars
et un chiffre d’affaires estimé à 200 millions de dollars, Crazy Labs est un
autre fabricant d’applications qui fait partie intégrante de l’économie
israélienne. Ses titres les plus vendus sont Phone Case DIY, Miraculous Ladybug
& Cat Noir et Sculpt People. Vous pouvez consulter la liste complète des
applications Crazy Lab sur le Google Play Store. Les fondateurs
de Crazy Labs sont tous d’anciens membres de l’armée israélienne, y compris
Sagi Schliesser, qui a largement dépassé la durée de son service obligatoire en
restant dans l’armée et en contribuant à la mise en place de l’architecture
numérique de l’apartheid pendant huit ans.
Moovit est
une application dont vous avez peut-être entendu parler, mais dont vous ne
saviez pas qu’elle était israélienne. Cette application de transport urbain a
été fondée par plusieurs anciens membres de l’armée israélienne, dont Nir Erez,
qui a passé plusieurs années au centre informatique spécialisé de l’armée
israélienne, connu sous le nom de Mamram, qui, selon la propagande israélienne, forme
des « cyber-guerriers ». En tant qu’unité chargée de gérer l’intranet de l’armée,
Mamram joue un rôle central dans le génocide perpétré par Israël à Gaza.
Moovit, qui compte près d’un milliard d’utilisateurs et génère des revenus
importants pour Israël, est un partenaire officiel des Jeux olympiques, des championnats d’Europe de
football et partenaire de Microsoft.
Avec des
centaines de millions d’installations, Call App, qui filtre les appels
téléphoniques indésirables, est un autre produit de l’économie militaire
israélienne. Le fondateur et PDG de Call App, Amit On, a passé trois ans dans l’unité
8200 dans les années 2000. L’application compte plus de 100 millions d’utilisateurs.
Dans le
domaine des services de transport à la demande, Gett, qui se concentre sur les
passagers d’affaires et est particulièrement populaire à Londres pour commander
des taxis noirs, a été fondée par les anciens membres de l’unité 8200 Roi More
et Shahar Waiser. Il convient également de mentionner l’application de
navigation GPS Waze, probablement l’application israélienne la plus célèbre de
la dernière décennie, rachetée par Google en 2013 pour 1,3 milliard de dollars
et également fondée par d’anciens espions de l’unité 8200.
Une autre
application israélienne à croissance rapide qui a été présentée dans l’émission
d’Oprah, dans le New York Times et sur CNN est Fooducate, dont le fondateur,
Hemi Weingarten, a participé à des missions de bombardement pour l’armée de l’air
israélienne.
Parmi les
autres vétérans de l’armée de l’air israélienne à l’origine d’applications
populaires, on trouve le couple Gilad et Liat Mordechay Hertanu, qui gèrent l’application
d’assistant personnel et de synchronisation de calendrier 24me. Liat était
officier dans l’armée de l’air israélienne, tandis que Gilad était pilote et a
participé à des missions de bombardement.
Cette
révélation, qui fait suite à mes enquêtes sur l’ancienne unité 8200 développant
l’IA pour les géants de la technologie et sur les anciens soldats de l’armée
israélienne travaillant chez Meta et Google, confirme encore davantage à quel
point Israël est profondément et insidieusement ancré dans nos vies numériques.
Ces enquêtes
révèlent également à quel point Israël dépend fondamentalement de sa domination
permanente sur les Palestiniens, car la seule chose de valeur que produit le
pays sont les entreprises technologiques fondées par d’anciens membres de l’armée
israélienne. Sans la possibilité de former ses citoyens à devenir des espions
et des soldats, et de massacrer les Palestiniens à volonté, l’économie
israélienne s’effondrerait.
Pourtant, la
plupart des personnes qui utilisent ces applications les ont téléchargées de
bonne foi, sans se douter qu’elles contribuent à l’économie d’occupation, d’apartheid
et de génocide d’Israël.
De plus, ces applications collectent des
informations et des données, y compris de grandes quantités d’images
personnelles, et les transmettent aux partisans d’Israël qui s’engagent à maintenir
le pays en tant qu’État d’apartheid.
Vérifiez
donc votre téléphone et faites passer le mot.
Délégitimer, retirer le financement et supprimer
les produits israéliens est une mesure simple que nous pouvons tous prendre
pour aider à démanteler la machine génocidaire d’Israël.
« Un
an après les attentats du 7 octobre, Netanyahou est sur une lancée victorieuse » :
tel est le titre d’un récent article d’Axios
décrivant le Premier ministre israélien sur une vague imbattable de triomphes.
Ces « succès » militaires stupéfiants, note l’auteur Barak Ravid, comprennent
le bombardement du Yémen, l’assassinat du chef du Hamas Ismail Haniyeh et du
chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, ainsi que les attentats aux bipeurs contre
le Liban.
Le même
auteur est récemment devenu viral pour un article affirmant que les attaques
israéliennes contre le Hezbollah « n’ont pas pour but de mener à la guerre mais
sont une tentative de “désescalade par l’escalade” ». Les utilisateurs des
médias sociaux se sont moqués de Ravid pour ce raisonnement bizarre et
orwellien. Mais ce qui a échappé à presque tout le monde, c’est que Barak Ravid
est un espion israélien - ou du moins il l’était jusqu’à récemment. Ravid [né en 1980] est un
ancien analyste de l’agence
d’espionnage israélienne Unité 8200. Jusqu’en mars 2023, il était réserviste
des Forces de défense israéliennes.
L’Unité
8200 est l’organisation d’espionnage la plus importante et peut-être la plus
controversée d’Israël. Elle est responsable de nombreuses opérations d’espionnage
et de terreur très médiatisées, dont le récent attentat aux bipeurs qui a
blessé des milliers de civils libanais. Comme le révélera cette enquête, Ravid
est loin d’être le seul ancien espion israélien à travailler dans les
principaux médias usaméricains, s’efforçant de susciter le soutien de l’Occident
aux actions de son pays.
