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11/05/2025

ORLY NOY
Ce qu’un « sommet de la paix » révèle sur l’état de la gauche israélienne

Des ateliers de dialogue bien intentionnés, des panels sur des solutions politiques lointaines, mais aucune mention du génocide : ce sont des distractions privilégiées que nous ne pouvons plus nous permettre.
Orly Noy, Local Call/+972 Magazine 7/5 /2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala
Orly Noy est née à Téhéran en 1979. Elle s’appelait alors Mozghan Abginehsaz. Arrivée en Palestine avec ses parents en janvier 1979, elle a dû changer de prénom puis a adopté le nom de famille de son mari Chaim par commodité. Elle s’est engagée à l’adolescence dans la défense des droits des Mizrahim (les Juifs orientaux) et dans les efforts pour établir des alliances entre Palestiniens et Mizrahim. Traductrice, elle a notamment traduit en 2012 le roman Mon oncle Napoléon, d’Iraj Pezeshkzad en hébreu. Présidente du CA de l’ONG B’Tselem, elle est rédactrice en chef du site ouèbe Local Call et milite au parti Balad-Tajamu, créé et animé par des Palestiniens de 1948 et comptant dans ses rangs des militants juifs. 
Ce week-end, une coalition de 50 organisations israéliennes de paix et de partage social s’est réunie à Jérusalem pour le « Sommet du peuple pour la paix » - un rassemblement de deux jours qui vise, selon son site Internet, à « [travailler] ensemble avec détermination et courage pour mettre fin au conflit israélo-palestinien par le biais d’un accord politique qui garantira le droit des deux peuples à l’autodétermination et à des vies sûres ». 


Ici, en Israël-Palestine, nous vivons une période sombre et amère, comme nous n’en avons jamais connue auparavant. Dans ces circonstances, une démonstration de force aussi impressionnante de la part de la gauche réveillée est sans aucun doute importante et significative, et je tire mon chapeau à tous ceux qui travaillent à créer un changement vers un avenir meilleur.

Pourtant, il faut reconnaître que la conférence se déroulera au milieu d’un génocide en cours, qui a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de Palestiniens à Gaza, et qui est susceptible de s’intensifier encore dans un avenir proche. Après avoir examiné attentivement le programme très dense des activités et des panels de la conférence, le mot « Gaza » n’apparaît que dans un seul événement, intitulé : « La paix après le 7 octobre - Voix de l’enveloppe de Gaza et de Gaza », qui présente « [des] résidents [israéliens] de la zone frontalière de Gaza et des survivants du massacre, ainsi que des messages vidéo d’activistes pacifistes à Gaza ».

Plus d’un an et demi après l’anéantissement systématique de la bande de Gaza par Israël, les seules victimes que les organisateurs de l’événement semblent vouloir reconnaître sont les victimes israéliennes du massacre du 7 octobre. Les habitants de Gaza - ceux qui font face à un génocide - doivent être désignés comme des « militants de la paix » afin d’obtenir la légitimité d’exprimer leur point de vue devant les participants.

Cela soulève des questions troublantes : Comment le « camp de la paix » conçoit-il son rôle en ces temps sans précédent ? Et, plus fondamentalement encore, comprend-il l’ampleur du génocide dans lequel nous nous trouvons ?

Faire face à une nouvelle réalité

C’est peut-être la volonté d’être « du peuple » qui a conduit les organisateurs à choisir des titres aussi stériles et rassurants pour un grand nombre d’événements de la conférence : « Woodstock pour la paix« , avec une “journée entière de connexion à la terre, à la nature, à la paix et à l’espoir” ; “Des jeunes Israéliens et Palestiniens présentent leur point de vue sur le mot ”paix’ » ; « Il y a un chemin » ; « L’espoir de Jérusalem » ; etc.

Le désir d’offrir de l’espoir, à une époque où il est si profondément absent, est compréhensible. Mais lorsque pas un seul événement du programme de la conférence n’est consacré au génocide en cours à Gaza, cet espoir devient, au mieux, détaché de la réalité et, au pire, une échappatoire dépolitisée cherchant à abrutir et à engourdir.

