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21/07/2022

GIDEON LEVY
À Jérusalem, Biden a signé l’acte de décès des Palestiniens

 Gideon Levy, Haaretz, 16/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

C’est à l'hôpital Augusta Victoria de Jérusalem-Est, de tous les endroits, que le président usaméricain Joe Biden a signé un certificat de décès. La solution à deux États est morte depuis longtemps, tout comme le choix stratégique des Palestiniens de s'appuyer sur l'Occident dans leur lutte pour leurs droits nationaux. Cet espoir a rendu son dernier souffle à Augusta Victoria. Dans son discours, Biden a longuement glosé sur son séjour et celui de sa famille à l’hôpital ; il se souvenait du service de soins intensifs. Une ligne plate sur le moniteur signifiait la mort, a-t-il appris là-bas. Environ une heure plus tard, à Bethléem, le moniteur s'est immobilisé. La voie empruntée par les Palestiniens il y a 50 ans est arrivée à son terme. Ils sont arrivés dans un cul-de-sac.

 

Des Palestiniens ont manifesté contre la visite du président Biden, près de l'hôpital Augusta Victoria à Jérusalem-Est. Photo Menahem Kahana/AFP — Getty Images

 Au début des années 70, une nouvelle star apparaît dans le ciel politique : le cardiologue Issam Sartaoui*, réfugié d'Acre, étudiant en Irak, exilé à Paris et artisan des détournements d'avions. Il a subi un changement complet. Il est devenu le promoteur des Palestiniens dans le cœur de l'Occident ; jusque-là, ils s'étaient appuyés sur les pays non alignés. Sartaoui a conduit les Palestiniens à Bonn, Vienne, Paris et Stockholm au lieu de Moscou, Jakarta, Delhi et Kuala Lumpur.

Cela a été présenté comme un excellent choix. Le protégé et même le chouchou des stars sociales-démocrates de l'Europe occidentale de l'époque - Willy Brandt, Bruno Kreisky, Olof Palme et François Mitterrand - a poursuivi sa route dans le cœur des Israéliens. Sartaoui a commencé par rencontrer des représentants de la gauche israélienne. Yasser Arafat s'engage avec enthousiasme sur la voie tracée par son conseiller. Cela semblait beaucoup plus prometteur que de gagner le soutien de Karachi.

Cinquante ans plus tard, cette voie est arrivée à son terme, avec les Palestiniens qui saignent sur place. Un président usaméricain ne leur accorde que quelques heures, lors d'une visite qui donne un nouveau sens aux termes « service minimum » et « paroles en l’air ». Il est donc temps de sortir du rêve que l'Europe et l'USAmérique feront un jour quoi que ce soit pour les Palestiniens qui n’ait pas l’agrément de leur inattaquable chouchou, Israël.

C'est un président qui ne prend pas la peine de prononcer correctement le nom de Shireen Abu Akleh, la journaliste tuée presque certainement par Israël, devenue un symbole national et international. Celui de Jamal Khashoggi, ça oui, il sait le prononcer. Les Palestiniens n'ont plus rien à chercher dans cette arène. Lorsque Biden cite un poème qui dit que « espoir et histoire riment » et leur lance 100 millions de dollars pour Augusta Victoria, il est clair que pour eux, avec les USA, c’est foutu.

Avec un président usaméricain qui leur promet une solution à deux États, mais « pas à court terme », vous arrivez à la fin de l'histoire. Vous avez envie de demander à Biden : « Que se passera-t-il "pas à long terme" pour parvenir à cette solution ? Les Israéliens décideront-ils d'eux-mêmes ? Les colons rentreront-ils d'eux-mêmes ? Quand ils seront un million au lieu de 700.000, cela les satisfera-t-il ? »

L'USAmérique pensera-t-elle un jour différemment ? Pourquoi cela devrait-il arriver ? Avec les lois contre BDS et les nouvelles définitions tordues de l'antisémitisme, les USA et l'Europe sont perdus pour les Palestiniens. La bataille a été décidée, Israël les a pratiquement battus, et leur sort pourrait être le même que celui des peuples indigènes aux USA.

Il suffit de regarder la photo de la réunion de Bethléem : douze Palestiniens sinistres en cravate autour des deux leaders dans une photo de groupe de désespoir. Il suffit de se rappeler les mots de Biden en 1986 au secrétaire d'État de l'époque, George Shultz : « Je déteste entendre une administration ... refuser d'agir sur un point moralement important. ... J'ai honte que ce pays mette en place une politique comme celle-ci, qui ne dit rien, rien ».

Biden faisait référence à la politique usaméricaine à l'égard de l'ancien pays de l'apartheid, l'Afrique du Sud. Des remarques étonnamment similaires peuvent être lancées aujourd'hui à l'encontre de Biden en raison de son approche du deuxième pays d'apartheid. Mais il n'y a pas de Biden pour les lancer.

 NdT

* Issam Sartaoui a été assassiné le 10 avril 1983 au Portugal alors qu'il participait comme représentant de l'OLP au XVIème congrès de l'Internationale socialiste. Le groupe Abou Nidal (Fatah-Conseil révolutionnaire) a revendiqué l'assassinat.