المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

Affichage des articles dont le libellé est Itamar Ben-Gvir. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Itamar Ben-Gvir. Afficher tous les articles

05/01/2025

Le “mualem”de la police israélienne en Cisjordanie de nouveau arrêté pour entrave à l’enquête sur ses agissements


Josh Breiner, Haaretz, 2/1/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le commandant Avishai Mualem [le bien nommé : son patronyme signifie “patron” en arabe, NdT] doit répondre de plusieurs chefs d’accusation, dont la divulgation d’informations classifiées au ministre d’extrême droite de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, des tentatives de corruption et l’obstruction à une enquête sur ses agissements.

Le général AvishaI Mualem au tribunal de première instance de Jérusalem, jeudi . Photo: Olivier Fitoussi

Un officier supérieur du commandement de la police israélienne en Cisjordanie, soupçonné d’avoir divulgué des informations classifiées au ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, a été arrêté à nouveau jeudi, soupçonné d’entrave à l’enquête et d’abus de position.

Les autorités soupçonnent le commandant Avishai Mualem, officier supérieur du district de Judée et Samarie de la police, d’avoir demandé à l’un de ses subordonnés, alors qu’il était suspendu de ses fonctions, d’extraire des documents des systèmes de la police et de les lui remettre afin de l’aider dans sa défense.


Le chef de la police israélienne en Cisjordanie, Avishai Mualem, au centre, l’année dernière à Jérusalem. Photo: Olivier Fitoussi.

L’unité du ministère de la Justice chargée d’enquêter sur les fautes de la police demandera sa libération sous conditions restrictives au tribunal de première instance de Jérusalem jeudi.

Mualem est soupçonné de multiples infractions pénales, notamment de ne pas avoir empêché un crime, d’avoir tenté de recevoir un pot-de-vin, d’avoir fraudé et d’avoir commis un abus de confiance.

Il a été arrêté en décembre, soupçonné d’avoir ignoré des informations sur le terrorisme juif en échange d’une promotion de Ben-Gvir au grade de général de brigade.

Mualem aurait également transmis des informations classifiées au bureau de Ben-Gvir. Dans le cadre de l’enquête, le commissaire de l’administration pénitentiaire israélienne, Kobi Yaakobi, a été arrêté pour obstruction à l’enquête.


Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et le chef de l’administration pénitentiaire Kobi Yaakobi lors d’un événement à Tel Aviv en décembre 2024. Photo : Moti Milrod

Yaakobi aurait informé Mualem d’une enquête secrète en cours à son sujet, un détail découvert grâce aux écoutes téléphoniques de Mualem. Yaakobi a depuis été de nouveau interrogé, mais il conserve son rôle de chef des prisons.

Mercredi, Haaretz a rapporté que Mualem est également soupçonné d’avoir tenté d’accepter un pot-de-vin de la part d’une personne souhaitant obtenir de l’aide pour faire avancer ses dossiers au sein de la police.

Le suspect aurait proposé de transférer des milliers de shekels à la femme de Mualem, dont l’entreprise est confrontée à des difficultés financières, en échange de l’aide de Mualem profitant de ses fonctions.

Les autorités soupçonnent Mualem d’avoir ignoré des informations sur un projet de crime ayant des implications en matière de sécurité dans le cadre de cet arrangement, mais l’affaire n’a pas abouti et Mualem n’a pas aidé l’individu.


06/12/2024

YOSSI MELMAN
L’homme qui a interrogé Netanyahou est convaincu de la culpabilité du Premier ministre
Entretien avec Eli Assayag, ancien chef de la police israélienne


Dans sa première interview depuis sa retraite, le général de brigade Eli Assayag parle également à Haaretz de la « catastrophe » qui pourrait découler de la prise de contrôle de la police par  Itamar Ben-Gvir.

