Dans le roman inachevé Les Aventures du brave soldat Chvéïk,
de Jaroslav Hašek, il est fait mention d'anciennes tortures et punitions
infligées aux personnes accusées d'une faute, telles que boire du plomb fondu,
marcher sur des fers rougis au feu, porter les très douloureuses « bottes
espagnoles » (qui n'ont rien à voir avec les crocs), d'être brûlés avec
des torches, écartelés, empalés, bref, d'un vaste répertoire de souffrances
pour le malheureux prisonnier.
L'œuvre, comme on le sait, s'est imposée comme une satire
contre l'absurdité (et aussi contre la barbarie) de la guerre. « Se faire
arrêter aujourd'hui, c'est un jeu », dit le brave soldat, car, selon lui, on te
donne un lit de camp, une table, de la soupe, du pain, un petit pot d'eau, et
les toilettes sont juste là, sous ton nez. J'ai entendu quelque chose de
similaire ces derniers jours, après la condamnation de l'ancien président Álvaro
Uribe, qui purgera sa peine dans une maison de luxe et à qui on ne dira pas,
cela aurait été le comble du « progrès », « nous avons décidé que demain, vous
serez écartelé ou brûlé, selon ce que vous préférez », car, comme le disait le
Tchèque Chvéïk, la situation s'est améliorée en ce qui concerne les détenus.
Le cas du premier ancien président colombien condamné a
suscité toutes sortes de réactions dans un pays d'extrêmes, où, heureusement,
il reste encore des traces d'humour, notamment noir, mais aussi d'autres
nuances. Au-delà de cette affaire retentissante, qui a donné lieu à des prises
de position divergentes, à des spéculations, à une créativité populaire, à des
rires et des larmes, elle a été pour les plus jeunes l'occasion d'en savoir un
peu plus sur l'histoire contemporaine d'un pays marqué par les massacres, les
déplacements forcés, les « faux positifs », les réformes du travail
défavorables aux travailleurs, le néolibéralisme sauvage et les oppositions
tant à la paix qu'à la guerre.
On pourrait réduire à l'absurde absolu l'organisation de
certaines marches en faveur du condamné, mais, d'un autre côté, il faudrait
souligner comment la situation a débordé la créativité populaire (même si le
peuple a toujours été victime de tous les outrages, tortures et punitions, y
compris ceux promus par l'accusé). Nous sommes, comme on le sait, un peuple (ni
naïf ni ignorant, rien de tout cela, sans prétention) doté d'un sens inné de
l'humour. Sans gaspillage. Et enclin aux présages, aux coups du sort, aux jeux
de hasard (et non de ahazar, comme l'a dit il y a des années un
gouverneur d'Antioquia).
Le numéro qui a été attribué à Uribe en tant que prisonnier,
condamné à la prison domiciliaire – même si l'on a également entendu dire : «
la prison, c'est la prison » – a été joué dans des billets de loterie, des
paris, des tombolas, des “chances” [type de loterie où on peut parier des
petites sommes sur un, deux , trois ou quatre chiffres, NdT], des «
cantarillas » [loteries de quartier où on peut gagner en général un appareil
électroménager, NdT], comme s'il s'agissait du chiffre miraculeux qui
apparaît dans un poisson de Pâques. Un humoriste de la faculté de droit a
suggéré de revenir à la typologie criminelle de Cesare Lombroso pour voir si le
condamné y trouvait sa place. De plus, à l'ère des réseaux sociaux et autres «
passe-temps », les memes se sont multipliés, certains, il faut le noter, ingénieux
et pugnaces.
Dans l'un de ces nombreux memes (il y a d'ailleurs eu une
occasion en or pour les caricaturistes, enfin, pour ceux qui ne sont ni des mercenaires
ni des béni oui-oui), Uribe apparaît dans un lit, la tête sur l'oreiller,
couvert d'une couverture. Et il dit : « Je n'aurais pas dû dénoncer Iván Cepeda
». D'autres, faisant également référence à celui qui fut l'un des politiciens
les plus puissants et influents du pays, le montraient en uniforme de
prisonnier, orange pour certains, rayé pour d'autres, derrière les barreaux
avec un béret marqué du numéro 82 (le même que celui avec lequel les USA l'ont
associé à une liste de collaborateurs du cartel de Medellín).
Ainsi, grâce au procès et à la condamnation, on est
soudainement passé des cris « des balles, c'est tout ce qu'il y a et des
balles, c'est tout ce qui viendra », propres à certains de ses acolytes et
partisans, à des expressions populaires moqueuses, qui laissaient entendre que
« tout s'écroule », que tout pouvoir s'évanouit. De nouveaux cercles de l’enfer
sont apparus, dans une reconstruction contemporaine de Dante, où le « seigneur
des ténèbres » a été envoyé pour se rafraîchir. « Je te parle depuis la prison
», était un autre mème savoureux et plein de piquant.
