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07/11/2023

GUSTAVO PETRO
Pour qui sonne le glas ? Le glas sonne pour toi

Gustavo Petro, Président de la Colombie, 27-10-2023

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

 

Une réaction du président colombien au vote de la résolution de l’AG de l’ONU du 27 octobre demandant une trêve humanitaire en Palestine, contre laquelle ont vote 14 pays, dont les îles Marshall, Fiji, Nauru, la Micronésie, la Papouasie Nouvelle-Guinée et Tonga

 

Ce que la puissance militaire barbare du Nord a déchaîné sur le peuple palestinien est le prélude de ce qui sera déchaîné sur tous les peuples du Sud lorsque la crise climatique nous laissera sans eau ; le prélude de ce qui sera déchaîné sur l'exode des populations qui, par centaines de millions, iront du Sud vers le Nord. 

 


 

Des [représentants de] peuples insulaires au bord de l'abîme à cause de la montée des eaux ont voté aujourd'hui contre une trêve dans la barbarie israélienne en Palestine. Pensent-ils sauver leurs nations ?

 

Un monde de consommation et de richesse basé sur l'utilisation intensive de combustibles fossiles est construit sur la puissance militaire du Nord, c'est-à-dire sur ce qui fait monter le niveau de la mer et entraîne des milliards de personnes dans une vie catastrophique, une ère d'extinction. Cette puissance militaire sert à défendre cette richesse et cette consommation qui se fait par la mort des autres.

 

Les premiers à disparaître seront les peuples insulaires vivant au niveau de la mer. Pourquoi certains ont-ils voté pour la barbarie aujourd'hui ?

 

Un sondage en Colombie dit que les jeunes se droitisent.

N'est-ce pas la droite qui nie le changement climatique, qui proclame qu'il faut continuer à consommer du charbon et du pétrole comme si de rien n'était et qui conduit la terre à détruire la vie, c'est-à-dire à détruire surtout la vie de ceux qui sont aujourd'hui des jeunes et des enfants ?

 

La droite conduit les jeunes d'aujourd'hui, non plus à la fête de la nature, de la connaissance, de l'art et de l'intensité de la vie, mais à la catastrophe climatique de demain, où les jeunes d'aujourd'hui vivront plus mal que les vieux d'aujourd'hui, si les changements que la droite rejette ne sont pas mis en œuvre.

 

N'est-ce pas la droite aujourd'hui qui applaudit à la barbarie des bombardements d'enfants et à la destruction de la justice dans le monde ? Quel genre de vie les jeunes qui se disent de droite vont-ils avoir avec une droite qui détruit la vie, la justice et applaudit à la mort des enfants ? Elire ceux qui tueront vos enfants demain ? Où va notre capacité au suicide et à l'omnicide ?

 

 

Pourtant, aujourd'hui, 120 nations de la planète, dont la Colombie, ont voté pour la paix. Aujourd'hui, de puissantes [sic] nations du Nord ont voté avec nous. L'Espagne, la France, la Belgique, la Norvège et la Suisse ont voté, et presque toute l'Amérique latine a voté ensemble, sauf là où les mafias ont progressé. L'Afrique et l'Asie ont voté en majorité. Et le monde commence à s'unir en sachant que glas qui sonne ce soir en Palestine ne sonne pas pour eux, il sonne pour nous, il sonne pour toi.

 

 José Vico @josevico4

27 octobre

L'ambassadeur palestinien s'effondre en lisant une lettre, moi aussi.

 


 

04/11/2023

KARIM KATTAN
Au seuil de l’humanité : Gaza n’est pas une abstraction

Karim Kattan, The Baffler, 31/10/2023
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Il y a trois semaines, dans un monde sensiblement différent de celui d’aujourd’hui, je préparais une causerie. J’avais été invité à parler de mon travail à Innsbruck, en Autriche, lors d’une conférence sur la langue française à travers les frontières. Suite à l’attaque du Hamas le 7 octobre, j’ai reçu un message des organisateurs me demandant de leur communiquer le titre de mon discours et de « m’abstenir de mentionner la situation actuelle et de laisser la dimension politique en dehors de [mon] discours afin d’éviter tout remue-ménage ». J’ai répondu que je ne pouvais pas participer dans ces conditions, toute ma pratique et ma vie étant en jeu dans ce qui se passe dans mon pays. L’organisatrice a insisté pour m’appeler afin de m’expliquer que « la situation actuelle » - un euphémisme - lui semblait très confuse et compliquée, voire un champ de mines, et qu’ils voulaient donc simplement s’assurer que mes propos étaient appropriés. « Je sais, a-t-elle ajouté, que vous ne diriez rien d’horrible. Je veux juste m’en assurer ».


J’ai réfléchi à cette conversation dans les semaines qui ont suivi, à ce qu’elle révèle de la manière dont nous, Palestiniens, sommes considérés en tant qu’êtres vivants, respirant, écrivant, politiques. Le fait que je ne sois pas allé à un événement littéraire est une conséquence mineure et ridicule de ce qui se passe. Mais cela peut suggérer un cadre, une forme, pour ce que j’ai encore du mal à nommer de peur que cela ne devienne réalité, ce qui se passe actuellement à Gaza et en Cisjordanie.