L’initié
de la Maison Blanche
Ravid est
rapidement devenu l’une des personnalités les plus influentes du corps de
presse du Capitole. En avril, il a remporté le prestigieux prix des
correspondants de presse de la Maison-Blanche « pour l’excellence globale de sa
couverture de la Maison-Blanche », l’une des plus hautes distinctions du
journalisme usaméricain. Les juges ont été impressionnés par ce qu’ils ont décrit comme «
des niveaux profonds, presque intimes, d’approvisionnement en sources aux USA
et à l’étranger » et ont sélectionné six articles comme étant des travaux
journalistiques exemplaires.
La
plupart de ces articles consistaient simplement à publier des sources anonymes
de la Maison Blanche ou du gouvernement israélien, à les mettre en valeur et à distancier
le président Biden des horreurs de l’attaque israélienne contre la Palestine.
Ainsi, il n’y avait pratiquement aucune différence entre ces articles et les
communiqués de presse de la Maison Blanche. Par exemple, l’un des articles
retenus par les juges était intitulé « Scoop : Biden dit à Bibi qu’une pause de
trois jours dans les combats pourrait aider à obtenir la libération de certains
otages », et présentait le 46e président des USA comme un
humanitaire dévoué, déterminé à réduire les souffrances. Un autre article
décrivait la « frustration » de Biden à l’égard de Netanyahou et du
gouvernement israélien.
Des
protestataires avaient appelé les
journalistes à bouder l’événement par solidarité avec leurs confrères tombés à
Gaza (ce qui, à l’heure où nous écrivons ces lignes, représente au moins 128
journalistes). Non seulement l’événement n’a pas été boycotté,
mais les organisateurs ont décerné leur prix le plus prestigieux à un
fonctionnaire des services de renseignement israéliens devenu reporter, qui s’est
forgé la réputation d’être peut-être le sténographe le plus consciencieux du
pouvoir à Washington.
Ravid s’est
vu remettre personnellement le prix par le président Biden, qui l’a embrassé
comme un frère. Le fait qu’un (ancien) espion israélien connu puisse serrer
Biden dans ses bras de cette manière en dit long non seulement sur les
relations intimes entre les USA et Israël, mais aussi sur la mesure dans
laquelle les médias de l’establishment sont redevables au pouvoir politique.
Ravid s’est
fait un nom en publiant sans esprit critique des informations flatteuses qui
lui sont communiquées par le gouvernement usaméricain ou israélien et en les
faisant passer pour des scoops. En avril, il a écrit que « le
président Biden a lancé un ultimatum au premier ministre israélien Benjamin
Netanyahou lors de leur conversation téléphonique de jeudi : Si Israël ne
change pas de cap à Gaza, « nous ne serons pas en mesure de vous soutenir » »,
et qu’il “ exerçait sa plus
forte pression pour mettre fin aux combats à Gaza après six mois de guerre, et
avertissait pour la première fois que la politique américaine sur la guerre
dépendrait de l’adhésion d’Israël à ses demandes”, qui incluaient “un
cessez-le-feu immédiat”. En juillet, il a répété
que
des sources anonymes lui avaient dit que Netanyahou et Israël s’efforçaient de
trouver « une solution diplomatique », une autre affirmation très douteuse.
D’autres
articles de Ravid suivent le même schéma :
Cet
acharnement à blanchir l’administration Biden a suscité de nombreuses moqueries
en ligne.
« AXIOS
EXCLUSIF : Après avoir vendu à Netanyahou des millions de dollars d’armes,
Biden a joué - à haute voix – ‘Bad Blood’ de Taylor Swift. Tout le monde
pouvait l’entendre, dit une source proche de Biden », a tweeté
l’
utilisateur X David Grossman. « Je continue à donner des tas d’argent et d’armes,
mais je secoue la tête pour que tout le monde sache que je ne suis pas d’accord
», a écrit le comédien Hussein Kesvani, en réponse au dernier article de Ravid
suggérant que Joe Biden est devenu “de plus en plus méfiant” à l’égard du
gouvernement israélien.
Tout au
long de cette prétendue rupture entre les USA et Israël, l’administration Biden
a continué à soutenir avec enthousiasme les offensives israéliennes, à bloquer
les
résolutions de cessez-le-feu et la création d’un État palestinien à l’ONU, et a
envoyé pour 18
milliards de dollars d’armes à Israël au cours des 12 derniers mois. Ainsi,
aussi discutables que soient les rapports d’Axios, ils jouent un rôle vital
pour Washington, en permettant à l’administration Biden de se distancier de ce
que les organismes internationaux ont qualifié de génocide. La fonction de
Ravid a été de fabriquer un consentement pour le gouvernement parmi les élites
libérales qui lisent Axios, leur permettant de continuer à croire que les USA
sont un honnête courtier pour la paix au Machrek plutôt qu’un complice clé d’Israël.
Ravid ne
cache pas son mépris affiché pour les Palestiniens. En septembre, il a retweeté un
message dans lequel on pouvait lire : « C’est le PaliNazi : C’est la
méthode des PaliNazis... ils empochent des concessions sans rien donner en
retour et utilisent ensuite ces concessions comme base de référence pour le
prochain cycle de négociations. Les PaliNazis ne savent pas dire la vérité ».
Moins d’une
semaine plus tard, il a fait la
promotion de l’ affirmation très douteuse du ministre israélien
de la Défense, Yoav Gallant, selon laquelle les forces de défense israéliennes
avaient trouvé une photo des enfants du chef des Brigades al-Qassam, Mohammed
Sinwar, célébrant devant une immense photo d’avions frappant le World Trade
Center. Gallant a déclaré qu’ils avaient trouvé cette photo - essayant
clairement d’associer faussement les Palestiniens au 11 septembre - dans un
tunnel « où les frères Sinwar se cachaient comme des rats ».
