المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

Affichage des articles dont le libellé est Crimes sionistes. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Crimes sionistes. Afficher tous les articles

09/10/2025

Enfin, j’ai visité la Palestine… Voici mon expérience dans la prison israélienne après mon arrestation et celle de mes compagnes et compagnons de la Global Sumud Flotilla

Lyna Al TabalRai Al Youm, 8/10/2025
Traduit par Tlaxcala

« Enfin, tu as visité la Palestine » : c’est ainsi que s’achevait le message que m’a adressé mon amie et sœur Oum Al-Qassam, l’épouse du résistant emprisonné Marwan Barghouti.
Oui, enfin, j’ai visité la Palestine — une visite douloureuse et belle à la fois, un passage entre deux blessures…

J’ai vu le désert du Naqab [“Néguev”] s’étendre devant moi, figé dans une immobilité infinie. Je l’ai observé pendant deux heures à travers une fente étroite d’un camion métallique fermé, impropre même au transport de marchandises avariées.
Mais l’occupation avait décidé de tester notre capacité à supporter le silence sous la pression, la chaleur extrême, le froid glacial de leurs climatiseurs et le vacarme qu’ils produisent…
Pourtant, voir la terre de Palestine a suspendu le temps : les rituels préférés de torture de l’occupant n’avaient plus d’emprise.

Quand le camion s’est arrêté, devant l’aéroport, pour nous expulser, ils nous ont menacés de nous arrêter à nouveau si nous faisions le signe de la victoire…

Une armée lourdement armée — la quatrième au monde — et un État nucléaire qui tremble devant des doigts levés !
Quelle est donc cette puissance qui s’effraie d’un simple symbole ?

Nous sommes sortis dans le calme, la tête haute, chantant une douce chanson pour la Palestine, lançant des slogans et des signes de victoire.
Puis j’ai vu les montagnes devant moi… la chaîne du Ras al-Rumman [“Mont Ramon”] s’étendant jusqu’à l’horizon.
Ce moment fut silence, paix, et émotion spirituelle inédite…
Et je vous l’assure : voir la Palestine… vaut tout.



Dans les cellules israéliennes

Cherchez les montagnes du Rumman sur Google, puis fermez les yeux… imaginez-les devant vous.

Nous étions un groupe ayant voulu naviguer pour briser le blocus de Gaza dans une mission humanitaire et non violente.
Nous transportions de la farine, des médicaments et ce qui reste de conscience et d’humanité…
Vous connaissez la suite : nous avons été kidnappés dans les eaux internationales, sous le soleil et en mer.
Mais nous nous étions approchés de Gaza… nous l’avons vue à l’aube : oui, nous avons vu Gaza, alors même que nous étions prisonniers, sous le ciel de la Palestine.

L’opération d’interception fut, selon les termes de l’armée israélienne, « professionnelle » — autrement dit : illégale, inhumaine, mais comme toujours présentée comme justifiée.

Ils nous ont conduits au port d’Ashdod, où le cirque israélien habituel a commencé : insultes, menaces… la même haine inchangée depuis des décennies.
La même langue, la même arrogance, le même racisme.

Ils nous ont jetées dans des camions — des véhicules impropres au transport, ni d’êtres humains, ni même de marchandises.
Une policière m’a poussée dans une cellule métallique d’à peine un mètre et demi, suffisant à peine pour quatre souffles humains.
Ma tête a heurté le mur de métal. L’espace d’un instant, j’ai cru qu’elle m’avait tiré dessus.
À côté de moi, s’est assise Rima Hassan, députée européenne. Elle s’est tournée vers moi :

“Ils m’ont frappée aussi. Ils vont probablement nous mettre à l’isolement, mais au moins, on est ensemble.”
Nous avons ri. Car quand la peur s’épuise, elle devient ironie froide.

Peu après, la policière a jeté dans la cellule une femme algérienne septuagénaire nommée Zubaida, ancienne députée, accompagnée de Sirine, une jeune militante.

Quatre femmes de trois continents, dans une cage où même leurs souffles n’avaient pas de place.
L’air était irrespirable, saturé de violence et de menace.
Nos corps trempés de sueur ; puis, quand la chaleur est devenue insupportable, ils ont allumé la clim glaciale — non par pitié, mais comme partie d’une ingénierie du supplice : chaud… froid… chaud… froid.

                                   

Ils nous ont ensuite transférées vers le centre de détention, dans les sections 5 et 6, répartissant les femmes dans 14 cellules.
Moi, j’ai été placée dans la cellule numéro 7. Un joli chiffre, ai-je pensé, jusqu’à la première nuit, à quatre heures du matin :
le ministre Itamar Ben Gvir, symbole du malheur, a fait irruption dans notre cellule, accompagné de sa troupe et de ses chiens policiers.
Il s’est présenté : “Je suis le ministre de la sécurité nationale”, et s’est mis à menacer des femmes endormies.

Il m’a demandé ma nationalité. J’ai gardé le silence.
Et si je disais “libanaise” ?  Non. Mieux vaut dormir que déclencher une bataille.

Je lui dis en mon for intérieur : “Ben Gvir, avant d’agir ou de parler, consulte l’intelligence artificielle, elle au moins possède un peu d’intelligence.
Ton idiotie, si elle était une énergie renouvelable, éclairerait tout le Néguev, et peut-être aussi l’obscurité de ton esprit.”

Le matin, ils nous réveillaient pour le comptage : 14 femmes, matin et soir, encore et encore…
Le nombre ne changeait jamais, mais ils insistaient, surtout la nuit.
Nous riions à chaque comptage et nous rendormions.

Pas de nourriture, presque pas d’eau, menaces constantes d’exécution ou de gaz.
Aucun droit : pas d’avocat, pas de médecin, pas de médicaments, pas même du paracétamol.

Chaque jour, ils nous emmenaient vers une cage semblable à celles de Guantánamo, de 15 mètres carrés, où ils entassaient 60 femmes sous le soleil du Néguev pendant 5 à 7 heures, sous prétexte de voir un juge… qui parfois n’apparaissait même pas.
Un policier a pointé son arme sur ma tête parce que je n’avais pas mis mes mains derrière mon dos :

“Je vais te tuer,” a-t-il dit sérieusement.
Je lui ai souri.

Notre jeu préféré : leur répondre d’une seule voix —

“Vas-y, tue-moi !”
“Tuez-nous !”
Des mots pour éteindre la peur, comme on souffle sur une bougie avant de la rallumer.

Les policiers israéliens ne comprenaient pas d’où nous venions… Nous les avons épuisés.
Nous chantions, nous criions “Vive la Palestine”, fixant leurs yeux avec fermeté et sourire ; peut-être les avons-nous honteusement désarmés.
L’un d’eux m’a dit : “Ce que vous faites, c’est… bien.”

Je ne nierai pas ma peur : j’ai eu peur, j’étais tendue, épuisée.
Mais la justice, on n’a pas peur de la réclamer, encore et encore, n’est-ce pas, mon ami ?