 « Trouvons une solution positive », a suggéré l’organisatrice au téléphone. Mais le dilemme qu’elle avait créé était insoluble. Toutes les solutions possibles impliquaient mon silence. La seule solution positive disponible était de ne pas exister tel que je suis ; d’aller à Innsbruck et de prétendre que mon pays n’était pas bombardé, affamé et dévasté. Aller faire semblant que ma vie n’est pas définie, comme elle l’a toujours été, par l’apartheid et la colonisation. Même si j’avais voulu me plier à ses exigences, je n’aurais pas su comment m’y prendre : non seulement parce que je suis personnellement touché, comme l’est l’existence même de ma famille et de ma nation, mais aussi parce que le roman dont je devais parler se déroule en Palestine.

Quelques jours plus tard, j’ai appris que le Litprom avait annulé la cérémonie de remise du prix célébrant le roman d’Adania Shibli, Détail mineur, qui devait avoir lieu à la Foire du livre de Francfort. Si le monde littéraire a réagi par une condamnation rapide - et nous devons reconnaître la solidarité là où elle émerge - l’idée a été comprise par tous : La pensée, l’écriture et la vie des Palestiniens sont parfois tolérées, mais jamais bienvenues.

Depuis des années, nous savons que notre humanité, en tant que Palestiniens, est conditionnelle aux yeux du monde et que, même lorsqu’elle est accordée, elle n’est jamais pleinement reconnue. Ce privilège nous a été parfois accordé si nous étions polis, réservés, presque invisibles.

Au cours des semaines qui ont suivi cet appel téléphonique, nous avons progressé vers quelque chose que j’ai du mal à nommer. Cette chose est devenue de plus en plus évidente au cours du week-end, alors que l’Occident observait avec une satisfaction à peine voilée la coupure de Gaza avec le reste du monde et le début des incursions terrestres d’Israël. Les discussions permanentes et superficielles sur la nécessité d’un “couloir humanitaire” vident le mot “humanitaire” de sa composante humaine ; on en parle comme on parlerait de la survie d’ “animaux humains”.

La plupart des gouvernements occidentaux ont fait preuve d’une solidarité sans faille avec Israël. Gaza subit une punition collective sadique d’une ampleur sans précédent. Pourtant, le président Biden, le Premier ministre britannique Rishi Sunak et le président français Emmanuel Macron sont venus en avion avec des mots de soutien, de gratitude éternelle et des promesses de financement ; ils ont offert des poignées de main fermes et des accolades viriles, sans prononcer une seule phrase sur les massacres à Gaza. Le silence inquiétant des gouvernements occidentaux est un consentement vicieux aux exactions israéliennes. En France, où je vis et travaille, les choses ont été particulièrement glaçantes. Le 12 octobre, le ministre de lIntérieur, Gérald Darmanin, a ordonné à tous les préfets du pays d’interdire les manifestations dites pro-palestiniennes par crainte de troubles à l’ordre public. Bien que le Conseil d’État ait par la suite annulé cette interdiction générale, de nombreux préfets l’ont maintenue, souvent sous les prétextes les plus fallacieux. Nous pourrions analyser ici l’ironie des pays européens, bastions autoproclamés de la liberté d’expression, qui interdisent des manifestations, annulent des cérémonies de remise de prix et exigent de revoir les propos prévus d’un écrivain. Mais là n’est pas la question.

Ceux qui devraient être les artisans de la paix ont accueilli avec dédain les appels à une cessation immédiate des hostilités. Cela donne en effet le feu vert à Israël pour agir en toute impunité, exacerbant une crise humanitaire sans précédent née de dix-sept années de siège et de nombreux assauts militaires majeurs.

Cette insouciance gratuite et cette déshumanisation sont la raison pour laquelle nous ressentons un besoin impérieux de documenter et de décrire tout, petit ou grand, afin de nous assurer que les gens comprennent ce qui est en jeu : « Mais ceci était un enfant », voulons-nous dire, « et ceci un adulte ». Il ne s’agit pas d’une chose vouée à une mort atroce dans une ville dévastée, mais d’un enfant qui aurait grandi au bord de la mer, qui aurait été, peut-être, un bon nageur et un mauvais mathématicien, ou qui aurait grandi en aimant vraiment les voitures ou la cuisine. « Et ceci », voulons-nous dire, « était un immeuble résidentiel, ceci un restaurant au bord de la mer, ceci une maison avec un jardin, où quelqu’un jouait ou se battait dans la cuisine, et tout cela a disparu ». Ce sont des gens qui ont des noms, nous voulons le dire, des visages aussi, des vies, des amis qui les pleurent, s’ils ne sont pas eux-mêmes morts, et des villes, des villes, entières. De vraies villes et des villes qu’ils appellent leurs propres villes et qui sont maintenant des cimetières. À la télévision, les experts parlent des milliers de morts comme de dommages collatéraux justifiés, mais nous voulons dire qu’il s’agit de l’anéantissement joyeux d’un bord de mer, de familles, d’histoires, de villes.

Dans les médias, Gaza est une abstraction, un espace conçu pour la mort violente d’un peuple abstrait qui l’habite. Cette mort est le fait d’une force naturelle et impersonnelle, et non de l’une des armées les plus puissantes du monde, soutenue par l’État le plus puissant du monde, doté d’un gouvernement et d’un peuple qui élit ce gouvernement. Il s’agit d’un cadrage commode, qui détourne la culpabilité d’Israël. La destruction vient d’en haut, et ceux qui meurent sont censés mourir. Tout est comme il se doit. À cela, nous apportons une correction : Gaza n’est pas une abstraction. C’est un rivage, des plages, des rues, des marchés et des villes avec des noms de fleurs et de fruits, pas une abstraction, mais des lieux, des vies et des gens qui sont expédiés aux oubliettes à coups de bombes.