Il semble – ou c'est une façon de parler – que nous ayons
quelque peu progressé en matière de confrontation politique civilisée, celle
qui se déroule dans le domaine des idées, de la dissidence raisonnée, de la
discussion sans coups de feu, car avant le verdict, les échos laissaient
présager une véritable tornade si l'ancien président était condamné. Cela n'a
pas été le cas, du moins jusqu'à présent. Il est donc encore temps pour les
blagues et les plaisanteries.
Dans le roman inachevé de Hašek, au brave soldat Chvéïk qui
chantait « rivières de sang, batailles que je loue... », un médecin a
prescrit une dose de bromure pour calmer son « enthousiasme patriotique » et
lui a recommandé de ne pas penser à la guerre. Cela pourrait être une bonne
formule pour ces jours-ci, en particulier pour ceux qui ont les toilettes sous
le nez.
En la inconclusa novela Las aventuras del buen soldado Švejk, de Jaroslav Hašek, se mencionan antiguas torturas y castigos a los
acusados de alguna falta, de tener que beber plomo fundido, andar sobre hierros
candentes, de ponerles las muy martirizantes “botas españolas” (nada que ver
con los crocs), de chamuscarlos con antorchas, descuartizarlos,
empalarlos, en fin, de un extenso repertorio de dolores para el desgraciado
preso.
La obra, como se sabe, se erigió como una sátira contra
el sinsentido (también contra la barbarie) de la guerra. “Que te arresten hoy
en día es un juego”, dice el buen soldado, porque, según él, te ponen un catre,
una mesa, sopa, pan, alguna jarrita de agua, y tenés el inodoro ahí no más,
frente a tus narices. Algo así escuché por estos días, tras la condena al
expresidente Álvaro Uribe, que purgará su pena en casa de lujo y no le van a
decir, ni más faltaba en calendas de “progreso”, que “hemos decidido que mañana
sea descuartizado o quemado, según lo que usted y su gusto prefieran”, porque,
como advertía el checo Švejk, la situación ha mejorado en lo que tiene que ver
con los detenidos.
El caso del primer expresidente colombiano condenado ha
generado toda suerte de reacciones en un país de extremos, en el cual, por
fortuna, todavía hay trazas de humor, en especial del negro y también de otras
tonalidades. Además del resonante asunto, en el que ha habido posiciones
encontradas, especulaciones, creatividad popular, risas y llantos, para los más
jóvenes ha sido una ocasión para saber un poco más de la historia contemporánea
de un país de masacres, desplazados, “falsos positivos”, desplazamientos
forzados, reformas laborales contra los trabajadores, neoliberalismo hirsuto, y
oposiciones tanto a la paz como a la guerra.
Se podría reducir al absurdo absoluto la realización de
algunas marchas en favor del condenado, pero, de otro lado, habría que destacar
cómo la coyuntura desbordó la creatividad popular (pese a que el pueblo siempre
ha sido la víctima de todos los ultrajes y torturas y castigos, incluyendo los
promovidos por el encartado). Somos, como se sabe, un pueblo (no intonso ni
ignaro, nada de eso, sin laureanismos) con facilidad innata para la humorada.
Sin desperdicio. Y proclive a los agüeros, las trastadas de la suerte, los
juegos de azar (y no de azahar, como dijo hace años un gobernador de
Antioquia).
El número que le correspondió a Uribe como preso,
condenado a prisión domiciliaria —aunque también se oyó decir: “cárcel es
cárcel”— se jugó en quintos de lotería, apuestas, rifas, chances,
“cantarillas”, como si fuera la cifra milagrosa que aparece en un pescado de
semana santa. Algún humorista de facultad de derecho dijo que volvieran a la
Tipología criminal de Cesare Lombroso para ver si algo del condenado encajaba
ahí. Además, en tiempo de redes sociales y de otros “pasatiempos”, se
multiplicaron los memes, algunos, valga anotarlo, con ingenio y pugnacidad.
En uno de tantos memes (además, hubo un “papayazo” sin
igual para caricaturistas, bueno, para los que no operan como calanchines ni
son coristas) aparece Uribe en una cama, cabeza sobre la almohada, cubierto por
una frazada. Y dice: “No debí denunciar a Iván Cepeda”. Hubo otros, referidos
también a quien fuera uno de los politiqueros más poderosos e influyentes del
país, que lo mostraban con uniforme de presidiario, anaranjados unos, de rayas
oscuras otros, tras las rejas con una boina marcada con el número 82 (el mismo
con el que Estados Unidos lo vinculó a una lista de colaboradores del Cartel de
Medellín).