Nous criions, ils arrivaient avec armes, gaz et chiens ; ils repartaient ; nous recommencions.

Le plus beau texte que j’aie jamais lu était gravé sur les murs de ces cellules :
des noms, gravés à l’ongle ou avec la pointe d’un stylo trouvé près d’une fenêtre :
Abou Iyad, Abou Ma’moun, Abou Omar, Abou Mohammed de Beit Lahia, Jabaliya, Hay Al-Amal, Al-Shuja’iyya, Nord de Gaza.
Ils avaient écrit leurs dates d’arrestation, la dernière était le 28 septembre.
Ils avaient écrit : “On nous a transférés aujourd’hui…”
Peut-être avaient-ils vidé la cellule pour nous.

Dans la cellule n°7, il y avait aussi :

  • Judith, la plus jeune, 18 ans, allemande ;
  • Lucía, députée espagnole ;
  • Marita, militante suédoise ;
  • Jona, chanteuse et politicienne usaméricaine ;
  • Zubaida, députée algérienne ;
  • Hayat, correspondante d’Al-Jazeera ;
  • Patty, députée grecque ;
  • Dara, réalisatrice grecque…

Nous étions de cultures différentes, mais derrière les barreaux, une seule voix : “تحيا فلسطين – Vive la Palestine !”

J’ai décidé de traiter les geôliers comme le ferait une juriste : documenter d’abord, puis classer.
Il y avait :

  • le “gentil”, celui qui me transmettait en secret des infos : date de libération, visite des consuls ;
  • le “méchant”, dont le regard chaque matin tirait des balles de haine ;
  • l’“indifférent”, ni haineux ni bienveillant — un robot administratif sans conscience.

Puis est venu le “divertissement culturel” :
ils nous ont forcées à regarder un film de propagande sur le 7 octobre.
Nous avons refusé, avons crié : “Arrêtez le génocide à Gaza !”
Ils sont devenus fous. Nous avons refusé encore.
Ce fut notre petite bataille finale, et nous l’avons gagnée.

J’ai oublié de vous dire : nous étions dans la prison du Néguev — en hébreu : Ketziot — appelée Ansar 2 pendant la première Intifada.
La fenêtre de ma cellule donnait sur un terrain vague, où se dressait un immense panneau montrant Gaza détruite, surmontée de l’inscription “La Nouvelle Gaza” en arabe, et en dessous, un grand drapeau israélien, arrogant.

Ainsi fut ma visite de la Palestine :
une fête de torture, de menaces, et de détention temporaire sur une terre occupée.
Mais j’ai vu les montagnes, j’ai vu Gaza de loin, et j’ai vu de près la peur israélienne.

Oui… enfin, j’ai visité la Palestine.

Et l’histoire n’est pas finie…
Attendez-nous en décembre, car les navires font une pause, mais continueront de naviguer.

05/10/2025

GIDEON LEVY
Oui, il faut pleurer sur le sang versé : des générations passeront avant que Gaza oublie le génocide


Gideon Levy, Haaretz, 5/10/2025
Traduit par Tlaxcala

Il faut une dose extraordinaire d’optimisme pour ne pas être accablé – ou rabat-joie – face à l’accord sur Gaza. Mais c’est possible : la proposition présente certains points positifs.


Des Palestiniens inspectent les dégâts dans un quartier résidentiel après une opération israélienne dans la zone, samedi.
Photo Ebrahim Hajjaj / REUTERS


Ce n’est pas un accord de paix entre Israël et Gaza, ce qui aurait bien sûr été préférable, mais plutôt un accord que les USA ont imposé à Israël. Il est depuis longtemps évident que seul un accord imposé peut amener Israël à changer. Le voici donc. C’est un signe d’espoir pour la poursuite d’une politique usaméricaine contraignante — sans laquelle rien ne bouge.

Des dizaines de milliers de vies ont été sauvées ce week-end. La peur, la faim, les maladies, les souffrances et les privations de plus de deux millions de personnes pourraient peu à peu prendre fin. Dimanche, elles auront au moins leur première nuit de sommeil sans la menace des bombardements au-dessus de leurs têtes. Des centaines de personnes retrouveront aussi leur liberté : les 20 otages israéliens encore en vie, les 250 prisonniers palestiniens purgeant des peines à perpétuité en Israël, et les 1 800 habitants de Gaza, pour la plupart innocents, détenus en Israël.

Oui, dans un même souffle : les détenus palestiniens ont eux aussi des familles qui ont enduré des mois, voire des années, d’angoisse et d’incertitude quant au sort de leurs proches. La plupart méritent enfin d’être libérés. Aucun des 1 800 détenus de Gaza qui seront libérés n’a été jugé. Eux aussi ont été enlevés. Il vaut mieux éviter de comparer les conditions de détention : elles ont été terribles des deux côtés. Leur libération est donc une source de joie – pour tous : tous les otages et toutes les familles.

Cet accord rétablit l’ordre dans les relations usaméricano-israéliennes : Israël est l’État client, et les USA la superpuissance. Ces définitions s’étaient complètement brouillées ces dernières années, au point que, surtout sous les administrations Obama et Biden, il semblait parfois qu’Israël était le patron et l’USAmérique son protectorat. Enfin, un président usaméricain ose utiliser le levier immense dont il dispose pour dicter les actions d’Israël. Les décisions imposées par Donald Trump sont bénéfiques pour Israël — même si peu l’admettent.

Mettre fin à la guerre est bien sûr une bonne chose pour Gaza, mais c’est aussi une bonne chose pour Israël. Ce n’est pas le moment d’énumérer tous les dommages terribles que cette guerre a causés à Israël, certains irréversibles. Le monde n’oubliera pas de sitôt le génocide ; il faudra des générations avant que Gaza oublie.
Arrêter la guerre maintenant est le moindre mal pour Israël, qui a perdu son chemin. Ces derniers mois, le pays était au bord de l’effondrement moral et stratégique. L’oncle Donald le ramène à ses proportions d’origine et, peut-être, lui ouvre une voie différente.

Israël aurait pu éviter cette guerre, qui ne lui a causé que du tort. Mais il aurait aussi pu gérer sa fin autrement. Des négociations directes avec le Hamas et des gestes de bonne volonté auraient pu changer la donne. Un retrait total de la bande de Gaza et la libération de tous les prisonniers auraient signalé un nouveau départ. Mais Israël, comme toujours, a choisi d’agir différemment — de ne faire que ce qu’on lui impose.

Gaza, et même le Hamas, sortent de cette guerre debout. Battus, saignants, épuisés, ruinés, mais debout. Gaza est devenue une Hiroshima, mais son esprit vit encore. La cause palestinienne avait complètement disparu de l’agenda international — encore un moment de paix avec l’Arabie saoudite, et les Palestiniens seraient devenus les Indiens d’Amérique de la région — puis la guerre est venue, les ramenant au centre de l’attention mondiale. Le monde les aime, le monde les plaint.

