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08/10/2023

HILO GLAZER
Après une décennie passée dans les cercles les plus radicaux de l’extrême droite israélienne, Idan Yaron est prêt à tout déballer

Hilo Glazer, Haaretz, 6/10/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

NdT

L’auteur de cet article, tout comme 99,99% des journalistes israéliens et occidentaux utilise systématiquement le qualificatif de “terroriste” pour désigner les militants et combattants palestiniens et jamais pour désigner les auteurs de crimes sionistes. N’étant pas d’accord avec cette désignation, je la remplace donc par des termes plus objectifs.

L’universitaire Idan Yaron a pénétré la droite radicale israélienne, gagnant la confiance de ses dirigeants, assistant à leurs réunions et même à un pogrom. Il publie aujourd’hui un livre sur l’héritage kahaniste qu’ils perpétuent.

Idan Yaron : « J’ai pris le café avec des gens qui avaient du sang sur les mains, des gens qui avaient commis des crimes graves, parce qu’à mon avis, il est hors de question qu’il y ait un tabou dans le monde universitaire quand il s’agit de certains domaines de la connaissance ». Photo : Sraya Diamant

Le signal du pogrom a été donné quelques heures seulement après une opération de guérilla menée le 21 juin dans une station-service près de la colonie d’Eli, en Cisjordanie, au cours de laquelle quatre Israéliens ont été tués et quatre autres blessés. La cible de ceux qui voulaient prendre des mesures de représailles était le village palestinien voisin de Luban Al Sharqiya. Un grand nombre de jeunes hommes sont arrivés, non seulement du noyau dur de la “jeunesse des collines” de la colonie de Yitzhar, mais aussi des étudiants des yeshivas et des kollels (yeshivas pour hommes mariés) de la région.

Parmi les dizaines de manifestants qui se dirigeaient vers le village et incendiaient les champs en chemin, il était difficile de rater Idan Yaron, un sociologue et anthropologue social qui, à 69 ans, était beaucoup plus âgé que ceux qui l’entouraient.  Yaron, qui mène des recherches approfondies sur l’extrême droite en Israël, en particulier sur le mouvement créé par le rabbin ultranationaliste d’origine usaméricaine Meir Kahane, s’est retrouvé mêlé à la foule en colère.

« J’ai assisté à l’incident avec eux de la manière la plus directe, tout en filmant tout, au grand dam de certains jeunes », raconte aujourd’hui Yaron. « Bien entendu, je n’ai pris part à aucune activité violente ».

Quelqu’un a-t-il tenté d’empêcher les actes de violence ?

« Il y avait des forces [de sécurité], même si elles n’étaient pas nombreuses, dont des soldats, des agents de la police aux frontières et d’autres policiers. Mais elles ne sont pas intervenues de manière particulièrement énergique, si ce n’est en lançant des gaz lacrymogènes et en tirant en l’air lorsque de jeunes Palestiniens du village se sont approchés. Des dizaines d’yeux ont vu ce qui se passait là-bas ».

Avez-vous envisagé d’intervenir vous-même ?

« J’ai décidé de dépasser la question immédiate de la prévention d’une injustice - et brûler des champs ou l’atelier de menuiserie d’un Palestinien innocent est une injustice absolue à mes yeux - et je me suis demandé si j’étais prêt à dépasser ma limite : infliger une violence réelle ou un dommage physique à une autre personne. Dans l’affirmative, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour l’empêcher. Mais dans cette situation particulière, j’ai pensé que ma vocation m’obligeait à surmonter le sentiment d’injustice qui prenait forme sous mes yeux, afin d’être présent dans les événements et de les faire connaître en temps voulu. Tendre un miroir, générer un discours et à travers lui, peut-être plus tard, façonner une réalité différente et cohérente avec mes valeurs ».

