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16/06/2025

Une étoile éteinte : Parnia Abbasi, jeune poétesse iranienne, assassinée par Israël

Fausto GiudiceTlaxcala , 16/6/2025


Un des missiles lâchés sur l'Iran par Israël dans la nuit du 12 au 13 juin a frappé un immeuble résidentiel dans l’ouest de Téhéran, le complexe Orchidée de la rue Sattar Khan. La cible était le professeur Abdulhamid Minoushehr, un scientifique nucléaire enseignant à l’Université Beheshti. Le missile a détruit les troisième, quatrième et cinquième étages de l’immeuble. Parmi les victimes “collatérales”, l’entière famille Abbasi : Parnia, 23 ans, son frère Parham, 16 ans et leurs parents Parviz, retraité de l’enseignement, et Massoumeh, employée de banque retraitée. Parnia enseignait l’anglais, travaillait à la banque Melli et était poétesse.

L’étoile éteinte

J’ai pleuré pour nous deux —
pour toi,
et pour moi.

Tu souffles mes larmes,
étoiles effacées,
dans le vent de ton ciel.

Dans ton monde,
la lumière se fait délivrance.

Dans le mien,
ce n’est que le théâtre des ombres.

Quelque part,
toi et moi
nous achevons notre histoire.

Le plus beau poème du monde
s’éteint dans le silence.

Quelque part,
tu prends naissance.

Tu cries
le murmure de la vie.

Et moi,
en mille lieux,
je me défais.

Je me consume —
deviens une étoile éteinte,
fumée perdue
dans ton ciel.

 

ستاره‌ی خاموش

 

برای هر دو گریستم

 

برای تو

 

و خودم

 

ستاره‌های اشکم را

 

در آسمانت فوت می‌کنی

 

در دنیای تو

 

رهایی نور

 

در دنیای من

 

بازی سایه‌ها

 

در جایی

 

من و تو تمام می‌شویم

 

زیباترین شعر جهان

 

لال می‌شود

 

در جایی

 

تو شروع می‌شوی

 

نجوای زندگی را

 

فریاد می‌کنی

 

در هزار جا

 

من به پایان می‌رسم

 

می‌سوزم

 

می‌شوم ستاره‌ای خاموش

 

که در آسمانت

 

دود می‌شود.

 

 


Ce poème a été publié par la revue de poésie Vazn-e Donya [Le poids du monde]  dans un numéro consacré aux « poètes de la génération Z » , issu d’un atelier d’écriture. Extrait d’une interview de la revue avec l’auteure :

“Je regarde tout ce qui se passe dans ma vie d'une manière qui me permet d'écrire à ce sujet”

Parnia Abbasi : « Chaque fois que j'écris quelque chose, je le montre toujours à ma mère, à mes amis. Je demande à mon entourage ce qu'ils en pensent. J'adore voir les réactions des gens quand ils lisent mes poèmes, leurs expressions faciales, leurs réponses, je trouve ça fascinant. Honnêtement, c’est devenu une partie importante de ma vie. Je considère tout ce qui m'arrive comme quelque chose que je pourrais écrire, pour exprimer le sentiment que j'ai éprouvé à ce moment-là à travers la poésie. En ce sens, l'écriture m'apporte la paix. Même si ce n'est qu'un peu chaque soir. Je ne soumets ni ne publie la plupart de ces poèmes, mais quand je les relis, j'ai l'impression que ces sentiments revivent en moi, et ça a une grande importance pour moi.

Quand j'ai rejoint l'atelier d'écriture, j'étais très occupée par mon travail et mes études, mais honnêtement, l'atelier comptait bien plus pour moi que l'école ou quoi que ce soit d'autre. J'étais toute excitée à l'avance, je préparais ce que j'allais dire. Apprendre à connaître les poètes, les rechercher, cela comptait plus que presque tout dans ma vie. Et c'est toujours le cas aujourd'hui. »

13/06/2025

YOSSI MELMAN
L’Opération “Colère de Dieu” revisitée : comment l’Europe a permis au Mossad de mener une campagne secrète d’assassinats après Munich

Une auteure ayant eu un accès sans précédent à des archives secrètes révèle comment les agences de renseignement occidentales ont aidé le Mossad à mener une campagne secrète d’assassinats à travers l’Europe.