Il n’y a pas de consolation pour les habitants de Gaza, qui ont payé un prix indescriptible — et le monde pourrait encore les oublier —, mais pour l’instant, ils sont au sommet de l’attention mondiale.

Ce moment doit être saisi pour changer l’état d’esprit en Israël : il est temps que les Israéliens ouvrent les yeux et voient ce qu’ils ont fait.

Peut-être qu’il ne sert à rien de pleurer sur le lait renversé, mais le sang versé est autre chose. Il est temps d’ouvrir la bande de Gaza aux médias et de dire aux Israéliens : “Voyez, voilà ce que nous avons fait”.
Il est temps d’apprendre que s’appuyer uniquement sur la force militaire mène à la dévastation.
Il est temps de comprendre qu’en Cisjordanie, nous créons un autre Gaza.
Et il est temps de regarder droit devant et de dire : nous avons péché, nous avons agi avec perversité, nous avons transgressé.

27/08/2025

RUWAIDA AMER
Maryam était mon amie. Israël l’a tuée, ainsi que quatre autres journalistes de Gaza

Après le raid aérien sur l’hôpital Nasser, notre appel est plus urgent que jamais : les reporters palestiniens ont besoin d’une protection internationale immédiate, sinon la voix de Gaza sera réduite au silence.

Ruwaida Amer, +972, 27/8/2025
Traduit par Tlaxcala


Maryam Abu Daqqa, 8 octobre 2020. (Avec l’aimable autorisation de la famille Abu Daqqa)

Maryam Abu Daqqa était mon amie. Elle était photojournaliste et mère. Lundi, elle a été tuée par l’armée israélienne lors d’une « double frappe » sur l’hôpital Nasser, avec quatre autres journalistes. Elle avait 32 ans.

J’ai rencontré Maryam pour la première fois en 2015 lors d’un cours de photographie au centre italien de Gaza, où elle était l’une des stagiaires. J’ai été attirée par son énergie. Je me souviens avoir pensé qu’elle parlait très vite, comme si elle avait plus d’idées qu’elle n’avait de temps pour les exprimer.

Elle venait d’Abasan, à l’est de Khan Younès, une ville agricole célèbre pour ses fruits, ses légumes et sa cuisine délicieuse. Chaque fois que je faisais un reportage sur l’agriculture dans cette région, je savais que je pouvais me tourner vers elle. Elle était toujours prête à aider, et ses photos du village et de ses habitants ne manquaient jamais de m’inspirer.

Au début, je ne savais pas que Maryam était mère. Un jour, avant la guerre, alors que je travaillais à Abasan, j’ai entendu un garçon l’appeler : « Maman ! » J’ai été surprise. Elle a ri et m’a présenté son fils. « Voici Ghaith », m’a-t-elle dit fièrement. « C’est mon homme, et il me protégera quand il sera grand. » Elle m’a dit que tout son travail était pour lui.

Depuis le début de la guerre, j’avais vu Maryam à plusieurs reprises sur le terrain. Nous nous saluions toujours et nous nous assurions que tout allait bien, mais nous ne parlions pas beaucoup. Nous étions toujours fatiguées et stressées. Les seuls moments où nous pouvions vraiment discuter étaient à l’hôpital de Khan Younès, où elle venait souvent faire du reportage.

Je me souviens l’avoir rencontrée lors de l’offensive israélienne sur Rafah en mai 2024. Mon caméraman avait été contraint de fuir vers le nord, à Deir al-Balah, me laissant filmer seule avec mon téléphone. Maryam est apparue dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital européen, où j’interviewais un médecin usaméricain. Voyant que j’avais du mal avec ma caméra, elle m’a immédiatement aidée à régler les paramètres et m’a donné quelques conseils. Elle avait l’air épuisée et pouvait à peine marcher. C’était une facette d’elle que je n’avais pas l’habitude de voir.


Les Palestiniens font leurs adieux aux journalistes tués lors d’une frappe aérienne israélienne devant l’hôpital Nasser à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 25 août 2025. (Abed Rahim Khatib/Flash90)

Avant qu’elle ne parte, je l’ai serrée dans mes bras et lui ai demandé d’être prudente. J’avais peur pour elle ; je savais qu’elle avait travaillé dans les zones dangereuses de l’est de Khan Younès quelques semaines auparavant. La dernière fois que je l’avais vue, c’était en avril, à l’hôpital Nasser, là même où, quelques mois plus tard, elle allait être tuée par l’armée israélienne.

Le jour où Maryam a été tuée avec 19 autres personnes lors de l’attaque contre l’hôpital, j’étais à proximité avec ma famille dans le camp de réfugiés de Khan Younès. Une explosion assourdissante a secoué le sol. Ma mère a suggéré qu’il s’agissait peut-être d’une maison qui avait été touchée, mais lorsque j’ai enfin trouvé un signal Internet et consulté les informations, la vérité m’est apparue clairement. Le chagrin et l’incrédulité étaient accablants.

J’ai pensé à son fils, Ghaith, le garçon qu’elle appelait autrefois son protecteur, dont elle prenait tant soin. J’ai pensé à son père, à qui elle avait donné un rein pour lui sauver la vie. J’ai pensé à mon amie, audacieuse, aventureuse, toujours attentionnée envers les autres.

Aucun mot ne peut décrire ce que nous ressentons

Depuis octobre 2023, Israël a tué au moins 230 journalistes dans la bande de Gaza, soit plus que le nombre total de journalistes tués dans le monde au cours des trois années précédentes, selon le Comité pour la protection des journalistes. Au cours du seul mois dernier, 11 journalistes gazaouis ont été tués lors de frappes israéliennes, dont Maryam.

Le 10 août, cinq journalistes ont été tués lorsque l’armée israélienne a pris pour cible une tente de journalistes juste à l’extérieur de l’hôpital al-Shifa, dans la ville de Gaza. Ce jour-là, alors que je parcourais mon téléphone à la recherche d’informations sur un éventuel cessez-le-feu, j’ai commencé à recevoir des messages de collègues à l’étranger qui prenaient de mes nouvelles et me demandaient si j’allais bien. Alarmée, je me suis tournée vers les groupes d’information, qui étaient inondés de premiers rapports sur l’attaque.


Un journaliste palestinien pleure Anas Al-Sharif et ses autres collègues après leur mort dans la même frappe israélienne, à Gaza, le 11 août 2025. (Yousef Zaanoun/Activestills)

Parmi les six noms mentionnés, l’un d’eux a retenu mon attention : Anas Al-Sharif. Je n’étais pas une amie proche d’Anas, je ne lui avais parlé que quelques fois au sujet de l’actualité dans le nord de Gaza, mais j’avais l’impression de bien le connaître grâce à ses reportages.

