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16/09/2023

AMIRA HASS
Pour Israël, les accords d'Oslo ont été un succès retentissant

Amira Hass,  Haaretz, 12/9/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La création d’enclaves palestiniennes est un compromis interne à Israël : faire disparaître les Palestiniens sans les expulser. Pendant ce temps, Israël engrange d’importants bénéfices, notamment en transformant la Cisjordanie et la bande de Gaza en laboratoire humain


Steve Bell, The Guardian

Dans les accords d’Oslo signés il y a 30 ans, Israël a accepté de réduire progressivement l’occupation, tandis que les Palestiniens ont été contraints de cesser instantanément toute résistance. Chaque partie a interprété cette réduction comme elle l’entendait.

Les représentants palestiniens ont compris ou espéré qu’en échange de la cession de 78 % de la Palestine historique avant la fin de 1999 (sans renoncer aux liens personnels, familiaux, culturels, émotionnels ou historiques de leur peuple), le contrôle militaire israélien sur les territoires occupés en 1967 prendrait fin et les Palestiniens y établiraient un État.

Les Israéliens ont conclu qu’ils avaient obtenu un sous-traitant pour procéder à des arrestations et traquer les opposants (sans que la Cour suprême d’Israël et le groupe de défense des droits B’Tselem s’en mêlent, comme l’a dit le Premier ministre de l’époque, Yitzhak Rabin). Les négociateurs israéliens ont veillé à ce que l’accord écrit détaille les étapes du processus sans mentionner d’objectifs concrets (un État, un territoire et des frontières fixes).

Israël étant la partie la plus forte, c’est son interprétation qui l’a emporté et qui a déterminé la nature et la morphologie éternelles du  “rétrécissement” : L’israélisation d’autant de territoires que possible et, à l’intérieur de ceux-ci, des poches d’autonomie palestinienne - qui sont séparées, affaiblies et contrôlées à distance, Israël étant en mesure de les couper les unes des autres. Les origines des accords d’Abraham de 2020 remontent à 1993.

Grâce à Oslo, Israël s’est déchargé de la responsabilité de l’occupant à l’égard de la population et de son bien-être. Et il a gardé la crème : le contrôle de la terre, de l’eau, des longueurs d’onde des téléphones portables, de l’espace maritime et aérien, de la liberté de mouvement, de l’économie et des frontières (à la fois extérieures et de chaque poche de territoire).

Israël tire d’énormes profits de ces leviers de contrôle, car il est à la tête d’un grand laboratoire humain où il développe et teste ses exportations les plus rentables : armes, munitions et technologies de contrôle et de surveillance. Les Palestiniens de ce laboratoire, privés d’autorité et dont les ressources s’amenuisent, se voient confier la responsabilité de gérer leurs problèmes et leurs affaires civiles.

Les Palestiniens restent une réserve de main-d’œuvre bon marché pour les Israéliens. Une grande partie des coûts de l’occupation est répercutée sur les Palestiniens sous la forme de biens et de services qu’ils sont obligés d’acheter mais qu’ils ne peuvent pas développer parce qu’Israël contrôle la majeure partie du territoire, des frontières et de l’économie en général.

 Saïd An-Nahry

Viennent ensuite les frais élevés sur les transactions financières (comme le transfert de l’argent des douanes au trésor palestinien), les prélèvements et les amendes dont les recettes vont à la police, aux ports, à l’administration civile et à l’armée israélienne, les frais au passage de la frontière avec la Jordanie, les frais de transaction et d’enregistrement immobilier dans la zone C de la Cisjordanie, le marché noir des permis de travail, la rétention de l’argent des douanes sous divers prétextes, l’emploi de vétérans du service de sécurité du Shin Bet et de l’armée comme consultants qui ouvrent des portes dans la bureaucratie de l’occupation, et les intérêts qui s’accumulent sur tous les retards de paiement. Ce n’est peut-être pas grand-chose par rapport au produit intérieur brut d’Israël, mais c’est une fortune pour les Palestiniens, surtout si l’on tient compte de leur PIB et de leurs salaires.