Eli Assayag. Il a compris qu’il ne serait pas promu « peut-être parce que je m’occupais de ces affaires sensibles ». Photo Tomer Appelbaum

Yossi Melman, Haaretz, 2/12/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

À la mi-2018, le général de brigade Eli Assayag et deux autres enquêteurs ont quitté les bureaux de l’unité anticorruption Lahav 433 de la police pour se rendre au siège du Mossad, près de Tel-Aviv.
Objectif : interroger le chef du Mossad de l’époque, Yossi Cohen - en tant que témoin et non en tant que suspect - dans l’affaire dite des sous-marins [dite "Affaire 3000" : achat par Israël de sous-marins Dolphin et de navires guerre Sa'ar, fabriqués par ThyssenKrupp, pour 2 milliards de dollars, faisant l'objet d'une commission d'enquête de l'État établie par le gouvernement Lapid-Gantz, lire ici NdT], dans laquelle des associés du Premier ministre Benjamin Netanyahou sont soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin. Les malversations présumées - des pots-de-vin pour qu’Israël achète plus de navires de guerre qu’il n’en avait besoin - ont eu lieu lorsque Cohen dirigeait le Conseil national de sécurité d’Israël.
De retour au siège du Mossad, lorsque la voiture a franchi le portail et ses gardes armés, les enquêteurs ont atteint le bâtiment principal - et ses jardins bien entretenus - où se trouve le bureau du chef du Mossad. Les trois hommes ont été accueillis par l’assistante de Cohen, qui leur a demandé de lui donner leurs téléphones portables.

L’ancien chef du Mossad, Yossi Cohen. Il ne voulait pas être photographié dans un poste de police. Photo Ohad Zwigenberg

Assayag a refusé. « Pas de problème », lui a-t-il dit. « Nous allons retourner à notre bureau et y convoquer Yossi Cohen ». Cohen a cédé. Il ne voulait pas être photographié dans un commissariat de police.
« Je n’ai jamais fait de concessions au cours de ma carrière », déclare Assayag, ancien chef de l’unité de la police chargée de la lutte contre la criminalité financière. « Toute personne ayant commis une infraction ou ayant été convoquée pour témoigner a été traitée de manière équitable et professionnelle. En même temps, je n’ai jamais été flagorneur ou rampant, même si les personnes impliquées étaient très haut placées ».
Assayag a dirigé les enquêtes sur l’affaire des sous-marins et sur l’affaire dite « Bezeq-Walla », l’une des deux affaires dans lesquelles Netanyahou est poursuivi sur le soupçon d’avoir échangé des faveurs réglementaires contre une couverture médiatique positive.
C’est Assayag qui a recommandé l’annulation d’un accord de plaidoyer avec Michael Ganor, un suspect dans l’affaire du sous-marin. Ganor est actuellement jugé pour avoir offert et donné des pots-de-vin, pour blanchiment d’argent, pour évasion fiscale et pour avoir violé les lois sur les partis politiques.
Pourquoi avez-vous recommandé la révocation de l’accord conclu avec Ganor ?
« Je serai prudent car le procès est toujours en cours et je pourrais être appelé à témoigner devant le tribunal. D’une manière générale, je peux dire que j’ai pris ma décision après qu’il a changé sa version des faits et tenté de modifier les conditions de l’accord
».

Eli Assayag a également interrogé Netanyahou dans l’affaire Bezeq-Walla, dans laquelle il est accusé de corruption, de fraude et d’abus de confiance. Dans cette affaire, Shaul et Iris Elovitch, principaux actionnaires de la société de télécommunications Bezeq, sont jugés pour corruption, obstruction à la justice et subornation de témoins au cours d’une enquête.

Shaul et Iris Elovitch, principaux actionnaires de la société de télécommunications Bezeq. Ils sont également jugés. Photo Moti Milrod

L’enquête la plus rapide
Assayag a pris sa retraite de la police en mars 2021, à la fin du cinquième mandat de Netanyahou en tant que premier ministre. Selon les médias de l’époque, Assayag a pris sa retraite parce qu’il n’a pas été promu, peut-être en raison de son rôle dans les enquêtes.
Assayag présente la chose ainsi : « J’ai pris ma retraite à l’âge de 58 ans, après 36 ans dans la police. On ne m’a pas montré la porte, mais j’ai compris que je ne serais pas promu, peut-être parce que j’ai traité ces affaires sensibles ».
Il s’agit de la première interview accordée par M. Assayag aux médias depuis qu’il a pris sa retraite.