Bien qu’il ait été journaliste à l’antenne depuis moins de deux ans, Anas avait laissé une empreinte indélébile. Âgé de 28 ans, marié et père de deux enfants, Anas parcourait sans relâche le nord de Gaza, recueillant les témoignages des habitants et documentant le génocide en cours avec une honnêteté sans faille. Même après avoir perdu son père lors d’une frappe aérienne israélienne en décembre 2023, il a refusé d’abandonner sa mission de dire la vérité, tout en endurant les mêmes privations que ses voisins.

En effet, tous les journalistes de Gaza ont été confrontés ces deux dernières années à la faim, au déplacement et à la perte de leur maison et de membres de leur famille, tout en essayant de relayer la réalité brute de Gaza au monde entier. Moi aussi, j’ai passé de longues heures dans les rues sans abri. Ma mère malade, qui se remet encore difficilement d’une opération de la colonne vertébrale, marche à mes côtés et à ceux de ma sœur tandis que nous cherchons un endroit, n’importe quel endroit, où nous réfugier.

J’aime mon métier de journaliste, tout comme mon travail d’enseignante, mais je suis dévastée et terrifiée. Cela fait plus de 680 jours que je travaille sans interruption, avec des coupures d’Internet constantes, sans électricité, sans abri sûr et sans moyen de transport. J’ai continué à faire du reportage depuis le début de la guerre parce que je crois en cette mission, mais je le fais en sachant que chaque jour pourrait très bien être le dernier. Aucun mot ne peut décrire ce que nous ressentons en tant que journalistes face à la perte successive de nos collègues.

Pourquoi Israël cible-t-il les journalistes palestiniens à Gaza ? C’est simple. Nous sommes les seuls à pouvoir documenter et transmettre ce qui se passe réellement sur le terrain. Chaque image, chaque témoignage, chaque émission que nous produisons perce le mur du discours officiel d’Israël. Cela nous rend dangereux : en enregistrant les déplacements de population, la famine et les bombardements incessants, nous exposons les actions d’Israël au monde entier.


Le site d’une frappe aérienne israélienne à l’hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 25 août 2025. (Abed Rahim Khatib/Flash90)

C’est pourquoi nous sommes délibérément attaqué·es. Les caméras sont considérées comme des armes, et ceux·celles qui les tiennent comme des combattant·es. Notre simple présence menace la capacité d’Israël à poursuivre sa politique génocidaire, c’est pourquoi il fait tout ce qu’il peut pour nous éliminer.

Un besoin désespéré de protection

Au début du mois, après deux ans de pression de la part des organismes de presse internationaux, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a déclaré qu’Israël autoriserait les journalistes étrangers à entrer à Gaza afin de témoigner des « efforts humanitaires d’Israël » et des « manifestations civiles contre le Hamas ». En l’absence de détails ou de calendrier, il est difficile de ne pas y voir un nouveau mensonge. Mais même si la presse internationale était autorisée à accéder librement et sans entrave à la bande de Gaza, à quoi cela servirait-il si les journalistes palestiniens à Gaza restaient sans protection ?

Nous sommes fatigué·es de travailler sans relâche depuis deux ans, sans repos ni sécurité, dans un état d’anxiété permanent, craignant d’être tué·es à tout moment. Et si nous demandons à nos collègues internationaux d’entrer à Gaza pour faire connaître au monde entier la réalité brutale qui y règne, nous savons que leurs reportages ne différeront pas de ce que nous avons déjà documenté.

Lorsqu’un journaliste de CNN a accompagné un avion jordanien qui larguait de l’aide au-dessus de Gaza ce mois-ci et qu’il a vu l’enclave depuis le hublot de l’avion, il a décrit « une vue panoramique de ce qu’ont causé deux ans de bombardements israéliens... une dévastation totale sur de vastes zones de la bande de Gaza, un désert de ruines choquant ». C’est ce que nous disons depuis près de deux ans sur le terrain : la destruction de Gaza par Israël est massive, et elle ne fera que se poursuivre tant que la guerre ne prendra pas fin.

Quand j'avais 9 ans, ma maison dans le camp de réfugiés de Khan Younès a été détruite par un bulldozer israélien. Cette image ne m'a jamais quitté. Et quand j'ai vu des journalistes s'efforcer de raconter au monde entier ce qui était arrivé à ma maison, j'ai décidé que je voulais devenir journaliste moi aussi.

Je pense que les journalistes ont une immense valeur, mais à Gaza, ils·elles sont tué·es sous les yeux du monde entier et personne n'agit. Nous craignons de perdre d'autres collègues et nous avons désespérément besoin de la protection internationale, avant qu'Israël ne parvienne à faire taire la voix de Gaza.

 

GIDEON LEVY
Cisjordanie occupée : en une nuit, des colons ont saccagé trois communautés palestiniennes, faisant un mort
Signé : “Vengeance des Juifs nazis”

Des colons masqués, armés de matraques, ont surgi au milieu de la nuit et ont incendié des voitures en mettant le feu à leur moteur. Les soldats, arrivés une heure plus tard, ont tiré des gaz lacrymogènes sur les habitants qui tentaient encore d’éteindre les flammes.


Une voiture incendiée à Silwad

 Gideon Levy et Tomer Appelbaum (photos), Haaretz, 24/8/2025

Traduit par Tlaxcala

Mohammad Romaneh, chercheur de terrain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, affirme n’avoir jamais été témoin d une série d’attaques aussi coordonnées et bien orchestrées que celles de la nuit du 31 juillet.

Dans trois communautés palestiniennes différentes de Cisjordanie, des dizaines d’habitants se sont réveillés exactement au même moment, peu après 2 h 15 du matin, et ont vu leurs voitures partir en fumée dans la cour de leur maison. Les flammes ont également léché les maisons et mis en danger leurs occupants. Dans les trois endroits – la ville de Silwad et les villages de Ramun et Abu Falah, tous situés dans la même région, près de Ramallah – le mode opératoire était le même : des individus masqués ont fait irruption et ont commencé à incendier des voitures à un rythme rapide, en mettant d’abord le feu aux moteurs.

Une attaque particulièrement audacieuse a été menée à Silwad, où des colons se sont infiltrés pour la première fois ; ils se sont répartis en trois groupes et ont incendié des voitures garées devant trois maisons. Des voitures pour prendre la fuite les attendaient à un kilomètre de là, sur l’autoroute 60, qui traverse la Cisjordanie.

Dans tous les cas, des matériaux inflammables ont été utilisés pour attiser les incendies et provoquer des explosions lorsque les Palestiniens ont versé de l’eau dessus. Des témoins oculaires ont rapporté que les voitures ont pris feu très rapidement et que la chaleur semblait inhabituellement intense.

Une nouvelle colonie a été établie il y a environ un an sur des terres appartenant à Silwad. Elle est actuellement habitée par deux familles de squatteurs qui ont pris le contrôle de pas moins de 10 000 dunams (1000 hectares) de terres agricoles, soit apparemment environ la moitié de toutes les terres agricoles de la ville, auxquelles les habitants ne s’approchent plus par crainte de représailles de la part des colons.