Así, en gracia del juicio y condena, de súbito se pasó de
aquellos alaridos de “bala es lo que hay y bala lo que viene”, propios de
algunos de sus acólitos y paniaguados, a expresiones gozonas populares, que
daban a entender que “todo cae”, todo poder se desvanece. Aparecieron nuevos
círculos del infierno, en una reconstrucción contemporánea de Dante, y a ellos
mandaron a temperar al “señor de las sombras”. “Te hablo desde la prisión”, fue
otro de los memes con salsita y sabor.
Parece —o es un decir— que en algo hemos avanzado en lo
que tiene que ver con la confrontación política civilizada, aquella que sucede
en el campo de las ideas, del disentimiento con criterio, de la discusión sin
disparos, porque los ecos antes del fallo judicial eran los de desatar una
colmena de avispas “quitacalzón” si condenaban al expresidente. No sucedió así,
digamos hasta ahora. Así que aún hay tiempo para chistes y chascarrillos.
En la novela inconclusa de Hašek, al buen soldado Švejk que
cantaba “ríos de sangre, batallas que alabo…”, un médico le recetó una dosis de
bromuro para calmar su “entusiasmo patriótico” y le recomendó no pensar en la
guerra. Podría ser una buena fórmula para estos días, en especial para quienes
el váter les queda en sus narices.
Les astérisques
revoient aux notes du traducteur en fin de texte
Le
patriarche à son automne lance à ses partisans voulant manifester contre sa condamnation :
« Allez-y, défilez, moi, je ne peux pas »
Une tension
à couper le souffle, incomparable même à celle qui peut régner parmi les
supporters en délire lors d’une finale de championnat du monde, a envahi la
salle lors du « procès du siècle », présenté avec une touche de marketing
sportif. L’intouchable, le maître du téflon*, celui qui, pendant son mandat de
président réélu grâce au « petit article* », se croyait le « messie », le «
tout-puissant », celui qui, sans aucune considération, a déclaré que les jeunes
assassinés par l’armée dans les « faux positifs *» n’avaient été vraiment pas
en train de cueillir du café, celui dont presque tous les collaborateurs étaient
en prison, a entendu, après un procès de 475 jours, le verdict sans appel :
coupable !
La
condamnation à 12 ans de prison domiciliaire, avec des fuites préalables, des
menaces à l’encontre de la juge de la part de malfrats, a révélé toute l’ampleur
de la décadence de l’automne d’un patriarche désolé par sa chute vertigineuse.
Même son discours d’appel, dans lequel il n’a guère évoqué les crimes pour
lesquels il a été condamné, était un retour sans saveur à son style de
politicien traditionnel.
Je pense qu’outre
le fait que justice ait pu être rendue dans un procès très médiatisé (au cours
duquel il y a eu « des stratégies dilatoires systématiques pour empêcher le
déroulement du procès ») qui a commencé il y a des années, et au cours duquel l’ancien
président s’est enfoncé dans sa propre boue, victime de l’effet boomerang, le
plus important est la figure singulière d’une juge comme Sandra Heredia, que
les médias de propagande (déguisés en médias d’information) ont tant dénigrée.
Ni les
pressions, ni la presse prosternée devant les intérêts criminels de l’accusé,
ni les menaces ne l’ont perturbée. Au contraire, cela semble l’avoir remplie d’un
sentiment héroïque et d’une sérénité dans l’application de la justice. Elle a
pris la position de Thémis, a clairement énoncé des principes fondamentaux tels
que « le droit ne peut trembler devant le bruit et la justice ne s’agenouille
pas devant le pouvoir ». Elle a été catégorique en affirmant que « la toge n’a
pas de genre, mais elle a du caractère », et c’est une évidence : cette dame de
la magistrature, qui sait que la justice ne peut être ni soumise ni génuflexe
devant les puissants, a du caractère à revendre.
Dompté et apprivoisé
“La justice ne s'agenouille pas devant le pouvoir"
Elle savait,
et elle l’a prouvé, qu’elle ne jouait pas un rôle historique (même si elle fera
sans aucun doute partie de l’histoire judiciaire de la Colombie), mais un rôle
de justicière. Elle donnait parfois l’impression de ressembler, par exemple, à
des juges d’un courage formidable, comme cet Italien, Giovanni Falcone,
magistrat légendaire qui a traqué la mafia sicilienne, la Cosa Nostra.
Elle n’a pas reculé, ni faibli au milieu d’une affaire qui, comme on s’en
souvient, a cherché à obtenir des non-lieux avec des procureurs à la solde du
pouvoir, comme Gabriel Jaimes.
