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10/07/2025

Sous couvert de “ville humanitaire”, l’État juif construit un ghetto d’extermination à Gaza

Un éditorial de Haaretz et un article de Gideon Levy dénoncent le projet sionihiliste de “ville humanitaire” à Gaza. Honneur à ces trop rares voix dissidentes israéliennes.-Fausto GiudiceTlaxcala


Israël n’est pas en train de créer une “ ville humanitaire” à Gaza. Il crée des camps de transfert

Éditorial, Haaretz, 9/7/2025


Un Palestinien transporte un matelas après une frappe israélienne qui a touché une école abritant des Palestiniens déplacés dans le camp d’Al-Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, le 8 juillet 2025. Photo Eyad Baba/AFP

Le peuple élu, seul pays démocratique du Moyen-Orient doté de l’armée la plus morale au monde, prévoit désormais de créer une “ville humanitaire” dans la bande de Gaza. Peu importe le cellophane orwellien dans lequel ils l’enveloppent. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la Défense Israel Katz poursuivent ouvertement leurs plans visant à placer les Gazaouis dans des camps en vue de les transférer hors de l’enclave.

Le fait que Katz ait dévoilé son projet de “ville humanitaire” à Rafah pour des centaines de milliers de Palestiniens enfermés et surveillés, sans possibilité de partir, comme une solution humanitaire, n’est rien d’autre qu’une distorsion effrayante du langage. Netanyahou promeut ce projet tordu à Washington, où il a expliqué, tout en insultant l’intelligence du monde entier, que « cela s’appelle le libre choix. Si les gens veulent rester, ils peuvent rester ; mais s’ils veulent partir, ils devraient pouvoir partir ». Le Premier ministre a ajouté, sans la moindre honte, que Gaza « ne devrait pas être une prison. Elle devrait être un lieu ouvert ».

Bien que cela ressemble à une parodie de l’idée de reconstruction, ce n’est pas théorique. Selon des sources diplomatiques, l’objectif de cette mesure est de concentrer la majeure partie de la population de Gaza dans une ville fermée, de lui fournir une aide humanitaire et de l’« encourager » à émigrer « volontairement ». Tout cela est coordonné avec les responsables usaméricains. Netanyahou s’est même vanté qu’Israël et les USA étaient « sur le point de trouver plusieurs pays » prêts à accueillir les Gazaouis.

Il ne s’agit pas d’une solution humanitaire, mais d’un transfert. Seule une réalité déformée peut permettre de parler de libre arbitre à propos de personnes qui ont passé les 20 derniers mois sous les bombardements constants, confrontées à la faim et au manque d’eau, d’électricité et de médicaments. En réalité, il s’agirait d’un crime de guerre, à savoir le transfert forcé de civils, interdit par le droit international.

Les responsables de la défense sont alarmés. Lors d’une discussion très animée avec le cabinet de sécurité, le chef d’état-major de l’armée israélienne, Eyal Zamir, a demandé de suspendre le vote afin de clarifier les implications, mais NetanyahOu a fermement refusé. « Pas question », a-t-il déclaré. « Nous en avons déjà discuté. » Lorsque le chef d’état-major a demandé si l’armée serait chargée de contrôler deux millions de civils, Netanyahou a répondu : « Je vais faire venir 10 [Caterpillar] D9 pour préparer l’espace humanitaire. »

Les réserves de l’armée ont été rejetées ; la décision a été adoptée à l’unanimité. Dans l’Israël de Netanyahou, lorsqu’un membre de l’establishment de la défense met en garde contre un danger ou les implications d’une politique dangereuse, c’est juste une raison pour se débarrasser de lui. Le chef d’état-major indiscipliné est désormais moins apprécié du gouvernement après lui avoir fait prendre conscience de la réalité.

Voilà à quoi ressemble une détérioration dangereuse : des bombardements incessants à une tentative de façonner l’avenir de Gaza en ignorant le droit international, en détruisant l’armée, en négligeant le bien-être des soldats et en corrompant la société et le gouvernement. Cela ne doit pas être permis. Ce plan dangereux doit être arrêté immédiatement.


 Malcolm Evans, Nouvelle-Zélande

L’État juif construit un ghetto

Gideon Levy, Haaretz, 7/7/2025


Les ruines de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, en janvier. Photo Mohammed Salem/Reuters

Si Mordechai Anielewicz était encore en vie aujourd’hui, il serait mort. Le chef de l’Organisation juive de combat pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie serait mort de honte et de déshonneur en apprenant les plans du ministre de la Défense – avec le soutien total du Premier ministre – visant à ériger une “ville humanitaire” dans le sud de la bande de Gaza. Anielewicz n’aurait jamais cru que quelqu’un oserait concevoir un plan aussi diabolique 80 ans après l’Holocauste.