En tant que Palestiniens, nous nous trouvons au seuil de l’humanité. Nous sommes parfois invités, mais pas toujours. Je ne cesse de revenir à cet appel téléphonique, à une voix au téléphone, venant de la terre lointaine de l’humanité, où je suis un invité jusqu’à preuve du contraire. La voix au téléphone, gentille, conciliante, compréhensive, ne cessait de répéter : « S’il te plaît, Karim, trouvons une solution positive ». L’organisatrice n’a pas vraiment rejeté mon humanité. C’était simplement un fait très gênant pour elle que je sois un humain ; elle devait s’en accommoder et était très mal à l’aise. Elle a suggéré que nous puissions parler de choses telles que « l’exil, la mémoire, la transmission, les frontières », mais, s’il te plaît, sans mentionner la Palestine. Je me suis demandé comment je pouvais parler de l’exil sans mentionner la cause matérielle de cet exil, qui est une histoire d’occupation. Je me suis demandé en quoi consistait la “mémoire” dans ce contexte, si ce n’est la survie en dépit d’une campagne concertée et centenaire d’effacement de toutes nos histoires. Je me suis également demandé si elle s’imaginait qu’il était très amusant pour moi de parler de sujets déprimants. Croyez-moi, je préférerais parler de n’importe quoi d’autre si je le pouvais. Mais je ne peux pas.

Ce qu’elle exigeait de moi, c’était de rendre acceptable et inoffensive chaque complication de mon être politique et intime, de cesser d’être un handicap pour elle. Ce sont les contradictions que nous sommes censés, en tant que Palestiniens, résoudre en nous-mêmes : exister sans parler de notre raison d’être. D’une certaine manière, elle souhaitait, très poliment, que je puisse, très poliment, cesser d’exister. Qu’étais-je donc censé prononcer à Innsbruck, si ce n’est le consentement à ma propre disparition ? Et aujourd’hui, je comprends ce que j’ai ressenti pendant que nous parlions. L’ombre de choses que je ne veux pas nommer. Je n’étais ni en colère, ni triste, ni indigné : j’étais désespéré. J’ai continué à parler. Je ne pouvais pas raccrocher le téléphone. Je ne pouvais pas dire « Non, je ne viendrai pas » et raccrocher. J’avais besoin que cette voix au téléphone reconnaisse mon humanité. Pendant quelques minutes, j’ai été convaincue que si nous raccrochions, sans cette reconnaissance de sa part, sans cette reconnaissance de moi, je disparaîtrais.

Voici les faits : pas d’eau, pas de carburant, pas d’électricité. Oxfam a prévenu que le manque d’eau et l’effondrement des services d’assainissement entraîneraient des épidémies de choléra et de maladies infectieuses. Les hôpitaux, les maisons, les écoles, les mosquées et les églises sont bombardés sans discernement (un mot insensible que je répugne à utiliser, car que faut-il bombarder si ce n’est sans discernement ?) À l’heure où j’écris ces lignes, Gaza est plongée dans l’obscurité, toutes ses communications avec le monde extérieur sont coupées. Sur les images en direct et les photographies, les explosions illuminent la ligne d’horizon. Gaza est devenue un lieu conçu pour la mort. Et nous, Palestiniens et humanistes du monde entier, nous nous interrogeons : quelle sera l’horreur qui sera jugée suffisamment horrible pour franchir enfin le seuil de l’horreur universelle ?

Il semble qu’il n’y ait pas assez d’horreurs infligées aux Palestiniens pour inciter la communauté internationale à exiger, sans ambiguïté, la cessation des hostilités. La voix au téléphone, comme une grande partie du monde qui nous entoure, demandait la même chose : s’il vous plaît, laissez-nous trouver une solution positive. Si seulement vous pouviez disparaître, ou - plus facilement encore - si seulement vous n’aviez jamais existé, et si seulement vous pouviez nous épargner l’horreur, les déplacements, les bombardements, les meurtres, l’affamement d’un peuple que vous nous forcez à déchaîner sur vous. Le monde lui-même résonnait dans cette voix au téléphone qui me disait : il y a une solution, si seulement tu n’étais pas si têtu, il y a une solution, c’est de disparaître dans les contradictions qui t’habitent ; si seulement tu pouvais te désinvestir du monde, si seulement tu ne compliquais pas le monde avec ton existence, si seulement je n’avais pas à te parler, si seulement je n’avais pas à t’écouter, si seulement.

 

03/11/2023

GIDEON LEVY
Voici les enfants extraits des décombres après le bombardement du camp de réfugiés de Jabaliya à Gaza

Gideon Levy, Haaretz, 2/11/2023
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Un terroriste du Hamas a été sorti des décombres, porté dans les bras de son père. Son visage est couvert de poussière, son corps est agité de soubresauts, son regard est vide. On ne sait pas s’il est vivant ou mort. C’est un enfant de trois ou quatre ans, et son père, désespéré, l’a emmené d’urgence à l’hôpital indonésien de la bande de Gaza, qui débordait déjà de blessés et de morts.

