L’intérêt des USA pour le Maroc passe maintenant par Gaza, au cas où celui-ci pourrait contribuer d’une manière ou d’une autre à imposer la Pax Americana dans ce territoire, pour lequel le président usaméricain a déjà esquissé un plan.
Ignacio Cembrero, El Confidencial, 09/02/2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala
Donald Trump est de retour à la
Maison Blanche. Il a été le premier président d’une démocratie à reconnaître,
en 2020, la souveraineté du
Maroc sur le Sahara occidental. Rabat réfléchit actuellement à
la manière de tirer le meilleur parti du magnat new-yorkais pour ce qu’il
appelle sa « cause nationale », à savoir l’ancienne colonie
espagnole.
En décembre 2020, Trump s’était engagé
à ouvrir un consulat usaméricain à Dakhla, la deuxième ville du Sahara, mais
son successeur, Joe Biden, a retardé l’ouverture de ce consulat. Rabat espère
désormais qu’il franchira le pas, mais il s’agit d’une initiative mineure par
rapport aux rêves que la diplomatie marocaine nourrit pour les terres dont elle
s’est emparée il y a un demi-siècle grâce à la Marche verte.
Selon une source diplomatique au
fait des intentions marocaines, le plan diplomatique du Maroc est de tenir une
conférence internationale aux Émirats arabes unis (EAU), son principal allié
arabe, sous l’égide des USA et des puissances européennes, à commencer par la
France, qui donnerait sa bénédiction à la « marocanité » du Sahara
occidental.
« Le Maroc espère maintenant
obtenir le feu vert international final » sur le Sahara « lors d’une
conférence qui se tiendra aux EAU en avril écrit. Hugh Lovatt,
chercheur au Conseil européen pour les relations internationales, dans un article
publié par le think-tank barcelonais CIDOB [voir version
française ci-dessous]. Rabat
tenterait ainsi de « forcer les États européens récalcitrants [Royaume-Uni,
Italie, etc.] et l’ONU elle-même à se rallier », prédit Lovatt, dans un
entretien avec El Confidencial. « Il y a déjà eu des contacts
diplomatiques en ce sens », affirme-t-il, tout en doutant que la date
initiale d’avril soit respectée.
Le gouvernement socialiste
espagnol pourrait difficilement éviter de participer à une telle conférence s’il
souhaite continuer à entretenir des relations harmonieuses avec son voisin
marocain. La conférence s’inscrirait également dans la lignée de la lettre que le
Président Pedro Sánchez a adressée le 14 mars 2022 au roi Mohammed
VI, s’alignant sur la solution d’autonomie que ce dernier préconise pour
résoudre le conflit du Sahara.
Les autorités marocaines refusent
de donner plus de détails sur ce plan d’autonomie de trois pages, qu’elles ont
présenté en 2007, comme l’a souligné en octobre devant le Conseil de sécurité Staffan de Mistura, l’envoyé
spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental. Elles s’efforcent
cependant de promouvoir des associations sahraouies qui, aux yeux de l’Occident,
pourraient faire de l’ombre au Front Polisario, le mouvement qui représente la
majorité.
Il y a d’abord eu le Mouvement
sahraoui pour la paix, dirigé par Hach Ahmed Barical, qui a été discrédité
après qu’un rapport du Centre national du renseignement espagnol, révélé par El
País en 2022, l’a décrit comme le chef d’une « organisation-écran »
des services de renseignement extérieur marocains.. Les
services marocains ont maintenant parrainé à El Ayoun Initiative
sahraouie, dirigée par une femme, Gasmula Ebbi, ancienne députée à
Rabat, qualifiée par la propagande de "Pasionaria du Sahara".
En échange de la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara en 2020, le
roi Mohamed VI a dû offrir une contrepartie à Trump : établir des relations
diplomatiques avec Israël. Il s’est ainsi rallié aux « accords d’Abraham »
finolés par le gendre du président, Jared Kushner, auxquels d’autres pays
musulmans (EAU, Bahreïn, Soudan) avaient déjà adhéré.
Aux yeux de l’administration
Trump, le Maghreb n’a que peu d’importance. Pour le mobiliser en sa faveur, le
Maroc doit lui offrir quelque chose en retour, comme il l’a fait en 2020 avec
Israël. Que peut-il faire maintenant ? « Jouer un rôle quelconque dans la
bande de Gaza post-conflit avec le consentement des parties », a répondu
Hugh Lovatt dans son article. En mai dernier, l’administration Biden a déjà
sondé le Maroc, l’Égypte et les Émirats arabes unis sur leur volonté d’intégrer
une force de maintien de la paix à Gaza une fois la guerre terminée, comme l’a révélé le
Financial Times.