المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

Affichage des articles dont le libellé est La Jornada. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est La Jornada. Afficher tous les articles

30/01/2025

Mexique : le cartel des machos

 La Jornada  28/1/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Au moins depuis l’année dernière, un groupe d’hommes qui ont en commun d’être accusés de violence domestique et sexiste par leurs ex-partenaires, d’être riches et d’avoir de grandes relations dans la magistrature, la politique et les médias, s’est organisé pour se présenter comme des victimes d’« extorsion » de la part des femmes qui ont dénoncé leurs abus et de l’avocate qui s’est occupée de leurs affaires, Ana Katiria Suárez.

Leurs actions ont porté leurs fruits si rapidement qu’elles ont déjà permis d’incarcérer temporairement María Fernanda Turrent, épouse d’Édgar González Peredo [patron du groupe d’entreprises Belgravia, NdT], et d’obliger Suárez à quitter le pays. La rapidité avec laquelle les demandes reconventionnelles ont prospéré contraste avec la lenteur exaspérante avec laquelle les procureurs et les tribunaux traitent les plaintes contre les agresseurs, même lorsque - comme dans le cas de la plainte de Turrent - il existe des preuves accablantes et incontestables de la terreur physique, psychologique et économique que ces hommes ont fait subir à leurs compagnes et à leurs enfants.

Comme le révèle une enquête publiée hier et aujourd’hui dans ce journal, tout porte à croire que le cynique « collectif national plus de prisonniers innocents » est un cartel composé d’hommes désireux d’intimider et de punir quiconque tente de les traduire en justice pour leur comportement violent, et que leur succès est dû au soutien enthousiaste qu’ils ont reçu de la famille, de l’amitié, d’affinités misogynes ou de la corruption des autorités chargées d’obtenir et de rendre la justice.

La figure de González Peredo est notoire : en plus de ses propres affaires, son père gère les affaires de l’un des groupes de médias les plus puissants du pays et a engagé pour le défendre le cabinet d’avocats de José Luis Nassar Daw, fils de Miguel Nassar Haro, criminel emblématique de la guerre sale [guerre contre-insurrectionnelle dans les années 1970, NdT].

Bien que ce type de réseau de trafic d’influence ait toujours existé, il est inquiétant que ses membres se sentent protégés par la justice au point d’apparaître au grand jour et de prendre la tête d’un « mouvement » de « parents » dans lequel ils ne rougissent pas de rejoindre celui qui s’est avoué violeur, tortionnaire et assassin de sa propre fille de sept ans.

En ce sens, il est encourageant, mais insuffisant, que le bureau du procureur général de la ville de Mexico ait ordonné la révocation de Miguel Angel Barrera Sanchez, procureur chargé d’enquêter sur les crimes commis contre les enfants et les adolescents, ainsi que la révision de la procédure engagée contre Maria Fernanda Turrent et sa non-inculpation.

La révélation des irrégularités commises par ce fonctionnaire devrait être le début d’un nettoyage exhaustif des agents du ministère public, qui ont à maintes reprises protégé des violeurs, parfois avec des résultats mortels lorsqu’ils passent des coups au féminicide. Le même nettoyage doit avoir lieu dans le système judiciaire, dont les sentences aberrantes ont libéré ou donné des peines dérisoires à des hommes violents avérés.

Plus largement, cette sorte de cartel de machos est un avertissement sur le chemin qu’il reste à parcourir pour éradiquer deux des plus grands fléaux sociaux : la misogynie qui imprègne tous les domaines de la vie sociale et la corruption qui permet au pouvoir économique de se transformer en pouvoir politique. Elle rappelle également que ces maux se renforcent mutuellement, car le trafic d’influence facilite l’impunité des agresseurs et entrave la lutte des femmes pour un monde sans violence fondée sur le genre.

 

 

26/07/2022

LA JORNADA
Le pape François, le pardon et le passé colonial

 Éditorial, quotidien La Jornada, Mexico, 26/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 


« Je demande humblement pardon pour le mal commis par tant de chrétiens à l'encontre des peuples autochtones », a déclaré le pape François aux membres des Premières nations, des Métis et des Inuits lors d'un événement à Maskwacis, dans la province de l'Alberta, au Canada. Le lieu choisi pour la première rencontre du pontife avec les natifs sur le sol canadien est hautement symbolique car il s'agit de l'un des endroits où la politique d'assimilation forcée de ces peuples a été mise en pratique : de 1863 à 1998, les autorités canadiennes ont financé un programme dans le cadre duquel 150 000 enfants ont été arrachés à leur famille et placés dans des pensionnats où il leur était interdit de parler leur propre langue et où ils étaient contraints d'adopter les coutumes occidentales.

En 2015, quelques années après la fermeture de la dernière "école" de ce type, une Commission Vérité et Réconciliation a constaté que les enfants enlevés avaient souffert de malnutrition, de violences verbales et d'abus physiques et sexuels généralisés (selon les termes du Parlement canadien) de la part des directeurs et des enseignants. Les conditions dans ces instituts, gérés par des associations religieuses, étaient si déplorables qu'entre 3 200 et 6 000 enfants (selon les sources) sont morts des suites de mauvais traitements et de négligence. Le rapport de la commission avait déjà choqué la société canadienne, mais la demande de justice est devenue véhémente il y a un peu plus d'un an, lorsque des enterrements clandestins et des tombes anonymes contenant les restes de centaines d'enfants ont été découverts sur le terrain de trois centres résidentiels qui avaient été gérés par l'Église catholique.

Mis sous pression par ces révélations, François a reçu une délégation de peuples autochtones au Vatican en avril, et leur a exprimé son "indignation et sa honte" face à ces événements et a annoncé la visite qui a eu lieu ce dimanche. Il condamnait déjà à l'époque les méthodes de colonisation qui tentaient d'uniformiser les indigènes en les "extirpant de leur identité, de leur culture, en séparant les familles" et en induisant une homogénéisation au "nom du progrès et de la colonisation idéologique". Hier, en présence de victimes de ces centres, il a réitéré sa condamnation en présentant ses excuses "pour la manière dont de nombreux membres de l'Église et des communautés religieuses ont collaboré, également par indifférence, à ces projets de destruction culturelle et d'assimilation forcée", politiques qu'il a qualifiées de "néfastes pour les populations de ces terres".

L'attitude du pontife devrait servir d'exemple aux institutions et aux individus qui, aujourd'hui encore, tentent de relativiser, voire de nier, des vérités indéniables : que le processus de colonisation des puissances européennes et de leurs descendants sur le continent américain s'est traduit par un génocide physique, mais aussi culturel, systématique à l'encontre des peuples indigènes ; que les actes des colonisateurs ne méritent pas une qualification plus douce que celle de crimes contre l'humanité, et que c'est dans ces siècles de discrimination, d'exclusion, d'assujettissement et de privation de droits qu'il faut chercher des explications au retard dont souffrent les communautés indigènes dans divers domaines, de l'éducation aux finances.

Dans le même temps, l'accueil chaleureux réservé par les Premières nations, les Métis et les Inuits au leader catholique démontre que le passé ne peut être laissé derrière soi que lorsque les crimes perpétrés sont reconnus, que le repentir est exprimé et qu'une véritable volonté de réparer les dommages est manifestée.

Prétendre que les communautés historiquement lésées accordent leur pardon sans être passées par ce processus ne guérit pas les blessures et ne favorise pas la réconciliation, mais minimise de manière ignominieuse la douleur des groupes subjugués, disculpe les responsables et ouvre la porte à la répétition des oppressions.