Yossi Melman, Haaretz, 14/5/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 


Un tireur palestinien masqué sur un balcon de la Cité olympique de Munich, le 5 septembre 1972. Un mois plus tard, le Mossad lance l’opération “Colère de Dieu” pour traquer les responsables du massacre. Photo Kurt Strumpf/AP

Dans la soirée du 16 octobre 1972, Wael Zwaiter termine son travail à l’ambassade de Libye à Rome, se rend dans un bar voisin, boit un verre et rentre à son appartement. À l’entrée de l’immeuble, deux assaillants l’attendent. Ils lui tirent dessus à 11 reprises, un chiffre symbolique qui fait écho aux 11 athlètes israéliens assassinés par des terroristes palestiniens lors des Jeux olympiques de Munich, un mois plus tôt.

Il s’agissait du premier assassinat de ce qui est devenu l’opération “Colère de Dieu”, la campagne secrète menée par Israël pour traquer les “terroristes” palestiniens. Un nouveau livre, “Operation Wrath of God : The Secret History of European Intelligence and the Mossad’s Assassination Campaign” (L’histoire secrète des services de renseignement européens et de la campagne d’assassinat du Mossad), révèle pour la première fois l’importante coopération en coulisses des services de renseignement d’Europe occidentale. Leur collaboration, ou du moins leur approbation tacite, a permis au Mossad de commettre dix assassinats entre 1972 et 1992 [plus trois à Beyrouth et un à Tunis, voir liste ici, NdT].

Le Club de Berne : le pacte secret de l’Europe en matière de renseignement

Le livre d’Aviva Guttmann, spécialiste suisse du renseignement qui enseigne à l’université d’Aberystwyth au Pays de Galles, sera publié cet été par Cambridge University Press. Mme Guttmann a bénéficié d’un accès sans précédent aux archives secrètes du “Club de Berne”, une alliance multilatérale peu connue dans le domaine du renseignement.

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Aviva Guttmann a bénéficié d’un accès sans précédent aux archives secrètes du Club de Berne.

Fondé en 1969, le Club de Berne regroupe des services de Suisse, d’Allemagne de l’Ouest, de France, du Royaume-Uni, d’Italie, du Luxembourg, d’Autriche, des Pays-Bas et de Belgique. Grâce au système télex crypté “Kilowatt"”du Club, le réseau s’est ensuite étendu aux USA, au Canada, à l’Australie, à l’Irlande, à l’Espagne, à la Suède, à la Norvège et à Israël, par l’intermédiaire du Mossad et du Shin Bet, le service de sécurité intérieure israélien.

Dans une interview accordée à Haaretz, Mme Guttmann révèle que dans les communications internes du Club, le Mossad portait le nom de code “Orbis” et le Shin Bet celui de “Speedis”.

Démentant le mythe du Mossad comme force omnipotente, l’agence s’appuyait fortement sur les renseignements européens. Des données essentielles ont été fournies et partagées par le Club de Berne, notamment les adresses des suspects, les numéros de plaque d’immatriculation, les dossiers de vol, les factures d’hôtel et les relevés téléphoniques.

En réalité, les opérations d’assassinat du Mossad étaient des essais et des erreurs. Le chef du Mossad, Zvi Zamir a nommé Mike Harari, chef de la division des opérations “Caesarea”, pour commander les missions. Harari a recruté du personnel au sein du Mossad, des FDI et d’autres agences, dont certains se sont révélés peu adaptés à la mission.

L’unité d’opérations spéciales de l’agence, Kidon (“baïonnette” en hébreu), n’a été créée qu’après un échec ultérieur : un assassinat bâclé en 1973 à Lillehammer, en Norvège, au cours duquel la mauvaise personne a été tuée et six agents du Mossad ont été capturés.

Wael Zwaiter : la première cible

L’assassinat de Zwaiter à Rome, un mois après le massacre de Munich en 1972, n’était pas seulement un acte symbolique ; c’était aussi un triomphe de la coopération internationale en matière de renseignement. Le Mossad, qui n’avait pas réussi à détecter le complot terroriste des Jeux olympiques, est parvenu à localiser et à tuer Zwaiter en l’espace d’un mois, alors qu’il ne disposait pas encore d’une unité d’opérations spéciales officielle.

En juillet 1972, deux mois avant l’attentat de Munich, le Mossad avait prévenu les membres du Club de Berne, via Kilowatt, de l’imminence d’une opération terroriste impliquant trois individus, et identifié Zwaiter comme leur responsable.