La juge, qui
a certainement pu à un moment donné se sentir comme sur une corde raide entre
les pressions et les intimidations, a déclaré que son action était conforme à
la loi et aux preuves et non motivée par des « sympathies ou antipathies ». Ce
n’était pas l’avis des partisans d’Uribe, et encore moins celui du secrétaire d’État
usaméricain, Marco Rubio, qui, sans rougir, s’est ingéré dans les affaires
intérieures de la Colombie. Il connaissait les bons offices rendus par le
condamné, fidèle vassal de la politique usaméricaine, partisan de l’invasion de
l’Irak et fidèle exécutant des préceptes de la doctrine néolibérale et des
ordres de Washington.
En tout état
de cause, ce qui est ressorti de ces audiences, c’est que la juge n’a pas
toléré les manipulations de la part de l’accusé et de sa défense, et qu’elle a
préservé l’autonomie et l’indépendance judiciaires. Elle a mis en avant l’ensemble
des membres de son bureau, toutes des femmes. Celui qui était (et qui peut en
partie l’être encore) le citoyen tout-puissant, l’autoritaire, celui qui, selon
les accusations, a parrainé la création du paramilitarisme, du Bloque Metro de
las autodefensas*, celui qu’une sénatrice a qualifié de « vermine qui se glisse
dans les égouts », a dû se taire, après avoir crié, face aux paroles énergiques
et convaincantes de la juge. « Taisez-vous, M. Uribe », lui a-t-elle dit à un
moment où l’accusé a élevé la voix.
La
condamnation en première instance de celui qui reste aux yeux de la Colombie et
du monde entier l’instigateur des « faux positifs », nombre de personnes
assassinées qui a servi à ce jour à faire des jeux de chiffres avec la peine de
douze ans, a réveillé l’humour noir populaire et le souvenir d’une période
néfaste de répression, de persécutions, de dénonciations, de harcèlement et d’autoritarisme.
« Trinquons
avec un petit rhum de 12 ans », « tentons la chance avec le 6.402 » et même une
tendance singulière à la numérologie s’est réveillée. Il y a également eu des
lectures d’extraits de L’automne du patriarche, de García Márquez, ou de
El gran Burundún Burundá ha muerto et La metamorfosis de su
excelencia, de Jorge Zalamea. « Pendant le week-end, les vautours se sont
introduits par les balcons de la présidence... ».
Des
foules chantaient des hymnes de joie et on a dit que du côté de Llanogrande* et
de l’Ubérrimo*, il y avait une « mer de larmes » salée.
NdT
Téflon :
pendant 30 ans, Uribe a été réputé intouchable, inoxydable,
Petit
article : adopté en 2004, cet article de la Constitution a permis la réélection
d’Uribe en 2006
Faux
positifs : jeunes hommes, généralement prolétaires ou marginaux, victimes
d’exécutions extrajudiciaires de la part de militaires assoiffés de primes, et
présentés après coup comme des guérilleros ou des criminels. Officiellement, il
y en eu 6 042.
Bloque Metro
de las autodefensas : groupe de paramilitaires dirigé par d’anciens
militaires, chargé de combattre la guérilla dans le département d’Antioquia.
Llanogrande :
propriété luxueuse d’Uribe à Riogrande (Antioquia), dans laquelle il devrait
purger sa peine.
Ubérrimo :
hacienda de 1500 hectares, propriété d’Uribe et haut lieu de son activité
politico-mafieuse
« La stupidité n’est pas une fatalité, mais la surmonter nécessite une prise de conscience et une action critique» Dietrich Bonhoeffer
Ton
héritage est si sordide – Innommable que tu es –, tant de mépris et
d’infamie ont été laissés par ton ombre maléfique, que notre héritage
sera d’effacer tout ton héritage.
C’est
ainsi que raisonnent les jeunes Colombiens qui ont subi la répression
brutale lors de l’explosion sociale de 2021, ordonnée par Iván Duque,
alors président, inspiré par les pièges tendus aux jeunes pauvres
apparus avec des bottes en caoutchouc sous les deux gouvernements du
seigneur des écuries.
Effacer
tout un héritage fondé sur la stupidité des masses est un engagement non
seulement des jeunes, mais aussi de tous les démocrates qui ressentent
le besoin de réparer des blessures si profondes qui continuent de
bénéficier de l’impunité. La première condamnation du grand propriétaire
foncier [Álvaro Uribe] ouvre une porte vers une oasis de pudeur.
Mais la
cour est encore tellement infestée qu’il faut beaucoup de ferveur. Pour
effacer l’héritage exécrable du louchebem, plusieurs tâches doivent être
entreprises :
1.