Des Palestiniens cherchent des survivants sous les décombres de bâtiments détruits à la suite de frappes aériennes israéliennes dans le camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, mercredi. Photo : Abed Khaled /AP : Abed Khaled /AP

Une autre terroriste a été extraite de l’épave. Cette fois, elle est bien vivante, ses cheveux clairs et bouclés sont blancs de poussière ; elle a cinq ou six ans et est portée par son père. Elle regarde à droite et à gauche, comme pour demander d’où viendra l’aide.

Un homme vêtu d’un gilet en lambeaux griffonne ici et là, un drap blanc plié comme un linceul dans les mains, recouvrant le corps d’un nourrisson, qu’il agite en signe de désespoir. C’est le corps de son fils, un nouveau-né. Ce nourrisson n’avait pas encore eu la chance de rejoindre le quartier général militaire du Hamas dans le camp de réfugiés de Jabaliya. Il n’a vécu que quelques jours - l’éternité d’un papillon - et a été tué.

Des dizaines de jeunes ont continué à creuser dans les décombres à mains nues dans un effort désespéré pour extraire des personnes encore vivantes ou les corps de voisins, soulevant des morceaux de murs détruits pour dégager un enfant dont la main dépassant des ruines. Cet enfant était peut-être un terroriste de la force Nukhba du Hamas.

Tout autour se tiennent des centaines d’hommes, vêtus de haillons, qui se serrent désespérément les mains. Certains d’entre eux fondent en larmes. Un chauffe-eau solaire israélien portant un autocollant en hébreu gît dans les décombres, rappelant les jours passés. « Nous n’avons plus le temps de ressentir quoi que ce soit » déclare Mansour Shimal, un habitant du camp, à Al Jazeera.

Mardi après-midi, des avions de l’armée de l’air israélienne ont bombardé le bloc 6 du camp de réfugiés de Jabaliya. En Israël, on en a à peine parlé. Al Jazeera a rapporté que six bombes avaient été larguées sur le bloc 6, laissant un énorme cratère dans lequel une rangée d’immeubles d’habitation gris est tombée comme un château de cartes. Les pilotes ont dû annoncer qu’ils avaient atteint leur objectif. Les images étaient horribles.

Lorsque je me suis rendu dans le quartier Daraj de Gaza en juillet 2002, au lendemain de l’assassinat de Salah Shehadeh, j’ai vu une scène très dure. Mais elle était pastorale, comparée à ce que l’on a vu à Jabalya mardi. À Daraj, 14 civils avaient été tués, dont 11 enfants, soit environ un dixième du nombre de personnes tuées dans le bombardement de mardi à Jabaliya, selon les rapports palestiniens.

En Israël, les scènes de Jabaliya n’ont pas été montrées. Et pourtant, difficile à croire, elles ont bien eu lieu. Quelques chaînes étrangères les ont diffusées en boucle. En Israël, on a annoncé que le commandant du bataillon central du Hamas à Jabaliya, Ibrahim Biari, avait été tué lors d’une frappe de l’armée de l’air dans le camp de réfugiés le plus peuplé de Gaza et que des dizaines de terroristes avaient été tués. L’assassinat de Shehadeh avait été suivi d’un débat public incisif en Israël. Ce qui s’est passé mardi à Jabaliya a été à peine évoqué ici. Il s’est produit avant que les mauvaises nouvelles concernant les soldats israéliens tués ne soient annoncées, alors que le feu de camp de la guerre crépitait encore.

Selon les rapports, une centaine de personnes ont été tuées dans l’attentat de Jabaliya et quelque 400 ont été blessées. Les images de l’hôpital indonésien étaient tout aussi horribles. Des enfants brûlés jetés les uns à côté des autres, trois et quatre sur un lit sale ; la plupart d’entre eux ont été soignés à même le sol, faute de lits suffisants. Le mot “traitement” n’est pas le bon. En raison du manque de médicaments, des opérations chirurgicales vitales ont été effectuées non seulement à même le sol, mais aussi sans anesthésie. L’hôpital indonésien de Beit Lahia est devenu un véritable enfer.

Israël est en guerre, après que le Hamas a assassiné et kidnappé avec une barbarie et une brutalité qui ne peuvent être pardonnées. Mais les enfants qui ont été extraits des débris du bloc 6 et certains de leurs parents n’ont rien à voir avec les attaques contre Be’eri et Sderot.

Pendant que les terroristes sévissaient en Israël, les habitants de Jabaliya étaient blottis dans leurs baraques dans le camp le plus peuplé de Gaza, réfléchissant à la manière de passer une journée de plus dans ces conditions, qui ont été aggravées par le siège des 16 dernières années. Ils vont maintenant enterrer leurs enfants dans des fosses communes parce qu’à Jabaliya, il n’y a plus de place pour les enterrer individuellement.

 

01/11/2023

Lettre ouverte aux Israéliens par des Israéliens : nous méritons la vérité sur le 7 octobre
מכתב פתוח מישראליות/ים לישראליות/ים

Mondoweiss, 31/10/2023
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Note de la rédaction de Mondoweiss : La déclaration suivante a été rédigée par un groupe de citoyens israéliens qui souhaitent garder l’anonymat pour leur sécurité et par crainte de représailles de la part du gouvernement.

מכתב פתוח מישראליות/ים לישראליות/ים - עברית להלן

En tant qu’Israéliens, nous demandons une commission officielle sur les événements du 7 octobre. Un génocide est perpétré à Gaza au nom des victimes israéliennes et nous ne savons toujours pas qui a été tué, comment il a été tué et qui l’a tué. Nous exigeons des réponses et vous devriez en faire autant.
 