Parallèlement, la conférence comprend plusieurs tables rondes traitant des solutions politiques potentielles futures et des cadres pour « mettre fin au conflit ». Cela suggère que, malgré ce qui se déroule sous notre nez, les organisateurs pensent que le rôle principal de la gauche israélienne reste inchangé : insister sur le fait que le conflit israélo-palestinien n’est pas inévitable et que des solutions existent pour bénéficier à toutes les personnes vivant entre le fleuve et la mer. À mon avis, nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de réexaminer non seulement la réalité, mais aussi notre rôle au sein de celle-ci.

L’accent mis sur les « solutions politiques » implique que ce qui nous fait le plus défaut aujourd’hui, c’est « l’imagination politique », un concept fréquemment invoqué lors de la conférence. Cette hypothèse mérite d’être remise en question. Ce qui se passe à Gaza n’est pas le résultat d’un manque d’imagination de la part des Israéliens et des Palestiniens, ou parce qu’on ne leur a pas présenté de plans de paix suffisamment clairs au cours des dernières décennies. Le fascisme meurtrier n’a pas pris le contrôle du gouvernement israélien parce que le public ne s’est pas vu proposer suffisamment d’alternatives.

En effet, nous ne pouvons pas considérer comme acquis que la rupture profonde et sanglante que nous vivons conduira naturellement le public israélien à réaliser qu’une voie différente doit être trouvée. Bien qu’une partie des Israéliens ait peut-être appris cette leçon depuis le 7 octobre, le sentiment le plus répandu est qu’Israël peut et doit « mettre fin à la question palestinienne » par la force et, si nécessaire, par l’anéantissement, l’épuration ethnique et l’expulsion.

Si les sondages n’indiquent pas de montée en puissance spectaculaire des partis de gauche, ce n’est pas parce que l’opinion publique ne connaît pas leur offre politique, mais parce qu’elle n’en veut pas. Telle est la réalité à laquelle la gauche doit faire face.

En ce sens, la conférence de paix se replie sur la zone de confort de la gauche israélienne, évitant les questions existentielles auxquelles ce moment historique nous oblige à nous confronter. Et cela avant même de considérer les obstacles pratiques des solutions proposées, comme le démantèlement délibéré par Israël du leadership palestinien et l’évidement de l’Autorité palestinienne.

Dures vérités

Je pense que cette conférence est une réponse au profond et écrasant sentiment d’impuissance que nous ressentons tous, alors que les rivières de sang continuent de couler sous nos yeux. Bien qu’il soit tentant d’offrir de l’optimisme, de la paix et des solutions - après tout, ce sont des choses dont nous avons tous désespérément besoin - l’espoir n’est jamais un luxe ; c’est un moteur nécessaire pour le changement.

Mais pour que l’espoir se transforme d’un vœu creux en un plan réalisable, il doit être ancré dans la réalité, et non en être détaché. Je suggère à la gauche de s’attarder un moment dans ce lieu de rupture totale et d’impuissance, de reconnaître nos limites dans cette réalité génocidaire et, à partir de là, de réexaminer notre rôle.

La répression institutionnalisée qui vise désormais ouvertement toutes les organisations de gauche en Israël fait également partie de la réalité à laquelle nous devons faire face, et elle exige des choix tactiques et stratégiques radicalement différents de ceux sur lesquels nous nous sommes appuyés jusqu’à présent. Nous devons affronter la dure vérité : aucune des solutions politiques actuellement proposées n’est réalisable sous ce régime d’apartheid. Le temps des illusions est révolu. 

Notre tâche consiste maintenant à repenser l’organisation d’un camp d’opposition qui se consacre au démantèlement de ce système. Cela nécessitera une bonne dose d’humilité et la reconnaissance sobre du fait qu’avant que des solutions puissent émerger, nous devons d’abord endurer une période douloureuse de lutte prolongée. C’est là que notre énergie doit être dirigée.

Pour être clair, ces mots ne sont pas écrits par cynisme ; j’apprécie vraiment les organisateurs de la conférence et ses nombreux participants. Je ne doute pas de leurs bonnes intentions et de leur engagement sincère à changer notre horrible réalité. Pourtant, alors qu’Israël affame systématiquement les habitants du camp d’extermination de Gaza, la gauche israélienne ne peut plus rester dans sa zone de confort.

Le message de Macron au « Sommet de la paix »

24/07/2024

GIDEON LEVY
Shikma Bressler, la voix divine du camp éclairé : quand le pharisaïsme de la gauche sioniste s’étale au grand jour

Gideon Levy, Haaretz, 21/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L'avis évident, inévitable, légal et juste de la Cour internationale de justice concernant l'atrocité qu'est l'occupation des territoires palestiniens envahis en 1967 a déclenché le prévisible répertoire grotesque de réactions en Israël ce week-end.