Traduire à nouveau en justice le promoteur de la tronçonneuse, pour les
massacres d’El Aro et de La Granja, pour avoir transformé les Convivir
en blocs paramilitaires, pour les plus de 6 402 personnes tombées lors
d’exécutions extrajudiciaires, pour l’assassinat de Tito Díaz, maire
d’El Roble (Sucre), pour « l’accident » de Pedro Juan Moreno, son
secrétaire au gouvernement d’Antioquia, pour ses méfaits à l’Aerocivil,
pour le vol continu d’essence dans la ferme Las Guacharacas, pour
d’autres larcins.
2.
Démanteler les récits mensongers des médias et des personnalités de la
sphère politico-patronale. Diffuser le récit de la vérité. La vérité
dans les conversations, la vérité sur les lieux de travail, la vérité
dans les rues, la vérité dans les salles de classe. La vérité, la vérité
et rien que la vérité. C’est ce qu’ils craignent le plus. Ils la
dissimulent à travers leurs entreprises de communication propagandistes.
3.
Dénoncer et poursuivre sans relâche tous les politichiens et
fonctionnaires corrompus. Ainsi que toutes les personnes qui, sur les
réseaux sociaux, menacent la vie de ceux qui sont du côté de la vérité.
Ils ne
veulent pas que justice soit faite. Ils veulent que l’impunité continue.
L’extrême droite est en train de monter des coups judiciaires et de
discréditer la juge Sandra Liliana Heredia, la procureure Marlene
Orjuela, le sénateur Iván Cepeda et l’avocat Miguel Ángel del Río. Ils
sont en train de faire passer l’idée que le procès d’Uribe n’était pas
judiciaire mais politique. Ils la diffusent dans le monde entier, la
reprennent dans les médias business yankees.
Ils se
font passer pour des avocats renommés afin de demander l’ouverture d’une
enquête contre Cepeda et del Río, les liant au trafic de drogue. L’un
des fils du sinistre sycophante serait derrière tout ça, afin de se
venger de Cepeda, le sénateur qui a fait condamner son père. Ils
bénéficient du soutien de membres républicains du Congrès et de hauts
fonctionnaires du gouvernement usaméricain, ainsi que de membres de la
DEA et du FBI.
« Effacer
tout ton héritage sera notre héritage »: ce slogan chilien est devenu
colombien, Uribe remplaçant Pinochet. Image d’Agustina Scliar
La
Colombie vit un moment d’accouchement culturel. La condamnation du
génocidaire psychopathe a révélé qu’il n’y a plus d’intouchables sur le
territoire colombien. L’opinion publique comprend que le Ténébreux de
Salgar [lieu de naissance d’Uribe] n’a pas travaillé main dans la main
avec la société civile pour trouver des solutions pertinentes aux
problèmes sociaux, mais qu’il a collaboré avec les groupes
paramilitaires et les éléments pourris de l’armée et de la police.
C’est le
moment historique pour commencer à mettre de l’ordre dans la maison
commune. Proclamer des règles générales pour le respect efficace de
l’éthique et de la responsabilité. Revenir au discernement et à la
compréhension. Pour sortir de la stupidité qui a légitimé un régime de
terreur et d’ignominie. Une grande partie de la société s’est rendue
complice d’actes fréquents contre la dignité humaine, la moralité et la
démocratie. La stupidité est dangereuse car elle combine l’incapacité de
raisonner de manière critique avec une tendance pernicieuse à accepter
sans les remettre en question les dogmes, les ordres ou les croyances.
L’émotivité a pris le dessus lors de la prise de décisions importantes.
La solidarité de corps a transformé la société en meurtrière d’une autre
partie de la société, désignée et transformée en « ennemi commun à
vaincre ».
La
stupidité s’est emparée de la Colombie au cours des 25 premières années
de ce siècle. Elle est toujours là, vivante, ardente, avide de plus de
sang. Elle prépare déjà une marche nationale pour défendre « l’innocence
du Grand Cafard ». La stupidité a été plus puissante que la méchanceté
elle-même. Et le monstre des écuries s’en est servi. Il a mis à genoux
tout un peuple émotif, religieux, grégaire, obéissant, désorienté. Avec
ce soutien stupide, il a réussi ce que Pablo Escobar n’avait pas pu
faire. La stupidité ne répond ni à la logique, ni aux arguments, ni aux
preuves. Une personne stupide agit sans comprendre les conséquences de
ses actes, convaincue de sa droiture.
Mural à l’effigie de Dietrich Bonhoeffer sur le mur du lycée portant son nom à Wertheim en Allemagne
Dietrich
Bonhoeffer, martyr de la résistance allemande contre le nazisme, dit que
la stupidité fleurit sous les structures du pouvoir autoritaire.