Quoi qu’il en soit, tôt ce vendredi matin, les pogromistes, qui sont arrivés à pied dans la ville, ont laissé des graffitis injurieux en hébreu et une traînée de destruction. Une personne est également morte sur place, probablement des suites d’une inhalation de fumée, alors qu’elle tentait d’éteindre l’incendie de la voiture de son frère. Le défunt, Khamis Ayyad, 40 ans, père de cinq enfants, était un citoyen usaméricain qui exploitait un service de livraison à Chicago depuis la ville de Cisjordanie.

Restes d’une voiture incendiée à Silwad, il y a environ un mois. Romaneh, chercheur à B’Tselem, est convaincu que l’attaque avait été planifiée à l’avance, y compris la collecte de renseignements. 

Hussein Hamad, ancien ouvrier du bâtiment âgé de 67 ans et père de sept enfants, vit avec sa famille élargie dans un spacieux immeuble de trois étages à Silwad. Hamad s’est réveillé à 2 h 15 du matin au bruit de pierres qui tombaient. Son fils, Rifat, 47 ans, qui travaille dans une usine de marbre, a également été réveillé par le bruit dans son appartement. En regardant par la fenêtre, Rifat a vu deux hommes masqués s’éloigner vers l’ouest, en direction de l’autoroute 60. Il était certain qu’il s’agissait de voleurs, a-t-il déclaré cette semaine au journal Haaretz.

Il n’aurait jamais imaginé que des colons puissent entrer à pied dans une ville palestinienne et incendier des voitures. Hamad leur a crié en arabe, et ils lui ont répondu en hébreu, une langue que Rifat ne parle pas. Il a alors compris que les colons étaient déjà passés devant sa maison. En descendant, il a découvert un spectacle aussi effrayant qu’étonnant : quatre des véhicules de la famille, garés dans la cour, étaient en flammes.

Le SUV Kia Sorento de son père, le véhicule utilitaire Mercedes-Benz 416 que Rifat utilise pour son travail, la Hyundai appartenant à sa sœur Aya et la Mazda de son frère Nur – tous brûlaient violemment. Seule la Skoda de Rifat a été épargnée.

Les flammes se sont propagées et ont commencé à brûler les murs du bâtiment dans lequel vivent 13 membres de la famille, dont deux jeunes enfants et une femme enceinte. La Mercedes était garée devant la fenêtre d’un débarras où se trouvait un bidon de fioul destiné au chauffage en hiver. Si le feu s’était propagé à cet endroit, une catastrophe encore plus grave aurait pu se produire. Rifat s’est précipité pour aller chercher un tuyau d’arrosage afin d’éteindre les flammes, mais celles-ci n’ont fait que monter plus haut, et des explosions ont également été entendues, probablement dues au phosphore ajouté par les pyromanes.

Pendant ce temps, deux voitures ont pris feu dans la cour des voisins, qui vivent aux USA. Mohammed Atshe, 40 ans, qui se trouvait dehors avec sa femme et leur fils de 4 ans, essayant de faire dormir le petit, a raconté à Romaneh, de B’Tselem, qu’il avait remarqué quatre silhouettes qui erraient dans les environs. Pensant qu’il s’agissait d’un incident entre voisins, il leur a crié : « Shebab, hadu » – « Les gars, calmez-vous ».

Les quatre se sont tournés vers lui, et il a vu qu’ils tenaient des gourdins. Ils lui ont crié dessus en hébreu, qu’il ne comprend pas, et, réalisant qu’il s’agissait de colons, il a couru aussi vite qu’il le pouvait avec sa femme et son fils vers l’immeuble des Hamad, où il a vu d’autres voitures en feu. Avec sa femme et son enfant, il s’est enfui vers le centre de la ville, où les habitants qui avaient entendu les explosions s’étaient rassemblés. Les habitants ne croyaient toujours pas qu’ils étaient attaqués par des colons, qui avaient osé entrer dans la ville à pied.

Un incendie s’est également déclaré près d’une autre maison, à quelque distance de celle des Hamad et des Atshe. Avant de s’enfuir vers l’autoroute 60, les colons ont incendié une Ford Focus appartenant à Anas Ayyad, 39 ans, un citoyen usaméricain qui vit avec sa famille dans une villa à la périphérie ouest de Silwad. Sa voiture était également garée dans la cour, et non dans la rue.

À ce moment-là, les habitants tentaient d’éteindre l’incendie qui ravageait le bâtiment des Hamad. Certains jeunes qui ont poursuivi les incendiaires ont raconté plus tard à Romaneh que deux véhicules, une camionnette et une voiture particulière, les attendaient sur l’autoroute. Les auteurs ont pris la fuite vers le sud, en direction d’Ofra et d’autres colonies situées le long de la route.

Une voiture incendiée à Silwad, il y a environ un mois. Les assaillants sont entrés à pied, ont utilisé un accélérant pour intensifier le feu et ont laissé derrière eux un slogan haineux en hébreu.

Près d’une heure s’est écoulée avant que les pompiers et les secours arrivent à Silwad tôt ce matin-là, en provenance de la ville de Bir Zeit, près de Ramallah. Environ un quart d’heure plus tard, une force militaire israélienne est arrivée à la résidence Hamad. Les soldats ont lancé des gaz lacrymogènes sur ceux qui luttaient encore contre les flammes.

Les habitants affirment que l’armée aurait dû voir les événements se dérouler depuis le poste de contrôle qui sépare le village de Yabrud de Silwad, et qui est visible à l’œil nu.

À 4 h 30, d’autres soldats sont arrivées. Un soldat arabophone a interrogé Rifat. L’après-midi suivant, des policiers sont arrivés, escortés par l’armée. Ils ont photographié les carcasses fumantes des voitures, recueilli le témoignage de Rifat et confisqué la caméra de sécurité installée sur la clôture de l’école en face du bâtiment des Hamad. Les forces israéliennes n’ont pas pris la peine de se rendre au domicile d’Anas Ayyad. La même nuit, un message a été publié dans le groupe WhatsApp de Silwad annonçant la mort de Khamis Ayyad.

Mais les raids ne se sont pas limités à Silwad, comme on l’a dit. Au même moment, des colons masqués sont entrés dans le village de Ramun, à environ 4 kilomètres à l’est, et ont incendié quatre ou cinq voitures. À Khirbet Abu Falah, à environ 10 kilomètres au nord de Silwad, d’autres maraudeurs ont incendié une voiture et deux oliviers.

Selon Romaneh, plusieurs groupes de colons ont agi séparément, compte tenu du laps de temps et de la distance entre les sites. Mais la méthode était identique dans les trois endroits. Le chercheur de terrain affirme être certain que toute l’opération avait été planifiée à l’avance, y compris la collecte de renseignements.