Eli Assayag : « Parfois, il se mettait en colère et perdait son sang-froid. Cela fait partie d’un interrogatoire : amener l’accusé à entrer dans un état d’esprit où il dit les choses de manière authentique, où il dit la vérité ». Photo Tomer Appelbaum

Il n’est pas disposé à parler de son interrogatoire de Netanyahou parce qu’il pourrait encore être appelé à témoigner dans le procès du Premier ministre. Il se contente de dire qu’à son grand désarroi, Netanyahou a repoussé à plusieurs reprises les séances. Une fois la date fixée, Assayag pensait que l’interrogatoire devait avoir lieu dans les bureaux de Lahav 433, mais le procureur général de l’époque, Avichai Mendelblit, a demandé aux enquêteurs de se rendre au bureau du Premier ministre.
« L’interrogatoire a été mené de manière professionnelle, avec rigueur, propreté et brièveté », explique Assayag. « En moins de neuf mois, nous avons terminé l’enquête et transmis le dossier au bureau du procureur de l’État. Il s’agit de l’enquête la plus rapide jamais menée dans une affaire de criminalité en col blanc ».

Les enregistrements filmés donnent l’impression que Netanyahou était arrogant envers les interrogateurs de la police, et que ceux-ci étaient parfois plutôt dociles.

« Je ne pense pas que ça ait été le cas. Parfois, il s’est mis en colère et a perdu son sang-froid. Cela fait partie d’un interrogatoire - amener l’accusé à entrer dans un état d’esprit dans lequel il dit les choses de manière authentique ; il dit la vérité. »


Benjamin Netanyahou au tribunal de district de Jérusalem. Photo Ben Hakoon


Êtes-vous convaincu de la culpabilité de Benjamin Netanyahou ?
« Si je n’étais pas convaincu, je n’aurais pas recommandé [une mise en accusation].

Ben-Gvir le « client »
Eli Assayag est né en 1962 à Ashkelon dans une famille qui avait immigré du Maroc. Pendant son service militaire, il a participé à la guerre du Liban qui a éclaté en juin 1982.
En 1986, il est entré dans la police. Il est titulaire d’un diplôme de droit de l’Ono Academic College et d’un diplôme d’études supérieures en sciences politiques de l’université de Haïfa. Il a également étudié au Collège de sécurité nationale.
Après sa phase de formation dans la police, il a été affecté au district de Tel Aviv en tant qu’enquêteur. Trois ans plus tard, il devient coordinateur du renseignement et dirige des agents. En 1991, il a suivi un cours pour officiers et est devenu officier de renseignement dans le district de Tel Aviv.
Il espère toujours que son expérience aidera la police à améliorer ses compétences en matière de renseignement. Au cours de sa carrière, il a été en contact avec des collègues du Mossad et du service de sécurité Shin Bet.

Le travail de renseignement au sein de la police s’apparente-t-il à la gestion d’agents au sein du Shin Bet ou du Mossad ?
« Oui et non. Le Mossad et le Shin Bet dirigent des agents et peuvent utiliser les renseignements qu’ils obtiennent pour déjouer des attentats en [Cisjordanie] ou à l’étranger. Pour nous, à la police, le fait de déjouer un crime ou d’autres succès n’est possible que si nous pouvons fournir au tribunal des preuves qui aboutissent à une condamnation. Sans cela, nous n’avons rien fait ».

Assayag a assumé de nombreuses fonctions au sein de la police, notamment dans le cadre d’affaires de drogue graves telles que celle impliquant le trafiquant de drogue international Zeev Rosenstein. Assayag a également dirigé l’unité d’enquête de la police en Cisjordanie, où il a lutté contre les crimes violents commis par de jeunes colons - les « jeunes du sommet des collines » - à l’encontre de Palestiniens.

En mai 2011, une voiture palestinienne a été incendiée près d’Hébron, en Cisjordanie, dans le cadre d’une opération dite d’étiquetage des prix [« price tag operation » : acte de vandalisme punitif contre des Palestiniens, NdT]. L’incendiaire était Hannah Hananya, considérée comme l’égérie des jeunes des collines. Elle a commis ce crime alors qu’elle était censée être assignée à résidence chez Itamar Ben-Gvir. À l’époque, Ben-Gvir était un militant radical de la colonisation et un terroriste condamné ; aujourd’hui, il est ministre de la sécurité nationale.
Il était censé servir d’agent de probation pour le tribunal. Ben-Gvir a intenté un procès en diffamation - toujours en cours - contre Hananya et l’émission d’information d’investigation « Uvda » de Canal 12 concernant la publication d’informations sur cet incident.
Hananya était la cible de l’unité d’Assayag et de la division juive du Shin Bet en raison d’activités telles que l’entrée illégale dans une ancienne synagogue à Jéricho, l’intrusion dans une base militaire et le saccage d’une voiture, ainsi que la manifestation devant le domicile du chef de la division juive du Shin Bet. Hananya a été arrêtée et a purgé une courte peine de prison.