Lorsque les flammes se sont éteintes, les résultats du carnage sont apparus clairement : cinq des habitants de Luban al-Sharqiya avaient été blessés par des tirs à balles réelles. Une dizaine de maisons avaient été dégradées, des vitrines de commerces avaient été brisées, de vastes terres agricoles avaient été incendiées et une trentaine de véhicules brûlés. L’un d’entre eux, d’ailleurs, était la voiture de Yaron, qu’il avait garée à l’orée du village. En découvrant cela, le chercheur s’est demandé s’il n’était pas allé trop loin en s’accrochant à l’idée d’être un observateur participatif. « La voiture était foutue », dit-il. « Les vitres, les rétroviseurs, les phares, l’extérieur était sérieusement endommagé, tout était cassé. Mais comme le moteur n’était pas endommagé, j’ai réussi à rentrer chez moi ».

Idan Yaron n’était pas présent ce jour-là par hasard. Au cours des dix dernières années, il a tissé des liens, dont certains sont devenus de véritables amitiés, avec des activistes de premier plan parmi les jeunes des collines, dont certains sont des disciples de Meir Kahane. En effet, Yaron est devenu un visage familier dans les cercles d’extrême droite et a acquis un accès quasi total au groupe le plus dur des disciples du défunt rabbin. Par exemple, Yaron a assisté l’année dernière à une cérémonie commémorative en l’honneur d’Eden Natan-Zada, soldat déserteur et auteur d’une fusillade en 2005 qui a tué quatre personnes et en a blessé beaucoup d’autres dans la ville arabe israélienne de Shfaram. Natan-Zada a ensuite été battu à mort. Yaron s’est également joint aux dirigeants du mouvement lorsqu’ils se sont rendus sur les lieux ensanglantés d’attaques palestiniennes, et il était présent lors des événements commémorant le massacre, en 1994, de 29 fidèles musulmans au Tombeau des Patriarches à Hébron, qui se sont déroulés sur la tombe du “juste et héroïque” Baruch Goldstein, l’auteur de ce massacre.

Cérémonie commémorative en 2020 pour Baruch Goldstein, qui a tué 29 fidèles musulmans à Hébron en 1994. Idan Yaron a assisté à l’événement annuel cette année.  Photo fournier par  Idan Yaron

11/09/2023

Quand un fasciste juif s'installe dans votre quartier

 Esther Solomon, Haaretz, 10/9/2023
Rédactrice en chef, Haaretz English
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Pour les libéraux israéliens en difficulté mais nouvellement combatifs, la lutte contre l'autoritarisme et l’ethnonationalisme se déroule désormais non seulement à la Knesset et à la Cour suprême, mais aussi dans les bus, sur les places des ville et dans les rues résidentielles tranquilles.

Le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, et le ministre du développement de la Périphérie, du Néguev et de la Galilée [sic], Yitzhak Wasserlauf (à gauche). Photo : Ohad Zwigenberg

C’était un tableau parfait d’Israël à l’époque du coup d’État judiciaire de Netanyahou.

Dans un quartier majoritairement laïc et libéral, des manifestants pro-démocratie, brandissant des drapeaux israéliens et arc-en-ciel, des klaxons et des pancartes, se sont assis sur la route devant l’immeuble d’habitation du nord de Tel-Aviv dans lequel un ministre d’extrême droite particulièrement virulent du gouvernement Netanyahou venait d’emménager. Il se trouve que cet immeuble se trouve au coin de la rue où j’habite.

Les voisins d’Yitzhak Wasserlauf avaient orné leurs balcons d’immenses banderoles reprenant les principaux refrains du mouvement de protestation, l’une déclarant leurs habitants “fidèles à la Déclaration d’indépendance” et l’autre “peuple libre sur notre terre” (une citation de l’hymne national, “Hatikva”). Des autocollants apposés sur les réverbère le long de la rue proclamaient : “Coercition religieuse, racisme, homophobie : pas dans notre quartier”. “Les Israéliens laïques ne sont pas des esclaves”. Et, s’adressant à Netanyahou : “Nous ne servirons pas un dictateur”.

À quelques mètres de là, des policiers bousculaient avec force une autre foule de manifestants, tandis que leur commandant - connu pour avoir lancé des grenades assourdissantes sur les manifestants au début des rassemblements contre le coup d’État - leur criait de “tenir la ligne”.

La “ligne” n’avait aucun sens : il y avait des manifestants devant, derrière et sur les côtés. La démonstration de force était une démonstration de police performative. Un effort bruyant, inutilement antagoniste mais aussi pitoyable pour apaiser le patron ultime du commandant, le ministre de la sécurité nationale Itamar Ben-Gvir. Ben-Gvir dirige Otzma Yehudit, le parti extrémiste et kahaniste auquel appartient Wasserlauf.