Photo des événements du 7 octobre 2023 publiée par l’armée israélienne

À nos compatriotes israéliens,

Nous vous lançons un appel depuis le brouillard du génocide. Nous pleurons et nous nous inquiétons pour “les nôtres”, ainsi que pour ceux que la plupart d’entre vous ignorent ou considèrent comme des “animaux”.

Lorsque les responsables militaires israéliens ont commencé à répandre dans les médias israéliens anglophones des rumeurs sur les “bébés décapités”, nous avons été immédiatement frappés. Nous avons compris que la propagande de notre gouvernement ne serait pas la même que lors des précédentes attaques meurtrières contre Gaza.

Alors qu’Israël continue de diffuser des images de supposés “bâtiments du Hamas” dans le camp de concentration de Gaza (qu’est-ce qui ne l’est pas, aux yeux des Israéliens ?) pour excuser ses bombardements, la rhétorique nationale et internationale d’Israël contient désormais quelque chose de beaucoup plus proche de la propagande d’extermination nazie.

Nous savons quel est l’objectif de cette propagande. Plus de 8 500 enfants, femmes et hommes palestiniens ont été exterminés - et ce chiffre augmente à l’heure où nous écrivons ces lignes. Beaucoup sont coincés sous les décombres de leurs maisons, mourant lentement. D’autres sont confrontés à la soif, à la famine et aux maladies infectieuses. Dans le même temps, de hauts responsables israéliens, et même notre président, ne cessent de clamer qu’il n’y a “pas de civils innocents” à Gaza.

Ne vous y trompez pas, ce qu’Israël fait actuellement à Gaza hantera les Israéliens pendant des décennies. Il est temps de s’assurer que tous les Israéliens le comprennent. Et cette compréhension doit commencer par une divulgation complète des événements du 7 octobre 2023.

Voici quelques demandes que chaque Israélien devrait faire dès maintenant, même s’il nie le génocide en cours à Gaza. La première est une liste complète de toutes les victimes israéliennes qui ont été identifiées. Il n’existe pas de liste exhaustive sur un site web officiel du gouvernement. La liste publiée par Ha’aretz est partielle. Certains noms attendent d’être “autorisés à être publiés”, et nous aimerions savoir ce que cela signifie.

L’absence d’une liste complète, trois semaines après le début de l’opération, conduit à la prochaine demande des citoyens israéliens : la mise en place d’une commission d’enquête officielle. Les échecs massifs des unités de renseignement et de combat, ainsi que l’insistance des Israéliens à transformer Gaza en une prison à ciel ouvert au cours des décennies précédentes, devraient évidemment être abordés par une telle commission. Nous aimerions savoir comment ces échecs ont contribué à la mort de civils le 7 octobre et les jours suivants.

Par ailleurs, selon le porte-parole du Hamas, 50 captifs israéliens ont déjà été tués à la suite de la décision de notre gouvernement de bombarder Gaza. Vous pouvez ou non considérer le porte-parole du Hamas comme une source fiable, mais nous savons que des captifs israéliens, des proches de nombreuses personnes ici présentes, ont été dispersés dans toute la bande de Gaza et qu’Israël ne semble pas connaître leur emplacement précis.

Les citoyens israéliens devraient se demander s’ils soutiennent les bombardements aveugles qui menacent la vie des captifs. Un accord d’échange est sur la table. Nous savons que le Hamas l’a proposé dès le premier jour. La vengeance génocidaire aveugle d’Israël ne tient pas compte du bien-être des prisonniers israéliens.

Et tandis que notre armée extermine des êtres humains à Gaza, les plateformes israéliennes de hasbara (propagande) tournent à plein régime, en particulier à l’étranger. Les restes carbonisés d’êtres chers sont exhibés, sans nom, dans le seul contexte d’appels déshumanisants à l’éradication des détenus du camp de concentration de Gaza. En voyant ces images, destinées à un public occidental et au mépris total des familles des survivants, nous constatons une fois de plus que nous méritons tous des informations précises sur l’identité de ces victimes et sur la manière dont elles sont mortes.

Sans enquête indépendante, nous ne pouvons qu’espérer rassembler des articles sporadiques et des témoignages de survivants. Les théories du complot vont fleurir. Nous voyons déjà des tentatives de nier le fait même que des civils israéliens ont été tués par des combattants du Hamas.

En outre, nous rejetons les tentatives d’Israël de qualifier ses soldats et autres agents de sécurité tombés au combat de victimes du terrorisme équivalentes aux victimes civiles. Si un soldat israélien n’est qu’un civil israélien, un civil israélien n’est qu’un soldat. Nous rejetons cette équation dangereuse.

Enfin, la question de savoir qui a tué certains civils israéliens nous hante. Il ressort de plusieurs rapports que certains ont été tués par l’armée israélienne. Qu’ils aient été pris dans des tirs croisés, ou qu’ils aient été délibérément visés par des chars ou des hélicoptères pour éliminer des combattants du Hamas ou empêcher le Hamas de faire d’autres captifs, nous méritons une réponse.

Nous exigeons des réponses parce qu’un génocide est perpétré à Gaza au nom des victimes israéliennes, même si les familles endeuillées s’opposent fermement à cette atrocité vengeresse. Nous exigeons des réponses et vous devriez en faire autant.

 מכתב פתוח מישראליות/ים לישראליות/ים

אנו קוראות אליכם מערפל רצח העם. אנו מתאבלים ואנו דואגים ל”שלנו” כמו גם לשלום אלה שרובכם מתעלמים מהם או מחשיבים ל”חיות אדם“.