Plus tard dans la matinée, la famille Hamad a fait enlever les restes des véhicules et a commencé à réparer l’entrée noircie du bâtiment. Les travaux de rénovation étaient terminés lorsque nous nous sommes rendus sur place cette semaine ; tous les véhicules, à l’exception de la Mercedes utilitaire, étaient complètement détruits. Bien sûr, leur assurance ne couvre pas les actes de violence commis par les colons. Rifat estime les dommages à 270 000 shekels (environ 70 000 €), auxquels s’ajoutent 10 000 shekels pour la réparation de l’entrée et le remplacement des fenêtres brisées par le feu. À cela s’ajoutent des dépenses supplémentaires, notamment pour l’éclairage, de nouvelles caméras et un portail. Le châssis calciné d’une des voitures a été laissé à l’extérieur du débarras en guise de mémorial improvisé.

Une voiture incendiée par des colons devant une maison à Silwad, dont les propriétaires vivent aux USA. 

Nous nous rendons en voiture chez la famille Ayyad. Khamis a vécu 17 ans à Chicago avant de revenir dans sa ville natale il y a cinq ans afin d’y élever ses cinq enfants nés aux USA. En raison de son travail, Khamis avait adapté son emploi du temps à l’heure de l’Illinois : il se couchait à 5 heures du matin et se levait à midi.

Son frère, Anas, qui a vécu pendant 20 ans en Pennsylvanie, est également citoyen usaméricain et est également revenu en Cisjordanie avec sa femme et ses enfants. Anas nous raconte qu’il s’est réveillé vers 2 h 30 du matin ce vendredi-là à cause du bruit dans la cour. Sa Ford était déjà en feu. Khamis, qui habitait à proximité, s’est précipité pour aider à éteindre les flammes. Mais celles-ci et la fumée ne faisaient que monter plus haut.

Après avoir réussi à éteindre le feu, Khamis a dit à Anas qu’il ne se sentait pas bien. Il s’est soudainement mis à vomir. Anas l’a emmené d’urgence à la clinique médicale d’urgence locale. À leur arrivée, Khamis a cessé de respirer ; il a alors été évacué vers l’hôpital gouvernemental de Ramallah, où son décès a été prononcé.

Selon Anas, le scanner réalisé sur son frère a montré que ses poumons avaient été brûlés par la fumée qu’il avait inhalée. Les résultats de l’autopsie, réalisée par la suite à l’hôpital An-Najah de Naplouse, n’étaient pas encore connus au moment de la rédaction de cet article.

Quelques jours plus tard, Anas a été convoqué au poste de police du district de Binyamin pour témoigner. Lorsqu’il est arrivé à l’heure prévue, l’agent à l’entrée lui a dit qu’il n’avait pas de rendez-vous et l’a renvoyé. C’est la dernière fois qu’il a eu des nouvelles de la police.

Un porte-parole de la police israélienne a envoyé cette semaine la réponse suivante à une question du journal Haaretz, qui est confuse et contredit la version des faits d’Anas : « En ce qui concerne les domaines de responsabilité, nous tenons à préciser que l’armée israélienne, le Shin Bet [service de sécurité] et la police opèrent chacun dans le cadre de leur sphère de compétence, conformément aux procédures d’application de la loi en vigueur à Ayosh [région de Judée-Samarie] et à sa division en zones A/B/C.

L’armée israélienne, en tant que souveraine dans ce domaine, est chargée de prévenir les événements violents et de [maintenir] la sécurité courante dans les zones A et B. Le pouvoir d’enquête dans les affaires impliquant des violences criminelles est attribué à la police israélienne, dans certains cas avec l’aide du Shin Bet. Dans chaque enquête menée par la police du district de Shai [Judée-Samarie], dans les cas de violence extrême, la police met en œuvre tous les moyens et toutes les capacités à sa disposition pour traduire les auteurs en justice ».

 

Hussein Hamad près de son domicile à Silwad, il y a environ un mois. Une force militaire israélienne est arrivée plus d’une heure après le début des incendies, alors qu’elle aurait pu voir ce qui se passait depuis le poste de contrôle.

« Contrairement à ce qui est affirmé, le frère de l’homme qui a été tué n’a pas été « expulsé » de la station de Binyamin. Une enquête a révélé que la première fois, un garde à l’entrée de la zone industrielle de Shaar Binyamin ne l’avait pas autorisé à entrer, conformément aux directives de sécurité de l’armée israélienne, qui interdisent l’entrée des Palestiniens sans coordination préalable. De plus, la convocation initiale qu’il avait reçue concernait un autre poste, et non celui de Binyamin.

La deuxième fois, après qu’il a été convoqué au poste de Binyamin, une coordination appropriée a été effectuée avec le consulat [usaméricain], et il est entré dans le poste sans retard inutile. L’ensemble de la procédure requise a été menée sur place de manière complète et professionnelle.

Nous tenons à souligner que l’enquête est menée de manière professionnelle et approfondie par l’unité centrale du district de Shai, qui met tout en œuvre pour retrouver les auteurs des infractions et les traduire en justice. »

Le service du porte-parole de l’armée israélienne a déclaré : « Des informations ont été reçues concernant l’incendie de biens et de véhicules à Silwad, Khirbet Abu Falah et Ramun, qui se trouvent [dans le périmètre] de la brigade de Binyamin. Dès réception de ces informations, les forces de sécurité se sont précipitées sur les lieux. Au cours des perquisitions menées par les troupes à Silwad et Khirbet Abu Falah, des voitures incendiées et des graffitis en hébreu ont été découverts, mais aucun suspect n’a été localisé. Lorsque les forces sont arrivées pour fouiller Kafr Ramun, aucune découverte n’a été faite et aucun suspect ni incendie criminel n’a été identifié dans la zone. À la suite de ces événements, des enquêtes ont été ouvertes par la police israélienne».

Jude, le fils de Khamis âgé de 8 ans, erre dans la maison, hébété, et ne répond pas aux questions des étrangers. Comme ses frères et sœurs, il est né à Chicago et son père est maintenant mort à Silwad dans un incendie allumé par des colons. À l’exception de Haaretz, aucun média israélien n’a rendu compte de ces incidents.

Les photos prises par Romaneh, chercheur de terrain pour B’Tselem, le lendemain des invasions sont sinistres : des châssis de voitures calcinés, des murs carbonisés et, griffonné en rouge sur un mur du bâtiment de la famille Hamad, « Vengeance des Juifs nazis » – avec une étoile de David à côté.

17/07/2025

JOSEPH MASSAD
L’agression israélienne contre la Syrie fait avancer un plan vieux d’un siècle visant à embrigader les Druzes

L’article ci-dessous du chercheur palestino-usaméricain Joseph Massad, datant du mois de mai dernier, met en lumière la logique historique derrière la nouvelle attaque israélienne contre la Syrie

Joseph Massad, Midle East Eye, 6/5/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala 

De la Palestine de l’époque du mandat britannique à la Syrie post-Assad d’aujourd’hui, les dirigeants sionistes ont ciblé les communautés druzes pour fragmenter la société arabe et enraciner un ordre colonial de peuplement.