Wasserlauf, ministre de la Périphérie d’Israël qui ne montre même pas un intérêt périphérique pour la vie en dehors de la grande ville, était déjà connu pour son sectarisme et son ethnonationalisme avant de pousser plus loin l’idée d’un activisme aggravé, en s’installant dans une région ouvertement et historiquement hostile à ses vues.

Son bilan est explicite. Il a déclaré que les juifs réformés “se moquaient de la religion”, tout en se moquant d’eux parce qu’ils “célébraient des bar-mitsvahs pour les chiens”- une insulte éculée. Il s’oppose aux défilés de la Fierté, il veut expulser les demandeurs d’asile et incite à la xénophobie, il tente de refuser des budgets aux citoyens arabes et il refuse de s’engager à respecter l’État de droit si la Cour suprême annule la première tranche de la réforme judiciaire du gouvernement.

Il s’est installé dans le sud de Tel-Aviv il y a des années en tant que membre d’un garin torani [Noyau de la Torah] - un groupe de nationalistes religieux juifs financé par l’État, peut-être mieux compris comme une cellule d’endoctrinement théocratique, souvent implanté dans des zones à populations laïques ou dans des villes mixtes arabes et juives, en tant que stratégie démographique et d’intimidation.

Soudain, alors que la tension monte en Israël, Wasserlauf décide de déménager au nord de Tel-Aviv pour vivre avec les mêmes libéraux qu’il méprise si bruyamment.

L’un de ses voisins a installé des panneaux sur les barrières du parking de Wasserlauf avec une variante des Dix Commandements, dont l’une se lit comme une référence aux colons violents qui constituent la base d’Otzma Yehudit : « Tu ne commettras pas de meurtre : pas à Huwara [scène d’un pogrom de colons], pas à Douma [où un extrémiste juif a incendié une famille palestinienne], nulle part ».



Arrestation de l’architecte Yoav Anderman : traité comme un vulgaire palestinien ou réfugié érythréen : il a eu de la chance, il a pu continuer à respirer


"Le détenteur de la pancarte a été capturé"

Il est scandaleux que le voisin ait été arrêté pour un délit mineur de vandalisme - un délit qui donne généralement lieu à une amende, et non à des policiers qui frappent à votre porte en plein shabbat. Lors de sa libération, le voisin a fait un commentaire : « Voilà à quoi ressemble la désintégration de la démocratie ».

De l’extérieur, on peut parfois avoir l’impression que le débat sur la réforme judiciaire de Netanyahou penche vers la théorie : parité entre les branches du gouvernement, signification du contrôle judiciaire, nature de la démocratie. Mais l’acte de provocation spectaculaire de Wasserlauf permet de ramener ce débat sur terre. Il y a deux Israël, divisés par leur adhésion (au moins en principe) soit à la démocratie libérale, soit à l’ethnonationalisme juif.

Le centre ne tient pas, et même si les semaines à venir ne débouchent pas sur une crise constitutionnelle et des troubles civils, le gouffre ne sera pas comblé. Il continuera de s’envenimer, car les deux parties considèrent qu’il s’agit d’une lutte existentielle.

Pour les libéraux israéliens en difficulté mais nouvellement combatifs, il s’agit d’une lutte contre l’autoritarisme, d’une lutte pour l’âme du pays, qui se déroule désormais non seulement à la Knesset et à la Cour, mais aussi dans les bus, sur les places de la ville et dans les rues résidentielles tranquilles.

29/07/2023

MICHELE GIORGIO
Quand Sinéad O’Connor qualifiait Itamar Ben Gvir de “bon à rien”

Michele Giorgio, il manifesto, 28/7/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

En 1997, la jeune, talentueuse et célèbre Sinéad O’Connor devait se produire à Jérusalem lors d’un festival organisé par des femmes israéliennes et palestiniennes intitulé “Deux capitales, deux États”. La musicienne et chanteuse irlandaise avait dû renoncer à ce concert en raison des menaces de mort proférées par le Front idéologique, une organisation d’extrême droite dirigée par un jeune Israélien, Itamar Ben Gvir. « Des groupes juifs d’extrême droite ont menacé de nous tuer, moi et mon groupe. Je ne suis pas prête à mourir pour les conneries de quelqu’un d’autre, ni à mettre mon groupe en danger, alors nous n’y sommes pas allése, avait expliqué O’Connor.