En apprenant que ce projet avait été imaginé par le gouvernement de l’État juif, fondé sur les sacrifices de son ghetto, il aurait été dévasté. Lorsqu’il aurait compris qu’Israel Katz, l’homme à l’origine de cette idée, était le fils de Meir Katz et Malcha (Nira) née Deutsch, survivants de l’Holocauste originaires de la région de Maramures en Roumanie, qui avaient perdu la plupart des membres de leur famille dans les camps d’extermination, il n’aurait jamais pu y croire. Qu’auraient-ils pu dire à leur fils ?

Quand Anielewicz aurait pris conscience de l’apathie et de l’inaction que ce projet suscitait en Israël et, dans une certaine mesure, dans le monde entier, y compris en Europe, voire en Allemagne, il serait mort une seconde fois, cette fois d’un cœur brisé.

L’État juif est en train de construire un ghetto. Quelle phrase horrible. Il est déjà assez grave que le projet ait été présenté comme s’il pouvait être légitime – qui est pour un camp de concentration et qui est contre ? – mais de là, le chemin peut être raccourci vers une idée encore plus horrible : quelqu’un pourrait suggérer ensuite un camp d’extermination pour ceux qui ne passent pas le processus de sélection à l’entrée du ghetto. Israël tue de toute façon les habitants de Gaza en masse, alors pourquoi ne pas rationaliser le processus et épargner la vie de nos précieux soldats ? Quelqu’un pourrait également suggérer un crématorium compact sur les ruines de Khan Younès, dont l’accès, comme dans le ghetto voisin de Rafah, serait purement volontaire. Bien sûr, volontaire, comme dans la “ville humanitaire”. Seulement, quitter les deux camps ne serait plus volontaire. C’est ce que le ministre a proposé.

La nature du génocide est telle qu’il ne naît pas du jour au lendemain. On ne se réveille pas un matin pour passer de la démocratie à Auschwitz, de l’administration civile à la Gestapo. Le processus est graduel. Après la phase de déshumanisation – que les Juifs d’Allemagne et les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie ont tous deux subie à leur époque – vient la phase de diabolisation, que les deux nations ont également connue. Vient ensuite la phase de la peur : il n’y a pas d’innocents dans la bande de Gaza, le 7 octobre est considéré comme une menace existentielle pour Israël qui pourrait se reproduire à tout moment. Après quoi viennent les appels à évacuer la population avant que quelqu’un ne soulève l’idée de l’extermination.

Nous sommes maintenant dans cette dernière phase, la dernière phase avant le génocide. L’Allemagne a transféré ses Juifs vers l’est ; le génocide arménien a également commencé par une déportation, qui était alors appelée “évacuation”. Aujourd’hui, on parle d’une évacuation vers le sud de Gaza.

Free Gaza & Palestine tagués sur les murs du ghetto de Varsovie

Pendant des années, j’ai évité de faire des comparaisons avec l’Holocauste. Toute comparaison de ce type risquait de passer à côté de la vérité et de nuire à la cause de la justice. Israël n’a jamais été un État nazi, et une fois ce fait établi, il s’ensuit que s’il n’était pas un État nazi, il devait être un État moral. Il n’est pas nécessaire de se référer à l’Holocauste pour être choqué. On peut être choqué par bien moins, par exemple par le comportement d’Israël dans la bande de Gaza.

Mais rien ne nous avait préparés à l’idée d’une “ville humanitaire”. Israël n’a plus aucun droit moral d’utiliser le mot “humanitaire”. Quiconque a transformé la bande de Gaza en ce qu’elle est aujourd’hui – un cimetière géant et un champ de ruines – et la traite avec indifférence a perdu tout lien avec l’humanité. Quiconque ne voit que la souffrance des otages israéliens dans la bande de Gaza et ne voit pas que toutes les six heures, les Forces de défense israéliennes tuent autant de Palestiniens qu’il y a d’otages vivants a perdu toute son humanité.

Si 21 mois passés à voir mourir des bébés, des femmes, des enfants, des journalistes, des médecins et d’autres innocents ne suffisaient pas, le projet de ghetto devrait déclencher toutes les alarmes. Israël se comporte comme s’il planifiait un génocide et une expulsion. Et s’il n’envisage pas de le faire pour l’instant, il court le risque sérieux de sombrer rapidement et sans s’en rendre compte dans l’un ou l’autre de ces crimes. Demandez à Anielewicz.

23/05/2025

Shmuel Zygielbojm, Polonais, socialiste, juif, martyr (Nathan Weinstock)

Le 11 mai 1943, désespéré par la passivité des Alliés face à l’extermination des Juifs en Pologne, le socialiste polonais juif Shmuel Zygielbojm, représentant du Bund au parlement polonais en exil, se donne la mort à Londres.

Nathan Weinstock, avocat et enseignant belge, traducteur de yiddish, a reconstitué l’histoire tragique de Shmuel Zygielbojm dans une série de documents publiés en 1996 et 1997, que nous avons regroupés pour les rendre accessibles aux jeunes (et moins jeunes) générations qui assistent avec effroi et colère à la réédition de l’annihilation du Ghetto de Varsovie et de l’exterminations des Juifs de Pologne qui se déroule sous les yeux du monde à Gaza et dans le reste de la Palestine occupée, commis par ceux qui se prétendent les héritiers des victimes du nazisme tout en utilisant ses méthodes, et que nous appellerons les sionihilistes.