Une
agence d’espionnage tristement célèbre
Fondée en
1952, l’Unité 8200 est la division la plus importante et la plus controversée
de l’armée israélienne.
Responsable
des opérations secrètes, de l’espionnage, de la surveillance et de la
cyberguerre, le groupe est au centre de l’attention mondiale depuis le 7
octobre 2023. Il est largementidentifié comme l’organisation
à l’origine du tristement célèbre attentat aux bipeurs au Liban, qui a fait au
moins neuf morts et environ 3 000 blessés. Alors que beaucoup en Israël (et
Ravid lui-même) ont salué l’opération comme un succès, elle a été condamnée
dans le monde entier comme un acte de terrorisme flagrant, y compris par l’ancien
directeur de la CIA, Leon Panetta.
L’Unité
8200 a également établi une
liste de personnes à abattre pour Gaza, alimentée par l’intelligence
artificielle, suggérant des dizaines de milliers d’individus (y compris des
femmes et des enfants) à assassiner. Ce logiciel a été le principal mécanisme
de ciblage utilisé par les FDI au cours des premiers mois de leur attaque
contre cette bande densément peuplée.
Décrite
comme le Harvard israélien, l’Unité 8200 est l’une des institutions les plus
prestigieuses du pays. Les parents dépensent des fortunes pour que leurs
enfants suivent des cours de sciences et de mathématiques, dans l’espoir qu’ils
soient choisis pour y servir, ce qui leur ouvrirait les portes d’une carrière
lucrative dans le secteur florissant de la haute technologie en Israël.
L’unité
sert également de pièce maîtresse à l’appareil d’État répressif futuriste d’Israël.
En utilisant des quantités gigantesques de données compilées sur les
Palestiniens en suivant leurs moindres mouvements grâce à des caméras de
reconnaissance faciale, en surveillant leurs appels, leurs messages, leurs
courriels et leurs données personnelles, l’Unité 8200 a créé un filet
dystopique qu’elle utilise pour surveiller, harceler et réprimer les
Palestiniens.
L’Unité
8200 constitue des dossiers sur chaque Palestinien, y compris ses antécédents
médicaux, sa vie sexuelle et ses recherches, afin que ces informations puissent
être utilisées ultérieurement à des fins d’extorsion ou de chantage. Si, par
exemple, un individu trompe son conjoint, a désespérément besoin d’une
opération médicale ou est secrètement homosexuel, ces informations peuvent être
utilisées pour transformer des civils en informateurs et en espions pour le
compte d’Israël. Un ancien agent de l’Unité 8200 a déclaré que,
dans le cadre de sa formation, il devait mémoriser différents mots arabes pour
« gay » afin de pouvoir les repérer dans les conversations.
Les
agents de l’Unité 8200 ont ensuite créé certaines des applications les plus
téléchargées au monde et un grand nombre des programmes d’espionnage les plus
tristement célèbres, dont Pegasus. Pegasus a été utilisé pour surveiller des
dizaines de dirigeants politiques dans le monde entier, dont Emmanuel Macron en
France, Cyril Ramaphosa en Afrique du Sud et Imran Khan au Pakistan.
Le
gouvernement israélien a autorisé la vente de Pegasus à la Central Intelligence
Agency, ainsi qu’à certains des gouvernements les plus autoritaires de la
planète. L’Arabie saoudite, notamment, a utilisé le logiciel pour surveiller le
journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi avant qu’il ne soit
assassiné par des agents saoudiens en Turquie.
Une
récente enquête
de
MintPress News a révélé qu’une grande partie du marché mondial des VPN est
détenue et exploitée par une société israélienne dirigée et cofondée par un
ancien élève de l’Unité 8200.
En 2014,
43 réservistes de l’Unité 8200 ont
rédigé une déclaration commune dans laquelle ils déclaraient ne plus
vouloir servir dans cette unité en raison de ses pratiques contraires à l’éthique,
qui consistaient notamment à ne pas faire de distinction entre les citoyens
palestiniens ordinaires et les terroristes. La lettre indiquait également que
leurs renseignements étaient transmis à des politiciens locaux puissants, qui
les utilisaient comme bon leur semblait.
Cette
déclaration publique a hérissé Ravid de colère à l’égard de ses collègues. À la
suite de ce scandale, Ravid s’est rendu à la radio de l’armée israélienne pour attaquer les
dénonciateurs. Il a déclaré que s’opposer à l’occupation de la Palestine
revenait à s’opposer à Israël lui-même, l’occupation étant une « partie »
fondamentale d’Israël. « Si le problème est vraiment l’occupation, a-t-il dit,
alors vos impôts sont aussi un problème - ils financent le soldat au poste de
contrôle, le système éducatif... et 8200 est une belle blague ».
Si l’on
met de côté les commentaires de Ravid, une question se pose : est-il vraiment
acceptable que des membres d’un groupe conçu pour infiltrer, surveiller et
cibler des populations étrangères, qui a produit un grand nombre des
technologies d’espionnage les plus dangereuses et les plus invasives de la
planète, et qui est largement considéré comme étant à l’origine d’attaques
terroristes internationales sophistiquées, écrivent les news des USAméricains
sur Israël et la Palestine ? Quelle serait la réaction si des personnalités des
médias usaméricains s’avéraient être des agents de renseignement du Hezbollah,
du Hamas ou du FSB russe ?
