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01/08/2025

OFER ADERET
Impensable aujourd’hui : en 1988, les plus grands chanteurs israéliens s’unissaient contre l’occupation

Ofer Aderet et Alex Levac (photos), Haaretz, 31/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Trois mois après le début de la première intifada, des dizaines d’artistes israéliens se sont réunis à Tel-Aviv pour tenter de « réveiller la conscience humaine », comme l’a déclaré un rockeur. Près de quatre décennies plus tard, l’histoire n’a pas pris le chemin de la paix.

Corinne Allal, à gauche, Shlomo Artzi, Yehudit Ravitz et Hana Laslo lors de l’événement en mars 1988

 C’était il y a 37 ans, en mars 1988, mais aujourd’hui, le titre d’alors de Haaretz semble inconcevable : « Peut-être que quelque chose a enfin commencé à bouger ici. »

 L’article décrivait comment plus de 30 artistes, dont beaucoup étaient auteurs-compositeurs-interprètes, se sont tenus sur une scène dans la place centrale de Tel Aviv, aujourd’hui connue sous le nom de place Rabin. « Ils ont chanté « Nous voulons la paix » lors de la manifestation intitulée « Ligne rouge : Juifs et Arabes contre l’occupation ».

Des milliers de personnes y ont participé. C’était pendant la première intifada, alors que le Hamas en était à ses débuts et que le chef de l’Organisation de libération de la Palestine, Yasser Arafat, était en exil. L’événement a été ouvert par les chanteurs Riki Gal et Nurit Galron et deux auteurs-compositeurs-interprètes légendaires, Yehudit Ravitz et Corinne Allal.

Riki Gal, à gauche, Yehuditz Ravitz, Rita et Chava Alberstein montant sur scène


Parmi les plus de 30 artistes qui se sont produits, figuraient les géants du rock israélien Yehuda Poliker, Matti Caspi et Gidi Gov.

Shlomi Artzi, légende du folk-rock, a déclaré : « Dans le passé, les artistes israéliens s’abstenaient d’exprimer leurs opinions, mais aujourd’hui, ils veulent le faire, compte tenu de la nécessité de trouver un compromis avec nos voisins arabes. »

Titre du journal Hadashot : « Les artistes israéliens en faveur du dialogue avec les Palestiniens ». De gauche à droite : Nurit Galron, Yehudit Ravitz, Riki Gal et Rita. Photo : archives Haaretz


Au premier plan, Nurit Galron, à gauche, Chava Alberstein et la pianiste Astrith Baltsan, avec l’acteur et réalisateur palestinien de 1948 Mohammad Bakri à l’arrière.

 

Rita, à gauche, Yehudit Ravitz, Riki Gal et Corinne Allal sur scène.

 

Des personnes dans la foule brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire « Pour la paix israélo-palestinienne » en hébreu.

Alex Levac a pris ces photos pour le quotidien Hadashot, qui a cessé de paraître cinq ans plus tard, lorsque Levac a rejoint Haaretz, où il travaille toujours aujourd’hui. Titre de Hadashot : « Des artistes israéliens en faveur du dialogue avec les Palestiniens ».

« Il est très important d’être ici aujourd’hui pour éveiller la conscience humaine et l’opinion publique ; peut-être que cela aboutira à quelque chose », a déclaré Poliker, selon Hadashot.

 

Matti Caspi jouant de la guitare. 

Les musiciens israéliens Si Heyman, à gauche, et Shlomo Gronich dans un café avant le concert.

 Matti Caspi, que Haaretz a un jour qualifié de « réponse israélienne à Bach et Gershwin », a ajouté : « Il est temps de commencer à parler, quelle que soit la situation. L’essentiel est de parler. »

La chanteuse folk Chava Alberstein s’est dite « assez désespérée ». Selon elle, « il est clair que beaucoup de gens nous regardent comme si nous étions des oiseaux chantant dans une cage ou sur un arbre, sans aucune utilité. Mais tant qu’il y aura des artistes, nous continuerons d’essayer ».

 

Yehuda Poliker, à gauche, et Hana Laslo

« Nous essayons d’embellir une époque qui comporte beaucoup de laideur et de souffrance, en particulier pour les jeunes qui doivent participer à des événements désagréables. Nous essayons d’apporter une note nouvelle et de rappeler à tous qu’il y a de l’espoir. »

Au cours de la première intifada, qui a éclaté en décembre 1987, les soldats israéliens ont affronté des jeunes qui leur lançaient des pierres en Cisjordanie et à Gaza.


Corinne Allal, au centre, avec Shlomo Artzi à sa droite.

 

Gidi Gov, à gauche, et Yehuda Poliker. Sarai Tzuriel à l’arrière.