Shmuel Zygielbojm était né dans une famille ouvrière en 1895 à Borowica, dans la voïvodie de Lublin, à 250 km au sud-est de Varsovie), en 1895. Élu en 1924 au comité central du Bund, Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie (Algemeyner Yidisher Arbeter Bund in Lite, Poyln un Rusland), un parti socialiste créé en 1897, il parvient à fuir la Pologne en traversant clandestinement l’Allemagne nazie en janvier 1940. De Belgique, il fuit en France après l’occupation puis arrive à New York. En mars 1942, il va à Londres, où il devient membre du Conseil national, le parlement polonais en exil. Comme à New York, tous ses efforts pour mobiliser les Alliés contre l’extermination en cours des Juifs en Pologne s’avèrent inutiles : le 11 mai 1943, il se donne la mort.

Dans une lettre au président et au Premier ministre polonais en exil, il écrivait :

La responsabilité du crime d’extermination totale des populations juives de Pologne incombe en premier lieu aux fauteurs du massacre, mais elle pèse indirectement sur l’humanité entière, sur les peuples et les gouvernements des nations alliées qui n’ont, jusqu’ici, entrepris aucune action concrète pour arrêter ce crime ; Je ne peux ni me taire ni vivre lorsque les derniers vestiges du peuple juif, que je représente, sont tués. Mes camarades du ghetto de Varsovie sont tombés les armes à la main, dans leur dernière lutte héroïque. Je n'ai pas eu la chance de mourir comme eux, avec eux. Mais ma place est avec eux, dans leurs fosses communes. Par ma mort, je souhaite exprimer ma plus profonde protestation contre l'inaction avec laquelle le monde observe et permet la destruction du peuple juif. Je suis conscient du peu de valeur de la vie humaine, surtout aujourd'hui. Mais puisque je n'ai pas pu y parvenir de mon vivant, peut-être que ma mort sortira de leur léthargie ceux qui peuvent et qui doivent agir maintenant, afin de sauver, au dernier moment possible, cette poignée de Juifs polonais qui sont encore en vie.

*

« ... Zygielbojm était accablé par l'immense responsabilité que son organisation lui avait fait endosser et souffrait le martyr en raison de l'inaction du monde libre à une époque où une réaction immédiate était impérieuse. Il se trouvait en proie aux mêmes sentiments tragiques que ceux que nous avons éprouvés au cours de la révolte des 63 jours à Varsovie,

« Lorsque le ghetto s'est insurgé, les derniers espoirs de Zygielbojm se sont évanouis avec les flammes qui ont consumé le "quartier juif". Zygielbojm m'a dit que les leaders juifs devraient aller à Downing Street et se suicider ensemble devant la résidence du Premier ministre britannique pour attirer l'attention du monde sur la destruction des Juifs polonais. Il émettait cette idée de manière tout à fait sérieuse, mais il s'est rapidement rendu compte qu'il serait resté seul. Alors il a limité le projet à son propre suicide. Il m'en a parlé. J'ai tenté de le calmer et de le convaincre que même si les Juifs de Pologne étaient détruits par les assassins nazis, il n'en subsisterait pas moins un mouvement des travailleurs polonais (le PPS). Je lui ai dit : "Vous y aurez une place ; vous serez plus qu'un camarade, vous serez un frère !".

"Oui, je le sais.”, déclara Zygielbojm, "mais ce ne sera pas la même chose". J'ai tenté ensuite de le convaincre qu'il existait encore un mouvement ouvrier juif en Amérique qui était proche du Bund et qu'il y trouverait sa place. "Oui, je le sais”, répondit à nouveau Zygielbojm, "mais ce ne serait pas la même chose". Il pouvait uniquement imaginer sa vie en Pologne, parmi les travailleurs juifs de Pologne : c'était un Juif, mais un Juif polonais. La Pologne était sa patrie. Il ne voulait pas vivre à l'extérieur de la Pologne, en dehors de son milieu juif polonais et des luttes et des espoirs du Bund. »

Adam Ciolkosz, leader du Parti Socialiste Polonais, 1963

 

16/04/2025

PAULO SLACHEVSKY
Gaza : le ghetto de Varsovie du XXIe siècle

 Paulo Slachevsky, 15/4/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

« Le déni et la dissimulation des violations systématiques des droits de l’homme : l’interdiction d’entrée des journalistes étrangers et les plus de 170 journalistes, photographes et communicateurs assassinés depuis octobre 2023, dont beaucoup étaient des cibles directes des missiles, sont la preuve de la même stratégie de dissimulation par Israël que par les nazis, et par tant de dictatures comme celle sous laquelle nous avons vécu nous-mêmes »