Ben Gvir n’a pas assumé la responsabilité des menaces. Cependant, il s’est vanté à la radio israélienne d’avoir, d’une manière ou d’une autre, provoqué l’annulation du concert dans le cadre d’un événement qui, a-t-il expliqué, était perçu comme une attaque contre le contrôle exercé par Israël sur l’ensemble de Jérusalem, y compris la zone arabe revendiquée par les Palestiniens comme la capitale de leur futur État indépendant. O’Connor a réagi en publiant une déclaration à l’Associated Press dans laquelle il accusait Ben Gvir de « n’avoir rien fait de bon dans la vie » et l’admonestait en disant que « Dieu ne récompense pas ceux qui sèment la terreur parmi les enfants du monde ».

L’article du journal Haaretz sur l’affrontement entre Itamar Ben Gvir et Sinéad O’Connor

Mercredi, l’artiste irlandaise qui a fait chanter au monde entier Nothing Compares 2 U est morte, laissant ses nombreux fans consternés. En revanche, l’extrémiste Itamar Ben Gvir, inconnu il y a vingt-six ans, est aujourd’hui ministre de la Sécurité nationale, l’un des postes les plus importants du gouvernement de l’État juif. Hier matin, sans même tenir compte des assurances données par le président israélien Herzog quant au respect du statu quo des lieux saints de Jérusalem, Ben Gvir a de nouveau pénétré sur l’Esplanade des Mosquées de Jérusalem à l’occasion de Tisha B’Av, le jour de la commémoration de la destruction du Temple juif. Il s’agit de la troisième “visite” de Ben Gvir sur le site depuis que le Premier ministre Benyamin Netanyahou a remporté les élections en novembre dernier. Et comme les précédentes, elle n’avait pas un but touristique. « C’est l’endroit le plus important pour le peuple d’Israël. Nous devons revenir et montrer notre autorité... En ce jour, en ce lieu, nous devons nous rappeler que nous sommes tous frères. Nous sommes le même peuple. Lorsqu’un terroriste regarde par la fenêtre, il ne peut pas nous distinguer », a déclaré le ministre - décrit comme un suprémaciste même par de nombreux Israéliens - en référence aux manifestations de masse, dont la dernière a eu lieu la nuit dernière, qui se déroulent en Israël contre la réforme judiciaire voulue par le gouvernement d’extrême droite religieuse au pouvoir. Quelques heures avant les revendications de Ben Gvir sur l’Esplanade des Mosquées (considérée par la tradition juive comme le site du Temple), un jeune Palestinien de 14 ans, Faris Abu Samra, a été tué lors d’une fusillade déclenchée par un raid de l’armée israélienne dans la ville de Qalqiliya (Cisjordanie). Cela porte à 202 le nombre de Palestiniens tués cette année par des soldats et des colons israéliens, dont 37 adolescents et enfants et 11 femmes.

Amit Halevi, député du Likoud, Yitzhak Wasserlauf, ministre du développement du Néguev et de la Galilée, et le rabbin Shimshon Elboim, du groupe du Mont du Temple, ont participé à la marche de Ben Gvir. Le ministère palestinien des affaires étrangères a vivement protesté : « Le gouvernement israélien soutient officiellement les raids et les agressions contre la mosquée Al Aqsa et les tentatives visant à modifier le statu quo... Netanyahou porte la responsabilité directe de cette provocation ». Des protestations ont également été émises par la Jordanie, l’Égypte et les USA. En représailles, un groupe affilié au Hamas a revendiqué le lancement d’une roquette artisanale depuis Jénine en direction d’une colonie israélienne.

23/05/2023

NOA SHPIGEL
Israël est en train de concocter une loi punissant d’un an de prison le déploiement de drapeaux palestiniens

Noa Shpigel, Haaretz,  18/5/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le projet de loi parrainé par un député d’extrême droite a franchi la première des quatre étapes législatives Les contrevenants pourraient risquer jusqu’à un an derrière les barreaux si la législation est approuvée.