De retour sur la place de Tel Aviv, Yaffa Yarkoni, qui a lancé sa carrière de chanteuse avant la création de l’État d’Israël, a déclaré : « Les gens ne comprennent pas que l’heure du jugement dernier a sonné. Personne ne se rend compte de l’ampleur du désastre. »

La chanteuse Yardena Arazi a ajouté : « Je suis une citoyenne qui vit dans ce pays. Parfois, quand je lis les journaux, j’ai envie de crier : « Ça ne peut pas continuer comme ça. » »

Gidi Gov a conclu : « Je pense que nous devons faire quelque chose pour mettre fin à la violence entre Arabes et Juifs. Ce n’est pas une question d’opinions politiques, mais d’opposition à la violence. »

21/08/2024

RIFAT KASSIS
Pourquoi le “camp de la paix” israélien a disparu

 Il appartient avant tout aux Israéliens de rejeter l’occupation coloniale, les lois d’apartheid, le gouvernement actuel et les partis nationalistes. L’alternative signifie la perte de leur humanité.

Rifat Kassis, Mondoweiss, 18/8/2024
Traduit par 
Fausto GiudiceTlaxcala

 

Rifat Odeh Kassis, Palestinien chrétien né à Beit Sahour, est coordinateur de Kairos Palestine, le plus vaste mouvement œcuménique chrétien palestinien non violent, qui appelle à la paix pour mettre fin à toutes les souffrances en Terre sainte en œuvrant pour la justice, l’espoir et l’amour. Il a fondé en 1991 la section palestinienne de l’organisation internationale de défense des droits de l’enfant Defence for Children International (DCI) et en a été le président. Meta

Depuis sa création en 1948, Israël a été impliqué dans de nombreuses guerres avec les Palestiniens et certains pays arabes. Historiquement, ces guerres ont suscité des débats en Israël, avec des segments non négligeables de la population exprimant leur inquiétude quant au traitement sévère des Palestiniens et plaidant pour le respect de leurs droits humains. Toutefois, la récente guerre contre Gaza a été marquée par une absence frappante de toute dissidence interne significative ou même de débat timide. Cela soulève une question cruciale : Comment la société israélienne s’est-elle transformée au point que les protestations publiques contre les guerres et les violations des droits humains des Palestiniens ont largement disparu ?

Tout au long de l’histoire d’Israël, il y a eu des occasions d’opposition interne aux actions militaires de l’État. Pendant la guerre du Liban de 1982, le mouvement « La paix maintenant » a organisé des manifestations de masse pour dénoncer l’invasion et l’occupation de certaines parties du Liban. La première Intifada, à la fin des années 1980, a également suscité une opposition importante, certains Israéliens ayant été confrontés aux implications morales de l’occupation militaire et aux mesures sévères prises à l’encontre des Palestiniens. Même pendant la seconde Intifada et les guerres ultérieures contre Gaza, certains groupes de la société israélienne ont protesté activement, appelant à une approche plus humaine et à une solution fondée sur la coexistence de deux États.

 Les forces d’occupation israéliennes bloquent des militants pacifistes palestiniens et israéliens qui manifestent à l’entrée de Huwara, en Cisjordanie, le 3 mars 2023 suite à un premier pogrom commis par des colons. Photo : Mohammed Nasser/APA Images

Mais ces dernières années, lorsqu’il s’agit du traitement des Palestiniens par Israël, cette tradition de dissidence s’est affaiblie et, lors de la guerre contre Gaza, elle a pratiquement disparu. Les voix de protestation, autrefois vibrantes, ont été remplacées par un silence glacial.

Pourquoi ?

1. Un glissement politique vers la droite

L’un des facteurs les plus importants de cette transformation a été le glissement constant vers la droite de la politique israélienne. Au cours des deux dernières décennies, le paysage politique israélien a été de plus en plus dominé par des partis de droite, nationalistes et fascistes. Cette évolution s’est accompagnée d’un durcissement des attitudes à l’égard des Palestiniens et d’une importance croissante accordée à la sécurité personnelle. La montée en puissance de dirigeants comme Benjamin Netanyahou, qui a cultivé une propagande de menace perpétuelle et de danger existentiel, a contribué à créer une atmosphère sociétale dans laquelle la dissidence est considérée non seulement comme malavisée, mais aussi comme une trahison potentielle.

2. Normalisation de la guerre et de l’occupation par les colons

Pour de nombreux Israéliens, l’occupation et les escalades périodiques à Gaza font désormais partie de la vie quotidienne, d’un statu quo accepté. Cette normalisation est aggravée par le fait que de nombreux jeunes Israéliens ont grandi sans rien connaître d’autre, ayant été élevés dans une société où la guerre est une constante. Il en résulte un sentiment de fatalisme et de résignation, le changement étant soit impossible, soit indésirable.

Le traumatisme et la peur persistants générés par des années de conflit ne doivent pas être passés sous silence. De nombreux Israéliens ont fait l’expérience directe de la violence de la guerre et des attaques militaires. Ce sentiment permanent de menace a créé une mentalité d’assiégés, où toute mesure prise au nom de la sécurité est considérée comme justifiée.