Paulo Alejandro Slachevsky Chonchol (Santiago du Chili, 1961) est un photographe et éditeur chilien, fondateur en 1990 avec Silvia Aguilera des éditions LOM, membre du Groupe (antisioniste) juif Diana Arón, portant le nom d’une militante du MIR victime de la dictature de Pinochet. Co-éditeur du livre Palestina Anatomía de un Genocidio (LOM, 2024)


Le 19 avril 1943, des résistants juifs se sont soulevés contre les nazis dans le ghetto de Varsovie. Depuis la fin de l’année 1940, plus de 400 000 Juifs de la capitale et d’autres villes polonaises s’y entassaient, emprisonnés sur 300 hectares. La famine, les épidémies et les déportations vers les camps de la mort avaient déjà décimé une grande partie des habitants.

En janvier 1943, un premier soulèvement armé contre les nazis réussit à stopper brièvement les déportations. Pour se venger, les nazis assassinent un millier de Juifs sur la place principale du ghetto. Dans les mois qui suivent, les résistants préparent la défense de ceux qui restent en vie.

Lorsque, le 19 avril, les troupes allemandes entrent avec plus de 2 000 soldats, officiers, commandos SS et collaborateurs polonais pour procéder à la dernière déportation de ceux qui restent dans le ghetto, elles se heurtent à une résistance acharnée qui les oblige à battre en retraite.

Pendant un mois, les survivants ont mené une lutte héroïque et inégale. Le 16 mai 1943, le ghetto n’était déjà plus qu’un champ de ruines. On estime qu’environ 13 000 Juifs ont été tués dans les combats.


Dessin de Malcolm Evans, licencié en 2003 du quotidien NZ Herald pour ses dessins antisionistes

82 ans plus tard, alors que nous sommes témoins de ce que vivent les Palestiniens à Gaza, une terre historique aujourd’hui ravagée par les bombes, les chars et les bulldozers, et où plus de 60 000 Palestiniens ont été tués par les troupes israéliennes - pour la plupart des filles, des garçons et des femmes - il est impossible de ne pas voir le lien dramatique qui existe entre un événement et l’autre :

Gaza est aujourd’hui le ghetto de Varsovie du XXIe siècle.

Exécutions massives et aveugles : dans le ghetto comme à Gaza, la mort rôde à chaque coin de rue. L’occupant agit avec un pouvoir omnipotent sur la vie et la mort comme un simple caprice, l’arbitraire est imposé, ainsi qu’un système sadique qui terrorise et écrase les civils sans raison apparente, les faisant fuir d’un côté à l’autre, exterminant des familles entières, avec les grands-parents, les parents, les enfants et ceux qui leur sont proches et avec qui ils vivent.

La famine est une autre similitude dramatique : tant dans le ghetto qu’à Gaza, hier les nazis, aujourd’hui les Israéliens, ont mené une politique explicite consistant à affamer la population, à contrôler l’apport alimentaire minimal et à l’interrompre complètement en cas de confrontation directe.

C’est la réalité vécue par les habitants du ghetto de Varsovie et c’est ce que vit aujourd’hui Gaza depuis plus d’un mois, où Israël a interdit tout accès à l’aide humanitaire, après presque deux ans d’interruptions constantes et des décennies d’approvisionnement minimal.

À cela s’ajoutent la destruction et la coupure de l’approvisionnement en eau par Israël, cet élément fondamental de la vie, ce qui constitue un autre crime de guerre et un crime contre l’humanité.

L’absence d’accès aux soins médicaux : ni les enfants, ni les personnes âgées, ni les blessés, ni les malades ne peuvent bénéficier de soins médicaux en raison de l’absence d’approvisionnement, ainsi que de la destruction des installations sanitaires, de la déportation, de l’emprisonnement et de l’assassinat de médecins et de personnel de santé, réalités dans lesquelles l’horreur et la cruauté des occupants d’hier et d’aujourd’hui se valent.

Affiche de la Żydowska Organizacja Bojowa (ŻOB), l’Organisation juive de combat. Le texte dit : “Tous les hommes sont frères : les jaunes, les bruns, les noirs et les blancs. Parler de peuples, de couleurs, de races, c’est une histoire inventée !”

Racisme, suprématie et cruauté extrême et inhumaine dans le traitement d’autrui : ces marques du nazisme, qui ont conduit à l’enfermement des Juifs d’hier dans des ghettos et des camps de concentration, se sont malheureusement enracinées depuis longtemps dans la société israélienne et s’expriment dans toute leur férocité à Gaza et en Cisjordanie à l’encontre des Palestiniens d’aujourd’hui.

Traitant leurs semblables comme des animaux, des terroristes et des sous-hommes, ils se permettent de franchir toutes les limites de ce que nous avons compris comme étant l’humanité, agissant de manière sadique et brutale envers ceux qu’ils considèrent comme leurs ennemis.

C’est une double tragédie, lorsque ceux qui pratiquent cette politique criminelle sont les descendants d’un peuple qui en a fait l’expérience, osant le faire au nom du judaïsme, ce qui salit la mémoire de ceux qui ont connu la même oppression.