Des soldats israéliens empêchent une famille druze syrienne de s’approcher de la frontière près de Majdal Shams, sur le plateau du Golan occupé par Israël, le 3 mai 2025 (Jalaa Marey/AFP)

La semaine dernière (fin avril 2025), l’ armée israélienne a pris du temps sur son programme chargé d’extermination des Palestiniens de Gaza , de bombardement et de tirs sur les Palestiniens à travers la Cisjordanie, de bombardement du Liban et de lancement d’une série de bombardements sur le territoire syrien - dont la capitale Damas - pour lancer une série de bombardements très spéciaux .

Le dernier raid aérien visait ce qu’Israël a présenté comme « un groupe extrémiste » qui avait attaqué des membres de la communauté druze syrienne, qu’Israël avait « promis » de défendre en Syrie même.

Après la chute du régime de l’ancien président Bachar al-Assad provoquée en décembre dernier par Hay’at Tahrir al-Cham (HTS), ancienne branche d’Al-Qaïda, des violences sectaires liées à l’État ont éclaté contre  les Alaouites et les Druzes syriens . Les minorités religieuses se sentent assiégées et craignent de plus en plus l’avenir.

Malgré les assurances du président syrien  autoproclamé par intérim  et ancien commandant d’Al-Qaïda , Ahmed al-Charaa, selon lesquelles les minorités religieuses seraient protégées, le régime a déjà commencé à imposer des restrictions « islamistes sunnites » sur de nombreux aspects de la société, y compris  les programmes scolaires  et la ségrégation des sexes dans  les transports publics .

Pendant ce temps, la violence sectaire perpétrée par des groupes liés à l’État et des milices non étatiques persiste . 

Haut du formulaire

Bas du formulaire

C’est dans le contexte de cette violence sectaire qu’Israël a vu une opportunité de poursuivre un programme que le mouvement sioniste poursuivait depuis les années 1920 : créer de nouveaux schismes, ou exploiter les schismes existants, entre les groupes religieux en Palestine et dans les pays arabes environnants, dans une stratégie classique de diviser pour mieux régner.

Cette politique israélienne continue vise à donner une plus grande légitimité à la prétendue raison d’être d’Israël – non pas en tant que colonie sioniste européenne servant les intérêts impériaux européens et usaméricains, mais en tant qu’État sectaire religieux dont le modèle devrait être reproduit dans tout le Moyen-Orient, en divisant les groupes religieux autochtones en petits États distincts pour « protéger » les minorités.

Plan sectaire

Israël estime que la normalisation des relations dans la région ne peut se faire que si de tels États sectaires sont créés, notamment au Liban et en Syrie.

Dès les années 1930, les dirigeants israéliens s’allièrent aux sectaires maronites libanais et, en 1946, ils signèrent un accord politique avec l’Église maronite sectaire.

Leur soutien ultérieur à des groupes chrétiens fascistes libanais, comme les Phalangistes – qui cherchaient à établir un État maronite au Liban – s’inscrivait dans les plans sionistes pour la communauté druze palestinienne. Cette stratégie a débuté dans les années 1920, lorsque les colons sionistes ont commencé à cibler la population druze palestinienne.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale et suite au soutien britannique au colonialisme de peuplement sioniste en Palestine, les dirigeants sionistes ont lancé des efforts pour créer des divisions sectaires entre chrétiens et musulmans palestiniens.

Les Palestiniens, cependant, étaient unis dans leur opposition au sionisme et à l’occupation britannique à travers les « Associations musulmanes-chrétiennes », établies en 1918 comme instruments institutionnels d’unité nationale et de résistance au régime colonial.

Un projet sioniste connexe visait à isoler la petite communauté religieuse druze palestinienne afin de la cultiver comme un allié potentiel.

Au début du mandat britannique en 1922, les Druzes palestiniens étaient au nombre de 7 000 , vivant dans 18 villages à travers la Palestine et représentant moins d’un pour cent des 750 000 habitants du pays.

Mythologie coloniale

Les puissances coloniales s’appuyaient souvent sur des mythologies raciales pour diviser les populations autochtones. Alors que les Français affirmaient que les Berbères algériens descendaient des Gaulois pour les distinguer de leurs compatriotes arabes, les Britanniques présentaient les Druzes comme des descendants des Croisés, les décrivant comme une « race blanche plus ancienne » non arabe et « une race beaucoup plus propre et plus belle » que les autres Palestiniens, en raison de la prédominance de la peau claire et des yeux bleus parmi eux.

Bien que les Druzes aient été initialement considérés comme trop marginaux pour être embrigadés, à la fin des années 1920 et au début des années 1930, les dirigeants sionistes ont mené une campagne concertée pour les intégrer.

Tout comme ils avaient exploité les rivalités entre les familles palestiniennes importantes de Jérusalem – les Husayni et les Nashashibi – les sionistes ont cherché à faire de même avec les Druzes, en encourageant le factionnalisme entre les Tarifet les Khayr , et en promouvant une identité sectaire particulariste.

Dans les années 1920, les autorités d’occupation britanniques ont instauré un système sectaire en Palestine pour servir la colonisation juive européenne – un système qui séparait la communauté druze palestinienne du reste du peuple palestinien. 

Aux côtés des sionistes, les Britanniques ont encouragé le factionnalisme et le communautarisme religieux – des efforts qui ont abouti à la fondation de la Druze Union Society sectaire en 1932, aux côtés de nouvelles sociétés musulmanes et chrétiennes orthodoxes formées à la même période dans le sillage de la politique britannique.

La même année, les efforts sionistes pour coopter les dirigeants druzes s’intensifient, se concentrant sur une faction en particulier et encourageant son sectarisme.

Cela provoqua des affrontements entre les différentes factions druzes en 1933, mais la famille nationaliste Tarif conserva son leadership et vainquit la faction collaborant avec les sionistes. Ces derniers espéraient que la cooptation des Druzes palestiniens ouvrirait la voie à des alliances avec les populations druzes plus importantes de Syrie et du Liban.

Tactiques anti-révolte

Dans la seconde moitié des années 1930, pendant la Grande Révolte palestinienne contre l’occupation britannique et la colonisation sioniste européenne (1936-1939), les sionistes et les Britanniques ont intensifié leur campagne sectaire pour empêcher les Palestiniens druzes de rejoindre le soulèvement anticolonial.

À cette fin, ils enrôlèrent Cheikh Hassan Abou Rukun , chef de faction druze du village palestinien d’Isfiya, à une époque où des Druzes de Palestine, de Syrie et du Liban avaient rejoint la révolte . En novembre 1938, Abou Rukun fut tué par les révolutionnaires palestiniens en tant que collaborateur, et son village fut attaqué pour expulser d’autres collaborateurs.