Les pays occidentaux ont déchargé Israël de ses obligations financières en tant que puissance occupante et ont financé une grande partie des dépenses de gestion, d’entretien et de développement limité des enclaves palestiniennes. L’explication est que cela est nécessaire à l’établissement d’un État palestinien. Mais depuis des années, les pays occidentaux en ont assez de subventionner l’occupation et ses problèmes. Ils punissent donc les Palestiniens en faisant preuve d’avarice et les mettent en garde contre des catastrophes humanitaires, alors qu’ils signent de généreux accords économiques, scientifiques et militaires avec Israël.

13/08/2023

GIDEON LEVY
Les manifestants de la rue Kaplan doivent se rendre compte qu’il ne s’agit plus d’occupation, mais déjà d’un seul État

Gideon Levy, Haaretz, 13/8/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Lors des manifestations organisées à Tel Aviv contre la réforme judiciaire du gouvernement, les meilleures personnes d’Israël se trouvent dans la zone délimitée par le bloc anti-occupation - les personnes de conscience qui reconnaissent qu’il n’y a pas de démocratie avec une tyrannie militaire dans son arrière-cour.

Manifestants anti-occupation en mai. Photo : Fadi Amub

Tout cela est très encourageant. Mais il est temps de replier les drapeaux, de changer les slogans et de quitter ce coin de rue. En 2023, lutter contre l’occupation revient à lutter contre les forces de la nature. Tout comme les inondations et les tremblements de terre, l’occupation ne peut plus être vaincue. Elle est là pour longtemps.

 

Avec plus de 700 000 colons (y compris dans les parties occupées de Jérusalem) qui ne seront jamais déplacés et une énorme entreprise consacrée à sa perpétuation, l’occupation ne peut être vaincue.

 

En outre, l’occupation a cessé depuis longtemps d’être une occupation. Qualifier d’occupation ce qui se passe dans les territoires palestiniens revient à la perpétuer, tout comme parler d’une solution à deux États qui ne sera jamais mise en œuvre et que personne en Israël n’a jamais eu l’intention de mettre en œuvre.

 

Par définition, l’occupation militaire est temporaire. Après 56 ans et sans perspective de fin, la situation dans les territoires ne peut plus être considérée comme temporaire. Et si elle n’est pas temporaire, ce n’est pas une occupation. Le caractère temporaire de l’occupation a expiré, et avec lui la possibilité de la définir comme une occupation.

 

Par conséquent, parler de l’occupation lors des manifestations de la rue Kaplan est anachronique. La combattre dans le cadre d’une lutte pour la démocratie n’est pas pertinent. Les manifestants de la rue Kaplan disent qu’ils luttent pour la démocratie. Or, la démocratie, c’est l’égalité avant tout.

 

Cela doit cesser. Cessez de lutter contre la construction de colonies, de rêver à des cartes de retrait délirantes et de penser en termes de “fin de l’occupation”. Il n’y aura pas de fin à l’occupation.

 

La rue Kaplan est l’endroit, l’occasion et le moment de changer de mentalité, de redéfinir l’agenda et de commencer quelque chose de nouveau, quelque chose de beaucoup plus porteur d’espoir et de pertinence. La lutte pour l’égalité des droits, de la mer Méditerranée au Jourdain, devrait commencer rue Kaplan.

 

Une personne, un vote, comme dans la plus modeste des démocraties. Tous les sujets de l’État - environ 15 millions de personnes, de Metula à Eilat et de Rafah à Jénine, toutes soumises à son autorité - doivent être égaux en droits. Sans cela, Israël n’est pas une démocratie.