Des manifestants avec le drapeau palestinien. Photo : Reuters

Le Parlement israélien est en train de faire avancer un projet de loi qui interdirait le déploiement public de drapeaux d’une “entité hostile”. La Knesset a voté une approbation préliminaire du projet de loi, qui doit maintenant passer trois votes supplémentaires.

Le projet de loi, parrainé par Almog Cohen, député d’Otzma Yehudit [Force juive, parti kahaniste d’Itamar Ben-Gvir, NdT], stipule que trois personnes ou plus brandissant le drapeau d’une entité ou d’une organisation ennemie seront considérées comme un rassemblement interdit. Si le projet de loi est adopté, le fait de brandir le drapeau palestinien en public serait passible d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison.

Le drapeau palestinien est souvent arboré par des citoyens arabes d’Israël, dont beaucoup s’identifient comme Palestiniens [sic], et par des Israéliens de gauche qui sont opposés à la politique de colonisation du gouvernement.

Le commissaire de police est autorisé à interdire le déploiement publique de drapeaux palestiniens s’il estime que ces drapeaux sont « un symbole susceptible de perturber la paix ». Toutefois, l’application de cette interdiction est laissée à la discrétion du commandant sur le terrain. En outre, conformément aux instructions du procureur général en 2006 et 2014, la police n’applique cette interdiction que lorsqu’il y a « une forte probabilité d’atteinte grave à la sécurité publique ».

Le projet de loi stipule que si au moins trois personnes se rassemblent et déploient en public des drapeaux d’un État ennemi, ou d’un État, d’une entité ou d’un organisme qui n’est pas ami d’Israël, ou qui n’autorise pas l’affichage du drapeau israélien dans sa juridiction, il s’agira d’un rassemblement interdit. Les personnes qui y participent peuvent donc être arrêtées et sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. Il serait également possible de disperser un tel rassemblement en vertu de la loi.

L’explication du projet de loi indique que celui-ci « oriente le comportement public en Israël. En tant que démocratie, Israël permet à ses citoyens de protester contre les décisions sur lesquelles ils ne sont pas d’accord avec les autorités. Mais la proposition trace une ligne rouge entre une protestation légitime et une protestation où sont déployés des drapeaux de ceux qui ne reconnaissent pas l’État d’Israël, de ceux qui ne sont pas amicaux à son égard ou qui ne permettent pas à Israël de hisser son drapeau sur son territoire ».

Une manifestante brandit un drapeau palestinien lors d’une manifestation en faveur de la démocratie à Tel Aviv, le mois dernier. Photo : Hadas Parush

Adalah, le Centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël, a déclaré dans un communiqué que les policiers qui confisquent les drapeaux lors des manifestations et arrêtent ceux qui les tiennent enfreignent gravement leur autorité et la loi. Adalah a déclaré que ce projet de loi est encore plus extrême que les dispositions de l’accord de coalition avec Otzma Yehudit, car il impose des sanctions pénales pour le déploiement du drapeau dans l’ensemble de la sphère publique, et pas seulement dans les institutions de l’État ou soutenues par l’État.

Un projet de loi doublant la peine pour harcèlement sexuel si le motif de l’infraction est déterminé comme étant nationaliste a également été approuvé lors d’un vote préliminaire mercredi. Ce projet de loi, également parrainé par Otzma Yehudit, est formulé dans un langage qui suggère, sans le dire explicitement, qu’il vise le harcèlement de femmes juives par des hommes arabes. Il prévoit une indemnisation des victimes pouvant aller jusqu’à 240 000 shekels (près de 60 000 €), sans qu’il soit nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice.

En janvier dernier, suite à l’interdiction (illégale) par Itamar Ben-Gvir de tout drapeau palestinien dans l’espace public, le dessinateur Michael Rozanvov, alias Mysh, a publié son autoportrait aux couleurs du drapeau interdit. De nombreux Israéliens lui ont demandé de faire leur portrait aux mêmes couleurs. Et même Itamar a eu droit à son portrait...