Lorsqu’un groupe ou un individu se soumet au pouvoir, il a tendance à
renoncer à son autonomie critique, non pas parce qu’il est incapable de
penser, mais parce qu’il cesse de l’utiliser. Ce processus se produit
tant chez les individus que dans des sociétés entières, où le pouvoir
utilise la propagande, l’intimidation ou la manipulation émotionnelle
pour instaurer un conformisme acritique. C’est ce qui s’est passé dans
notre société. Une masse qui ne s’intéressait pas à l’actualité réelle
est tombée dans le piège des « récits messianiques » d’un maboul devenu «
le papa des poussins », le père d’une société avide de faits
grandiloquents qui promettaient la rédemption.
La
stupidité, selon Bonhoeffer, n’est pas principalement un phénomène
individuel, mais collectif. Une personne isolée peut faire preuve d’une
plus grande capacité critique, mais en groupe, les dynamiques sociales
et les pressions de l’environnement ont tendance à réduire cette
capacité. Ce phénomène peut être observé dans les mouvements de masse,
où le comportement des individus s’homogénéise et où les décisions sont
prises davantage par imitation que par réflexion. La peur est un élément
central dans la perpétuation de la stupidité. Une société soumise à la
terreur – physique ou psychologique – a tendance à chercher refuge dans
des simplifications, des clichés et des figures d’autorité qui
promettent la sécurité, même si ces promesses sont illusoires ou
destructrices. Comme ils ont applaudi le seigneur des ténèbres lorsqu’il
semait la douleur et la mort dans les campagnes colombiennes. Tuer,
tuer, tuer, telle était sa formule clichée pour résoudre les problèmes
structurels qui exigeaient analyse, réflexion critique, impartialité,
philosophie, discernement, compréhension.
La
stupidité ne se corrige pas avec des arguments logiques ou des preuves.
Les personnes stupides ne s’intéressent pas à la vérité ; elles sont
prisonnières d’une bulle idéologique qui ne contredit pas leur vision du
monde. La stupidité conduit à une dangereuse délégation de
responsabilité. Ceux qui y succombent justifient leurs actions ou leur
inaction en disant qu’ils ne font qu’obéir aux ordres ou qu’ils ne
pouvaient rien faire. Ce sont ces justifications que nous avons
entendues à la JEP [Juridiction Spéciale pour la Paix]de la part des militaires qui ont participé aux « faux positifs
». Pour Bonhoeffer, cette irresponsabilité a des conséquences éthiques
dévastatrices. La stupidité réduit la complexité du monde à des formules
simplistes. Tout se résume à « nous contre eux », « le bien contre le
mal » ou « la vérité contre le mensonge », sans place pour les nuances
ou les doutes.
Le régime
nazi est l’exemple le plus évident de la stupidité en action. Des
millions de personnes ont aveuglément adopté une idéologie fondée sur la
violence, le racisme et la suprématie, ignorant délibérément les crimes
qui étaient commis. Il en a été de même et il en est toujours ainsi en
Colombie : une majorité de la population a approuvé ces anti-valeurs en
votant deux fois aux élections présidentielles pour le roi du mensonge.
La manipulation des masses par la propagande est un autre exemple de
stupidité. Ceux qui méprisent toute information révélant la vérité
deviennent des instruments du pouvoir, sans réfléchir aux implications
de leurs actes. C’est le cas de millions de Colombiens qui ont voté pour
Rodolfo Hernández lors de l’ élection présidentielle de 2022,
simplement parce que c’était celui que le propriétaire de l’hacienda
avait désigné. La passivité face aux injustices, sous prétexte de « ne
pas vouloir s’impliquer », est une autre forme de stupidité collective.
Ici, l’ignorance n’est pas innocente, elle est complice.
Heureusement,
dit Bonhoeffer, la stupidité n’est pas une fatalité, mais la surmonter
nécessite un travail éthique et éducatif en profondeur. La clé réside
dans le développement de l’esprit critique et du courage moral. Une
véritable éducation encourage la pensée critique et la responsabilité
éthique. Les individus doivent apprendre à remettre en question les
normes, les idéologies et les figures d’autorité lorsque c’est
nécessaire. La stupidité ne peut être combattue directement, mais elle
peut être minimisée en résistant aux structures de pouvoir qui la
favorisent. Cela nécessite une citoyenneté active, engagée en faveur de
la vérité et de la justice. Face à la stupidité collective, Bonhoeffer
prône des communautés fondées sur des valeurs éthiques solides, où la
vérité et la responsabilité sont centrales. Comment distinguer la
stupidité de l’ignorance ? L’ignorance peut être corrigée par
l’éducation, tandis que la stupidité implique un refus actif de la
réflexion critique. Quel rôle joue la technologie moderne dans la
perpétuation de la stupidité ? Bien que Bonhoeffer ait écrit à une autre
époque, la propagation de la désinformation et la polarisation sur les
réseaux sociaux pourraient être considérées comme de nouvelles formes de
stupidité collective. Nous vivons dans un état universel de
désinformation, les médias d’entreprise mentent tout le temps, imposant
des récits qui altèrent les réalités et favorisent la progression du
fascisme. Comment pouvons-nous briser le cycle de la stupidité dans les
sociétés contemporaines ? La réponse semble résider dans l’éducation et
le renforcement des institutions démocratiques qui promeuvent la
responsabilité éthique.