Le combat inégal : des pierres, des cocktails Molotov, quelques pistolets, fusils de chasse et mitrailleuses, contre des chars, des canons et des troupes expérimentées sur le champ de bataille des rues de Varsovie.

La disproportion brutale des moyens dans la bataille menée dans le ghetto, comme à Gaza, où les milices sont confrontées aux missiles, aux avions et aux dernières technologies israéliennes d’armement et de surveillance, ne permet pas de parler de guerre, mais d’extermination génocidaire face à la résistance désespérée des victimes.

La volonté expresse des oppresseurs - les nazis hier, l’État d’Israël aujourd’hui - d’éliminer tous les habitants du territoire martyrisé, en procédant à un nettoyage ethnique criminel : un autre élément commun aux deux drames.

Les éléments qui scellent l’analogie sont malheureusement innombrables.

Les mêmes images se répètent lorsque l’on voit ces armées, parmi les plus modernes et les mieux préparées de leur temps, anéantir des peuples entiers réduits à l’impuissance. Hier et aujourd’hui, des dizaines de milliers de visages sont marqués par la douleur et la catastrophe. Et malheureusement, à chaque fois, les puissances internationales soutiennent l’oppresseur ou sont complices de son inaction.

La Convention sur le génocide et la législation sur les crimes contre l’humanité n’existaient pas à l’époque. Ces règles ont été mises en place dans la justice internationale pour que les crimes commis par les nazis contre les Juifs, les Tziganes et les résistants pendant la Seconde Guerre mondiale ne se répètent pour aucun peuple.

Lorsque les nazis ont anéanti la rébellion du ghetto de Varsovie, Szmul Zygielbojm a écrit :

La responsabilité du crime d’extermination totale des populations juives de Pologne incombe en premier lieu aux fauteurs du massacre, mais elle pèse indirectement sur l’humanité entière, sur les peuples et les gouvernements des nations alliées qui n’ont, jusqu’ici, entrepris aucune action concrète pour arrêter ce crime ; Je ne peux ni me taire ni vivre lorsque les derniers vestiges du peuple juif, que je représente, sont tués. Mes camarades du ghetto de Varsovie sont tombés les armes à la main, dans leur dernière lutte héroïque. Je n'ai pas eu la chance de mourir comme eux, avec eux. Mais ma place est avec eux, dans leurs fosses communes. Par ma mort, je souhaite exprimer ma plus profonde protestation contre l'inaction avec laquelle le monde observe et permet la destruction du peuple juif. Je suis conscient du peu de valeur de la vie humaine, surtout aujourd'hui. Mais puisque je n'ai pas pu y parvenir de mon vivant, peut-être que ma mort sortira de leur léthargie ceux qui peuvent et qui doivent agir maintenant, afin de sauver, au dernier moment possible, cette poignée de Juifs polonais qui sont encore en vie.

Szmul Zygielbojm, député du Bund au parlement polonais en exil à Londres, s’est suicidé à Londres le 11 mai 1943. Ses paroles pourraient être reprises pour décrire ce qui se passe aujourd’hui en Palestine.  

Le Bund, Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie (Algemeyner Yidisher Arbeter Bund in Lite, Poyln un Rusland), avait fait sortir clandestinement Szmul de Varsovie occupée après sa résistance farouche et publique à l’enfermement des Juifs dans un ghetto.  

Avant la Seconde Guerre mondiale, le Bund était la plus grande organisation de la gauche juive dans le Yiddishland, le monde juif des pays de l’Est.

En Pologne, en 1938, le Bund était également la principale force parmi les Juifs : sur les 138 conseillers municipaux juifs élus lors des élections de cette année-là, 97 étaient issus du Bund. Ils étaient antifascistes, antinazis et antisionistes.

Aujourd’hui, par une triste ironie de l’histoire, ces glorieux Juifs rouges et résistants au nazisme seraient accusés d’antisémitisme par Israël et de nombreux pays européens pour leur position clairement antisioniste.

Marek Edelman, l’un des jeunes dirigeants du Bund, était à l’âge de 20 ans commandant adjoint de l’insurrection du ghetto de Varsovie. Survivant du nazisme, Edelman a toujours porté haut les bannières du mouvement, luttant contre toutes les oppressions, y compris le sionisme : « Être juif signifie être toujours avec les opprimés, jamais avec les oppresseurs « ,disait-il.

Le ghetto de Varsovie est une autre page d’horreur de l’histoire, mais au sein de cette horreur, la résistance des partisans juifs est commémorée avec gloire : il en va de même pour Gaza aujourd’hui.

Tout comme l’infamie nazie est universellement condamnée comme l’expression ultime du mal et de l’horreur, et que les résistants au nazisme sont loués pour leur héroïsme, l’histoire condamnera Israël et ses complices comme génocidaires et criminels de guerre.

