Affichage des articles dont le libellé est Guerre totale. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Guerre totale. Afficher tous les articles

28/03/2024

GIDEON LEVY
Il nous faut l'admettre : Israël veut la guerre à Gaza

Gideon Levy, Haaretz, 27/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Israël veut la guerre. Toujours plus de guerre, autant que possible, et peut-être même plus. Les jours de notre enfance sont révolus, quand on nous disait qu'Israël voulait la paix plus que tout. Nous nous considérions comme des pacifistes, un peuple naïf.

Une femme palestinienne avec un garçon blessé après un bombardement israélien dans le centre de la ville de Gaza, la semaine dernière. Photo AFP

 Le temps est révolu où nous nous vantions auprès de tous les visiteurs étrangers que notre salutation courante était “paix” [shalom]. Quelle autre nation dit “paix” partout où elle va ? Il n'y a que nous, les partisans de la paix. C'est ce qu'on nous a dit et c'est ce que nous avons cru. Oups, les Arabes et les musulmans aussi disent salaam. Mais ça, ils n'ont pas pris la peine de nous le dire à l'époque.

Nous sommes les plus grands défenseurs de la paix au monde, et regardez ce que ces méchants nous ont fait. Lorsque nous sommes apparus dans des délégations de jeunes devant les communautés juives des USA, nous avons dansé la hora avec des chemises brodées au son du “Chant pour la paix”- pour quoi d’autre des jeunes Israéliens danseraient-ils ? - et les Juifs enthousiastes ont essuyé une larme.

Quelle nation ! Quelle aspiration à la paix ! Nous sommes les pacifistes, et les Arabes sont des bellicistes. C'est ce qu'ils nous disaient quand nous étions enfants. C'est ce que nous nous sommes dit à nous-mêmes et au monde, qui y a même cru pendant un moment.

Israël veut la guerre. Aujourd'hui, il le dit explicitement, sans faux-semblant et sans blanchiment. Autant de guerre que possible dans les paroles du gouvernement, autant de guerre que possible dans les paroles de l'opposition. Encore plus de guerre même dans la bouche des manifestants sur les places, qui ne réclament certainement pas le contraire. Ils veulent seulement un arrêt de la guerre pour libérer les otages et chasser Benjamin Netanyahou, et ensuite, selon eux, nous pourrons retourner aux champs de la mort pour toujours.

Toujours plus de tueries, toujours plus de destructions. La soif de vengeance et la soif de sang sont enveloppées d'une foule de déguisements, d'excuses et de considérations. Certaines d'entre elles peuvent être comprises depuis le 7 octobre, qui nous a fait sortir du placard.

Le tableau peut être compliqué, mais on ne peut pas estomper le fait écrasant que le monde entier veut mettre fin à cette guerre, à l'exception d'un seul État. La quantité de sang que cet État veut verser n'a pas encore été atteinte. Ce désir, enveloppé dans la cause de la destruction du Hamas, ne sera de toute façon pas accompli. Qu'y a-t-il d'autre à penser qu'Israël veut tuer et détruire à Gaza pour le plaisir de tuer et de détruire ? Tel est l'objectif.

On peut arguer que si nous ne détruisons pas le Hamas, la guerre se poursuivra éternellement et que, de toute façon, il s'agit d'une guerre pour la paix. Mais on ne peut pas croire cela quand il n'y a pas de plan stratégique derrière la soif de guerre. Il ne reste donc que la stricte vérité : Israël veut tout simplement la guerre. La gauche, la droite et le centre aussi. Tout le monde.

Soldats israéliens sur un char dans la bande de Gaza en février. Photo Dylan Martinez/REUTERS

C’est une situation horrible. D'abord, nous avons supprimé la paix en tant que valeur, en tant qu'objectif et vision, et maintenant nous avons fait de la guerre une valeur pour laquelle nous devons nous battre contre le monde entier. Quelques-uns contre beaucoup, nous nous battrons pour notre droit à la guerre. Le petit nombre contre la multitude, nous nous battrons pour notre droit de tuer et de détruire sans discernement.

La plus grande menace qui pèse aujourd'hui sur Israël est d'arrêter la guerre. Où irons-nous ? On a oublié que la guerre est l'invention humaine la plus satanique. Faire la paix, pas la guerre - c'est pour les crédules et les idiots. La poursuite de la guerre est ce qui unit Israël dans un lien étroit. Nous sommes prêts à payer n'importe quel prix pour continuer la guerre, y compris à ruiner les relations avec les USA, qui ne sont pas réputés comme des pacifistes, et qui exigent aussi : Assez.

C'est la soif de guerre, et rien d'autre. Non seulement personne ne nous l'impose, pas même l'horrible 7 octobre, mais, de toutes les nations, c'est nous qui l'avons choisie. Et nous, de toutes les nations, avons choisi de continuer à le faire, sans aucune résistance de la part d'Israël. Nous devons avoir Rafah, puis Baalbek, et nous retournerons ensuite dans le nord de la bande de Gaza parce que nous le devons. Nous devons le faire. Et puis Téhéran sera un must aussi, parce qu'il n'y a pas d'autre choix.