Le 13 septembre 1972, huit jours après le massacre, le service de sécurité intérieure allemand (BfV) a confirmé que Zwaiter avait payé les notes d’hôtel à Salzbourg pour trois des attaquants, qu’il avait des contacts réguliers avec eux et qu’il avait séjourné à l’hôtel Eden-Wolff de Munich dans les semaines précédant le massacre. Selon le livre, ces renseignements ont été déterminants dans la décision d’Israël de le prendre pour cible.

Bien que certains aient par la suite décrit Zwaiter comme un poète et un intellectuel, connu pour avoir traduit “Les mille et une nuits” en italien et travaillé comme traducteur pour l’ambassade de Libye, le Mossad a insisté sur le fait qu’il était également le “représentant en Italie du Fatah”, impliqué dans le transfert d’armes, de fonds et de documents pour les opérations terroristes.


Deux policiers ouest-allemands portant des sweat-shirts d’athlètes se mettent en position sur le toit du village olympique de Munich, le 5 septembre 1972.

L’attentat de Paris : Mahmoud al-Hamchari

La cible suivante était le Dr Mahmoud Al-Hamchari, représentant de l’OLP à Paris. Les médias israéliens et étrangers ont affirmé qu’il avait été impliqué des années auparavant dans la planification ou le soutien d’opérations terroristes contre des cibles israéliennes en Europe. Les rapports transmis par le réseau Kilowatt ne contenaient aucune preuve permettant de le relier à de telles activités. Il est donc probable qu’il ait été considéré comme une “cible molle” - quelqu’un de relativement facile à atteindre - parce qu’il était moins prudent et n’accordait qu’une attention minimale à sa sécurité personnelle.

Al-Hamchari a reçu un appel téléphonique à son appartement. Quelques secondes plus tard, une bombe placée par le Mossad explose. Il est grièvement blessé, mais survit ; la charge avait été mal calculée. Transporté d’urgence à l’hôpital, il est interrogé par les services de renseignements français. Un rapport d’interrogatoire a été envoyé au Club de Berne et, naturellement, au Mossad.

Avant sa mort, Al-Hamchari a déclaré avoir reçu un appel d’une personne prétendant être un journaliste italien, lui demandant de le rencontrer au bureau de l’OLP. Il a quitté son appartement, mais son interlocuteur n’est jamais venu. On pense que le Mossad a profité de son absence pour s’introduire dans l’appartement et poser la bombe, déclenchée ensuite par un nouvel appel.


Zvi Zamir, chef du Mossad de 1968 à 1974. Zamir a déclaré que la campagne visait à perturber le réseau européen de l’OLP, et non à se venger.Photo Unité du porte-parole des FDI

Selon le livre de la Dre Guttmann, l’assassinat d’Al-Hamchari reflétait une décision plus large du gouvernement israélien de Golda Meir de prendre pour cible les représentants de l’OLP et du Fatah en Europe, sans tenir compte de leur lien direct avec le massacre de Munich.

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Le chef du Mossad, Zvi Zamir, s’est fait l’écho de ce raisonnement dans une interview accordée en 2005 à Haaretz, déclarant que la campagne n’était pas motivée par la vengeance, mais par un effort stratégique visant à démanteler l’infrastructure de l’organisation en Europe et à perturber sa capacité à perpétrer de futurs attentats.

Cette explication remet en cause l’idée largement répandue, véhiculée par les médias et même par certains chercheurs universitaires, selon laquelle les assassinats perpétrés par le Mossad étaient principalement motivés par la vengeance du massacre de 1972.

Le metteur en scène de théâtre devenu cible

Au cours des six mois suivants, le Mossad a assassiné quatre autres agents de l’OLP en Europe - à Chypre, à Rome (à nouveau) et à Paris. En réponse, l’OLP a lancé une vague d’attaques de représailles : lettres piégées, assassinats de diplomates israéliens et siège de l’ambassade d’Israël à Bangkok. Cette escalade du conflit de l’ombre entre le Mossad et les factions palestiniennes est connue sous le nom de “Bataille des barbouzes”.

L’un des points culminants de la coopération en matière de renseignement a eu lieu le 28 juin 1973, avec l’assassinat du ressortissant algérien Mohammad Boudia à Paris. Boudia, un personnage bohème plongé dans la vie nocturne de la ville, était le directeur d’un petit théâtre, connu pour son amour de l’art et des femmes. Il avait lutté contre la domination coloniale française en tant que membre du Front de libération nationale algérien et avait passé trois ans en prison. Après l’accord de paix, il s’est installé à Paris et a rejoint la lutte armée palestinienne.