Nouvelles
d’Israël, livrées par Israël
Ravid est
loin d’être le seul journaliste influent aux USA à entretenir des liens étroits
avec l’État israélien. Shachar
Peled a passé trois ans en tant qu’officier de l’unité 8200, à la
tête d’une équipe d’analystes spécialisés dans la surveillance, le
renseignement et la cyberguerre. Elle a
également travaillé comme analyste technologique pour le Shin Bet, le service
de renseignement israélien. En 2017, elle a été engagée comme productrice et
rédactrice par CNN et a passé trois ans à préparer des segments pour les
émissions de Fareed Zakaria et Christiane Amanpour. Google l’a ensuite engagée
pour devenir sa spécialiste principale des médias.
L’ancienne
espionne israélienne Shachar Peled a travaillé pour la chaîne israélienne i24
News avant d’être embauchée par CNN, puis par Google.
Tal
Heinrich est un autre agent de l’Unité 8200 qui a
travaillé pour CNN. Heinrich a passé trois ans en tant qu’agent de l’Unité
8200. Entre 2014 et 2017, elle a été productrice sur le terrain et à la
rédaction du bureau de CNN à Jérusalem, notoirement pro-israélien, où elle a
été l’une des principales journalistes à façonner la compréhension par l’USAmérique
de l’opération « Bordure protectrice », le bombardement israélien de
Gaza qui a tué plus de 2 000 personnes et laissé des centaines de milliers de
personnes déplacées. Heinrich a ensuite quitté CNN et est aujourd’hui la
porte-parole officielle du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
La
tendance de CNN à l’embauche de personnalités de l’État israélien se poursuit
encore aujourd’hui. Tamar Michaelis, par exemple, travaille actuellement pour
la chaîne et produit une grande partie de son contenu sur Israël et la
Palestine. Elle a pourtant été
porte-parole officielle des Forces de défense israéliennes (FDI).
Anat Schwartz avait liké un gazouillis d'un autre sioniste appelant à "transformer la bande de Gaza en abattoir", exemple cité par l'Afrique du Sud dans sa plainte à la CIJ contre Israël pour génocide. Elle a finalement été virée par le New York Times
Le New
York Times, quant à lui, a embauché Anat Schwartz, une ancienne officière de
renseignement de l’armée de l’air israélienne sans aucune expérience
journalistique. Schwartz a coécrit le fameux article« Screams
Without Words », aujourd’hui discrédité, qui
affirmait que des combattants du Hamas avaient systématiquement violé des
Israéliennes le 7 octobre. Le personnel du Times lui-même s’est révolté
devant l’absence de preuves et de vérification des faits dans l’article.
Plusieurs
employés du New York Times, dont l’éditorialiste vedette David Brooks,
ont des enfants qui servent
dans
les forces de défense israéliennes ; alors même qu’ils font des reportages ou
émettent des opinions sur la région, le Times n’a jamais révélé ces
conflits d’intérêts flagrants à ses lecteurs. Il n’a pas non plus révélé qu’il
avait acheté pour sa cheffe de bureau Jodi Rudoren une maison à Jérusalem qui avait été volée
à la famille de l’intellectuelle palestinienne Ghada Karmi en 1948.
"Comment réussir dans le journalisme sans vraiment prendre un diplôme" : BD à la gloire de Jeff Goldberg sur le site ouèbe de l'Université de Pennsylvanie
MintPress
News a
interviewé Ghada Karmi l’année dernière à propos de son dernier livre et
des tentatives israéliennes de la faire taire. Jeffrey Goldberg (un USAméricain),
ancien rédacteur du New York Times Magazine et actuel rédacteur en chef
de The Atlantic, avait abandonné ses études à l’université de Pennsylvanie
pour se porter volontaire en tant que gardien de prison des FDI pendant la
première Intifada (soulèvement) palestinienne. Dans ses mémoires, Goldberg a révélé que,
lorsqu’il servait dans les FDI, il a aidé à dissimuler les mauvais traitements
infligés aux prisonniers palestiniens.
Les
entreprises de médias sociaux sont elles aussi remplies d’anciens agents de l’Unité
8200. Une étude
réalisée par MintPress en 2022 a révélé que pas moins de 99
anciens agents de l’Unité 8200 travaillaient pour Google.
Marine Le Pen jeune ? Non, Emi Palmor
Facebook
emploie également des dizaines d’anciens espions de cette unité controversée. C’est
le cas d’Emi Palmor, qui siège au conseil de surveillance de Meta. Ce comité de
21 personnes décide en dernier ressort de l’orientation de Facebook, d’Instagram
et des autres offres de Meta, en se prononçant sur les contenus à autoriser, à
promouvoir et à supprimer. Human Rights Watch a formellement condamné Meta
pour sa suppression systématique des voix palestiniennes sur ses plateformes. L’organisation
a recensé plus de 1 000 cas de censure ouvertement anti-palestinienne pour les
seuls mois d’octobre et de novembre 2023. Une mesure de cette partialité est
mise en évidence par le fait que, à un moment donné, Instagram a
automatiquement inséré le mot «
terroriste » dans les profils des utilisateurs qui se disaient palestiniens.
Malgré
les affirmations répandues par des politiciens usaméricains selon lesquelles
elle est un foyer de racisme anti-israélien et antisémite, TikTok emploie
également de nombreux anciens agents de l’Unité 8200 à des postes clés de son
organisation. Par exemple, en 2021, elle a embauché Asaf
Hochman en tant que responsable mondial de la stratégie des produits
et des opérations. Avant de rejoindre TikTok, Hochman a passé plus de cinq ans
en tant qu’espion israélien. Il travaille aujourd’hui pour Meta.