Les Palestiniens qui ont héroïquement résisté à leur machine de mort resteront dans la mémoire de la lutte pour la dignité humaine.

Nous ne pouvons qu’espérer que cette reconnaissance juste et nécessaire n’arrivera pas trop tard, et que les gouvernements du monde et la justice internationale mettront fin à leur passivité actuelle, arrêteront le génocide et le nettoyage ethnique, et permettront au peuple palestinien d’avoir enfin la justice et la paix qu’il mérite.

Lire aussi  



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09/10/2023

Des sous-humains de Varsovie aux animaux humains de Gaza

Fausto Giudice, Basta Yekfi!, 9/10/2023

Affiche de la Żydowska Organizacja Bojowa (ŻOB), l’Organisation juive de combat. Le texte dit : “Tous les hommes sont frères : les jaunes, les bruns, les noirs et les blancs. Parler de peuples, de couleurs, de races, c’est une histoire inventée !”

19/04/2023

JUDY MALTZ
Quatre-vingts ans après, les descendant·es des insurgé·es du Ghetto de Varsovie se battent pour une démocratie en Israël

Judy Maltz, Haaretz, 17/4/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

La rébellion coule dans les veines de nombreux habitants du kibboutz “Combattants du Ghetto”, dans le nord d’Israël, ce qui explique pourquoi ils résistent de toutes leurs forces au coup d’État judiciaire du gouvernement Netanyahou.

De g. à dr. Yael Zuckerman,Yehonatan Stein et Moshe Shner, résidents du kibboutz Lohamei Hageta’ot. Photo : Rami Shllush

Les divisions sont si profondes dans la société israélienne d’aujourd’hui que même les familles sont séparées. Yael Zuckerman se console en se disant que la sienne est probablement une exception.

 « Notre famille élargie organise une réunion annuelle et lorsque nous nous sommes rencontrés il y a quelques semaines, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre », raconte-t-elle. « J’ai été agréablement surprise de découvrir que chacun·e d’entre nous avait participé activement au mouvement de protestation. Nous avons fini par nous asseoir autour de la table et partager des photos de nous-mêmes lors de différentes manifestations », dit-elle, faisant référence aux rassemblements pro-démocratiques de cette année contre les efforts du gouvernement Netanyahou pour éviscérer le système judiciaire.

 

Psychologue clinicienne à la retraite, Mme Zuckerman est la fille de deux chefs légendaires de l’insurrection du ghetto de Varsovie : Yitzhak (“Antek”) Zuckerman et Zivia Lubetkin et Zivia Lubetkin.

 

Cette semaine marque le 80e  anniversaire de l’acte le plus célèbre de la résistance juive contre les nazis pendant l’Holocauste.

Yael Zuckerman dans sa maison du kibboutz Lohamei Hageta’ot, dans le nord d’Israël. « Mes parents étaient des personnes qui assumaient la responsabilité de leurs actes, qui ne pensaient jamais à leurs intérêts personnels et qui se sont sentis coupables jusqu’à leur dernier jour de ne pas avoir pu sauver plus de Juifs ». Photo : Rami Shllush

Le 19 avril 1943, quelques centaines de jeunes combattant·es juif·ves tendent une embuscade aux forces allemandes qui pénètrent dans le ghetto de Varsovie pour rassembler les Juifs qui s’y trouvent encore et les transporter vers le camp de la mort de Treblinka. Les combattants ne disposaient que d’une dérisoire poignée d’armes, de grenades et de cocktails Molotov, mais ces individus désespérés, estimant qu’ils n’avaient plus rien à perdre, ont réussi à tenir tête aux nazis pendant près d’un mois.

“Antek” Zuckerman était le second de Mordechai Anielewicz, le chef du principal groupe de résistance juive. Il était alors basé du côté “aryen” de Varsovie, où il aidait à procurer des armes à ses camarades de l’Organisation juive de combat (Żydowska  Organizacja  Bojowa) derrière les murs du ghetto. Lubetkin, sa compagne de l’époque, était la seule femme à faire partie du haut commandement de l’organisation de gauche ZOB.

Des balayeurs nettoient le piédestal du monument aux héros du ghetto, qui commémore le soulèvement du ghetto de Varsovie d’avril 1943, dans la capitale polonaise au début du mois. Photo : WOJTEK RADWANSKI - AFP

 Yael a la particularité d’être le premier enfant né au kibboutz Lohamei Hageta’ot (le kibboutz des combattants du ghetto), fondé en 1949 par un groupe de 180 survivants de l’Holocauste. Nombre d’entre eux, comme ses parents, avaient été actifs dans la résistance juive aux nazis.

 

Les manifestations de masse en Israël en sont à leur quatrième mois, les manifestations hebdomadaires du samedi soir attirant des centaines de milliers de personnes dans tout le pays. Un chant que l’on entend régulièrement lors de ces rassemblements prend la forme d’un ultimatum adressé au gouvernement : « Démocratie ou soulèvement ! »

 

Pour Yael Zuckerman et d’autres membres de la deuxième et de la troisième génération de ce kibboutz, ce cri de guerre a une résonance très personnelle.

