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26/06/2023

HAGAR SHEZAF
La moitié des terres de Cisjordanie saisies par Israël est exclusivement destinée à l'usage des colons, selon un rapport

Hagar Shezaf, Haaretz,15/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les terres expropriées qui doivent légalement servir à la fois aux colons israéliens et aux Palestiniens hébergent désormais des colonies et des routes réservées aux Juifs.

La route menant à la colonie de Kedar, en juin. Photo : Emil Salman


Selon un rapport publié mercredi, près de la moitié des terres de Cisjordanie expropriées à des fins publiques ne sont utilisées que par des colons juifs.

Ces terres ont été saisies principalement pour la construction d'infrastructures telles que des routes, mais au fil des ans, Israël a émis des ordres d'expropriation pour des parcelles sur lesquelles quatre colonies ont été établies. Les décisions de la Haute Cour de justice israélienne ont déterminé au fil des ans que les terres palestiniennes de Cisjordanie ne peuvent être saisies que pour un usage public qui bénéficiera également aux Palestiniens.

Le rapport, publié par les associations israéliennes Kerem Navot et Haqel, révèle que, sur les terres expropriées en Cisjordanie, seuls 2 % sont utilisés par les Palestiniens. Le reste des terres est utilisé en partie par les deux populations et en partie par les seuls colons.

Selon une étude menée par Dror Etkes et l'avocate Quamar Mishirqi-Assad, depuis l'occupation de la Cisjordanie en 1967 jusqu'en 2022, 313 ordonnances d'expropriation ont été émises à des fins publiques pour des terres couvrant une superficie d'environ 74 000 dunams (7400 ha). Les terres saisies qui servent à la fois aux Juifs et aux Palestiniens représentent environ 37 000 dunams (3700 ha) ; celles qui servent uniquement aux colons représentent plus de 36 000 dunams (3600 ha). Seuls 1532 dunams (153 ha) sont utilisés uniquement par les Palestiniens.

La plupart des ordonnances d'expropriation ont été émises pour la construction de routes utilisées à la fois par les Palestiniens et les colons. Dans certains cas, cependant, des ordonnances d'expropriation ont été émises pour la construction de chemins d'accès aux différentes colonies ou de routes à l'intérieur de celles-ci.

La construction de la route empruntée par les habitants de la colonie juive de Kedar en 2002 est un exemple clair de la manière dont des terres prétendument saisies pour un usage public sont finalement utilisées par les seuls colons. Pour construire cette route, l'armée israélienne a exproprié quelque 194 dunams (19,4 ha) du village d'Abu Dis, à la périphérie de Jérusalem.

Selon le plan initial, la route devait relier l'entrée de la ville palestinienne d'Al-Eizariya à la route principale menant à Bethléem. L'armée a cependant bloqué la route et, depuis 20 ans, elle est presque entièrement utilisée par les colons de Kedar. L'année dernière, l'armée avait prévu de lever le barrage et de permettre aux voyageurs palestiniens d'emprunter également la route, mais suite aux protestations des colons, le projet n'a jamais abouti.

La route qui mène à la colonie de Kedar, bloquée pour les Palestiniens, la semaine dernière. Photo : Emil Salman

À quatre reprises, des ordres d'expropriation ont été émis pour des terres sur lesquelles des colonies ont été construites par la suite. Le plus important d'entre eux est l'ordre de 1975 qui a exproprié plus de 28 000 dunams (2800 ha) de sept villages palestiniens.

La ville de Ma'aleh Adumim, le parc industriel de Mishor Adumim et une partie de la colonie de Mitzpe Yeriho ont été construits sur ces terres, mais ne couvrent qu'un quart environ de la superficie totale expropriée. Les colonies d'Ofra et de Har Gilo y ont également été construites, et le plan de construction controversé dans la zone E1 (entre Jérusalem et Ma'aleh Adumim) est censé être construit sur la base de cet ordre de 1975.

Ma'aleh Adumim, la semaine dernière. Photo :  Emil Salman

Israël a également émis des ordres d'expropriation pour des sites archéologiques. Par exemple, 139 dunams (13,9 ha) de terres proches des habitations du village palestinien d'Al-Auja ont été récemment expropriés pour le site archéologique d'Archelais. En revanche, parmi les ordonnances d'expropriation délivrées pour le seul usage palestinien, on trouve celles qui concernent la construction de stations d'épuration et de gares routières.

Les données montrent une corrélation entre le nombre d'ordonnances d'expropriation et l'augmentation de la construction de colonies. Selon le rapport, il ne s'agit pas d'une coïncidence. Quelque 56 % des 179 ordonnances émises à ce jour l'ont été entre 1977 et 1984, et c'est au cours de ces années que 70 nouvelles colonies ont été construites - une tâche qui a nécessité la construction d'infrastructures et de routes.

La position juridique israélienne acceptée est que l'expropriation de terres à usage public pour les colons n'est autorisée que lorsqu'elle sert également les Palestiniens. C'est ce qui ressort d'une pétition déposée contre la construction de la route 443 (qui relie Tel-Aviv à Jérusalem), qui a conclu que la route pouvait être construite parce qu'elle desservait les deux populations.

Le site archéologique d'Archelais dans la vallée du Jourdain, la semaine dernière. Photo : Emil Salman

En 2017, le procureur général de l'époque, Avichai Mendelblit, a présenté un avis juridique selon lequel des terres palestiniennes privées pouvaient être expropriées pour l'usage public des colonies. Cet avis s'inscrivait dans le cadre d'une tentative de légalisation de l'avant-poste juif de Harsha, compliquée par une route d'accès qui passait par des terres privées. Cet avis fait suite à une décision de l'ancien juge de la Cour suprême, Salim Joubran, qui avait estimé que les terres pouvaient être saisies au profit des colons israéliens parce qu'ils faisaient eux aussi partie de la “population locale” de la Cisjordanie.

En 2020, la présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, a annulé une loi qui aurait légalisé le statut des colonies partiellement construites sur des terres palestiniennes privées, au motif qu'elle était “inconstitutionnelle”. Dans son arrêt, Esther Hayut a déclaré que la loi « cherche à légaliser rétroactivement des actes illégaux perpétrés par une population spécifique de la région tout en portant atteinte aux droits d'une autre population ».