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13/03/2022

TIM FLANNERY
Dans des eaux chaudes
Recension de deux livres sur les récifs coralliens, leur histoire et leur déclin

Tim Flannery, The New York Review of Books, 12/3/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Tim Flannery (Melbourne, 1956) est un mammalogiste (zoologiste spécialisé dans les mammifères) australien, paléontologue et militant écologiste, particulièrement connu pour son combat contre le réchauffement climatique. Son livre le plus récent est Europe: A Natural History (mars 2022).  Bibliographie

 « Le déclin des récifs coralliens s'accélère si rapidement que nous pourrions en voir la fin de notre vivant »

 


 

Recension de :

Coral Reefs: A Natural History (Les récifs coralliens, une histoire naturelle)
by Charles Sheppard

Princeton University Press, 240 pp., $35.00

Life on the Rocks: Building a Future for Coral Reefs (La vie on the rocks : Construire un avenir pour les récifs coralliens)
by Juli Berwald
Riverhead, 336 pp., $28.00

Faire de la plongée en apnée ou en scaphandre autonome au-dessus d'un récif corallien, avec ses couleurs exceptionnellement vives et sa prolifération de vie sous des formes totalement inconnues, est ce qui ressemble le plus à la visite d'un monde étranger. La tentation est grande d'essayer d'appréhender le récif dans son ensemble, mais la véritable merveille réside dans l'observation de près. Plus on s'approche, plus les couches de complexité et de brillance vivante se révèlent : suivez un minuscule poisson, dont la moitié avant est bleu électrique et l'arrière orange brillant, et vous vous retrouverez dans la gueule violette d'une palourde géante si étendue qu'elle ressemble à première vue à une chaîne de montagnes. La variété la plus exquise de tubes, de vrilles, d'étoiles et d'épines forme un objet si grand qu'on peut le voir de l'espace.

Une étoile de mer bleue s'accroche à une tête de corail où poussent des algues coralliennes, des tuniciers et des coraux-cuir mous, île de Batanta, Indonésie, 2012. Photo Ethan Daniels/Alamy.


La genèse des récifs coralliens du monde s'est produite il y a 54 millions d'années, dans une mer disparue depuis longtemps, surnommée Téthys, dans ce qui est aujourd'hui l'Europe du Sud. À l'époque, le monde se remettait d'un réchauffement climatique dévastateur causé par le dioxyde de carbone et le méthane qui s'échappaient de la croûte terrestre, et qui ont à la fois réchauffé et acidifié les océans, précipitant une extinction et réorganisant la circulation des courants océaniques. Lorsque les gaz à effet de serre ont été progressivement absorbés par les roches au cours de centaines de milliers d'années, les océans se sont refroidis et ont retrouvé leur alcalinité, créant ainsi des conditions favorables à la formation de récifs coralliens. La biodiversité caractéristique du récif corallien moderne est apparue si rapidement qu'elle semble avoir été presque entièrement formée, comme Dionysos jaillissant de la cuisse de Zeus. Et à travers toutes les périodes glaciaires et les dérives des continents qui ont suivi, la composition essentielle des récifs coralliens est restée inchangée.

L'ouvrage de Charles Sheppard, Coral Reefs : A Natural History, ne se contente pas d'expliquer ce que sont les coraux et comment ils vivent, mais révèle, à travers des photographies exquises, les splendeurs des récifs à toutes les échelles. En feuilletant ses pages, j'ai été à la fois émerveillé et attristé, car peu de récifs aujourd'hui possèdent une beauté aussi intacte. Beaucoup de ceux sur lesquels j'ai plongé récemment ont commencé à se dégrader et à mourir. C'est une tendance mondiale qui s'accélère si rapidement que nous pourrions voir la fin des récifs coralliens de notre vivant. Une étude scientifique publiée cette année indique que lorsque le réchauffement de la planète atteindra 1,5 degré Celsius, presque aucun corail n'évitera un blanchiment sévère, qui le rend vulnérable aux maladies et à la mort par inanition[1].

Si la tendance actuelle se poursuit, nous atteindrons cette température au début des années 2030. Seuls 0,2 % des récifs échapperont au blanchiment, un résultat qui, selon les chercheurs, sera catastrophique.

La cause de cette catastrophe, et ce que l'on peut faire pour y remédier, est au centre du splendide nouveau livre de Juli Berwald, Life on the Rocks. La grande force de Berwald est de révéler une catastrophe mondiale complexe et en évolution rapide au moyen d'études de cas faciles à comprendre, et peu d'entre elles sont aussi troublantes que celle de la Grande Barrière de Corail d'Australie. Le plus grand système récifal du monde s'étend sur 2 250 km du nord au sud et couvre une superficie équivalente à celle de l'Italie. À la fin des années 1920, la Royal Geographical Society of Australasia a organisé une expédition pour l'étudier en profondeur pour la première fois, en envoyant un jeune chercheur en huîtres, Maurice Yonge, et sa femme médecin, Mattie, dans les Low Isles, dans la partie nord du récif. Dans le monde interconnecté d'aujourd'hui, où l'environnement est endommagé, il est difficile de comprendre l'aventure que le jeune couple a dû vivre pendant des mois avec vingt autres chercheurs sur une île tropicale, dans un jardin d'Eden maritime.

Ne disposant pas d'équipement de plongée, l'équipe travaillait à marée basse, documentant l'état et la diversité du corail. En février 1929, Maurice fut étonné de constater que l'eau de mer dans les bassins laissés par la marée descendante était « littéralement chaude au toucher » et, lors de la marée basse suivante, il remarqua que de grandes parties du corail pierreux et ramifié qui dominait le récif sain étaient devenues blanches - c'était le premier cas enregistré de blanchiment du corail dû à l'élévation de la température de la mer. Mais lors de la marée basse extrême suivante, en avril, les coraux avaient retrouvé leur couleur habituelle. Nous savons maintenant que ce blanchiment et ce rétablissement sont une réponse normale des coraux au stress. Le blanchiment ne devient mortel que lorsque les températures élevées persistent.