Censure
pro-israélienne de haut en bas
Lorsqu’il
s’agit de l’attaque d’Israël contre ses voisins, les médias capitalistes ont
toujours fait preuve d’un parti pris pro-israélien. Le New York Times,
par exemple, s’abstient
régulièrement d’identifier l’auteur des violences lorsqu’il s’agit de l’armée
israélienne et décrit le génocide
de 750 000 Palestiniens en 1948 comme une simple « migration ». Une étude de la
couverture du journal a révélé que des mots tels que « massacre » et « horrible
» apparaissent 22 fois plus souvent lorsqu’il est question des morts israéliens
que des morts palestiniens, malgré la disparité gigantesque du nombre de
personnes tuées dans les deux camps.
Pendant
ce temps, dans un reportage sur la façon dont les soldats israéliens ont tiré
335 balles sur une voiture dans laquelle se trouvait une enfant palestinienne
et ont ensuite tiré sur les secouristes venus la sauver, CNN a imprimé
le
titre « Five-year-old Palestinian girl found dead after being trapped in car
with dead relatives » (une fillette palestinienne de cinq ans retrouvée morte
après avoir été piégée dans une voiture avec des parents décédés) - un titre
qui pourrait être interprété comme signifiant que sa mort était un accident
tragique.
Ce type
de reportage n’est pas le fruit du hasard. En fait, il vient directement du
sommet de la hiérarchie. Une note de
service duNew York Times datant de novembre et ayant fait l’objet
d’une fuite révèle que la direction de l’entreprise a explicitement demandé à
ses journalistes de ne pas utiliser des mots tels que « génocide », « massacre
» et « nettoyage ethnique » lorsqu’ils évoquent des actions d’Israël. Le
personnel du Times doit s’abstenir d’utiliser des mots tels que « camp
de réfugiés », « territoire occupé » ou même « Palestine » dans ses reportages,
ce qui rend presque impossible la transmission de certains des faits les plus
élémentaires à son public.
Le
personnel de CNN est soumis à des pressions similaires. En octobre dernier, le
nouveau directeur général Mark Thompson a envoyé une note
de service à l’ensemble du personnel, lui demandant de veiller à ce que le
Hamas (et non Israël) soit présenté comme responsable de la violence, de
toujours utiliser l’expression « contrôlé par le Hamas » lorsqu’il est question
du ministère de la santé de Gaza et de ses chiffres de mortalité civile, et lui
interdisant de rendre compte du point de vue du Hamas, dont le directeur
principal des normes et pratiques en matière d’information a déclaré au
personnel qu’il n’était « pas digne d’intérêt » et qu’il s’agissait de « rhétorique
incendiaire et de propagande ».
Le Times
et CNN ont tous deux licencié de nombreux journalistes en raison de leur
opposition aux actions israéliennes ou de leur soutien à la libération de la
Palestine. En novembre, Jazmine Hughes, du Times, a été renvoyée après
avoir signé une
lettre ouverte s’opposant au génocide en Palestine. L’année précédente, le
journal avait mis fin
au
contrat de Hosam Salem à la suite d’une campagne de pression menée par le
groupe pro-israélien Honest
Reporting. Et le présentateur de CNN Marc Lamont Hill a été brusquement
licencié en 2018
pour avoir appelé à la libération de la Palestine dans un discours aux Nations
unies.
Les
grandes organisations comme Axios, CNN et le New York Times
savent évidemment qui elles embauchent. Il s’agit de certains des emplois les
plus recherchés dans le journalisme, et des centaines de candidats postulent
probablement pour chaque poste. Le fait que ces organisations choisissent de
sélectionner des espions israéliens avant tout autre candidat soulève de
sérieuses questions quant à leur crédibilité journalistique et leur objectif.
Engager
des agents de l’unité 8200 pour produire des news usaméricaines devrait
être aussi impensable que d’employer des combattants du Hamas ou du Hezbollah
comme reporters. Pourtant, d’anciens espions israéliens sont chargés d’informer
le public usaméricain sur les offensives en cours de leur pays contre la
Palestine, le Liban, le Yémen, l’Iran et la Syrie. Qu’en est-il de la
crédibilité et de la partialité de nos médias ?
Étant
donné qu’Israël ne pourrait pas poursuivre cette guerre sans l’aide des USA, la
bataille pour le contrôle des cerveaux yankees est aussi importante que les
actions sur le terrain. Et au fur et à mesure que la guerre de propagande se
poursuit, la frontière entre journaliste et combattant s’estompe. Le fait que
nombre des principaux journalistes qui nous fournissent des informations sur
Israël et la Palestine soient littéralement d’anciens agents des services de
renseignement israéliens ne fait que le souligner.
Le Prix Pulitzer au New York Times pour sa couverture du génocide de Gaza: une grosse farce
Omer Benjakob est journaliste spécialisé dans la désinformation et la cybernétique pour Haaretz. Il a fait partie du consortium de journalisme d'investigation Project Pegasus et s'intéresse à l'intersection entre la technologie et la politique. Il écrit également sur Wikipédia. Benjakob est né à New York et a grandi à Tel Aviv. Il est titulaire d'une licence en sciences politiques et en philosophie, a obtenu une maîtrise en philosophie des sciences et est chargé de recherche au Learning Planet Institute à Paris. @omerbenj
Defense Prime, qui a recruté au
moins quatre pirates informatiques israéliens, n’est que le dernier exemple en
date des entreprises usaméricaines et européennes qui se lancent dans le
cyberjeu offensif, alors qu’Israël met au pas le groupe NSO et ses semblables
L’offre d’emploi a été publiée il y
a environ deux mois en hébreu sur la page LinkedIn du principal chasseur de
têtes de hackers israéliens. Le poste : chercheur senior en vulnérabilités -
terme industriel désignant un pirate informatique capable de trouver des
failles dans les mécanismes de défense de différents systèmes technologiques. Lieu
: Espagne. Employeur : Une nouvelle “startup israélo-américaine” qui opère
actuellement “sous les radars”, comme l’indique l’annonce.