 

Le bloc anti-occupation défile à Tel Aviv. Photo : Itai Ron

 

Laissez la partie “juive” de la définition de l’État pour les cérémonies de commémoration de l’Holocauste. Il n’y a rien qui puisse être juif et démocratique. Si les manifestants de la rue Kaplan ne comprennent pas cela, alors qui le comprend ?

 

La lutte contre la législation antidémocratique est importante, mais aussi dangereuse. Elle brouille la réalité et l’idéalise : si les projets de loi sont stoppés, Israël sera-t-il une démocratie ? Le véritable coup d’État a été la transformation d’Israël en un État d’apartheid, lorsque l’occupation est devenue immortelle. À côté de cela, l’abrogation du critère du caractère raisonnable n’est rien de plus qu’une mouche gênante.

 

La véritable protestation doit donc se concentrer sur ce coup d’État. Apartheid ou démocratie, telle est la question : il n’y en a pas de plus importante, même si Moshe Radman, l’un des principaux dirigeants et théoriciens des combattants de la liberté, pense que toute la question est simplement “la qualité de vie des Palestiniens”.

 

La section anti-occupation de la rue Kaplan doit être nettoyée, remplacée par de nouveaux drapeaux et de nouveaux slogans partout. Au lieu de parler de l’occupation, parlez d’égalité, de suffrage universel, d’un seul État démocratique. Au lieu d’être contre les colonies, soyez en faveur d’un État de tous ses citoyens.

 

Existe-t-il une démocratie dans le monde qui ne soit pas l’État de tous ses citoyens ? Si ce n’est pas de ses citoyens, alors de qui ? De Dieu ? À une demi-heure de voiture de la rue Kaplan, les gens ne peuvent pas manifester sur quoi que ce soit, de quelque manière que ce soit ; ils ne peuvent pas se défendre, protester ou résister.

 

Cela doit être changé, avant toute autre chose. Cela doit commencer rue Kaplan. Sans cela, Kaplan manque à son devoir. Il ne s’agit pas d’une question qui ne concerne qu’un petit coin de Kaplan ; elle touche au cœur de la raison d’être de Kaplan. Il s’agit de la lutte pour la démocratie pour tous, pour un État démocratique - ni juif, ni palestinien, mais démocratique. Existe-t-il une autre forme de démocratie ?

09/05/2023

“Euskalwashing” : une entreprise basque tente de justifier sa participation au projet de tramway léger de Jérusalem-Est, dont Veolia s'est retirée

Alaitz Amundarain, Richard Wendling et Eneko Calle, Groupes  BDS en Alava, Navarre et Biscaye, naiz, 3/5/2023
Euskera

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le fait que les entreprises transnationales violent les droits humains, environnementaux et du travail n'est pas nouveau. Mais la demande sociale est de plus en plus forte pour que les entreprises transnationales soient contrôlées et contraintes de les respecter. C'est pourquoi les entreprises ont défini des stratégies pour “laver"”leur image négative en utilisant superficiellement des causes et des préoccupations sociales.

Greenwashing, purplewashing, pinkwashing, rainbow washing, vegan washing... et, pourquoi pas, euskalwashing.

La compagnie ferroviaire basque CAF (Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles, Beasain, Gipuzkoa) doit redorer son blason depuis 2020, date à laquelle des dizaines de groupes sociaux du Pays basque ont lancé une campagne pour dénoncer sa participation à la construction et à l'entretien du tramway de Jérusalem.

Action de protestation contre les travaux à Jérusalem en décembre 2020. Photo BDS CAF EUSKAL HERRIA

Cette semaine ont été décernés les prix CAF-Elhuyar, qui visent à promouvoir, récompenser et reconnaître la diffusion, le journalisme et l'inclusion sociale en langue basque de la recherche et des thèmes scientifiques et technologiques. Et dans ce cas, la CAF utilise la langue basque et la science pour blanchir sa complicité avec l'apartheid israélien en Palestine.