La gestion du théâtre constituait une couverture idéale pour ses activités “terroristes”. Il était soupçonné d’agir pour le compte du Front populaire et d’avoir des liens avec des attentats commis en Italie et en Suisse.

« En France, tout en menant une vie sociale très active, il était également très prudent, utilisant fréquemment des déguisements et du maquillage provenant de son théâtre pour éviter d’être repéré », indique le livre de la Dre Guttmann. « Par exemple, il passait la nuit chez une femme et repartait le matin déguisé en vieille femme pour tromper les équipes de surveillance qui auraient pu le suivre. Autre précaution, il changeait fréquemment ses habitudes quotidiennes, voyageait beaucoup et, à Paris, passait ses nuits dans des endroits différents ».


Golda Meir, Premier ministre israélien de 1969 à 1974. Meir a autorisé une politique visant à cibler les agents de l’OLP en Europe, même s’ils n’étaient pas directement liés à l’attentat de Munich. Photo Sven Simon/Reuters

« Cependant, il y avait un élément constant dans sa vie, qui était son point faible : il conduisait toujours une Renault R16 grise avec une plaque d’immatriculation parisienne. Cette habitude était ce que le Mossad appelait son ‘point de capture’, la faiblesse qui lui permettrait d’organiser son exécution ».


Dans la nuit du 27 juin, Boudia est allé rendre visite à l’une de ses nombreuses petites amies. Pendant qu’il était à l’intérieur, des agents du Mossad se sont introduits dans sa Renault et ont placé une bombe sous le siège du conducteur. Quel que fût le déguisement utilisé par Boudia pour quitter l’appartement, le Mossad savait qu’il reviendrait toujours dans sa voiture. Comme prévu, une équipe de surveillance a confirmé que Boudia était entré dans le véhicule, et la bombe - conçue pour faire passer l’explosion pour un “accident de travail” - a été déclenchée à distance.

Regarder ailleurs

Quelques semaines seulement après l’assassinat de Mohammad Boudia, le Mossad a subi un revers majeur à Lillehammer, en Norvège.. Dans un tragique cas d’erreur d’identité, des agents ont tué Ahmed Bouchikhi, un innocent serveur marocain, après l’avoir confondu avec Ali Hassan Salameh, un important commandant de l’OLP et proche collaborateur de Yasser Arafat. Six agents du Mossad ont été arrêtés et emprisonnés.

Les recherches de Guttmann révèlent que le MI5 a peut-être contribué à l’erreur en envoyant au Mossad une photographie de Salameh. Malgré ce fiasco, le Mossad a continué à avoir accès au Club de Berne et à son précieux système Kilowatt.


L’une des six accusés du Mossad, Sylvia Rafael, se rendant dans la salle d’audience lors de son procès pour meurtre à la suite du fiasco de Lillehammer. Photo NTB / Alamy Stock Photo

Sylvia Rafael (1937-2005), libérée en 1975  après 2 ans de prison en Norvège, s’est mariée avec son avocat norvégien

« J’attribue cela à plusieurs raisons », explique la Dre Guttmann. eTout d’abord, l’Allemagne de l’Ouest, certainement, et peut-être d’autres, ont éprouvé un profond sentiment de culpabilité pour avoir échoué à empêcher le massacre de Munich. Mais plus généralement, les services de renseignement de toute l’Europe ont reconnu la valeur de la coopération et l’importance des contributions du Mossad à la lutte contre le terrorisme. Les renseignements qui transitent par le Club de Berne, en particulier ceux du Mossad, sont considérés comme essentiels pour contrer la menace croissante.

« Dans les années 1970, des groupes armés palestiniens faisaient exploser des bombes, détournaient des avions, assiégeaient des ambassades et tuaient des Européens. De nombreux gouvernements européens ont dû considérablement intensifier leur action à l’égard des Palestiniens soupçonnés de terrorisme.

« Deuxièmement, certains pays ont pu simplement approuver l’approche d’Israël. Pour certains responsables européens, tuer des terroristes avant qu’ils ne puissent frapper était considéré comme une politique légitime, bien qu’extrajudiciaire.

« Troisièmement, la coopération pouvait être tenue entièrement secrète. Cela permettait aux gouvernements européens de condamner officiellement les actions d’Israël tout en renforçant discrètement les liens de sécurité avec le Mossad. Si mon livre avait été publié dans les années 1970, il aurait provoqué un scandale majeur en Europe. Mais en réalité, j’ai conclu que rien n’a changé sur la chaîne Kilowatt : les agences de renseignement ont continué à fonctionner comme si de rien n’était, même si les politiciens se sont publiquement indignés ».