כאשר אנשי בטחון ישראלים החלו להפיץ שמועות באמצעות תקשורת ישראלית דוברת אנגלית על “תינוקות ערופי ראש”, הופתענו. הבנו שהתעמולה של ממשלתנו לא תהיה זהה לזו שראינו בהתקפות רצחניות קודמות על עזה.

ישראל ממשיכה להציג תמונות של ‘בנייני חמאס’ כביכול במחנה הריכוז בעזה (איזה בניין אינו כזה, בעיניים ישראליות?), כדי לתרץ את ההפצצה שלהם, אך השיח הפנימי והבינלאומי של ישראל מכיל כעת משהו הרבה יותר דומה לתעמולת ההשמדה הנאצית.

אנו יודעות מהי מטרת התעמולה הזו. יותר מ-8,500 ילדים, נשים וגברים פלסטינים ילידים כבר הושמדו – והמספר עולה עם כתיבת שורות אלו. רבות לכודות מתחת להריסות בתיהם, גוססות באיטיות. אחרים סובלים  מצמא, רעב ומחלות זיהומיות. במקביל, בכירים בישראל, אפילו הנשיא שלנו, ממשיכים לצעוק לעולם כי “אין אזרחים חפים מפשע” בעזה.

בל נטעה, מה שישראל מעוללת כעת בעזה עכשיו ירדוף את הישראלים במשך עשרות שנים. עכשיו הזמן לוודא שכל ישראלי/ת מבינים זאת. והבנה זו צריכה להתחיל בחשיפה מלאה של אירועי 7 באוקטובר 2023.

הנה כמה דרישות שכל ישראלי/ת צריכים להציב עכשיו, גם אם הם מכחישים את הג’נוסייד המתחולל בעזה. הראשונה היא רשימה מקיפה של כל הקורבנות הישראלים שזוהו. אין רשימה מקיפה באתר ממשלתי רשמי. הרשימה שפרסם עיתון “הארץ” היא חלקית. חלק מהשמות ממתינים ל”אישור לפרסום”, ואנו תוהים מתי יאושרו לפרסום.

היעדר רשימה מקיפה, שלושה שבועות לאחר האירועים, מוביל לדרישה הבאה שאזרחי ישראל צריכים להציב – הקמת ועדת חקירה רשמית. ועדה כזו תידרש כמובן לכשלים עצומים מצד יחידות מודיעין וצבא, אך עליה לעסוק גם בהתעקשות הישראלית להפוך את עזה למכלאה הגדולה בעולם במשך עשרות שנים. ברצוננו לדעת כיצד כישלונות אלו תרמו למספר הגבוה של הרוגים אזרחיים ב-7 באוקטובר ובימים שלאחר מכן.

יתרה מכך, לפי דובר חמאס, 50 שבויים ישראלים כבר נהרגו כתוצאה מהחלטת ממשלתנו על הפצצות שטיח בעזה. בין אם דובר חמאס מקור מהימן או בלתי מהימן בעיניכם, אנו יודעות ששבויים ישראלים, אהובים על רבים כאן, פוזרו ברחבי הרצועה ונראה שישראל לא יודעת את מיקומם המדויק.

אזרחי ישראל צריכים לשאול את עצמם האם הם תומכים בהפצצות חסרות הבחנה המאיימות על חייהם של שבויים. הצעה לעסקת חליפין מונחת על השולחן. אנו יודעים שחמאס מציע זאת מהיום הראשון. נקמת רצח העם העיוורת של ישראל מתעלמת משלומם של שבויים ישראלים.

ובעוד הצבא הישראלי משמיד בני אדם בעזה, ערוצי ההסברה הישראלית נכנסו להילוך גבוה, במיוחד בחו”ל. שרידיהם המפוחמים של יקירי ישראלים רבים מוצגים לראווה, חסרי שם, כאשר ההקשר הוא רק קריאות לחיסול הכלואים במחנה הריכוז בעזה, שעברו דה-הומניזציה מוחלטת. בראותנו את התמונות הללו, המיועדות לקהל מערבי, ותוך התעלמות מוחלטת ממשפחות הניצולים, אנו מציינים שוב כי לכולנו מגיע מידע מדויק מי הם הקורבנות הללו וכיצד הם מתו.

ללא חקירה עצמאית, אנו יכולות רק לקוות לחבר כתבות מפה ומשם ועדויות של ניצולים. תיאוריות קונספירציה כבר פורחות. אנו כבר רואים ניסיונות להכחיש את עצם עובדות ההרג של אזרחים ישראלים על ידי חמאס.

יתרה מכך, אנו דוחות את הניסיונות הישראלים לתייג חיילים ואנשי כוחות צבאיים שנהרגו כקורבנות טרור שקולים להרוגים אזרחיים. אם חייל ישראלי הוא רק אזרח ישראלי, אזרח ישראלי הוא רק חייל. אנו דוחים את המשוואה המסוכנת הזו.

לבסוף, השאלה מי הרג אזרחים ישראלים במקרים מסוימים מטרידה אותנו. מכמה דיווחים עולה כי חלקם נהרגו על ידי הצבא הישראלי. בין אם הם נלכדו באש צולבת, או שכוחות ישראלים ירו לעברם באמצעות טנקים ומסוקים כדי לחסל אנשי חמאס או למנוע מהם לקחת עוד שבויים, מגיעה לנו תשובה.