3. Érosion des libertés civiles et des normes démocratiques

Ces dernières années, on a assisté à une érosion notable des libertés civiles et des normes démocratiques en Israël. Des lois et des règlements ont été introduits pour étouffer la dissidence et limiter la capacité des organisations à critiquer le gouvernement et ses politiques. L’étiquetage des ONG en tant qu’« agents étrangers », la désignation de certaines d’entre elles comme que factions terroristes, le ciblage des activistes et la suppression de la liberté des médias ont contribué à créer un environnement dans lequel il est de plus en plus difficile et dangereux de protester publiquement. Cette érosion a créé un effet de refroidissement, où ceux qui auraient pu autrefois s’exprimer sont aujourd’hui réduits au silence par peur des répercussions.

4. Évolution de la perception du public et du cadrage des médias

Le cadrage du conflit par les médias israéliens a joué un rôle crucial dans l’évolution de la perception du public. Les médias israéliens et, dans une large mesure, les médias internationaux présentent souvent un récit qui met l’accent sur l’agression palestinienne et minimise ou justifie les agressions israéliennes et les violations du droit international. Ce discours, combiné à une couverture nettement unilatérale de la guerre à Gaza et à la présentation du conflit comme un jeu à somme nulle où toute critique du gouvernement est assimilée à un manque de patriotisme, a rendu difficile l’émergence de voix alternatives. Le résultat est une société où la majorité de la population soutient les actions du gouvernement ou reste indifférente.

5. Tendances mondiales et montée du populisme

La montée mondiale du populisme et de l’autoritarisme a eu un impact sur la société israélienne. Les leaders populistes se nourrissent souvent d’un discours « nous contre eux ». En Israël, cela s’est traduit par un sentiment accru de nationalisme et une diminution de la tolérance à l’égard de la dissidence. L’influence des tendances mondiales, où des dynamiques similaires peuvent être observées dans des pays comme les USA et de nombreux autres pays, a renforcé l’évolution vers une société plus autoritaire et moins tolérante.

6. L’industrialisation de l’Holocauste et de l’antisémitisme

L’exploitation de l’Holocauste et de l’antisémitisme a contribué à réduire au silence les dernières forces progressistes au sein de la société israélienne. En Israël, ces tragédies historiques sont parfois utilisées pour créer un récit qui assimile la critique interne des politiques gouvernementales - en particulier en ce qui concerne le traitement des Palestiniens - à de la déloyauté ou à de la haine de soi, voire à de l’antisémitisme. Cela a créé un climat de peur et d’autocensure, où les voix dissidentes sont marginalisées et où le débat ouvert sur des questions cruciales est étouffé. Le poids émotionnel de l’Holocauste et la menace de l’antisémitisme sont des outils puissants qui peuvent être utilisés pour unifier les Israéliens contre leurs ennemis internes et externes, mais au prix de la suppression du discours critique, de la montée de la cruauté entre les gens et de la perte de leur humanité.

Sur la scène internationale, ce récit est également utilisé pour détourner les critiques des politiques israéliennes en les présentant comme intrinsèquement antisémites ou comme un déni de la souffrance juive. Cette stratégie peut réduire au silence les voix internationales qui cherchent à rendre Israël responsable de ses actes, notamment en ce qui concerne les violations des droits humains commises à l’encontre des Palestiniens. En invoquant l’Holocauste et en lançant l’accusation d’antisémitisme, le gouvernement israélien et ses partisans peuvent décourager l’examen et détourner l’attention des réalités actuelles de la région. Non seulement cette attitude entrave les efforts déployés pour lutter contre le nettoyage ethnique et le génocide en cours, mais elle risque également de confondre critique légitime et sectarisme, compliquant ainsi le discours mondial sur la question israélo-palestinienne.

Tout en reconnaissant ces réalités, les dirigeants mondiaux et les membres informés de la société civile savent que l’avenir des Israéliens et des Palestiniens est inextricablement lié. Nous, chrétiens palestiniens, l’avons exprimé dans le document de Kairos Palestine, Un moment de vérité (2009): «Notre avenir et le leur ne font qu’un : ou bien un cercle de violence dans lequel nous périssons ensemble, ou bien une paix dont nous jouissons ensemble. (4.3) ».

Il appartient en premier lieu aux Israéliens de rejeter l’occupation coloniale, les lois d’apartheid, le gouvernement actuel et les partis nationalistes qui perpétuent le conflit et la division. En reconnaissant le destin commun des deux peuples, les Israéliens devraient prendre position contre les politiques et les pratiques qui violent les droits et les vies des Palestiniens, en reconnaissant que la paix et la justice pour tous est la seule voie vers un avenir sûr et harmonieux. Cette compréhension mutuelle et le rejet de l’oppression sont essentiels pour que les deux peuples puissent prospérer ensemble sur la terre qu’ils considèrent tous deux comme sainte.


La Terre sainte, par Darrin Bell