 

13/05/2023

AMEER MAKHOUL
L’union sacrée d’Israël autour de la nouvelle agression contre Gaza ne tiendra pas longtemps

Ameer Makhoul, Middle East Eye, 11/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La décision de frapper le Djihad islamique a donné à Netanyahou un regain de popularité, mais cela ne tiendra pas sur le long terme.

Carlos Latuff

Cette semaine, Israël a effectué une frappe cruciale en éliminant quatre dirigeants du Djihad islamique, ses médias soulignant la précision des missiles et l’exactitude des renseignements recueillis.

Mais cette couverture est restée largement indifférente au fait que l’opération s’est traduite par un massacre dévastateur.

Certains médias israéliens ont présenté le nombre de victimes - dont des enfants, des femmes et des professionnels de la santé - comme un bilan acceptable, fanfaronnant même sur le nombre relativement faible de victimes civiles palestiniennes. Un sentiment de célébration, de fierté et d’honneur a envahi Israël.

Un consensus national s’est dégagé lorsque les leaders de l’opposition parlementaire ont exprimé leur soutien aux actions du gouvernement Netanyahou. Les analystes estiment que l’opération pourrait prolonger la durée de vie du gouvernement assiégé, qui était aux prises avec des dissensions internes et semblait sur le point de s’effondrer.

Itamar Ben-Gvir, le leader d’extrême droite du parti Puissance juive, avait boycotté les sessions de la Knesset. Pourtant, même lui a fait l’éloge de l’opération, suggérant que ses pressions avaient porté leurs fruits, et vantant son propre rôle. Haut du formulaire

Bas du formulaire

Entre-temps, des milliers d’Israéliens ont fui leurs maisons dans les communautés proches de Gaza, tandis que l’armée supervisait un plan d’évacuation plus large.

Israël s’est félicité du succès de ses opérations militaires, citant la bonne coordination des renseignements entre l’armée et l’agence de sécurité Shin Bet. Cette démonstration de sa capacité à cibler les dirigeants palestiniens, même dans leurs propres chambres à coucher, vise à envoyer un message à toutes les factions du Sud-Liban, de la Cisjordanie occupée et de Gaza : le rayon d’action d’Israël est tous azimuts.

Assassinats ciblés

La stratégie israélienne d’assassinats ciblés démontre sa politique impitoyable d’éradication des dirigeants du Djihad islamique, en raison des opérations très médiatisées du groupe et de sa philosophie de résistance à l’occupation. Les responsables israéliens ont à plusieurs reprises exhorté le Hamas à ne pas s’impliquer dans la confrontation actuelle.

Pourtant, alors qu’Israël s’attendait à ce que la réponse palestinienne soit à l’image des précédentes agressions contre Gaza, ce n’est pas ce qui s’est produit immédiatement. Les tensions ont été exacerbées au sein de l’establishment sécuritaire, politique et médiatique israélien, alors que le pays attendait de voir ce qui allait se passer.

Bien que des roquettes aient été tirées de Gaza dans la nuit de mercredi à jeudi, le retard pris dans la réponse a semblé indiquer qu’Israël ne contrôlait plus la manière dont ces situations se développaient.

Les factions palestiniennes semblent agir selon leurs propres plans et calendriers, contrairement au rythme dicté par Israël.

Dans le même temps, Israël a perdu le soutien de l’Égypte qui, malgré ses efforts de médiation à Gaza, a fortement critiqué les récentes frappes contre le Djihad islamique, estimant que le massacre sapait les efforts visant à établir une stabilité à long terme et violait les engagements pris par Israël lors des récentes conférences d’Aqaba (Jordanie) et de Charm el-Cheikh (Égypte).

De nombreuses factions palestiniennes et forces régionales estiment que le pouvoir de dissuasion qu’Israël détenait autrefois a considérablement diminué au cours des cinq mois qui se sont écoulés depuis l’entrée en fonction du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou, et qu’il n’a pas réussi, sur le plan stratégique, à renforcer son influence régionale et à consolider ses défenses nationales. 

Un autre défaut d’Israël réside dans son incapacité à anticiper l’intensité de la réponse palestinienne à son agression. À Tel-Aviv, les services de sécurité ont choisi cette semaine d’ouvrir des abris anti-bombes publics et de fermer des écoles. Ces coûts sécuritaires, politiques et économiques supplémentaires pourraient inciter Israël à lancer une offensive plus large sur plusieurs fronts, afin de tenter de reprendre le contrôle de la trajectoire et des conséquences de la confrontation.