Les limites du Mossad, hier et aujourd’hui

Le livre de Mme Guttmann remet directement en question l’image populaire du Mossad en tant qu’agence de renseignement toute-puissante.

« Oui, absolument », dit-elle. « De plus, je pose une question sur les opérations d’assassinat ciblées menées aujourd’hui par l’unité Nili (une task force actuellement chargée de traquer les responsables de l’attentat du 7 octobre). Étant donné que le Mossad s’est fortement appuyé sur les services de renseignement européens pour mener à bien ses opérations dans les années 1970, je me demande si une aide similaire, ou au moins un soutien tacite, est fournie aujourd’hui par les services de renseignement de la région ou d’ailleurs.

« Mon livre montre que le Mossad n’aurait pas pu réussir seul. Il est probable que les opérations israéliennes modernes bénéficient d’un soutien en matière de renseignement - certainement de la part des Américains, peut-être des Européens, et peut-être même des services de renseignement arabes dans les pays qui ont normalisé leurs relations avec Israël, bien que cela reste spéculatif ».

Une heureuse faille dans le système d’archivage

Lorsqu’on lui demande comment elle a pu obtenir un accès sans précédent aux archives suisses, y compris à des documents contenant non seulement des secrets suisses mais aussi ceux d’autres nations, Mme Guttmann admet que la réponse n’est pas encore très claire.

« C’est une très bonne question, mais je ne connais pas vraiment la réponse », dit-elle. Une explication possible est que les documents ont été archivés sous les étiquettes “Kilowatt entrant” et “Kilowatt sortant”. Kilowatt était bien sûr le mot de code du canal de télécommunication crypté utilisé par le Club de Berne, mais seuls les professionnels du renseignement le savaient.

Il est possible que l’archiviste chargé d’accorder l’accès n’ait pas réalisé que “Kilowatt” faisait référence à un réseau multilatéral sensible d’échange de renseignements et que les dossiers contenaient bien plus que de simples documents suisses ».


Les armoiries du Club de Berne

 

 

09/06/2025

GIDEON LEVY
Chers Gazaouis, s'il n'y a pas de farine, mangez du sang et des mensonges

Gideon LevyHaaretz, 8/6/2025 

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

La terrible accusation de meurtre rituel impliquant du sang, de la farine et des mensonges est gravée à jamais dans l’histoire du peuple juif. Aujourd’hui, le récit s’est inversé : il est désormais question de sang, de farine et des mensonges d’Israël.


Des chars israéliens prennent position à côté d’un centre de distribution d’aide humanitaire de la Gaza Humanitarian Foundation dans le sud de la bande de Gaza en mai. Photo : Abdel Kareem Hana/AP

Le sang et la farine sont visibles sur une photo prise à Gaza et publiée ce week-end : on y voit un cadavre mutilé recouvert de farine mélangée au sang, formant une pâte rose horrible. Le visage du défunt est recouvert d’une veste en lambeaux ; il fait partie des dizaines de personnes tuées dans le centre de distribution alimentaire de Gaza que les Forces de défense israéliennes ont transformé en une nouvelle zone de mort.

Les mensonges sur le sang et la farine ont été colportés par le porte-parole de l’armée israélienne et ses complices serviles : la plupart des correspondants militaires israéliens. Une enquête menée par Haaretz, qui s’est appuyée sur des images vidéo, des témoignages oculaires et des modifications apportées à la version des faits donnée par l’armée, a déterminé que l’armée israélienne était responsable des tirs qui ont tué des dizaines de personnes. Une enquête menée par CNN a également réfuté ces mensonges, un par un. Il ne nous reste donc que le sang, la farine et les mensonges. Nous ne pouvons pas rester silencieux.

Dimanche dernier, des dizaines de personnes ont été abattues dans la file d’attente pour recevoir de la nourriture. Le porte-parole de l’armée israélienne a affirmé que cet incident mortel « n’avait tout simplement pas eu lieu » ! Qu’il ait eu lieu ou non, au moins 35 personnes ont été tuées et 170 blessées dans une file d’attente remplie de désespoir.

Dans la matinée, l’armée israélienne a tenté de prétendre que ses forces n’avaient pas tiré sur des civils à proximité ou à l’intérieur du site d’aide, mais dans la soirée, elle a admis que des soldats avaient tiré des « coups de semonce » à environ 1 kilomètre (1 100 mètres) du centre d’aide et qu’« il n’y avait aucun lien avec les décès survenus dans la zone ».