Car Israël ne peut maintenir son régime d'occupation, de colonisation et d'apartheid envers le peuple palestinien que grâce à la complicité internationale, et en cela, les entreprises jouent un rôle fondamental.

En août 2019, un consortium formé par l'entreprise israélienne Shapir et la CAF a remporté un contrat pour l'expansion du réseau ferroviaire reliant les colonies illégales en territoire palestinien occupé, connu sous le nom de Jerusalem Light Rail (JLR). Le JLR fait partie intégrante du plan sioniste d'annexion de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie à l'État d'Israël.

À cette fin, le projet implique la confiscation de terres palestiniennes pour sa construction et crée un nouvel obstacle physique à la libre circulation de la population palestinienne ; en outre, le tramway relie les colonies israéliennes illégales en territoire palestinien occupé à la ville de Jérusalem, facilitant ainsi le déplacement de la population de la puissance occupante (colons) vers le territoire occupé.

La complicité de la CAF avec l'apartheid israélien, en plus d'être moralement répréhensible, peut entraîner des difficultés pour la CAF et ses filiales, telles que Solaris, dans l'obtention de nouveaux contrats, étant donné qu'il existe une campagne internationale pour que les villes et les gouvernements annulent tous les contrats avec la CAF jusqu'à ce qu'elle se conforme au droit international.

L'entreprise française Veolia a été contrainte de se retirer du même projet illégal de JLR en 2015 après avoir perdu des milliards de dollars en affaires internationales à la suite d'une campagne BDS soutenue en Europe, aux USA et dans plusieurs pays arabes.

En ce sens, il est paradoxal que la CAF soutienne des prix pour la diffusion de la science en basque et l'innovation, tout en collaborant à la consolidation du projet colonial d'Israël en Palestine. Depuis 1948, Israël tente de désarabiser la Palestine, en particulier dans les Territoires de 1948 (aujourd'hui l'État d'Israël), où la population arabo-israélienne ne jouit pas des mêmes droits que la population israélienne. Il maintient une occupation militaire en Cisjordanie et à Gaza depuis 1967, qui, outre les points de contrôle militaires, les assassinats, les raids, les détentions et autres violations des droits humains, a également favorisé la construction d'un mur de plus de 700 km de long ; et il ne reconnaît toujours pas le droit au retour des réfugiés palestiniens, qui sont aujourd'hui plus de 5 millions.

Cependant, la CAF ne semble pas se soucier du développement scientifique et de l'innovation en Palestine (difficile dans un contexte d'occupation coloniale), puisque malgré la pression de ses travailleurs, des syndicats et des groupes sociaux du Pays Basque, ainsi que les demandes de la société civile et de l'Autorité nationale palestinienne, elle a poursuivi la construction du tramway illégal à Jérusalem-Est.

C'est pourquoi nous pensons qu'une réflexion interne est nécessaire à Elhuyar et euskalgintza (la culture basque), sur l'utilisation de la langue basque pour blanchir, dans ce cas, les violations des droits humains commises en Palestine par une entreprise basque, et que la participation de la CAF à l'édition 2024 des prix pourrait être reconsidérée.

De même, nous réitérons que la CAF doit annuler son contrat de fourniture et de maintenance du tramway de Jérusalem-Est.        

 

 

 

13/03/2023

GIDEON LEVY
C’est l’occupation qui a mis en déroute l’État d’Israël

Gideon Levy, Haaretz, 12/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Note du traducteur : quand l’auteur parle d’occupation, il désigne celle des territoires palestiniens (Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est) initiée pendant la Guerre des Six Jours de juin 1967 (sans oublier les hauteurs du Golan syrien), mais pas la Palestine de 1948 appelée Israël, qui n’a pas de frontières officielles et est donc le seul pays “élastique” au monde. Encore une fois, répétons-le, la seule solution est un seul État démocratique de la mer au Jourdain, fondé sur le principe “Une personne, une voix”.