Neutraliser le Hamas

Bien qu’il n’y ait aucune preuve que la dernière agression d’Israël soit une conséquence directe de ses profonds troubles internes, la diminution du pouvoir de dissuasion de l’État peut certainement être attribuée au climat politique actuel et à la crise intérieure. Par conséquent, l’agression doit être considérée dans ce contexte. 

Si cette stratégie agressive s’avère fructueuse du point de vue israélien, le premier bénéficiaire politique en sera Netanyahou, dont la cote de popularité est sur le point de grimper.

Mais ce regain de popularité ne sera pas durable et ne garantira pas non plus la longévité du gouvernement de Netanyahou, compte tenu des conflits intérieurs profondément enracinés et des manifestations publiques en cours. Il ne permettra pas à Netanyahou de relever les défis les plus pressants auxquels il est confronté. Dans le même temps, les sondages ont montré que la confiance des citoyens israéliens dans le chef de l’opposition, Benny Gantz, s’accroît.

Entre-temps, Israël fait le pari de neutraliser le Hamas - qui gouverne effectivement la bande de Gaza et détient la plus grande puissance militaire - et de garantir un cessez-le-feu durable.

Cependant, la situation s’est encore aggravée après que le ministre de l’Énergie, Israel Katz, a menacé cette semaine d’assassiner Yahya Sinwar, le chef du Hamas à Gaza, et son chef militaire Mohammed Deif, en cas de représailles de la part du Hamas. Le Hamas a publié mercredi une déclaration suggérant que ses forces participaient aux tirs de roquettes de représailles, bien que cela n’ait pas été immédiatement vérifié.

L’appareil de sécurité israélien est perplexe face à la réaction tardive et imprévisible des Palestiniens, car il s’attendait à une réaction immédiate de tirs de roquettes, suivie d’une médiation, de pressions et finalement d’une trêve jusqu’à la prochaine agression. Mais la réalité s’est avérée plus complexe.

Des inquiétudes sont apparues quant à la possibilité que l’état d’urgence israélien se prolonge indéfiniment, les coûts associés pouvant dépasser ceux d’un engagement militaire limité. La possibilité que les Palestiniens prennent pour cible les manifs des colons dans la partie occupée de Jérusalem-Est suscite également des craintes.

Toutes les options semblent être sur la table, une trêve paraissant peu probable. Les factions palestiniennes semblent agir selon leurs propres plans et calendriers, par opposition au rythme dicté par Israël, passant d’un cycle réactif à un plan d’action plus délibéré. Bien que cela crée une nouvelle dynamique, cela ne modifie pas fondamentalement l’essence du conflit.

 

 

04/04/2023

RUTH MARGALIT
Itamar Ben-Gvir, ministre israélien du Chaos

Ruth Margalit, The New Yorker, 27/2/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Alors que des troubles agitent le pays, une figure controversée de l’extrême droite aide Benjamin Netanyahou à se maintenir au pouvoir.

À la fin de l’année dernière, alors qu’Israël inaugurait le gouvernement le plus à droite de son histoire, une blague désespérante a circulé en ligne. Une image divisée en carrés ressemblant à un captcha - le test conçu pour vous différencier d’un robot - représentait les membres du cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahou. La légende disait : « Sélectionnez les carrés dans lesquels apparaissent les personnes qui ont été inculpées ». La bonne réponse concernait la moitié d’entre eux. C’était le genre de message qui est devenu typique du centre et de la gauche israéliens ces dernières années : sombre, cynique et finalement résigné.