Des secouristes palestiniens arrivent en ambulance pour évacuer des blessés après qu’un drone israélien aurait ouvert le feu sur un rassemblement de civils près d’un centre de distribution d’aide humanitaire, dimanche. Photo : Eyad Baba/AFP

Les mensonges sont devenus des insultes à l’intelligence. L’endroit où les personnes ont été tuées se trouvait dans ce qui était défini comme la zone du complexe. La fondation qui gère le centre s’est jointe à la campagne de dissimulation : « Ces fausses informations ont été activement propagées par le Hamas. »

Quiconque a suivi de bonne foi les événements à Gaza savait dès le début que ce sont les soldats qui ont massacré les civils affamés, à moins que ces derniers ne se soient suicidés en masse.

Depuis le meurtre de la journaliste palestino-usaméricaine Shireen Abu Akleh en Cisjordanie en 2022, en passant par le meurtre de 15 ambulanciers à Rafah en mars, et jusqu’à ce massacre, il est déjà clair que les déclarations du porte-parole de l’armée israélienne doivent être considérées comme fausses jusqu’à preuve du contraire. Un cas rare.

En matière de crimes de guerre, la probabilité d’entendre un mot de vérité de la part de l’armée israélienne, surtout dans les heures qui suivent l’incident, alors qu’il est encore possible de répandre des mensonges, est négligeable, voire inexistante. Israël et ses médias ne s’en soucient guère ; après tout, tout le monde veut vivre dans le mensonge agréable et addictif de la moralité militaire.

Des Palestiniens transportent des provisions de la Fondation humanitaire de Gaza dans le sud de la bande de Gaza en mai. Photo : Hatem Khaled/Reuters

Mais cette fois-ci, ça n’a pas fonctionné. L’enquête menée par Jeremy Diamond et ses collègues de CNN a porté un coup dur aux mensonges de l’armée et des médias israéliens. Nir Dvori – un nom israélien générique pour un journaliste israélien générique – devrait apprendre les bases du journalisme auprès de Diamond. Assiste au moins à un cours d’introduction, afin de commencer à comprendre ton rôle en tant que journaliste.

Même Ilana Dayan pourrait apprendre une chose ou deux de Diamond en matière d’enquête : le journalisme d’investigation ne consiste pas seulement à susciter des émotions patriotiques et militaristes auprès du public, surtout en temps de guerre. Pas une seule enquête du type de celles menées par CNN n’a été diffusée à la télévision israélienne.

Diamond a présenté 17 témoignages oculaires, l’examen balistique des munitions trouvées dans les corps des morts et l’analyse des bruits des coups de feu, qui prouvent tous que les tirs provenaient exclusivement de mitrailleuses appartenant à l’armée israélienne. Des témoins oculaires ont rapporté avoir été pris pour cible depuis des chars, des hélicoptères, des drones et la mer. Même l’imagination la plus « levantine » ne pourrait attribuer ce massacre à quelqu’un d’autre que l’armée israélienne. Mais l’armée israélienne a ignoré le bruit de fond qui, de toute façon, n’était entendu qu’à l’étranger, et a continué à massacrer les affamés.

Ameen Khalifa, qui dimanche rampait sur le sable, terrifié par les coups de feu, et déclarait à CNN : « Nous apportons notre nourriture, trempée de sang, nous mourons de faim », a été abattu mardi, deux jours plus tard. Il avait 30 ans et mourait de faim. Cette fois, l’armée a inventé un nouveau mensonge : les soldats se sont sentis menacés. La distribution de nourriture, qui s’était transformée en distribution de sang, a été suspendue pendant quelques jours.

S’il n’y a pas de farine, alors mangez du sang, chers Gazaouis, du sang, de la farine et des mensonges.

GIDEON LEVY
Un soldat israélien a tué un Palestinien qui dormait dans son lit. Ses camarades lui ont demandé : “Tu es fou ?”

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 6/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Des soldats israéliens ont fait irruption dans une maison d’un village de Cisjordanie. Un soldat a tiré quatre coups de feu sur un jeune homme qui dormait dans son lit. Les soldats ont emporté le corps et ont fait sortir le tireur, et le frère de la victime les a entendus demander à leur camarade : « Pourquoi tu as tiré ? »

Ibrahim al-Sidda montre comment son fils Jassem était allongé sur son lit lorsqu’il a été abattu chez eux, dans le village de Jit, il y a dix jours.