אנו דורשות תשובות כי בעזה מתבצע רצח עם בשם קורבנות ישראלים, למרות שמשפחות שכולות מתנגדות נחרצות לזוועת הנקמה הזו. אנו דורשות תשובות וגם אתם צריכים לדרוש תשובות

CONTRIBUTEUR ANONYME
Une lettre au philosophe le plus dangereux d’Occident
Un Palestinien répond à Slavoj Žižek

 Contributeur anonyme, Mondoweiss, 31/10/2023
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Cette lettre ouverte a été rédigée par un critique culturel, écrivain et artiste palestinien qui a choisi de publier sous le couvert de l’anonymat par crainte de représailles de la part du régime israélien, qui soumet les voix palestiniennes à une campagne brutale de répression et d’arrestations depuis le 7 octobre.

Cher Slavoj Žižek,

Il y a environ deux semaines, vous avez publié un article [en anglais, néerlandais et allemand] affirmant que “la véritable ligne de démarcation en Israël-Palestine” se situe entre les “fondamentalistes” des deux côtés et tous ceux qui recherchent réellement la “paix”, ce par quoi vous appelez à une position qui ne choisisse pas entre une “faction dure” et l’autre. Bien que vous mettiez les deux sur un pied d’égalité en principe, vous commencez et terminez votre article par une condamnation sans appel de la conduite du Hamas, sans jamais condamner explicitement l’autre “faction dure” pour la même conduite, qu’elle a menée lentement et quotidiennement au cours des 75 dernières années. Je commence ma réponse par une question fondamentale : en tant que quoi parlez-vous ?

Des Palestiniens brandissent des drapeaux du Hamas et du Jihad islamique lors d’une marche à Hébron pour exprimer leur solidarité avec Gaza, le 27 octobre 2023. (Photo : Mamoun Wazwaz/APA Images)

Parlez-vous en tant que philosophe strictement occidental engagé dans un projet occidental, tristement célèbre pour sa tradition séculaire de colonialisme “moralement négligé” qui n’a pas encore pris fin, pour l’histoire usée du civil et du barbare ? Si c’est le cas, j’accepte votre position et je n’ai rien d’autre à vous dire. Vous avez choisi votre camp. Mais si vous vous exprimez en tant que philosophe, je m’attends à un minimum de pensée critique dans votre position - surtout, à l’égard du canon politique sur lequel vous fondez votre évaluation, votre vision et votre appel à l’action. Je n’en attendais pas moins de la star de la “critique de l’idéologie”, qui est indubitablement rompue à la détection de l’autorité brutale et étendue de la manipulation idéologique - en particulier vu que les perspectives géopolitiques occidentales les plus courantes sur le Moyen-Orient ont souvent été altérées par de telles manipulations.

Votre principale réflexion sur l’idéologie était qu’elle fonctionne comme telle ; nous n’y croyons pas, mais nous la pratiquons, comme l’illustre le moment culminant du film They Live [Invasion Los Angeles, John Carpenter, 1986], où, sous tous ces titres audacieux et sensationnalistes, se cache une conception plus profonde et plus dérangeante du sujet. C’est ce que l’on peut voir dans les titres des panneaux d’affichage virtuels et physiques des médias occidentaux après le 7 octobre et ses atrocités présumées - viols, bébés décapités et autres massacres si innommables que toute personne en prenant connaissance sera affectée sur le plan humain.

Ces actions sont présentées comme violentes et apolitiques alors qu’elles sont le fait d’une faction politique qui mène une guerre pour la justice et la libération. Certaines de ces affirmations brutales, comme le mythe des “bébés décapités, ont été réfutées par de nombreuses personnes, y compris les Israéliens et le président usaméricain Biden. Pendant ce temps, d’autres affirmations ont été au moins contestées, et beaucoup ont été réfutées par les témoignages d’otages israéliens libérés. Certains d’entre eux ont audacieusement déclaré que les participants au festival de musique, par exemple, n’avaient pas été exécutés par le Hamas, mais qu’ils avaient été tués au cours d’un échange de tirs, suggérant qu’il s’agissait de tirs amis israéliens, qui ne semblaient pas s’inquiéter de la présence de civils sur leur chemin. Avec de telles contradictions et l’occultation de tous les médias, la vérité sur les événements de cette journée reste inconnue.

Pourtant, on insiste lourdement pour assimiler une faction de la résistance palestinienne née dans le contexte évident de l’occupation militaire à Daech, en dépit de leurs histoires conflictuelles et de leurs objectifs et idéologies différents. Cette tentative, qui remonte à la guerre de 2014 contre Gaza, a été faite par Netanyahou pour la campagne électorale de son parti de droite, et a déjà été rejetée par des universitaires israéliens comme une distorsion de la réalité destinée à éluder les négociations. D’un point de vue critique, la résurgence de cette affirmation dans le climat politique actuel se présente comme un abus de plus d’une atmosphère croissante d’islamophobie en Occident pour s’assurer un soutien inconditionnel à Israël.

Ce postulat soulève des doutes non seulement sur l’intégrité des médias, mais aussi sur l’ensemble de l’appareil politique occidental, car il s’appuie sur un rejet unilatéral des factions de résistance comme étant du pur terrorisme au nom de l’Islam, tout en insistant sur un récit rival de “légitime défense” politiquement justifiée. Si ces doutes doivent être pris en considération - et ils devraient l’être - les positions politiques, les histoires et les contextes ont une grande importance. Si vous rejetez le Hamas (et d’autres mouvements de résistance) comme étant du terrorisme, ne risquez-vous pas de rejeter toute l’histoire de la lutte armée palestinienne contre une occupation armée ?