Jeudi dernier dans la soirée, en un seul instant, tout a fusionné en une seule image. Un homme armé a commencé à tirer sur les passants de la rue Dizengoff à Tel-Aviv, alors que les derniers manifestants de la journée contre le coup d’État judiciaire se dispersaient pour rentrer chez eux. Les premiers rapports étaient confus, comme à l’accoutumée : s’agissait-il d’une attaque terroriste, d’un incident criminel ou peut-être d’une tentative d’assassinat politique ? Pendant un moment, la protestation contre le gouvernement a été liée à l’occupation.

Des manifestants brandissent des drapeaux israéliens et palestiniens lors d’une manifestation à Tel Aviv contre la réforme judiciaire du gouvernement, la semaine dernière. Photo : Fadi Amun

La situation s’est rapidement éclaircie. L’attentat n’avait rien à voir avec la manifestation, mais il n’est plus possible de continuer à occulter le lien : l’occupation est à l’origine de la plupart des maux contre lesquels les Israéliens manifestent aujourd’hui, même s’ils ne veulent pas l’admettre. Elle est à l’origine de tous les maux. Sans elle, Israël serait un meilleur endroit ; sans elle, de nombreuses forces de destruction ne seraient pas aussi puissantes. C’est pourquoi il est temps d’admettre que l’occupation et les colonies ont vaincu l’État d’Israël. Elles ont gagné, et l’État s’effondre sous elles. Ce qui a commencé avec la guerre des six jours de juin 1967 et le seder de la Pâque d’avril 1968 au Park Hotel d’Hébron* a atteint le cœur même du pays, s’y est installé, l’a rongé de l’intérieur et l’a fait pourrir. Le processus a pris plus de temps que prévu, mais il se déroule maintenant sous nos yeux blasés à une vitesse alarmante. Le sort en est jeté. Il est dommage que les protestataires et les manifestants n’en voient pas l’origine.

Il n’a jamais été juste de tout relier à l’occupation. Ceux qui l’ont fait ont choisi la facilité. Israël est confronté à une foule d’autres défis et maux qui n’ont rien à voir avec elle. Mais l’occupation éclipse tout. Sa malédiction pèse également sur le coup d’État judiciaire. La plupart des forces qui motivent le coup d’État ont germé dans les serres des colons ou de leurs champions et complices. S’il n’y a pas d’occupation, il n’y a pas de colonies - et s’il n’y a pas de colonies, il n’y a pas de Bezalel Smotrich, pas d’Itamar Ben-Gvir et pas de Simcha Rothman. C’est aussi simple que cela. S’il n’y a pas d’occupation, il n’y a pas autant de porteurs de kippa dans toutes les sphères du pouvoir. S’il n’y a pas de désir d’annexion et d’avidité pour les territoires, il n’y a pas de Yariv Levin. S’il n’y avait pas d’occupation, il y aurait toujours du racisme, mais moins. Peut-être même que Benjamin Netanyahou aurait été différent. Toute la politique israélienne aurait été différente si le maintien de l’occupation n’était pas devenu son principal objectif.

L’occupation a donné naissance à la nouvelle figure générique de l’Israélien : un tyran qui n’a de comptes à rendre à personne. Agressif, généralement ignorant. Il ne respecte pas la loi et l’ordre, ni le monde. Tout est permis, y compris le mensonge, au nom de la terre d’Israël. La corruption est également née là, entre la vallée de Dotan [Sahl Arraba] et les collines du sud d’Hébron [janub jabal alkhalil]. Ce n’est pas qu’il n’y avait pas de voleurs et d’assassins avant le Conseil des colonies de Yesha, mais le pourrissement judiciaire, la tromperie comme norme, le vol comme politiquement correct et, bien sûr, la violence comme phénomène légitime et même vénéré - tout cela a prospéré dans l’occupation. Si c’est permis là-bas, pourquoi pas ici ? Ceux qui ont été formés à brûler et à tirer à Huwara comme option première et préférée n’abandonneront pas facilement cette idée à quelques kilomètres à l’ouest. Je le répète : l’occupation n’est pas responsable de tout, mais elle l’est bien plus qu’Israël ne l’admet. Il est très triste que la majorité du camp protestataire ne l’ait pas encore reconnu.