« Pourquoi tu as tiré ? », a-t-on entendu les soldats demander à leur camarade, qui venait de tirer quatre balles dans une chambre obscure sur un jeune homme de 20 ans qui n’avait probablement même pas eu le temps de se réveiller.

« Pourquoi a-t-il tiré ? », demande le père du défunt. Le père dormait, mais il s’est réveillé en sursaut en entendant les soldats faire irruption dans la maison, immédiatement suivis par les coups de feu dans la chambre de son fils. Les soldats ne l’ont pas laissé s’approcher, mais il dit avoir vu son fils allongé sur le dos, le sang jaillissant de son épaule et de sa poitrine.

Pourquoi le soldat a-t-il tiré sur un jeune homme innocent dans son lit ? Cette question a également été posée cette semaine au porte-parole de l’armée israélienne. La réponse : « L’incident fait l’objet d’une enquête. » L’exécution de sang-froid d’un jeune homme dans son lit – et « l’incident fait l’objet d’une enquête » ? Bien sûr, nous n’entendrons rien sur les résultats de l’enquête dans un avenir proche, si tant est qu’il y en ait. Mais aux premières heures du mercredi 28 mai, un soldat a pris la vie d’une personne de son âge sans raison apparente. Juste comme ça, comme si ce n’était rien.

Les soldats ont enfoncé la porte métallique de la maison – les dégâts sont encore visibles. Pourquoi, pour commencer, ont-ils fait irruption dans cette maison et réveillé tout le monde en pleine nuit ? Personne dans la famille élargie qui vit dans cette maison à deux étages n’était « recherché ». De plus, la victime, Jassem al-Sidda, n’avait jamais été arrêtée. Le village de Jit, dans le nord de la Cisjordanie, est connu pour le fait que beaucoup de ses habitants, dont Jassem, travaillent dans les colonies – mais cela n’a bien sûr pas empêché les colons de se déchaîner là-bas en août dernier, perpétrant un pogrom au cours duquel un villageois a été tué.


La maison des al-Sidda cette semaine

Jit est situé dans le district de Qalqilyah, à l’est de la colonie de Kedumim. La maison des al-Sidda témoigne de la pauvreté : quatre familles s’entassent sur les deux étages de ce bâtiment ; il y a une petite cour où du linge est suspendu du linge et du bois de chauffage empilé. Jassem, le plus jeune de cinq enfants – quatre frères et une sœur – vivait avec ses parents au rez-de-chaussée dans un appartement de deux pièces. Un de ses frères vit dans l’appartement voisin avec sa femme et ses enfants ; à l’étage supérieur, deux autres frères vivent avec leurs familles.

Avec sa couverture colorée, ses draps et sa taie d’oreiller, le lit simple de Jassem, placé sous une armoire où sont exposés des bibelots en porcelaine bon marché, était encore entièrement recouvert de sang lorsque nous nous sommes rendus sur place cette semaine. Des taches de sang séché marquent l’endroit où gisait son corps.

Ibrahim al-Sidda, le père endeuillé, dormait dans une petite pièce adjacente et a entendu les coups de feu, qui ont été tirés sur Jassem à bout portant. Ibrahim, un homme de petite taille âgé de 63 ans, barbu et édenté, fait des petits boulots ; il est marié à Haifa, de trois ans sa cadette. Haifa n’était pas à la maison lors de cette terrible nuit de la semaine dernière. Elle avait dormi chez un autre de ses fils, ailleurs dans le village, et a ainsi été épargnée par cette scène horrible.

Jassem a été scolarisé jusqu’en cinquième, avant d’abandonner l’école pour aider sa famille. Jusqu’à il y a deux mois, il travaillait dans un atelier de menuiserie dans la zone industrielle de Bar-On, près de Kedumim, puis, après la fermeture de l’entreprise, il a fait des petits boulots dans les villages voisins. Mardi dernier, il travaillait à Laqif, non loin de Jit. Il est rentré chez lui vers le soir et a passé la soirée avec sa famille dans la cour jusqu’à 23h30, avant d’aller se coucher.


Jassem al-Sidda

Tout s’est passé très vite. Ibrahim se souvient avoir d’abord entendu la porte d’entrée être enfoncée. Il était 1 h 45 du matin. Presque instinctivement, il a cherché sa carte d’identité, qu’il garde toujours sous son matelas la nuit, afin d’être prêt à toute éventualité. En effet, les Palestiniens vivant dans les territoires ne peuvent pas vivre sans avoir à portée de main, à tout moment, la carte d’identité israélienne délivrée par leurs occupants.