La tâche
est donc ardue et demande un engagement à plein temps. Pour mettre fin à
cette horrible nuit, il n’y a pas d’autre alternative que de soustraire
des gens à la stupidité en passant à l’offensive pour diffuser la
vérité, pour obtenir de nouveaux procès contre les criminels en col
blanc qui continuent à sévir. Il faut également neutraliser les
personnages qui constituent un danger pour la coexistence pacifique et
la sécurité de ceux qui sont du côté de la vérité. Des personnages
grossiers qui incitent à la violence politique, à des formes stupides de
faire de la politique, comme Andrés Julián Rendón, Fico Gutiérrez, les
conseillers municipaux de Medellín Gury Rodríguez et Sebastián López, le
conseiller municipal de Cali Andrés « El pistolero » Escobar, les
sénatrices María Fernanda Cabal, Paloma Valencia, Paola Holguín et
autres.
Tigrillo L. Anudo, 28 juillet 2025, à quelques
heures du prononcé de la sentence pour fraude procédurale et subornation de
témoins. Traduit par Tlaxcala
Posez votre petit fondement sur le tabouret
Mettez-vous à l'aise, Monsieur l'inculpé
Nous sommes un pays très jeune. À peine en train d’apprendre
à cohabiter, à définir un cap, à instaurer les notions de justice judiciaire, à
poser les premières briques dans la construction d’une maison collective,
tiraillés entre la haine et l’amour, nous étreignant dans le désespoir et
l’utopie.
Le pays n’avance pas de manière significative parce que les
pouvoirs stratégiques restent entre les mains de la canaille, protégés par des
médias canailles, blindés par des appareils canailles, légitimés par des
serviteurs canailles.
Nos institutions ne sont pas aussi solides qu’on nous l’a
raconté. Notre démocratie n’a jamais existé telle qu’on nous l’a présentée. La
Colombie est un simulacre de maison qui abrite ses citoyens avec des droits
inégaux. Certains oui, d’autres non. La vérité a toujours été souillée, voire
défenestrée. Parmi toutes les carences de la Colombie, l’absence de vérité est
l’une des plus paralysantes pour ses dynamiques de développement humain.
Le début du XXIe siècle fut marqué par
l’obscurité, la douleur et l’ignominie avec les deux gouvernements successifs
d’Álvaro Uribe Vélez (2002–2010). Ce qui le différencia des présidents
précédents, c’est qu’Uribe ne cacha pas son penchant pour le crime et l’aporophobie, sa soif de
terres et d’argent mal acquis, sa faim de pouvoir et de manipulation des masses
ignorantes.
La principale signification d’une sentence de condamnation
que pourrait prononcer la juge Sandra Liliana Heredia dans le procès d’Uribe
est la proclamation d’une vérité : un président a utilisé sa fonction pour
commettre des délits. Une vérité qui ouvrira la voie à d’importantes
déductions.
Cette vérité, dans l’histoire d’un pays rempli d’idoles aux pieds d'argile, contribue à sortir de la naïveté, à dépasser l’adolescence politique, à
abandonner l’analphabétisme politique. Elle pousse aussi à une révision
collective du type de société grégaire et acritique que nous avons construite,
à l’apprentissage de nouvelles valeurs pour remplacer les antivaleurs. C’est
une brique de plus dans la construction d’une maison aux colonnes dignes.
Si une condamnation d’Álvaro Uribe Vélez devait être
prononcée, un mythe aux multiples significations s’effondrerait. Tomberait le
Messie de papier qui ne nous a sauvés d’aucune guérilla. Il ne serait plus le
“Grand Colombien”. Ni l’efficace pacificateur. Encore moins le gardien des
trois “petits œufs”*. Sa “sécurité” antidémocratique serait discréditée. Lui,
qui a gouverné pour favoriser les plus riches. Lui, qui a persécuté les pauvres
avec des lois liberticides et des décrets martiaux extrajudiciaires.