Il est inutile de se crêper le chignon avec ceux de la droite, qui soutiennent qu'il n'y a pas de droit international qui s'applique à l'État du Peuple Élu, qui est au-dessus de tout droit. Les réactions douloureusement similaires de la gauche et du centre sionistes, et surtout de Benny Gantz et de Yair Lapid, prouvent pour la millionième fois que sur les questions essentielles, la seule différence entre eux et la droite, c’est leur discours et leurs costards.

L'avis rendu vendredi aurait été rendu depuis longtemps par la Haute Cour de justice d'Israël, si celle-ci était digne de ce nom. Cette cour, dans sa lâcheté, a abusé et trahi son devoir pendant toutes ces années tout en bénéficiant d'un faux prestige.

Mais la réponse de la plus magnifique opposition extraparlementaire combattante de l'histoire israélienne, le mouvement de protestation des Frères et Sœurs d'armes, les “Kaplanistes” [protagonistes des manifs du shabbat rue Kaplan à Tel Aviv, où réside le premier ministre, NdT] et leurs semblables, qui a d'abord lutté contre le coup d'État judiciaire et Benjamin Netanyahou et qui lutte maintenant pour la libération des otages et contre Netanyahou, les a tous surpassés.


Kiryat Bialik, 23 mars 2023 : Shikma Bressler interpellée pour avoir encouragé les manifestants à bloquer une autoroute. Elle sera relâchée après un interrogatoire une heure plus tard. Ses camarades ont poussé des cris d'orfraie, criant au scandale : « Au lieu de l'arrêter, on devrait lui donner un Prix d'Israël ». Bref, beaucoup de bruit pour rien [NdT]

Cette protestation a un visage, qui est revenu récemment après une absence. C'est ainsi que Shikma Bressler a écrit sur X : « Au vu des résultats, rien n'a fait plus de mal à la colonisation de la Judée et de la Samarie que les racistes ultranationalistes. La décision de La Haye n'est pas le fruit du hasard ». Bingo. Il existe un camp éclairé et juste en Israël. Bressler en est la voix divine.

23/12/2021

GIDEON LEVY
Une fois Bibi parti, les néosionistes sortent de leurs tanières

 Gideon Levy, Haaretz, 23/12/2021
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Comme des champignons après une pluie d'orage, ils sortent de leur tanière, arrachent leurs masques, se débarrassent de leurs déguisements et quittent le placard. Après avoir craint pendant des années de le faire, de peur d'être catalogués comme des partisans de Satan, alias Benjamin Netanyahou, ils peuvent maintenant redevenir les Archie Bunker qu'ils sont, les Yair Lapid du quartier bobo de Ramat Aviv Gimel à Tel Aviv.

Des bourgeois bien nourris, éternellement satisfaits d'eux-mêmes, qui ne demandent qu'à être tranquilles, sereins, bien vivre et surtout continuer à se congratuler sur eux-mêmes et sur le pays que leurs pères ont créé, sans que personne ne vienne troubler leur festin d'autosatisfaction.

Civils palestiniens (présentés comme « prisonniers de guerre ») détenus dans un des camps de concentration et de travail créés par les sionistes en 1948, ici à Ramleh. Photo : Salman Abu Sitta, Palestine Land Society 

La résistance palestinienne leur hérisse le poil, tout comme Adam Raz et sa dénonciation des massacres de 1948, tout comme Moiz Ben Harosh et sa haine des Ashkénazes. Tout cela fissure leur image de soi, si belle et si éclairée à leurs propres yeux. C'est ce qui vole leur pays et le conduit à l'égout, comme ils le chantaient lors des séances patriotiques avec la chanteuse Sarah’le Sharon.

Ils ont entre 40 et 50 ans, sont pour la plupart ashkénazes, certains ont vécu dans des kibboutzim ou des moshavim, seigneurs de la terre. Dans leur jeunesse, dans les années 90, ils étaient de gauche. Ils étaient si heureux d'Oslo et si choqués par le meurtre d'Yitzhak Rabin, qui a également assassiné la paix qui était à portée de main, si seulement Yigal Amir n'avait pas existé.