Pourquoi, que suggérez-vous ? La capitulation ? L'anéantissement ? L'holocauste ? Israël veut de plus en plus de cette guerre. Nous pensons que c'est permis et que ça nous fait du bien.        

Paolo Lombardi


 

 

24/12/2023

HAARETZ
Arrêter le massacre à Gaza

Éditorial du Haaretz, 24/12/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

NdT

Le texte ci-dessous illustre tristement l’état de déliquescence dans lequel les faiseurs d’opinion « libéraux » israéliens se trouvent, qui n’osent pas remettre en cause la légitimité même de la “guerre totale”* déclenchée par Netanyahou et Gallant, se contentant de réclamer une “guerre partielle cibléé” contre les “seuls terroristes”. Même l’ancien Premier ministre Ehud Olmert va plus loin, dans une tribune publiée par le même Haaretz le 22 décembre ; « C’est l’heure de la décision : ou bien un cessez-le-feu maintenant avec des otages vivants, ou bien une cessation forcée [par nos alliés, USA , Angleterre, France et Allemagne] des hostilités avec des otages morts. »-FG

Une distinction plus nette doit être faite entre frapper les terroristes du Hamas et porter atteinte à des civils non impliqués, d’autant plus que 129 otages israéliens sont détenus à Gaza.

Mustapha Boutadjine, 2014

Le nombre de Palestiniens tués dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre le 7 octobre s’élève désormais à environ 20 000, selon les données publiées jeudi par le ministère de la Santé de Gaza (contrôlé par le Hamas) [28 000 selon l’Observatoire Euro-Med des Droits Humains, NdT].

Cela représente environ 1 % de la population de Gaza. Et ce chiffre ne tient pas compte des nombreuses personnes portées disparues et que l’on pense enterrées sous les décombres des bâtiments détruits.

Selon le ministère de la santé de Gaza, plus des deux tiers des victimes sont des femmes et des enfants. Même si ces chiffres sont imprécis, Israël n’a pas présenté de chiffres contraires. L’establishment de la défense estime qu’environ un tiers des victimes sont des membres du Hamas. Cela représente un préjudice sans précédent pour des civils non impliqués.

Un rapport d’enquête publié le mois dernier par le New York Times a révélé que le nombre de civils tués à Gaza pendant la guerre actuelle augmentait plus rapidement que pendant les guerres usaméricaines en Irak, en Afghanistan et en Syrie. Un nouveau rapport du même journal indique qu’au cours des six premières semaines de la guerre, Israël a largué au moins 200 fois des bombes d’une tonne sur le sud de Gaza, alors même que les forces de défense israéliennes et le gouvernement israélien avaient déclaré que le sud de la bande de Gaza était un espace sûr pour les civils.

Les FDI se sont efforcées d’exhorter les habitants de Gaza à se déplacer vers le sud. Le porte-parole des FDI, Daniel Hagari, leur a répété à maintes reprises : « Allez vers le sud ». Mais le rapport du New York Times montre que le sud n’était pas vraiment sûr.

Les FDI - qui mènent actuellement des manœuvres terrestres dans le sud de la bande de Gaza, où il n’y a pas eu d’évacuation massive de la population - ont l’obligation de procéder aux ajustements nécessaires pour réduire les dommages causés aux civils non impliqués. Elles doivent également tenir compte de la situation humanitaire à Gaza : la faim, les maladies, les pénuries d’eau, de nourriture et de médicaments, le fait que les gens n’ont pas de maison où retourner et les infrastructures détruites.

Une distinction plus nette doit être faite entre frapper les terroristes du Hamas et s’en prendre à des civils non impliqués, d’autant plus que 129 otages israéliens sont détenus à Gaza.

Dans le même temps, Israël doit avancer sur la voie d’un accord pour la libération des otages et être prêt à payer en échange en jours supplémentaires de cessez-le-feu et en libération de prisonniers palestiniens.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la défense Yoav Gallant ont déclaré à plusieurs reprises que la pression militaire exercée sur le Hamas amènerait l’organisation à assouplir ses exigences et conduirait au retour des otages, mais la réalité n’a pas été à la hauteur de leurs espérances.

Jusqu’à présent, l’offensive massive en cours n’a produit aucun résultat en ce qui concerne les otages ; elle a seulement conduit à l’arrêt des pourparlers sur leur libération. Le rapatriement des otages est l’un des objectifs suprêmes de la guerre. Le gouvernement n’a pas le mandat d’abandonner les otages, que ce soit explicitement ou implicitement.

 

*« Totaler Krieg – Kürzester Krieg » = « guerre totale, guerre la plus courte » : le meeting nazi du 18 février 1943 au Palais des sports de Berlin, où Goebbels fit son fameux discours appelant à la “Guerre totale”