On nous a menti : les politiciens, les industriels, les
grands propriétaires terriens, les entrepreneurs, les commerçants, les juges,
les gouvernants, les acteurs armés, les universitaires, les prêtres. Il y a des
exceptions. Les artistes aussi ont menti, mais leurs mensonges ont servi à
révéler la vérité à travers leurs œuvres — de beaux mensonges qui dévoilent
d’effroyables vérités.
Dans un pays rempli de mensonges, ce serait une grande
victoire qu’une juge de la République condamne pour corruption un politicien
présenté comme “le plus ferme au cœur grand”. La Colombie a besoin de vérité et
de réparation pour les victimes. La contribution à la vérité est, entre autres,
l’un des grands enjeux du procès du sociopathe et mythomane Álvaro Uribe.
L’idée commence à s’imposer que personne n’est au-dessus de la Loi. Ce serait
le début de la fin de l’impunité qui a avili la Colombie.
NdT
*Lorsque le président Uribe a passé le relais au président Santos en août 2010, il lui a confié la tâche de préserver son héritage, qu'il a résumé en trois piliers, trois "petits oeufs" : la confiance des investisseurs, le progrès social et la sécurité.Dans son discours d'investiture de 2010, le président Santos a promis de préserver ces "petits oeufs".
Tigrillo L. Anudo, 28 de Julio de 2025, a pocas horas de proferirse la sentencia por fraude procesal y soborno a testigos.
Somos un país muy joven. Apenas aprendiendo a convivir, a definir un norte, a instaurar las nociones de la justicia judicial, a poner los primeros ladrillos en la construcción de una casa colectiva, debatiéndonos entre el odio y el amor, abrazándonos en la desesperanza y la utopía.
El país no avanza significativamente porque los poderes estratégicos siguen en manos de la canalla, protegidos por medios de comunicación canallas, blindados por aparatos canallas, avalados por serviles canallas.
Nuestras instituciones no son tan sólidas como nos lo han contado. Nuestra democracia no ha existido como lo han difundido. Colombia es un remedo de casa que alberga a sus ciudadanos con desiguales derechos. Unos sí, otros no. La verdad siempre ha sido mancillada cuando no defenestrada. Entre todas las carencias de Colombia, la falta de verdad es una de las más paralizantes para sus dinámicas de desarrollo humano.
Los inicios del siglo XXI fueron de tenebrosidad, dolor e ignominia con los dos gobiernos sucesivos de Álvaro Uribe Vélez (2002 – 2010). La diferencia con los gobiernos de anteriores presidentes consistió en que Uribe no ocultó su inclinación al delito y a la aporofobia, su sed de tierras y dinero mal habidos, su hambre de poder y manipulación de la masa ignara.
El principal significado de una sentencia condenatoria que la jueza Sandra Liliana Heredia podría emitir sobre el proceso a Uribe es la proclamación de una verdad: que un presidente ha usado su investidura para delinquir. Verdad que llevará a importantes inferencias.
Esa verdad en la historia de un país con tantos ídolos de barro contribuye a salir de la ingenuidad, a superar la minoría de edad, a abandonar el analfabetismo político. También es un impulso hacia la revisión colectiva del tipo de sociedad gregaria y acrítica que venimos construyendo, al aprendizaje de nuevos valores que desplazan antivalores. Es otro ladrillo que se suma a la construcción de una casa con dignas columnas.
De darse una sentencia condenatoria contra Álvaro Uribe Vélez, se derrumba un mito con múltiples significantes. Cae el Mesías de papel que no nos salvó de ninguna guerrilla. Ya no es el “Gran colombiano”. Tampoco el eficiente pacificador. Menos el cuidador de los tres huevitos. Deslegitimada su “seguridad” antidemocrática. El que gobernó para favorecer los más ricos. El que persiguió a los pobres con leyes anti derechos y decretos marciales extrajudiciales.
Nos han mentido los políticos, los industriales, los terratenientes, los empresarios, los comerciantes, los jueces, los gobernantes, los actores armados, los académicos, los sacerdotes. Hay excepciones. Los artistas también han mentido pero sus mentiras han servido para divulgar la verdad a través de sus obras, bellas mentiras que revelan terribles verdades.
En un país lleno de mentiras sería una gran conquista que una jueza de la República condene por corrupto a un político promocionado como “el más firme y de corazón grande”. Colombia necesita verdad y reparación de las víctimas. La contribución a la verdad es entre otros uno de los grandes significados del juicio al sociópata y mitómano Álvaro Uribe. Se empieza a posicionar la idea de que nadie está por encima de la Ley. Sería el inicio del fin de la impunidad que ha envilecido a Colombia.