Le salaire, Haaretz l’a
confirmé, est le double de celui versé par les entreprises israéliennes actives
sur le marché déjà lucratif de la cybernétique
offensive. Les
candidats qui obtiennent le poste bénéficient également d’un déménagement
entièrement financé pour eux et leur famille d’Israël à Barcelone.
L’annonce ne mentionne aucun nom,
mais Haaretz peut confirmer que l’entreprise qui se cache derrière est
Defense Prime, une nouvelle cyber-entreprise fondée par des Israéliens
expatriés aux USA. Elle est enregistrée aux USA et ses opérations naissantes
sont menées dans le cadre de la législation et de la réglementation usaméricaines
- tout en essayant d’inciter les Israéliens à abandonner leur travail dans des
entreprises telles que NSO et à choisir de travailler aux USA, ou du moins avec
les USA.
Haaretz a appris qu’au cours des derniers
mois, au moins quatre pirates informatiques chevronnés ont quitté leur emploi
en Israël, dans des entreprises appartenant à des Israéliens ou même dans l’establishment de la défense israélienne pour rejoindre la nouvelle
entreprise. Deux de ces chercheurs chevronnés ont en fait quitté deux
entreprises locales de cyber-armes, qui ont également perdu un expert en
sécurité des opérations qui a récemment rejoint Defense Prime. L’un des autres
pirates informatiques chevronnés vient d’une entreprise israélienne de Singapour,
et un autre a été recruté au sein d’un organisme de défense israélien. Selon l’une
des nombreuses sources qui ont parlé à Haaretz pour cet article, le
chercheur était considéré comme un grand talent et son départ vers la nouvelle
entreprise est considéré comme un coup dur potentiel pour les capacités
cybernétiques de l’État israélien.
Il ne s’agit pas seulement de
talents : selon des sources, l’entreprise a également discuté de la possibilité
d’acheter des actifs de Quadream, une entreprise israélienne de cyberoffensive qui a récemment fermé ses portes.
Il s’agit de la dernière d’une série d’entreprises similaires qui ont cessé
leurs activités après la crise dans ce domaine controversé, aujourd’hui au cœur
d’une crise entre Israël et les USA, et leurs institutions de défense
respectives. Contrairement à l’embauche de pirates informatiques, la vente de
toute technologie provenant d’une entreprise comme Qaudream, spécialisée dans
le piratage des iPhones, nécessite l’autorisation du ministère israélien de la défense.
L’école militaire de formation à la
cyberguerre Ashalim, située au CyberSpark de Beer Sheva (inauguré en 2014),
forme de 500 à 600 cyberguerriers par an, destinés à l’exercice de tâches dans
tous les secteurs de l’armée israélienne et dans le secteur privé en Israël et
dans le monde. Ce cyber-campus a servi de modèle au Cyber Campus de La Défense
à Paris, voulu par Emmanuel Macron et inauguré en 2022
Crise des
logiciels espions
Il n’est pas le seul : au cours des
deux dernières années, depuis que la crise entre Israël et les USA a éclaté à
la suite d’une série de révélations concernant l’utilisation abusive du logiciel
espion Pegasus de NSO, des dizaines
de pirates informatiques israéliens et d’autres personnes employées dans le
domaine de la cybernétique offensive ont quitté le pays pour travailler à l’étranger.
Certains sont partis travailler pour d’autres Israéliens qui opéraient déjà en dehors
du pays et de ses mécanismes de contrôle. D’autres rejoignent des entreprises
étrangères basées en Europe ou aux USA - des entreprises qui, selon certaines
sources, bénéficient également du soutien de leurs services de renseignement
locaux non israéliens. Elles notent l’augmentation du nombre de sociétés
italiennes et espagnoles en particulier, mais il s’agit surtout de sociétés
soutenues par l’establishment de la défense et la communauté du renseignement usaméricains.
Defense Prime n’est que la plus
récente et la plus bruyante de ce que les sources disent être une nouvelle
génération de cyber-entreprises non-israéliennes actuellement en pleine
ascension et prenant une part du talent et de la part de marché de leurs
concurrents israéliens. Selon des sources et une enquête menée par Haaretz,
l’entreprise rejoint une liste croissante d’entreprises nouvelles ou existantes
qui ont considérablement développé leurs activités au cours des deux dernières
années, parallèlement aux tentatives visant à contrôler l’industrie cybernétique israélienne et à mettre un terme à la
prolifération des logiciels d’espionnage commerciaux.
En Europe, des sources indiquent
que des entreprises existantes comme Memento Labs ou Data Flow en Italie,
Interrupt Labs au Royaume-Uni et Varistone en Espagne se sont développées au
cours des 18 derniers mois, également avec l’aide de talents israéliens. Il
existe également de nouvelles entreprises, en particulier aux USA, qui sont
apparues parallèlement à la pression exercée par les USA sur Israël dans le
sillage de l’affaire du NSO.
Eqlipse, très présent sur les
médias sociaux, ne rate pas une occasion de faire sa pub : concerts, marathons,
célébrations patriotiques en tous genres
Eqlipse Technologies, par exemple,
a été créée l’année dernière pour offrir ce qu’elle appelle des capacités de
cyberveille et de renseignement d’origine électromagnétique (“SIGINT”) à
spectre complet pour des “clients clés en matière de sécurité nationale au sein
du ministère de la défense et de la communauté du renseignement”, selon un communiqué de presse d’Arlington
Capital, qui soutient l’entreprise. L’expression “spectre cybernétique complet” est un
euphémisme utilisé dans l’industrie pour désigner les capacités défensives et
offensives. Malgré son jeune âge, Eqlipse emploie déjà plus de 600 personnes et
réalise un chiffre d’affaires annuel de 200 millions de dollars.
