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11/04/2022

ANNAMARIA RIVERA
L’accueil sélectif

Annamaria Rivera, Comune-Info, 8/4/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Ni la pandémie ni l'invasion militaire de l'Ukraine par la Russie n'ont réussi à ébranler le système-racisme, comme en témoigne l'accueil sélectif des réfugié·es d'Ukraine en fonction de leur origine, de leur couleur de peau, etc. Entre autres, plusieurs familles avec des enfants d'origine subsaharienne ont également été empêchées de franchir les frontières de l'UErope.

Emad Hajjaj


Comme le souligne le Centre d'étude et de recherche IDOS, une partie importante des quelque 5 millions d'étrangers présents dans le pays, dont des étudiants, des travailleurs, des demandeurs d'asile et des catégories de migrants à court terme, reste ainsi bloquée en Ukraine, exclue de la protection ueropéenne.

 

Et ce, en dépit des conventions internationales : toute personne fuyant une situation dangereuse a le droit, quelle que soit son origine, de franchir les frontières et de demander l'asile. D'ailleurs, la plupart des personnes rejetées ne sont pas du tout marginalisées, mais plutôt intégrées : par exemple, beaucoup d'entre elles sont inscrites dans des universités ukrainiennes.

 

Seul le racisme peut expliquer que des pays comme la Pologne, la Hongrie et la Bulgarie, connus pour pratiquer une politique d'hostilité et de rejet, voire de racisme pur et simple, à l'égard des migrants et des réfugiés potentiels cherchant à franchir leurs frontières, se soient au contraire rapidement organisés pour accueillir des Ukrainiens AOC fuyant la guerre et ses effets dramatiques. Il faut aussi savoir que les autorités ukrainiennes ont également tendance à participer à cette discrimination, notamment à la frontière avec la Pologne, en opérant une sélection entre les citoyen·nes "ukrainien·nes" et "non-ukrainien·nes", voire en rejetant des familles avec enfants au motif qu'elles sont d'origine subsaharienne.

 

Quant à l'UEurope et à l'Italie, en particulier et paradoxalement, alors que les réfugié·es sont habituellement rejeté·es, refusé·es, criminalisé·es, surtout ceux·lles qui viennent des pays subsahariens, asiatiques et du Moyen-Orient, même s'il·elles viennent de situations dramatiques, cette fois-ci une bonne partie des institutions et des populations montre et pratique la solidarité et l'accueil envers les exilé·es, pourvu qu'ils·elles soient ukrainien·nes AOC.

 

Un exemple concret est celui rapporté le 22 mars par Riccardo Bruno dans le Corriere della Sera.  Il rapporte la dénonciation d'une religieuse, qui avait accueilli deux étudiants universitaires de 20 ans d'origine nigériane, qui avaient fui l'Ukraine. Une femme lui avait promis de les accueillir dans sa résidence secondaire. Mais lorsqu'elle a appris qu'il s'agissait de Nigérians, elle s'est ravisée, motivant explicitement son refus : deux réfugiés blancs, ça irait, mais absolument pas des Noirs.

 

Certes, l'accueil de personnes ukrainien·nes fuyant la barbarie de la guerre de Poutine ne peut être considéré que comme positif et encouragé. Néanmoins, il révèle l'hypocrisie - pour ne pas dire plus - de la politique ueuropéenne et des différents États de l'UE : tous pratiquent un accueil discriminatoire, en faisant une distinction entre les réfugié·es, qui doivent pour la plupart être accueilli·es ou du moins accepté·es, et les migrant·es, en particulier ceux de l'hémisphère sud.

 

Cependant, ne pensez pas que seule la couleur de la peau et/ou l'origine nationale inspire la discrimination, la répulsion et le mépris envers les autres. Comme je l'ai écrit à plusieurs reprises, n'importe qui peut être racisé, surtout s'il·elle appartient à une classe subalterne. Cette situation est illustrée par l'histoire de l'immigration albanaise en Italie, qui a commencé le 7 mars 1991, lorsque 27 000 migrants ont débarqué dans le port de Brindisi. Cinq mois plus tard, le 8 août 1991, le navire marchand Vlora, rempli de 20 000 migrants, accoste dans le port de Bari. Dès lors, pendant pas mal d'années, les Albanai·ses sont devenu·es les boucs émissaires exemplaires et l'objet de discriminations et de violences racistes.

 

Il faut ajouter que, pendant qu'en Ukraine la guerre de Poutine faisait et fait toujours rage, les hécatombes de migrants se succédaient en Méditerranée centrale. Les quatre-vingt-dix ou peut-être cent derniers, qui ont perdu la vie à la fin du mois de mars et ont été découverts tardivement, n'ont pas encore été comptés. Mais au 28 mars, 299 personnes étaient déjà mortes ou disparues depuis le début de l'année en tentant de traverser la Méditerranée centrale. Cette tragédie n'a été que très peu couverte par les médias, focalisés sur la guerre en Ukraine.