16/06/2022

AKIVA ELDAR
La Norvège va étiqueter les produits des colonies israéliennes

 

Akiva Eldar, Haaretz, 16/6/2022

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Le gouvernement norvégien a décidé de faire une distinction entre les produits originaires des territoires palestiniens occupés depuis 1967 et ceux qui se trouvent à l'intérieur des frontières de 1967, la fameuse Ligne verte. Le moment de cette décision est apparemment sans rapport avec la crise autour de l'extension de l'ordonnance réglementant le statut des colons israéliens dans ces territoires, crise qui menace désormais l'existence du gouvernement de coalition. Cependant, il existe un lien étroit entre cette ordonnance d'apartheid, dont le renouvellement de l'approbation est devenu une question de routine pour le corps législatif israélien, et la décision prise par la Norvège.


L'ordonnance israélienne en question soumet un colon juif à un système judiciaire et son voisin palestinien à un autre système, inférieur. L'ordonnance norvégienne accorde un traitement préférentiel à un agriculteur (juif et palestinien)  vivant en Israël proprement dit, qui cultive des poivrons pour gagner sa vie, tout en refusant ces avantages à son homologue israélien qui gagne sa vie en cultivant des poivrons sur un territoire occupé - ou sur une « terre d'État/publique » {« state land »] qui ne fait pas partie de l'État d'Israël.

La nouvelle loi norvégienne, comme celles déjà en vigueur dans plusieurs pays de l'Union européenne, touche à une loi qui n'est pas moins raciste et corrompue - et peut-être même plus - que l'ordonnance qui a fait la une des journaux récemment. Cette loi légitime la prise de contrôle de terres de Cisjordanie par des agriculteurs, des industriels et des entrepreneurs israéliens, leur permettant de saper une solution diplomatique tout en réalisant des profits.

La Knesset est absoute d'avoir à plusieurs reprises reconduit la loi qui régit ce vol de terres. Le sultan turc l'a fait dans une loi foncière de 1858, qu'Israël sanctifie maintenant. Pour être plus précis, Israël a donné à certaines des clauses clés de la loi une interprétation qui profite à l'occupant au détriment des résidents palestiniens.

À la différence de l'ordonnance sur la Cisjordanie, qui doit être renouvelée tous les cinq ans, l'ancienne loi n'a pas de date d'expiration. Les mots magiques de la loi, « terres publiques », passent de génération en génération, de gouvernement en gouvernement. Selon cette loi, sont « terres publiques » sont toutes les parcelles de terre dont les « indigènes » ne peuvent prouver qu'ils sont propriétaires. Comme il n'y a pas eu d'autre État en Cisjordanie au cours des 55 dernières années, l'occupant israélien s'empare de tout.

Combien de fois avez-vous entendu l'argument de réfutation : « Que voulez-vous de nous, nous n'avons rien pris à aucun Arabe ? Notre colonie se trouve sur une terre publique ». Mais Israël n'a pas annexé ces terres, et pas à cause d'un quelconque scrupule moral. Il s'est abstenu de le faire pour ne pas incorporer des centaines de milliers d'Arabes à ce territoire et pour éviter de se chamailler avec les USA. Il préfère détenir ces terres en tant que syndic et en faire ce qu'il veut.

Dans leur pure impudence, les colons de droite s'appuient sur les Accords d'Oslo pour soutenir leur affirmation selon laquelle Israël est minutieux en s'appropriant « seulement » la zone C, telle que désignée dans ces accords, qui, notons-le, comprend 60 % de la Cisjordanie. Qui se souvient que la validité du concept des zones A et B était censée expirer au cours du millénaire précédent, pour faire place à un accord permanent ?