Quelques semaines plus tard, le cabinet Netanyahou a présenté la première étape d’une refonte judiciaire qui affaiblirait la Cour suprême du pays et rendrait le gouvernement largement imperméable au contrôle. Les députés de droite avaient déjà proposé une mesure similaire, mais elle avait été jugée trop radicale. Ce qui a changé, selon les opposants à Netanyahou, c’est qu’il est désormais accusé d’avoir accordé des faveurs politiques à des magnats en échange de cadeaux personnels et d’une couverture médiatique positive, accusations qu’il nie. En supprimant les contraintes qui pèsent sur le pouvoir exécutif, la refonte menaçait de placer Israël dans les rangs de démocraties peu libérales telles que la Hongrie et la Pologne. Dans un discours extraordinairement brutal, la présidente de la Cour suprême du pays, Esther Hayut, l’a qualifiée de “coup fatal” porté aux institutions démocratiques. Depuis lors, des dizaines de milliers de manifestants se sont déversés dans les rues de Tel-Aviv et d’autres villes chaque samedi. La pancarte d’un manifestant résume le sentiment général : « À vendre : Démocratie. Modèle : 1948. Sans freins ».

Netanyahou dirige le Likoud, un parti qui se définit par des idées conservatrices et populistes. Le Likoud a longtemps adopté des positions dures en matière de sécurité nationale, mais ses dirigeants ont toujours vénéré l’État de droit, maintenu l’équilibre des pouvoirs et défendu la liberté d’expression. Netanyahou avait lui aussi l’habitude de courtiser les électeurs centristes, en tentant de convaincre les indécis. Mais l’échec des négociations de paix avec les Palestiniens et la montée en puissance du nationalisme religieux ont eu pour effet de ratatiner la gauche israélienne et de rendre le parti de Netanyahou plus extrémiste. Récemment, un député du Likoud a présenté une proposition qui interdirait à de nombreux hommes politiques palestiniens de se présenter à la Knesset.

Les manifestants avertissent que les titres des journaux israéliens commencent à ressembler à un manuel pour les futures autocraties, avec des ministres apparemment triés sur le volet pour saper les services qu’ils dirigent. Le nouveau ministre de la Justice a l’intention de priver le système judiciaire de son pouvoir. Le ministre des Communications a menacé de défaire le radiodiffuseur public israélien, espérant apparemment canaliser l’argent vers une chaîne favorable à Netanyahou. Le ministre des Affaires de Jérusalem et des Traditions a qualifié les organisations représentant les juifs réformés de “danger actif” pour l’identité juive.

Ben-Gvir a bâti sa carrière sur la provocation. En tant que ministre de la sécurité nationale, il supervisera ce qu’un fonctionnaire appelle une “armée privée”. Illustration de Yonatan Popper

Cependant, personne n’offense les Israéliens libéraux et centristes autant qu’Itamar Ben-Gvir. Entré à la Knesset en 2021, il dirige un parti d’extrême droite appelé Otzma Yehudit, Pouvoir juif. Son modèle et sa source idéologique sont depuis longtemps Meir Kahane, un rabbin de Brooklyn qui s’est installé en Israël en 1971 et qui, au cours d’un seul mandat à la Knesset, a testé les limites morales du pays. Les hommes politiques israéliens s’efforcent de concilier les identités d’Israël en tant qu’État juif et que démocratie. Kahane a affirmé que « l’idée d’un État juif démocratique est absurde ». Selon lui, les tendances démographiques allaient inévitablement faire des non-Juifs d’Israël une majorité, et la solution idéale était donc « le transfert immédiat des Arabes ». Pour Kahane, les Arabes étaient des “chiens” qui “doivent rester tranquilles ou dégager”. Sa rhétorique était si virulente que les députés des deux bords avaient l’habitude de quitter la Knesset lorsqu’il prenait la parole. Son parti, le Kach (Ainsi), a finalement été exclu du parlement en 1988. Pouvoir Juif est une émanation idéologique du Kach ; Ben-Gvir a été l’un des responsables de la jeunesse du Kach et a qualifié Kahane de “saint”.

Âgé de quarante-six ans, il a été condamné pour au moins huit chefs d’accusation, dont le soutien à une organisation terroriste et l’incitation au racisme. Son casier judiciaire est si long que, lorsqu’il comparaissait devant un juge, « nous devions changer l’encre de l’imprimante », m’a dit Dvir Kariv, un ancien fonctionnaire de l’agence de renseignement Shin Bet. En octobre dernier encore, Netanyahou refusait de partager la scène avec lui, ou même d’être vu avec lui sur des photos. Mais une série d’élections décevantes a convaincu Netanyahou de changer d’avis.