Ibrahim a été choqué de voir deux soldats entrer dans sa chambre. Un instant plus tard, il a entendu des coups de feu provenant de l’autre pièce du petit appartement exigu.

Jassem avait 20 ans et une semaine le jour de sa mort.

« Vous avez tué mon fils ! » a crié Ibrahim aux soldats, sans savoir avec certitude à ce moment-là si son fils était mort. Les soldats n’ont rien dit, mais l’ont empêché d’entrer dans la chambre de son fils. En regardant derrière eux, Ibrahim a vu Jassem allongé sur le dos, saignant abondamment. Il a crié et les soldats lui ont ordonné d’aller dans l’appartement voisin, celui de son fils Ihab, 38 ans, père de quatre enfants.


Ibrahim al-Sidda, le père endeuillé, dormait dans une petite pièce adjacente et a entendu les coups de feu, qui ont été tirés sur Jassem à bout portant.

Alors qu’Ibrahim passait devant les soldats, il dit les avoir entendus crier « Fou, fou ! » au tireur. Un autre fils, Darwish, 37 ans, qui vit à l’étage avec sa famille, dit avoir entendu les soldats dire : « Pourquoi tu as tiré ? Quoi, tu es fou ? Pourquoi ? »

Un soldat a demandé au tireur : « À qui appartient ce corps ? » Le soldat a répondu qu’il ne savait pas. « Tu tires sur quelqu’un sans savoir qui c’est ? » lui a demandé son camarade. Selon Darwish, les soldats ont poussé le tireur dans une jeep avant même que le corps de leur victime ait été retiré.

Ibrahim a supplié les soldats de le laisser voir son fils, mais le corps avait été emporté par les soldats. Personne ne l’a informé de la mort de Jassem, mais Ibrahim dit qu’il en était presque certain. Il a demandé à aller aux toilettes, mais les soldats lui ont dit de faire ses besoins dans la cour.

Les soldats ont fait une descente dans trois des quatre appartements de l’immeuble cette nuit-là et ont procédé à des fouilles. Ils n’ont rien trouvé et n’ont arrêté personne. Ces raids nocturnes et ces invasions violentes et terrifiantes ne sont souvent qu’un exercice d’entraînement pour les soldats et un moyen de terroriser les habitants.

Les soldats ont conduit la jeep avec le corps de Jassem vers la sortie du village, puis ont transféré le corps dans une ambulance palestinienne. Le rapport médical du Dr Ibrahim Daoud de l’hôpital Darwish Nazzal, à Qalqilyah, où Jassem a été transporté, indique qu’il était mort à son arrivée.

Les médecins ont constaté trois entrées et deux sorties de balles dans la poitrine et l’estomac. Le jeune homme n’avait aucune chance de survivre après avoir reçu trois balles tirées à bout portant. Des éclats d’une quatrième balle ont touché sa tête et le médecin a également constaté des fractures au bras gauche de Jassem.


Des membres de la famille al-Sidda devant leur immeuble, où une affiche commémorative en hommage à Jassem est accrochée

C’est à 3 h 30 du matin que l’armée israélienne a informé le Bureau de coordination et de liaison du district palestinien du décès de Jassem et a demandé qu’une ambulance soit envoyée pour récupérer le corps. Une heure s’est écoulée avant que le dernier soldat ne quitte le village et que les habitants puissent enfin sortir de chez eux.

Quant aux al-Sidda, ils se sont précipités à l’hôpital de Qalqilyah pour voir le corps de Jassem, qui se trouvait déjà à la morgue. Des photos de lui ont été accrochées aux murs de l’appartement.

Abd al-Karim Sa’adi, chercheur de terrain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, est arrivé à l’aube à la maison, après avoir fait le trajet depuis son village, Attil, dans le district de Toulkarem, situé à une certaine distance.

Sa’adi raconte avoir vu du sang sur le mur de la chambre de Jassem et sur les draps. D’après son examen des taches de sang dans la pièce, il ne fait aucun doute pour lui que Jassem a été abattu alors qu’il était couché dans son lit. Le fait que personne dans la maison n’ait entendu Jassem dire quoi que ce soit semble indiquer qu’il ne s’est jamais réveillé et qu’il a bien été exécuté dans son sommeil.

Plus tard dans la matinée du même mercredi, Jassem a été enterré dans le cimetière de Jit.