Les sionistes ont exploité son assassinat dans leur campagne sectaire visant à embrigader la communauté druze, affirmant qu’il était ciblé parce qu’il était druze plutôt que parce qu’il était un collaborateur.

En fait, pendant la révolte palestinienne, les révolutionnaires ont tué environ 1 000 collaborateurs palestiniens – la plupart d’entre eux étaient des musulmans sunnites, dont beaucoup étaient issus de familles importantes.

Alors même que les sionistes travaillaient assidûment à répandre le sectarisme parmi les communautés druzes de Palestine, de Syrie et du Liban, à la fin de 1937, ils prévoyaient simultanément d’expulser toute la population druze - alors au nombre de 10 000 personnes - de l’État juif projeté par la Commission Peel britannique , puisque tous les villages druzes se trouvaient à l’intérieur des frontières que celle-ci recommandait.

Pendant ce temps, les autorités d’occupation britanniques ont fait avancer leur projet sectaire en payant certains dirigeants druzes pour qu’ils s’abstiennent de participer à la révolte.

Schémas de transfert

En 1938, les sionistes établirent des relations avec le chef anticolonial druze syrien Sultan al-Attrache , dont la révolte de 1925-1927 contre le régime français avait été réprimée dix ans plus tôt. Ils proposèrent à al-Attrache le « plan de transfert » – l’expulsion de la communauté druze palestinienne, présentée comme un moyen de la protéger des attaques des révolutionnaires palestiniens.

Al-Attrache n’acceptait que la migration volontaire de ceux qui cherchaient refuge, mais refusait tout accord d’amitié avec les sionistes.

Pour atteindre al-Attrache, les sionistes ont fait appel à l’un de leurs contacts, Yusuf al-’Aysami , un ancien assistant druze syrien qui avait été en exil en Transjordanie dans les années 1930. Pendant son exil, il a rendu visite aux Druzes palestiniens et a établi des liens avec les sionistes.

En 1939, Haïm Weizmann, chef de l’Organisation sioniste, était favorable à l’idée d’expulser les Druzes. L’émigration « volontaire » de 10 000 Palestiniens – qui, selon lui, « seraient sans doute suivis dautres » – offrait une précieuse opportunité de faire progresser la colonisation européenne juive en Galilée, région du nord de la Palestine.

Le financement de l’achat de terres druzes ne se matérialisa cependant jamais. En 1940, la réconciliation entre certaines familles druzes et les révolutionnaires palestiniens allégea la pression sur les dirigeants druzes et ébranla le pari initial des sionistes sur la communauté.

En 1944, l’organisation de renseignement sioniste (alors connue sous le nom de « Shai ») et le syrien al-’Aysami ont élaboré un plan visant à transférer les Druzes en Transjordanie et à financer l’établissement de villages là-bas en échange de toutes les terres druzes en Palestine.

Les sionistes envoyèrent même une expédition d’exploration à l’est de Mafraq, en Transjordanie, pour mettre en œuvre le projet. Cependant, face à l’opposition des Druzes et des Britanniques, le projet échoua fin 1945. Néanmoins, en 1946, les sionistes réussirent à acquérir des terres appartenant aux Druzes en Palestine par l’intermédiaire de collaborateurs locaux.

Embrigadement

En décembre 1947, davantage de Druzes palestiniens rejoignirent la résistance, alors même que les sionistes et les collaborateurs druzes s’efforçaient de maintenir la neutralité de la communauté ou de la recruter du côté sioniste.

En fait, les Druzes de Syrie et du Liban ont rejoint la résistance palestinienne à la conquête sioniste en 1948.

En avril 1948, les combattants de la résistance druze palestinienne ont riposté contre la colonie juive de Ramat Yohanan en réponse à l’attaque d’un colon contre une patrouille druze et ont subi de lourdes pertes .

Cependant, malgré les victoires sionistes, la désertion et le désespoir parmi les combattants druzes ont donné aux agents de renseignement sionistes – parmi lesquels le leader sioniste ukrainien Moshe Dayan - et aux collaborateurs druzes l’occasion de recruter des transfuges druzes .

Lorsque la colonie israélienne fut établie en 1948, l’un de ses premiers actes fut d’institutionnaliser les divisions au sein du peuple palestinien en inventant des identités ethniques fictives, dessinées selon des lignes religieuses et sectaires.

À ce stade, l’État israélien a reconnu les Druzes palestiniens – alors au nombre de 15 000 – comme une secte religieuse « distincte » des autres musulmans et a établi des tribunaux religieux distincts pour eux.

Peu après, Israël a commencé à qualifier la population druze de « Druze » plutôt que d’« Arabe », tant sur le plan ethnique que national. Pourtant, à l’époque comme aujourd’hui, celle-ci a continué à subir la même discrimination raciale et l’oppression de type suprémaciste juif que tous les Palestiniens d’Israël, y compris l’ appropriation de leurs terres.

À ce moment-là, avec le soutien de l’État israélien, les collaborateurs druzes avaient pris le dessus au sein de la communauté. Certains de leurs dirigeants ont même appelé le gouvernement à enrôler des Druzes dans l’armée israélienne – une offre qu’Israël a dûment acceptée, même si les soldats druzes restent interdits de rejoindre les unités « sensibles ».

Résistance druze

Malgré la cooptation par l’État israélien de nombreux membres de la communauté druze, la résistance à la colonisation s’est poursuivie à un rythme soutenu.

Le poète druze palestinien Samih al-Qasim (1939-2014) demeure l’une des trois figures les plus célèbres du panthéon palestinien des poètes connus pour leur résistance au sionisme (les deux autres étant Tawfiq Zayyad et Mahmoud Darwish). Son œuvre est non seulement largement récitée dans la société palestinienne, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Palestine, mais nombre de ses poèmes ont été mis en musique par des chanteuses telles que Kamilya Jubran et Rim al-Banna .

Parmi les autres figures littéraires et universitaires druzes palestiniennes de premier plan à l’avant-garde de la résistance au sionisme et au colonialisme israélien figurent le romancier Salman Natour (1949-2016) ; le poète contemporain Sami Muhanna, qu’Israël a emprisonné à plusieurs reprises pour ses opinions politiques ; le regretté érudit Sulayman Bashir (1947-1991) qui a écrit sur l’histoire des relations de l’URSS avec le nationalisme palestinien et les « communistes » juifs sionistes ; et l’historien Kais Firro (1944-2019), connu pour ses histoires de la communauté druze.

La tentative actuelle d’Israël de coopter les dirigeants druzes syriens vise à reproduire ce qu’il a déjà réussi avec les collaborateurs druzes palestiniens.

Cependant, les dirigeants druzes syriens résistent à cette offensive israélienne en affirmant faire partie intégrante du peuple syrien, tout en condamnant la politique du nouveau régime « islamiste » et sectaire. 

Pourtant, la volonté d’Israël de détruire l’unité arabe reste intacte.