Le droit international et la décence commune obligent le syndic - le commandant militaire dans ce cas - à préserver les « terres publiques » et à les développer au profit de la population palestinienne locale. La Cour suprême israélienne a même jugé qu'une administration militaire doit s'occuper des résidents protégés dans un territoire occupé.

Dans la pratique, la quasi-totalité des « terres publiques » sont désormais entre les mains des conseils régionaux de colons, incluses dans leur zone de compétence. Cela signifie que les Palestiniens, qui représentent 88 % des résidents de Cisjordanie, ont été empêchés a priori d'utiliser ces terres avant même qu'elles ne soient attribuées à quelqu'un d'autre pour une quelconque utilisation.

Selon les chiffres fournis par l'administration civile à La Paix Maintenant, plus d'un million de dunams, soit 100 000 hectares, ont été déclarés « terres d'État » au fil des ans. De plus, 99,76 % des terres d'État allouées pour être utilisées dans ces territoires ont été données aux colons. Les Palestiniens ont reçu 0,24 %, tout au plus. Ainsi, à l'aide d'une loi conçue à des fins impérialistes, Israël s'est emparé de la plupart des terres de Cisjordanie. Cela s'ajoute aux milliers de dunams de Jérusalem-Est, qu'Israël a expropriés des Palestiniens en utilisant la loi sur les absents. 

Après tout cela, le ministère israélien des Affaires étrangères ose réprimander les pays qui, de temps à autre, nous rappellent les méfaits de l'occupation, qui est mise en œuvre à l'aide de lois qui sembleraient naturelles dans le régime d'apartheid d'Afrique du Sud. Quelqu'un a déjà proposé de démanteler la conférence des États donateurs, que la Norvège préside, un mécanisme qui a été créé dans les années 1990 afin de soutenir le processus de paix et qui est ensuite devenu un sous-traitant de l'occupation. Une punition appropriée. Il est temps que nous commencions à payer pour notre contrôle sur des millions de personnes et pour le vol de leurs terres.


 

10/06/2021

Moshe Dayan et les colons d'Hébron en juin 1968 : « On n’est pas là pour parler de l’aspect spirituel, mais de l’aspect pratique »

Institut Akevot | Juin 2021

Traduit par Fausto Giudice

L'anniversaire de la guerre des Six Jours, qui a éclaté il y a 54 ans cette semaine, est l'occasion de revenir sur un moment constitutif de l'entreprise de colonisation d'Israël dans les territoires occupés : l'affaire qui a débuté lors du seder de Pessah au Park Hotel d'Hébron en avril 1968. Les transcriptions d'une réunion entre le ministre de la Défense Moshe Dayan et les dirigeants des colons au début du mois de juin 1968 constituent un autre exemple de la manière dont les colons et les services de sécurité ont utilisé très tôt de fausses excuses, des insinuations et des jeux de mots pour tenter de promouvoir et de légitimer l'entreprise de colonisation.


La dépêche de l’Agence Télégraphique Juive annonçant le coup de force des colons

Lors d'une session plénière de la Knesset tenue le 12 juin 1968, le ministre de la Défense Moshe Dayan répond à plusieurs questions parlementaires soumises par des députés, dont Shmuel Mikunis, du parti communiste, qui demandent des explications sur l'affaire du Seder du Park Hotel à Hébron, qui a débuté environ deux mois plus tôt. Le 11 avril 1968, plusieurs dizaines d'Israéliens juifs ont loué des chambres au Park Hotel d'Hébron, propriété de Palestiniens, pour célébrer la Pâque. Il est vite devenu évident que le groupe avait prévu de rester définitivement dans la ville palestinienne, occupée moins d'un an auparavant, et ils ont refusé de partir. Il s'agit d'un moment crucial dans la politique israélienne en général et dans l'entreprise de colonisation en particulier.