Itamar Ben-Gvir. La dégradation de l’état de la police sous sa direction retourne les tripes d’Assayag. Photo : Olivier Fitoussi

Elle a déclaré qu’elle avait informé les enquêteurs de la police d’autres projets de violence contre des Palestiniens, mais qu’elle n’avait pas été prise au sérieux.
« Nous avons travaillé avec le Shin Bet, mais c’est lui qui nous donnait des lignes directrices et des directives venant d’en haut », dit Assayag. « Je ne pense pas qu’ils se soient beaucoup investis dans la lutte contre la criminalité ultra-nationaliste juive ».

Est-ce que la police et vous-même étiez désireux de vous attaquer à ce problème ?
« J’ai traité ce dont j’étais témoin. Notre unité était petite. Elle a été élargie par la suite. Le Shin Bet ne nous informait pas toujours de tout. »

Avez-vous rencontré Ben-Gvir lorsque vous étiez dans le district de Judée et Samarie en Cisjordanie ?
« Non, pas en personne. Mais il était l’un des « clients » [suspects potentiels d’incidents violents] sur lesquels on se penchait.
Ben-Gvir n’a pas répondu aux demandes de commentaires pour cet article.

Le renseignement humain est précieux

Assayag estime que les efforts de la police israélienne en matière de renseignement peuvent encore être améliorés. « Le travail d’un officier de renseignement de la police est difficile ; il prend 24 heures par jour, sept jours par semaine », dit-il. « Les officiers traitants étaient autrefois des policiers chevronnés qui persévéraient dans ce travail. La jeune génération n’est pas enthousiaste à l’idée de faire ce genre de travail, et le taux de rotation est élevé.
« Malheureusement, la dépendance à l’égard de la technologie est de plus en plus forte. Mais le SIGINT [renseignement d’origine électromagnétique utilisant des dispositifs d’écoute] n’est pas tout. Voyez l’émoi suscité par l’utilisation du logiciel espion Pegasus [outils développés par l’entreprise israélienne controversée NSO]. La capacité de ces méthodes à produire des renseignements pertinents est très limitée. Elle est surestimée. Le SIGINT ne donne pas vraiment de résultats satisfaisants ; l’enthousiasme pour ce type de surveillance est très exagéré. Il faut investir beaucoup plus dans le HUMINT, le renseignement humain ».
Il est temps, après les 100 jours de grâce, que Danny prenne les choses en main et devienne indépendant », déclare Assayag à propos du nouveau chef de la police Danny Levy.

Que voulez-vous dire par là ?
« Il faut changer le concept de gestion des opérations. J’estime qu’il y a 500 officiers de renseignement de la police dans tout le pays. Je propose qu’ils soient tous placés dans les commissariats de police. Ils connaissent la zone dans laquelle ils travaillent. Ils savent comment exploiter les sources. Un agent fournira les renseignements qu’il recueille à son commissariat local et aux échelons supérieurs tels que le district et le Lahav 433. »
« Il faut sortir des sentiers battus. L’unité de renseignement et d’enquête doit être responsable de la stratégie. Elle déterminera les cibles, et les agents sur le terrain agiront en conséquence, mais ils conserveront une certaine indépendance et une capacité d’influence.
« De cette manière, nous pouvons limiter les effectifs et augmenter les salaires. Il faut améliorer le processus de sélection et attirer des personnes ayant des compétences académiques et une formation adéquate.
« Il faut mieux former les agents de renseignement pour qu’ils s’adaptent aux défis modernes. Ils doivent comprendre les crypto-monnaies, que de nombreux criminels utilisent pour brouiller les pistes. Il faut connaître le blanchiment d’argent, le fonctionnement de la criminalité financière sophistiquée, et pas seulement la criminalité classique comme les atteintes aux biens, les cambriolages ou les meurtres.
« Il faut prendre des mesures telles que la création de sociétés écrans pour pénétrer les organisations criminelles, qui ont souvent plus de connaissances et de moyens que la police. Mais je doute que ma proposition soit adoptée ».

Détérioration mortelle
La personne qui doit prendre cette décision est le nouveau chef de la police, le général de division Danny Levy, qui vient de terminer ses 100 premiers jours en fonction. Assayag le connaît assez bien ; ils ont travaillé ensemble au district de Tel-Aviv, mais dans des services différents.
« Danny est un bon policier qui s’est développé à partir de la base. Ces dernières années, les commissaires ont été parachutés du Shin Bet [Roni Alsheich] ou de la police des frontières [Kobi Shabtai]. Il est tout à fait capable de faire ce travail », affirme Assayag.