Une autre entreprise, Siege Technologies,
également usaméricaine, a été créée en 2019 mais a intensifié ses activités au
cours des deux dernières années. Elle se concentre exclusivement sur « la
fourniture de capacités cybernétiques offensives et défensives essentielles au
gouvernement américain », selon son site web.
Selon certaines sources, ces
entreprises et leurs annonces publiques - rares dans le monde secret du
renseignement cybernétique - s’inscrivent dans une tendance plus large : Les
entreprises et les invesisseurs usaméricains pensent que, parallèlement à la
critique publique de la cyber-offensive, l’establishment de la défense usaméricaine
et la Maison Blanche sont intéressés par le développement de leur propre
industrie - et sont prêts à payer pour cela.
Le chouchou de
Netanyahou
Le marché cybernétique offensif d’Israël,
qui était autrefois la coqueluche du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de
l’establishment de la défense israélienne, traverse la pire crise qu’il ait
connue depuis sa création, d’après certaines sources.
Après des années de “cyber-diplomatie”
- une politique menée par Netanyahou dans le cadre de laquelle Israël
utilise la vente de cyber-armes pour réchauffer les relations diplomatiques
avec des pays qui lui sont historiquement hostiles - Israël a fait volte-face.
Selon certaines sources, il est loin le temps où le ministère de la Défense
autorisait la vente de logiciels espions de qualité militaire à des pays comme
le Rwanda ou l’Arabie saoudite.
La raison : l’enquête Projet
Pegasus, à laquelle Haaretz a également participé, a révélé l’utilisation abusive du logiciel
espion par les États clients de NSO dans le monde entier, ainsi que la révélation que l’Ouganda
a utilisé le logiciel espion pour pirater les téléphones des fonctionnaires du
département d’État usaméricain en Afrique. Cette dernière affaire a provoqué
une crise diplomatique entre Washington et Jérusalem, la Maison Blanche
exhortant Israël à restreindre ses cyber-entreprises. La décision d’ajouter NSO
et Candiru, une autre cyber-entreprise israélienne, à une liste noire du
ministère usaméricain du commerce a indiqué à Israël que les USAméricains
étaient sérieux.
Israël a réagi en inversant sa
politique. Il a communiqué aux médias une liste tronquée des pays auxquels les
entreprises de cybernétique peuvent désormais vendre leurs produits, liste qui
ne comprend pratiquement plus que des États occidentaux.
Selon certaines sources, toutes les
petites entreprises qui se sont développées dans l’ombre de NSO et qui
vendaient des logiciels espions à des pays non occidentaux ont perdu leur
capacité à faire des affaires presque du jour au lendemain. Au cours des 18
derniers mois, la plupart des entreprises n’ont pas pu obtenir de licence pour
conclure ne serait-ce qu’un seul nouveau contrat ; dans certains cas, les
contrats existants ont également été annulés.
En réaction, de plus en plus d’entreprises
ont commencé à fermer leurs portes ou à se retirer du marché offensif, se
concentrant plutôt sur des formes moins intrusives de surveillance “passive”,
qui ne sont pas réglementées de manière aussi stricte. Cognyte a par exemple
fermé Ace Labs, sa filiale spécialisée dans le piratage téléphonique. Bien que
les leaders du marché, NSO et Paragon - qui se concentre presque exclusivement
sur les marchés occidentaux et a réussi à garder sa réputation intacte -
poursuivent leurs activités, ils sont également en difficulté. D’autres, comme
Nemesis, Wintego, Kela, Magen et Quadream, ont complètement cessé leurs
activités, selon certaines sources, ou ont au moins déclaré qu’elles les
avaient arrêtées et transférées à l’étranger ou qu’elles les avaient
rebaptisées.
Des sources industrielles de haut
niveau ont passé l’année dernière à avertir que la nouvelle politique
israélienne d’apaisement avec les USAméricains se retournerait contre eux.
Elles affirment que la perte de talents et les dommages causés à l’industrie
nuiront également à l’establishment de la défense israélienne et pourraient
même faire perdre à Israël son avantage dans le cyberespace militaire. Sans la
capacité de retenir les meilleurs talents en Israël, ces pirates ne seront plus
disponibles pour servir dans des unités comme la 8200 - où ceux qui travaillent
à l’étranger ne peuvent pas toujours revenir pour le service de réserve en
raison de préoccupations liées au secret.
« Lorsque ces personnes
travaillent à l’étranger, elles ne sont pas seulement en dehors de l’écosystème
israélien, mais aussi dans un nouvel écosystème, et ces pays en profitent »,
explique une source industrielle. « Cela ne fait pas qu’affaiblir Israël,
cela rend aussi les Européens et les Américains - et qui sait d’autres - plus
forts ».
Selon des sources industrielles, la
pression usaméricaine sur Israël n’est pas seulement le résultat de
préoccupations en matière de droits humains, mais fait également partie de ce
qu’elles considèrent comme une politique plus large visant à affaiblir l’industrie
cybernétique d’Israël et à renforcer celle des USA à ses dépens. À titre d’exemple,
ils citent la tentative de L3Harris, un géant usaméricain de la défense
technologique, d’acheter NSO après qu’il a été placé sur la liste noire. L’opération
n’a pas abouti en raison des objections des responsables israéliens, mais elle
a bénéficié du soutien de l’establishment usaméricain de la défense et devait
permettre à NSO d’être retiré de la liste noire, a-t-on laissé entendre à l’époque.
Des rapports ont également révélé
que les organismes de défense usaméricains avaient eux-mêmes acheté une version
de Pegasus, allant jusqu’à l’offrir à Djibouti dans le cadre du soutien US à ce
pays. Le décret de la Maison Blanche interdisant aux organismes usaméricains
d’utiliser des logiciels espions tels que Pegasus, ont noté les experts à l’époque,
était formulé de manière à permettre aux USA de continuer à produire, à vendre
et même à utiliser ces technologies eux-mêmes.