 

Mme Zuckerman, qui vit toujours au kibboutz (tout comme son frère aîné Shimon), affirme qu’elle ne manque aucune manifestation.

 

« J’ai manifesté à Haïfa, à Jérusalem, à Tel-Aviv - partout où j’ai pu », a-t-elle déclaré lors d’une récente interview dans sa maison remplie de plantes et entourée d’un jardin luxuriant. « Je le fais par peur. Je n’ai jamais ressenti auparavant l’effroi que je ressens aujourd’hui. C’est quelque chose de tangible et de terrifiant. Contrairement à mes parents, je n’ai pas été dotée de compétences en matière de leadership ou d’un charisme particulier, et je ne suis donc pas le genre de personne capable de rallier les masses. Mais je fais ce que je peux, et cela signifie souvent se tenir dans la rue en brandisant un drapeau ».

 

Cette femme à la voix douce considère qu’il est présomptueux de parler au nom de ses parents décédés. Cependant, si ces derniers étaient encore en vie aujourd’hui, elle pense qu’ils seraient « en train de résister de toutes leurs forces, et probablement, les connaissant, en train de jouer un rôle dirigeant dans ce combat ».

 

Obligation morale

Situé entre les villes côtières d’Acre et de Nahariya, Lohamei Hageta’ot compte quelque 800 habitants. Il abrite également la Maison des combattants du ghetto, créée en 1949 et premier musée de l’Holocauste au monde.

 

Début février, près de 200 de ses habitants ont signé une déclaration publique contre le coup d’État judiciaire - une annonce d’une demi-page, l’une des premières du genre, publiée dans le journal à grand tirage Yedioth Ahronoth. Comme de nombreux Israéliens, ils étaient convaincus que ce coup d’État pourrait sonner le glas de la démocratie dans leur pays.

 

Citant leur héritage unique, les kibboutzniks ont clairement indiqué dans leur déclaration que l’esprit combatif de leurs parents et grands-parents coulait encore fortement dans leurs veines.

 

« Nous sommes engagés dans la ‘rébellion’ contre toute forme de mal, d’injustice sociale et d’oppression d’autres peuples », ont-ils averti. « Nous résisterons à toute tentative de porter atteinte à notre système juridique et aux valeurs d’égalité, d’État de droit et d’indépendance du pouvoir judiciair »e.

 

Parmi les signataires figure Yehonatan Stein, un professeur d’histoire dont la grand-mère, Dorka Sternberg, faisait partie des membres fondateurs de Lohamei Hageta’ot. « En tant que descendants, j’estime que nous avons une obligation morale particulière de nous élever contre ce que fait ce gouvernement », déclare ce père de deux enfants, âgé de 42 ans.

 

« Après tout, nous savons mieux que quiconque que la démocratie ne se résume pas à la règle de la majorité, et nous savons mieux que quiconque ce qui peut arriver lorsqu’il n’y a pas de freins et de contrepoids et que trop de pouvoir est concentré entre les mains du régime ».

 

« L’Holocauste n’est d’ailleurs pas le seul exemple », ajoute-t-il.

Yehonatan Stein. « En tant que descendants, je pense que nous avons une obligation morale particulière de nous élever contre ce que fait ce gouvernement ». Photo : Rami Shllush

 Moshe (“Moishele”) Shner, professeur d’histoire et d’éducation à la retraite à l’Oranim Academic College, dont les parents faisaient partie des fondateurs de Lohamei Hageta’ot, a été l’une des forces motrices de la déclaration. Sa mère, Sarah Shner, était une combattante partisane en Biélorussie pendant la guerre et s’est ensuite employée à faire sortir clandestinement des Juifs de l’Union soviétique vers la Pologne et, de là, vers la Palestine mandataire. Éducatrice et auteure prolifique, elle a beaucoup écrit sur la résistance juive pendant l’Holocauste.

 

Le père de Moshe, Zvi Shner, a dirigé pendant de nombreuses années la Maison des combattants du ghetto et a édité de nombreux volumes de témoignages de survivants.

 

« Mes parents étaient les grands prêtres de la mémoire ici », déclare fièrement Shner, 68 ans, en prenant son petit-déjeuner dans sa maison du kibboutz. Il se souvient que sa mère avait été recrutée par Yitzhak Zuckerman après la guerre pour l’aider à localiser les archives secrètes du ghetto de Varsovie (connues sous le nom de projet “Oyneg Shabbes” ou “Oneg Shabbat”) enfouies sous les ruines.

 

En hommage aux fondateurs du kibboutz, M. Shner a récemment organisé, au cimetière de Lohamei Hageta’ot, une manifestation de “chaises vides” contre le gouvernement. Les chaises, explique-t-il, symbolisent les fondateurs décédés qui, après avoir émergé de la période la plus sombre de l’histoire juive, étaient déterminés à construire un lieu où les valeurs de démocratie, de liberté, d’égalitarisme et de libéralisme pourraient s’épanouir.