Le chef de la police Danny Levy : « un bon flic qui a grandi à partir de la base » 
 Photo Olivier Fitoussi

« Je suis pour un commissaire qui a grandi dans la police. Mais Danny doit développer son indépendance et se dissocier du ministre ».
La détérioration de l’état de la police sous Ben-Gvir retourne les tripes d’Assayag. « Après la nomination de Ben-Gvir au poste de ministre de la sécurité nationale, la police a changé. Elle utilise une force disproportionnée contre les manifestants [israéliens juifs, NdT] », explique-t-il.
« Cela découle de l’esprit du commandant. Il est temps, après les 100 jours de grâce, que Danny prenne les choses en main et devienne indépendant. Si aucun adulte responsable n’est trouvé pour arrêter la détérioration, une catastrophe s’ensuivra dans la société israélienne. »



04/06/2024

LINDA DAYAN
Itamar Ben-Gvir, un ministre qui a les boules face à l’opinion publique, ne peut pas regarder les familles d'otages dans les yeux

Linda Dayan, Haaretz,  3/6/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Lundi, le ministre israélien de la sécurité nationale Itamar Ben-Gvir - un homme déjà connu pour son manque de conscience de soi - a déclaré, après avoir pris la fuite devant des membres de familles d’otages détenus à Gaza, qu'il était temps de « mettre fin au populisme ».

 

Le mot “populisme” apparaît régulièrement dans les profils de Ben-Gvir, le provocateur d'extrême droite qui a accédé à la notoriété politique grâce à un programme d'ultranationalisme, d'annexion de la Cisjordanie, de possession d'armes à feu par des civils comme solution à la criminalité et de réduction des droits des Arabes et des Palestiniens. Que veut-il donc dire lorsqu'il affirme en avoir assez vu ?

 

A l'extérieur de la salle où la faction Otzma Yehudit de Ben-Gvir tenait sa réunion à la Knesset, bloquant l'entrée aux familles des otages, Einav Zangauker s'est adressé aux médias. Einav Zangauker a été l'une des figures les plus franches du mouvement pour la libération des otages, faisant campagne pour la libération de son fils Matan lors de rassemblements, de manifestations et de marches. Dans le passé, elle s'est adressée directement à la droite : elle a déclaré dans des discours qu'elle était une électrice du Likoud et qu'elle attendait maintenant que ceux qu'elle avait portés au pouvoir choisissent son fils plutôt que des considérations politiques.

 

« Lorsque les familles des otages sont venues écouter sa déclaration à la presse, il s'est enfui comme un rat par la porte de derrière, et maintenant il est entré dans un endroit dont l'accès m'est interdit - pourquoi ? », a-t-elle déclaré à propos de Ben-Gvir. « Je veux savoir pourquoi un ministre israélien refuse de regarder les familles des otages dans les yeux ».

 

La peur du public - de la criminalité, de la terreur, des gens qui ne leur ressemblent pas - a été le moteur de l'ascension de Ben-Gvir, tout comme de la méfiance à l'égard de la façon dont l'establishment a traité ces sujets. Mais face à la peur et à la colère des familles qui ont perdu leur confiance en l'État, voilà qu’il est temps de mettre un terme au fléau du “populisme”.

 

Ben-Gvir, ainsi que le ministre des finances Bezalel Smotrich, un autre partenaire politique d'extrême droite, ont déclaré qu'ils quitteraient le gouvernement si Israël acceptait l'accord de cessez-le-feu et de libération des otages présenté par le président Biden.

 

« Il s'agit d'un accord irresponsable qui représente une victoire pour la terreur et une menace pour la sécurité d'Israël. Accepter un tel accord n'est pas une victoire totale, mais une défaite totale », a déclaré Ben-Gvir. C'est un point que les familles et les supporters des otages ont régulièrement réfuté lors de rassemblements, en déclarant que la démarche “irresponsable” consisterait à laisser languir nos proches après les avoir abandonnés au Hamas le 7 octobre - mais peu d'Israéliens sont prêts à recevoir des conseils sur la responsabilité de la part d'un homme dont le principal passe-temps semble être d'inciter aux conflits ethniques.