Vous commencez par revendiquer une voie à suivre au moyen d’un contexte historique, mais votre réflexion historique semble exclure la part dans laquelle la résistance palestinienne est formée et façonnée à l’échelon national. Rejeter la résistance en tant que terrorisme revient à la décontextualiser politiquement et à priver les Palestiniens du droit fondamental à l’organisation et à l’aspiration politiques. Cela rend le sujet palestinien nihiliste et conduit à des interprétations erronées telles que votre description de l’Intifada de Jérusalem de 2015, appelée “Intifada des couteaux”, comme une expression violente du désespoir. Une telle approche sociologique de la politique doit être sérieusement révisée.

29/10/2023

JORGE MAJFUD
Les nazis de notre temps ne portent pas la moustache

Jorge MajfudEscritos Críticos, 28/10/2023

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

C’est une tragique ironie de l’histoire que ceux qui, dès le début, ont condamné les actions belliqueuses du Hamas et du gouvernement israélien soient accusés d’être en faveur du terrorisme par ceux qui ne font que condamner le Hamas et justifier le terrorisme massif, historique et systématique du gouvernement israélien.


Heureusement, des centaines de milliers de Juifs (surtout dans l’hémisphère nord) ont eu le courage que les évangéliques ou les laïques politiquement corrects et prévisibles n’ont pas eu de descendre dans la rue et dans les centres du pouvoir mondial pour clarifier que l’État d’Israël et le judaïsme ne sont pas la même chose, une confusion fondamentale, stratégique et fonctionnelle qui se trouve au cœur du conflit et ne profite qu’à quelques-uns avec la complicité fanatique et ignorante de beaucoup d’autres.

 

En fait, des dizaines de milliers de studieux juifs des livres saints du judaïsme, tels que la Torah, ont affirmé que le judaïsme était antisioniste. Beaucoup diront que c’est une question d’opinion, mais je ne vois pas pourquoi leur opinion devrait être moins importante que celle du reste des charlatans bellicistes.

 

Ce sont ces Juifs, qui savent que leur coexistence avec les musulmans a été, pendant des siècles, bien meilleure que cette tragédie moderne, qui ont crié à Washington et à New York “Pas en notre nom”, “Arrêtez le génocide de l’apartheid” et qui, dans bien des cas, ont été arrêtés pour avoir exercé leur liberté d’expression, qui, dans les démocraties impériales, a toujours été la liberté de ceux qui n’étaient pas assez importants pour défier le pouvoir politique, comme le montre, par exemple, la liberté d’expression à l’époque de l’esclavage. Mais c’est à eux que reviendra la dignité conférée par l’histoire.

 

Quand la lumière reviendra à Gaza et que le monde apprendra ce qu’une des plus puissantes armées nucléaires du monde, avec la complicité de l’Europe et des USA, a fait à un ghetto sans armée et à un peuple qui n’a droit qu’à respirer, quand il le peut, il apprendra que ce ne sont pas des milliers mais des dizaines de milliers de vies aussi précieuses que les nôtres, écrasées par la haine raciste et mécanique de malades, dont quelques-uns disposent d’un grand pouvoir politique, géopolitique, médiatique et financier, qui, en fin de compte, gouvernent le monde.

 

Naturellement, la propagande commerciale tentera de le nier. L’histoire ne le pourra pas. Elle sera implacable, comme elle l’est généralement lorsque les victimes ne dérangent plus.

 

Beaucoup se tairont, tremblant devant les conséquences, devant les listes noires (journalistes sans travail, étudiants sans bourses, hommes politiques sans dons, comme l’ont même rapporté des médias comme le New York Times), devant l’opprobre social dont souffrent et souffriront ceux qui oseront dire qu’il n’y a pas de peuples ni d’individus choisis par Dieu ou par le Diable, mais de simples injustices d’une puissance déchaînée.

Qu’une vie vaut autant et de la même manière qu’une autre.

 

Que le peuple palestinien (avec une population huit fois supérieure à celle de l’Alaska, quatre ou cinq fois supérieure à celle d’autres États usaméricains), coincé dans une zone invivable, a les mêmes droits que n’importe quel autre peuple à la surface de la sphère planétaire.

Que les Palestiniens, hommes, femmes et enfants écrasés par les bombes aveugles, ne sont pas des “animaux à deux pattes”, comme le prétend le Premier ministre Netanyahou (s’ils étaient des chiens, ils seraient au moins mieux traités). Les Israéliens ne sont pas non plus “le peuple de la lumière” combattant “le peuple des ténèbres”.

 

Que les Palestiniens ne sont pas des terroristes parce qu’ils sont nés Palestiniens, mais l’un des peuples qui a le plus souffert de la déshumanisation et du siège constant, du vol, de l’humiliation et du meurtre en toute impunité depuis près d’un siècle.


Mais ceux qui osent protester contre un massacre historique, un parmi tant d’autres, sont, comme par hasard, ceux qui sont accusés de soutenir le terrorisme. Il n’y a là rien de nouveau. C’est ainsi que les terroristes d’État ont toujours agi dans toutes les parties du monde, tout au long de l’histoire et sous des drapeaux de toutes les couleurs.



Arcadio Esquivel, Costa Rica, 2017