Complexe
militaro-industriel cybernétique
En fait, L3Harris fait partie d’une
poignée d’entreprises de défense usaméricaines qui disposent de leurs propres
unités cybernétiques offensives, et des sources affirment qu’il s’agit là de la
véritable toile de fond de la montée en puissance d’entreprises telles que
Defense Prime.
Les origines de Defense Prime
remontent à un fonds de capital-risque usaméricain et aux deux entrepreneurs
israéliens - dont l’un est un ancien de l’appareil de défense israélien. Le
fonds lui-même n’est pas lié à la nouvelle entreprise, mais cette dernière est
née d’une tentative antérieure du fonds d’entrer sur le marché de la
cybernétique, avec le soutien d’une liste de hauts responsables des services de
renseignement et de la défense. Ces derniers allaient de l’ancien chef de la
National Security Agency, Keith Alexander, un général quatre étoiles à la
retraite, à des responsables de l’unité de renseignement militaire israélienne
8200 et du Mossad, ainsi que des services de renseignement allemands. Comme
indiqué, le fonds n’est pas impliqué dans la nouvelle entreprise, et on ne sait
pas combien de ces fonctionnaires, s’il y en a, ont quitté la société de
capital-risque et se sont impliqués dans le projet.
Dans le même temps, des entreprises
telles que L3Harris et Raytheon, comme l’a constaté Haaretz, recrutent
activement pour des postes aux capacités clairement offensives. Qu’il s’agisse
de “chercheurs en exploitation de failles” ou d’experts en recherche ou en
criminalistique sur iOs ou Android, les travailleurs sont recherchés par les
entreprises de défense usaméricaines, qui ont toutes deux conclu des contrats
avec des organismes officiels US pour différentes formes de cybercriminalité.
Il en va de même pour General Dynamics, l’une des cinq plus grandes entreprises
de défense usaméricaines.
CACI, une autre entreprise usaméricaine
spécialisée dans la sécurité intérieure et les drones, se targue également de“capacités cybernétiques offensives contre les plateformes
adverses”. L’entreprise est actuellement à la recherche d’une personne ayant des compétences
en « criminalistique informatique / criminalistique d’appareils mobiles...
analyse et méthodologies d’intrusion par rétro-ingénierie, analyse des
renseignements et évaluation des vulnérabilités ». Leidos et une autre
société appelée ManTech sont également de plus en plus actives dans ce domaine,
selon des sources et des offres d’emploi. Ensemble, ces entreprises permettent
à l’USAmérique de bénéficier d’une cyberindustrie militaire en plein essor.
L’entreprise italienne Data Flow
est un bon exemple de cette tendance. Elle s’occupe directement des exploitations
de failles (et non des logiciels espions) et a récemment décidé d’ouvrir une boutique
aux USA, signe de la nouvelle centralité du marché usaméricain. L’entreprise,
qui, selon son site ouèbe, recrute actuellement un chercheur en exploitation de
failles pour iPhone et Android, compte également un Israélien senior qui a
quitté un poste similaire dans une entreprise israélienne l’année dernière.
Ce n’est pas la première fois que de
grosses sommes d’argent tentent d’attirer les talents israéliens. Toutefois,
selon certaines sources, lorsque la société Dark Matter, soutenue par les
Émirats arabes unis, a tenté d’attirer des pirates informatiques israéliens et usaméricains
en leur offrant des salaires mirobolants (jusqu’à 1 million de dollars par an,
selon les rumeurs), les établissements de défense usaméricains et israéliens
ont pu tirer la sonnette d’alarme. Lorsque des entreprises usaméricaines et
européennes font de même, Israël est impuissant. En effet, pendant des années,
Israël a évité d’appliquer ses lois sur les exportations de défense aux
personnes et aux capacités techniques, se contentant de réglementer la vente de
technologies défensives ou militaires.
« Nous ne sommes pas en Corée
du Nord, vous ne pouvez pas dire aux gens où ils doivent vivre et avec qui ils
doivent travailler », déclare un haut fonctionnaire du secteur qui a perdu
du personnel au cours des derniers mois. « Si quelqu’un préfère vivre et
travailler à Washington ou en Espagne, c’est son droit ».
Les sources des différentes
entreprises indiquent qu’avec la crise - et le climat politique en Israël qui pousse de nombreux Israéliens à
envisager de quitter le pays - elles ont du mal à retenir les talents. Outre la
menace usaméricaine, elles notent également que les entreprises israéliennes
qui opèrent depuis longtemps en dehors d’Israël en récoltent également les
fruits, et pas seulement en termes de talents.
À titre d’exemple, ils citent la
société Intellexa, détenue et dirigée par deux anciens hauts responsables des
services de renseignement israéliens, qui a été impliquée dans une série de
controverses au cours de l’année écoulée. Elle a remporté un certain nombre de
contrats lucratifs que des entreprises israéliennes ont été contraintes de
refuser pour des raisons de réglementation et de respect des droits humains.
Ils notent également l’existence de deux nouvelles cyber-entreprises à
Singapour, liées à Rami Ben Efraim, ancien haut commandant de l’armée de l’air
israélienne, qui a été attaché militaire dans ce pays d’Asie du Sud-Est et qui
travaille désormais dans le secteur privé.
« Israël et les entreprises
israéliennes ont toujours pu concurrencer celles qui essayaient d’opérer dans
le dos du ministère israélien de la Défense et en dehors de son champ de
compétence réglementaire », a déclaré une source. « Mais c’était à l’époque
où l’industrie locale était vivante et dynamique, ce qui n’est plus le cas
aujourd’hui ».
Defense Prime et le ministère de la
Défense israélien, sollicités, n’ont pas répondu à cet article.