 

Du populisme à l'opinion populaire : selon un sondage publié dimanche par la chaîne publique Kan, 40 % des Israéliens soutiennent l'accord proposé par Biden. 27 % sont contre et 33 % sont incertains. Le même sondage révèle que 42 % des Israéliens pensent qu'Israël ne sera pas en mesure d'éradiquer le Hamas et que le groupe terroriste continuera à contrôler Gaza, contre 32 % qui pensent qu'Israël peut atteindre son objectif.

 

Plus important encore, le public israélien souhaite que les otages rentrent chez eux. Le mois dernier, avant l'offensive de Rafah, un sondage de l'Institut israélien de la démocratie a révélé que 62 % des Israéliens donnaient la priorité à la libération des captifs plutôt qu'à une action militaire supplémentaire, contre 31,5 % qui estimaient que l'opération de Rafah devait avoir la priorité. Il semble que ce soit ce que veut la population, même si le gouvernement d'extrême droite a d'autres projets, populistes.

 "Arrêtez de parmler de tuer des Arabes et sauvez des Juifs" : clash entre familles de captifs israéliens et Ben-Gvir&Co. à la Knesset en novembre 2023 lors d'un panel sur le projet bengvirien d'introduire "la peine de mort pour les Hamasniks"

08/10/2023

HILO GLAZER
Après une décennie passée dans les cercles les plus radicaux de l’extrême droite israélienne, Idan Yaron est prêt à tout déballer

Hilo Glazer, Haaretz, 6/10/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

NdT

L’auteur de cet article, tout comme 99,99% des journalistes israéliens et occidentaux utilise systématiquement le qualificatif de “terroriste” pour désigner les militants et combattants palestiniens et jamais pour désigner les auteurs de crimes sionistes. N’étant pas d’accord avec cette désignation, je la remplace donc par des termes plus objectifs.

L’universitaire Idan Yaron a pénétré la droite radicale israélienne, gagnant la confiance de ses dirigeants, assistant à leurs réunions et même à un pogrom. Il publie aujourd’hui un livre sur l’héritage kahaniste qu’ils perpétuent.

Idan Yaron : « J’ai pris le café avec des gens qui avaient du sang sur les mains, des gens qui avaient commis des crimes graves, parce qu’à mon avis, il est hors de question qu’il y ait un tabou dans le monde universitaire quand il s’agit de certains domaines de la connaissance ». Photo : Sraya Diamant

Le signal du pogrom a été donné quelques heures seulement après une opération de guérilla menée le 21 juin dans une station-service près de la colonie d’Eli, en Cisjordanie, au cours de laquelle quatre Israéliens ont été tués et quatre autres blessés. La cible de ceux qui voulaient prendre des mesures de représailles était le village palestinien voisin de Luban Al Sharqiya. Un grand nombre de jeunes hommes sont arrivés, non seulement du noyau dur de la “jeunesse des collines” de la colonie de Yitzhar, mais aussi des étudiants des yeshivas et des kollels (yeshivas pour hommes mariés) de la région.

Parmi les dizaines de manifestants qui se dirigeaient vers le village et incendiaient les champs en chemin, il était difficile de rater Idan Yaron, un sociologue et anthropologue social qui, à 69 ans, était beaucoup plus âgé que ceux qui l’entouraient.  Yaron, qui mène des recherches approfondies sur l’extrême droite en Israël, en particulier sur le mouvement créé par le rabbin ultranationaliste d’origine usaméricaine Meir Kahane, s’est retrouvé mêlé à la foule en colère.

« J’ai assisté à l’incident avec eux de la manière la plus directe, tout en filmant tout, au grand dam de certains jeunes », raconte aujourd’hui Yaron. « Bien entendu, je n’ai pris part à aucune activité violente ».

Quelqu’un a-t-il tenté d’empêcher les actes de violence ?

« Il y avait des forces [de sécurité], même si elles n’étaient pas nombreuses, dont des soldats, des agents de la police aux frontières et d’autres policiers. Mais elles ne sont pas intervenues de manière particulièrement énergique, si ce n’est en lançant des gaz lacrymogènes et en tirant en l’air lorsque de jeunes Palestiniens du village se sont approchés. Des dizaines d’yeux ont vu ce qui se passait là-bas ».

Avez-vous envisagé d’intervenir vous-même ?