 

« Ils auraient été très désespérés s’ils étaient encore en vie aujourd’hui, en voyant ce qui se passe dans ce pays », déclare M. Shner. « Mais ce qu’ils nous ont appris, c’est qu’il faut s’élever contre l’injustice partout où elle existe et se battre pour nos valeurs. Pour nous, rejoindre le mouvement de protestation est un impératif moral ».

 

Peu de temps après le début des premières manifestations à Tel Aviv en janvier dernier, M. Shner s’est rendu sur la route à l’extérieur de son kibboutz, un drapeau israélien à la main. Il était le seul manifestant dans la rue ce soir-là. Depuis lors, les manifestations devant Lohamei Hageta’ot se sont multipliées chaque semaine, attirant à la fois les habitants du kibboutz et ceux des villes et communautés voisines. Au dernier décompte, dit Shner, plusieurs centaines de manifestants étaient présents.

 

Sa nature rebelle, dit Shner en souriant, a été héritée de sa mère décédée. « Elle a été partisane toute sa vie, même après avoir quitté les forêts », explique-t-il. « Elle ne recevait d’ordre de personne et faisait ce qu’il fallait faire, pas nécessairement ce qui était autorisé. Elle m’a toujours appris à ne pas baisser les yeux devant l’autorité et à agir de manière à ce que je sois fier de me regarder dans la glace chaque matin. C’est peut-être ce qui explique pourquoi je me suis tellement impliqué dans ces manifestations ».

 

Moshe Shner. « Ce que nous avons appris des fondateurs des kibboutz, c’est qu’il faut s’élever contre l’injustice partout où elle existe et se battre pour nos valeurs ». Photo : Rami Shllush

Cette fois, c’est différent

 

Le sentiment de désespoir de Yael Zuckerman face à la direction prise par Israël n’est pas nouveau. Il a commencé bien avant que le dernier gouvernement - le plus religieux et le plus à droite de l’histoire du pays - ne prenne le pouvoir à la fin de l’année dernière.

 

« ça fait des années que mon estomac se retourne face à ce que je vois autour de moi : l’occupation, la discrimination à l’encontre de la minorité arabe et le discours haineux à l’encontre de personnes comme moi, qualifiées de “traîtres gauchistes” », explique-t-elle. « Mais jusqu’à présent, je n’ai jamais ressenti le besoin de me révolter. J’acceptais ce que faisait le gouvernement, même des choses que je trouvais horribles, parce que c’était le gouvernement qui avait été élu par le peuple. Mais cette fois, c’est différent.

 

Ces derniers temps, Mme Zuckerman a beaucoup pensé à ses parents et à leur style de leadership, si différent, note-t-elle, de celui des dirigeants actuels du pays.

Le père de Yael Zuckerman, Yitzhak, s’adressant à la première assemblée du kibboutz Lohamei Hageta’ot en 1949. Photo : Rudolf Younes/Archives de la Maison des combattants du ghetto

 « Mes parents étaient des personnes qui assumaient la responsabilité de leurs actes, qui ne pensaient jamais à leurs intérêts personnels et qui se sont sentis coupables jusqu’à la fin de leur vie de ne pas avoir pu sauver plus de Juifs », dit-elle. « Le soulèvement du ghetto de Varsovie a été le premier acte de ce type contre les nazis dans toute l’Europe, mais ils se sont souvent torturés à l’idée que s’ils avaient agi plus tôt, davantage de vies auraient peut-être pu être sauvées ».

 

Son père, raconte-t-elle, s’est vu un jour demander quelles leçons militaires pouvaient être tirées du soulèvement d’avril 1943. Sa réponse célèbre a été que ce n’était pas un sujet pour les écoles militaires, mais plutôt pour les écoles qui étudient l’esprit humain.

 

Il y a quelques années, raconte Mme Zuckerman, elle a demandé et obtenu un passeport polonais. « Je n’entrerai pas dans les détails, mais je plaisantais souvent en me disant que si Israël devenait une dictature sous la direction de Netanyahou, j’aurais un endroit où aller », explique-t-elle.

 

« Et maintenant, nous nous retrouvons dans une situation où une dictature est suspendue au-dessus de nos têtes comme une épée. Je sais que mes parents, s’ils étaient encore en vie aujourd’hui, n’auraient jamais abandonné et ne seraient jamais partis. Et vous savez quoi ? Les manifestations m’ont fait comprendre qu’il n’était pas question pour moi de quitter cet endroit non plus. Les gens qui manifestent aujourd’hui dans les rues - leur esprit humain me donne de l’espoir ». [Puisse leur esprit humain s’étendre un jour à TOUS les humains peuplant ce territoire,NdT]

 

Des visiteurs regardent une exposition au musée de la Maison des combattants du ghetto au kibboutz Lohamei Hageta’ot. Photo de la maison des combattants du Ghetto : Rami Shllush

 

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