Gideon
Levy, Haaretz, 5/10/2025
Traduit par Tlaxcala
Il faut une dose extraordinaire d’optimisme pour ne pas être accablé – ou rabat-joie – face à l’accord sur Gaza. Mais c’est possible : la proposition présente certains points positifs.
Des Palestiniens inspectent les dégâts dans un quartier résidentiel après une opération israélienne dans la zone, samedi.
Photo Ebrahim Hajjaj / REUTERS
Ce n’est pas un accord de paix entre Israël et Gaza, ce qui aurait bien sûr été
préférable, mais plutôt un accord que les USA ont imposé à Israël. Il est
depuis longtemps évident que seul un accord imposé peut amener Israël à
changer. Le voici donc. C’est un signe d’espoir pour la poursuite d’une
politique usaméricaine contraignante — sans laquelle rien ne bouge.
Des dizaines
de milliers de vies ont été sauvées ce week-end. La peur, la faim, les
maladies, les souffrances et les privations de plus de deux millions de
personnes pourraient peu à peu prendre fin. Dimanche, elles auront au moins
leur première nuit de sommeil sans la menace des bombardements au-dessus de
leurs têtes. Des centaines de personnes retrouveront aussi leur liberté : les 20
otages israéliens encore en vie, les 250 prisonniers palestiniens purgeant des
peines à perpétuité en Israël, et les 1 800 habitants de Gaza, pour la plupart
innocents, détenus en Israël.
Oui, dans un
même souffle : les détenus palestiniens ont eux aussi des familles qui ont
enduré des mois, voire des années, d’angoisse et d’incertitude quant au sort de
leurs proches. La plupart méritent enfin d’être libérés. Aucun des 1 800
détenus de Gaza qui seront libérés n’a été jugé. Eux aussi ont été enlevés. Il
vaut mieux éviter de comparer les conditions de détention : elles ont été
terribles des deux côtés. Leur libération est donc une source de joie – pour
tous : tous les otages et toutes les familles.
Cet accord rétablit
l’ordre dans les relations usaméricano-israéliennes : Israël est l’État client,
et les USA la superpuissance. Ces définitions s’étaient complètement brouillées
ces dernières années, au point que, surtout sous les administrations Obama et
Biden, il semblait parfois qu’Israël était le patron et l’USAmérique son
protectorat. Enfin, un président usaméricain ose utiliser le levier immense
dont il dispose pour dicter les actions d’Israël. Les décisions imposées par
Donald Trump sont bénéfiques pour Israël — même si peu l’admettent.
Mettre fin à
la guerre est bien sûr une bonne chose pour Gaza, mais c’est aussi une bonne
chose pour Israël. Ce n’est pas le moment d’énumérer tous les dommages
terribles que cette guerre a causés à Israël, certains irréversibles. Le monde
n’oubliera pas de sitôt le génocide ; il faudra des générations avant que Gaza oublie.
Arrêter la guerre maintenant est le moindre mal pour Israël, qui a perdu son
chemin. Ces derniers mois, le pays était au bord de l’effondrement moral et
stratégique. L’oncle Donald le ramène à ses proportions d’origine et,
peut-être, lui ouvre une voie différente.
Israël
aurait pu éviter cette guerre, qui ne lui a causé que du tort. Mais il aurait
aussi pu gérer sa fin autrement. Des négociations directes avec le Hamas et des
gestes de bonne volonté auraient pu changer la donne. Un retrait total de la
bande de Gaza et la libération de tous les prisonniers auraient signalé un
nouveau départ. Mais Israël, comme toujours, a choisi d’agir différemment — de
ne faire que ce qu’on lui impose.
Gaza, et
même le Hamas, sortent de cette guerre debout. Battus, saignants, épuisés,
ruinés, mais debout. Gaza est devenue une Hiroshima, mais son esprit vit
encore. La cause palestinienne avait complètement disparu de l’agenda
international — encore un moment de paix avec l’Arabie saoudite, et les
Palestiniens seraient devenus les Indiens d’Amérique de la région — puis la
guerre est venue, les ramenant au centre de l’attention mondiale. Le monde les
aime, le monde les plaint.
Il n’y a pas
de consolation pour les habitants de Gaza, qui ont payé un prix indescriptible
— et le monde pourrait encore les oublier —, mais pour l’instant, ils sont au
sommet de l’attention mondiale.
Ce moment
doit être saisi pour changer l’état d’esprit en Israël : il est temps que les
Israéliens ouvrent les yeux et voient ce qu’ils ont fait.
Peut-être
qu’il ne sert à rien de pleurer sur le lait renversé, mais le sang versé est
autre chose. Il est temps d’ouvrir la bande de Gaza aux médias et de dire aux
Israéliens : “Voyez, voilà ce que nous avons fait”.
Il est temps d’apprendre que s’appuyer uniquement sur la force militaire mène à
la dévastation.
Il est temps de comprendre qu’en Cisjordanie, nous créons un autre Gaza.
Et il est temps de regarder droit devant et de dire : nous avons péché, nous
avons agi avec perversité, nous avons transgressé.
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