« J’ai décidé de dépasser la question immédiate de la prévention d’une injustice - et brûler des champs ou l’atelier de menuiserie d’un Palestinien innocent est une injustice absolue à mes yeux - et je me suis demandé si j’étais prêt à dépasser ma limite : infliger une violence réelle ou un dommage physique à une autre personne. Dans l’affirmative, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour l’empêcher. Mais dans cette situation particulière, j’ai pensé que ma vocation m’obligeait à surmonter le sentiment d’injustice qui prenait forme sous mes yeux, afin d’être présent dans les événements et de les faire connaître en temps voulu. Tendre un miroir, générer un discours et à travers lui, peut-être plus tard, façonner une réalité différente et cohérente avec mes valeurs ».

Lorsque les flammes se sont éteintes, les résultats du carnage sont apparus clairement : cinq des habitants de Luban al-Sharqiya avaient été blessés par des tirs à balles réelles. Une dizaine de maisons avaient été dégradées, des vitrines de commerces avaient été brisées, de vastes terres agricoles avaient été incendiées et une trentaine de véhicules brûlés. L’un d’entre eux, d’ailleurs, était la voiture de Yaron, qu’il avait garée à l’orée du village. En découvrant cela, le chercheur s’est demandé s’il n’était pas allé trop loin en s’accrochant à l’idée d’être un observateur participatif. « La voiture était foutue », dit-il. « Les vitres, les rétroviseurs, les phares, l’extérieur était sérieusement endommagé, tout était cassé. Mais comme le moteur n’était pas endommagé, j’ai réussi à rentrer chez moi ».

Idan Yaron n’était pas présent ce jour-là par hasard. Au cours des dix dernières années, il a tissé des liens, dont certains sont devenus de véritables amitiés, avec des activistes de premier plan parmi les jeunes des collines, dont certains sont des disciples de Meir Kahane. En effet, Yaron est devenu un visage familier dans les cercles d’extrême droite et a acquis un accès quasi total au groupe le plus dur des disciples du défunt rabbin. Par exemple, Yaron a assisté l’année dernière à une cérémonie commémorative en l’honneur d’Eden Natan-Zada, soldat déserteur et auteur d’une fusillade en 2005 qui a tué quatre personnes et en a blessé beaucoup d’autres dans la ville arabe israélienne de Shfaram. Natan-Zada a ensuite été battu à mort. Yaron s’est également joint aux dirigeants du mouvement lorsqu’ils se sont rendus sur les lieux ensanglantés d’attaques palestiniennes, et il était présent lors des événements commémorant le massacre, en 1994, de 29 fidèles musulmans au Tombeau des Patriarches à Hébron, qui se sont déroulés sur la tombe du “juste et héroïque” Baruch Goldstein, l’auteur de ce massacre.

Cérémonie commémorative en 2020 pour Baruch Goldstein, qui a tué 29 fidèles musulmans à Hébron en 1994. Idan Yaron a assisté à l’événement annuel cette année.  Photo fournier par  Idan Yaron

11/09/2023

Quand un fasciste juif s'installe dans votre quartier

 Esther Solomon, Haaretz, 10/9/2023
Rédactrice en chef, Haaretz English
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Pour les libéraux israéliens en difficulté mais nouvellement combatifs, la lutte contre l'autoritarisme et l’ethnonationalisme se déroule désormais non seulement à la Knesset et à la Cour suprême, mais aussi dans les bus, sur les places des ville et dans les rues résidentielles tranquilles.

Le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, et le ministre du développement de la Périphérie, du Néguev et de la Galilée [sic], Yitzhak Wasserlauf (à gauche). Photo : Ohad Zwigenberg

C’était un tableau parfait d’Israël à l’époque du coup d’État judiciaire de Netanyahou.

Dans un quartier majoritairement laïc et libéral, des manifestants pro-démocratie, brandissant des drapeaux israéliens et arc-en-ciel, des klaxons et des pancartes, se sont assis sur la route devant l’immeuble d’habitation du nord de Tel-Aviv dans lequel un ministre d’extrême droite particulièrement virulent du gouvernement Netanyahou venait d’emménager. Il se trouve que cet immeuble se trouve au coin de la rue où j’habite.

Les voisins d’Yitzhak Wasserlauf avaient orné leurs balcons d’immenses banderoles reprenant les principaux refrains du mouvement de protestation, l’une déclarant leurs habitants “fidèles à la Déclaration d’indépendance” et l’autre “peuple libre sur notre terre” (une citation de l’hymne national, “Hatikva”). Des autocollants apposés sur les réverbère le long de la rue proclamaient : “Coercition religieuse, racisme, homophobie : pas dans notre quartier”. “Les Israéliens laïques ne sont pas des esclaves”. Et, s’adressant à Netanyahou : “Nous ne servirons pas un dictateur”.

