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27/05/2023

RAN SHIMONI
Incapable d’identifier les gardiens de prison masqués qui ont tabassé cinq détenus palestiniens de 48, Israël a classé l’affaire

Ran Shimoni, Haaretz, 25/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L’ “enquête” sur l’incident survenu à la prison de Megiddo en août 2021, au cours duquel les détenus ont déclaré avoir été menottés et battus sans raison apparente, a été close sans qu’aucun gardien de prison ait jamais été interrogé.

Ayoub Hassouna, l’un des détenus battus, mardi. Photo: Ilan Assayag

La procureure générale d’Israël a classé une affaire dans laquelle des gardiens de prison masqués auraient battu cinq détenus dans la prison de Megiddo, sans interroger aucun des gardiens qui y travaillaient à l’époque.

L’incident survenu à la prison de Megiddo en août 2021, au cours duquel cinq détenus ont déclaré avoir été menottés et battus sans raison apparente, avait été initialement classé en décembre de la même année. Lorsque les représentants légaux des victimes ont demandé à voir les preuves, afin de pouvoir décider s’ils allaient faire appel de la décision, l’affaire a été rouverte.

Au début du mois, cependant, l’affaire a été à nouveau classée parce que la police a déclaré qu’elle n’était pas en mesure d’identifier les auteurs. La direction de la prison a appris que l’affaire avait été classée uniquement à la suite d’une enquête de Haaretz.

Une source au fait des détails de l’enquête a déclaré que les images des caméras de sécurité de la prison ont été examinées, mais qu’aucune image de l’agression n’a été trouvée. De plus, les gardiens portaient des masques, de sorte que les détenus n’ont pas pu les identifier lorsqu’ils ont été interrogés.


Ayoub avec son fils Moussa mardi. Photo : Ilan Assayag

Une source de l’unité de police chargée d’enquêter sur les fautes commises dans les prisons a déclaré que les gardiens qui se trouvaient dans la prison à ce moment-là n’ont jamais été interrogés parce qu’il n’y avait pas de soupçons concrets à l’encontre de l’un d’entre eux. La police s’est contentée de recueillir les déclarations de tous les gardiens présents à l’époque, ainsi que de plusieurs responsables de la prison, mais ces déclarations n’ont fourni aucune piste.

La police a déclaré que le ministère public aurait demandé un complément d’enquête s’il l’avait jugé nécessaire, mais qu’il ne l’a jamais fait.

Les cinq victimes, toutes originaires de la ville mixte judéo-arabe de Lod, dans le centre d’Israël, étaient détenues à la prison de Megiddo dans l’attente de leur procès pour avoir participé à des émeutes interethniques dans la ville en mai 2021. Les émeutes, qui ont éclaté dans plusieurs villes mixtes judéo-arabes ce mois-là, ont coïncidé avec une série de combats dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas.

Les gardiens qui les ont agressés faisaient partie d’une équipe d’intervention envoyée dans leur bloc cellulaire en raison de troubles survenus la nuit précédente dans une cellule voisine. Selon les détenus, ils ont été battus par au moins cinq gardiens alors qu’ils étaient menottés. L’un d’entre eux a dû être transporté à l’hôpital avec une déchirure de la rétine de l’œil gauche.

Lorsque Haaretz a rendu compte pour la première fois de l’enquête sur l’agression, l’administration pénitentiaire a déclaré que les gardiens avaient fait un usage raisonnable de la force contre les détenus parce qu’ils refusaient de quitter leur cellule. Mais les parents des victimes qui leur ont rendu visite par la suite ont déclaré que les hommes avaient été battus au point d’être méconnaissables.

« Nous ne les avons pas reconnus, nous n’avons pas compris qui ils étaient », a déclaré la mère d’une victime à Haaretz quelques jours après l’agression. « Mon fils a des bleus sur tout le cou et les épaules, et il ne voit plus de l’œil droit ».

Ayoub Hassouna, dont le frère Moussa a été tué par balle pendant les émeutes de Lod, était l’une des cinq victimes. « Ils nous ont dit que dans la cellule voisine du bloc 4, il y avait eu des émeutes la nuit précédente, de sorte qu’une force spéciale a été amenée, et l’un des officiers nous a demandé de ne pas faire de bruit », a-t-il déclaré.


Véhicule incendié à Lod lors de l’opération “Gardiens des murs” en mai 2021. Les détenus étaient accusés d’avoir participé à des émeutes dans la ville. Photo: Josh Breiner

« Quelques minutes plus tard, ils sont revenus vers nous, nous ont dit de nous allonger sur le sol, nous ont passé trois menottes à chacun et ont commencé à nous frapper. Ils ne nous ont rien dit ».

Ensuite, ils ont été emmenés dans une autre cellule, près de l’entrée de la prison, et là, la violence s’est intensifiée, raconte Hassouna. « Ils se sont mis en garde les uns les autres de ne pas être filmés, puis ils m’ont emmené dans un endroit où il n’y avait pas de caméra. Ils ne se sont pas arrêtés tant qu’ils n’ont pas notre sang gicler ».

Un avocat  qui a représenté deux des victimes au nom du Comité public contre la torture en Israël a déclaré que le fait que les auteurs n’aient pu être retrouvés dans un cas de violence aussi grave était scandaleux.

« Ils n’ont pas été agressés dans la rue, mais dans une prison, alors qu’ils étaient sous la garde de l’État », a déclaré l’avocat, qui a demandé à rester anonyme. « Il est impossible d’accepter l’affirmation selon laquelle l’auteur est inconnu. Les prisons tiennent des rapports ordonnés sur les personnes présentes, il y a des caméras partout, il y a un officier qui a donné l’ordre, et il y a tout un groupe de gardiens qui les a traînés dans une autre cellule pour les frapper ».

La police a déclaré dans un communiqué que l’unité chargée d’enquêter sur les fautes commises dans les prisons « a pris un grand nombre de mesures d’enquête, notamment en recueillant les déclarations des gardiens et en recueillant et en visionnant les images des caméras de sécurité ». L’affaire a été transmise au ministère public pour qu’il prenne une décision.

L’administration pénitentiaire a déclaré qu’elle ne pouvait pas discuter des détails de l’enquête, mais que « nous soulignons que l’administration pénitentiaire a coopéré et coopérera avec toute enquête nécessaire ».

Le bureau du procureur du district nord, qui a pris la décision de classer l’affaire, a publié une déclaration disant : « Malheureusement, sur la base des preuves recueillies dans cette affaire et en raison des circonstances de l’incident, l’enquête n’a pas permis d’identifier les auteurs présumés. Il convient de noter que dans une autre affaire reçue par notre bureau au même moment, impliquant des actes et des circonstances similaires, dans laquelle des preuves suffisantes ont été rassemblées pour identifier les agresseurs, nous avons déposé des actes d’accusation qui les ont inculpés d’agression ».

La déclaration ajoute que des personnes ne peuvent être interrogées en tant que suspectes que lorsqu’il existe des soupçons à l’encontre d’une personne spécifique, « ce qui n’était pas le cas dans cette affaire ». [Amen]