À quelques mètres de là, des policiers bousculaient avec force une autre foule de manifestants, tandis que leur commandant - connu pour avoir lancé des grenades assourdissantes sur les manifestants au début des rassemblements contre le coup d’État - leur criait de “tenir la ligne”.

La “ligne” n’avait aucun sens : il y avait des manifestants devant, derrière et sur les côtés. La démonstration de force était une démonstration de police performative. Un effort bruyant, inutilement antagoniste mais aussi pitoyable pour apaiser le patron ultime du commandant, le ministre de la sécurité nationale Itamar Ben-Gvir. Ben-Gvir dirige Otzma Yehudit, le parti extrémiste et kahaniste auquel appartient Wasserlauf.

Wasserlauf, ministre de la Périphérie d’Israël qui ne montre même pas un intérêt périphérique pour la vie en dehors de la grande ville, était déjà connu pour son sectarisme et son ethnonationalisme avant de pousser plus loin l’idée d’un activisme aggravé, en s’installant dans une région ouvertement et historiquement hostile à ses vues.

Son bilan est explicite. Il a déclaré que les juifs réformés “se moquaient de la religion”, tout en se moquant d’eux parce qu’ils “célébraient des bar-mitsvahs pour les chiens”- une insulte éculée. Il s’oppose aux défilés de la Fierté, il veut expulser les demandeurs d’asile et incite à la xénophobie, il tente de refuser des budgets aux citoyens arabes et il refuse de s’engager à respecter l’État de droit si la Cour suprême annule la première tranche de la réforme judiciaire du gouvernement.

Il s’est installé dans le sud de Tel-Aviv il y a des années en tant que membre d’un garin torani [Noyau de la Torah] - un groupe de nationalistes religieux juifs financé par l’État, peut-être mieux compris comme une cellule d’endoctrinement théocratique, souvent implanté dans des zones à populations laïques ou dans des villes mixtes arabes et juives, en tant que stratégie démographique et d’intimidation.

Soudain, alors que la tension monte en Israël, Wasserlauf décide de déménager au nord de Tel-Aviv pour vivre avec les mêmes libéraux qu’il méprise si bruyamment.

L’un de ses voisins a installé des panneaux sur les barrières du parking de Wasserlauf avec une variante des Dix Commandements, dont l’une se lit comme une référence aux colons violents qui constituent la base d’Otzma Yehudit : « Tu ne commettras pas de meurtre : pas à Huwara [scène d’un pogrom de colons], pas à Douma [où un extrémiste juif a incendié une famille palestinienne], nulle part ».



Arrestation de l’architecte Yoav Anderman : traité comme un vulgaire palestinien ou réfugié érythréen : il a eu de la chance, il a pu continuer à respirer


"Le détenteur de la pancarte a été capturé"

Il est scandaleux que le voisin ait été arrêté pour un délit mineur de vandalisme - un délit qui donne généralement lieu à une amende, et non à des policiers qui frappent à votre porte en plein shabbat. Lors de sa libération, le voisin a fait un commentaire : « Voilà à quoi ressemble la désintégration de la démocratie ».

De l’extérieur, on peut parfois avoir l’impression que le débat sur la réforme judiciaire de Netanyahou penche vers la théorie : parité entre les branches du gouvernement, signification du contrôle judiciaire, nature de la démocratie. Mais l’acte de provocation spectaculaire de Wasserlauf permet de ramener ce débat sur terre. Il y a deux Israël, divisés par leur adhésion (au moins en principe) soit à la démocratie libérale, soit à l’ethnonationalisme juif.

Le centre ne tient pas, et même si les semaines à venir ne débouchent pas sur une crise constitutionnelle et des troubles civils, le gouffre ne sera pas comblé. Il continuera de s’envenimer, car les deux parties considèrent qu’il s’agit d’une lutte existentielle.

Pour les libéraux israéliens en difficulté mais nouvellement combatifs, il s’agit d’une lutte contre l’autoritarisme, d’une lutte pour l’âme du pays, qui se déroule désormais non seulement à la Knesset et à la Cour, mais aussi dans les bus, sur les places de la ville et dans les rues résidentielles tranquilles.