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27/08/2023

RATIK ASOKAN
La longue lutte des travailleurs de l’assainissement en Inde

 Ratik Asokan, The New York Review of Books, 24/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Ratik Asokan est un auteur d’articles sur les arts et la culture et traducteur né à Mumbai (Inde) et vivant à New York.


Pendant des siècles, le système des castes a contraint les travailleurs dalits [“intouchables”] à manipuler des excrétions humaines dans des conditions mortelles. Aujourd’hui, ils se soulèvent.

Parmar, un “balayeur” employé par la Brihanmumbai Municipal Corporation, Mumbai, 1999-2000; photo de Sudharak Olwe, tirée de sa série In Search of Dignity and Justice : The Untold Story of Mumbai’s Conservancy Workers (2013).

Un homme disparaît sous terre tandis qu’un autre émerge à la surface. Un troisième s’accroupit sur la route entre eux, tournant entre les deux trous d’égout, dans lesquels ils montent et descendent sans appui. Aucun des hommes ne porte de vêtements appropriés. Celui qui se trouve en surface porte des sous-vêtements blancs qui tranchent avec la crasse environnante. Les deux autres sont torse nu, leurs membres sont couverts de crasse, leurs cheveux sont mouillés et aplatis. Les signes de leur travail sont éparpillés à proximité : un seau, une chaîne rouillée, quelques tiges grossières. Au bord du cadre, on distingue des semelles de chaussures qui s’éloignent sur un sol plus propre.

Cette photo fait partie d’une série de photographies extraordinaires que Sudharak Olwe a réalisées entre 1999 et 2000 sur les Safai Karamcharis de Mumbai, c’est-à-dire les travailleurs de l’assainissement. Leur travail consiste à ramasser les ordures et à balayer les rues de la ville, à nettoyer les égouts et les fosses septiques, à charger et décharger les camions à ordures et à trier les déchets dans les décharges. Nombre d’entre eux travaillent avec des outils primitifs et sans uniforme, comme le montrent les photos d’Olwe. Sur l’une d’elles, des travailleurs passent au crible des monticules de déchets à l’aide de balais et de râteaux rudimentaires. Sur une autre, deux travailleurs en gilet et short sont assis sur des déchets dans un camion à ordures. Sur une troisième, un ouvrier fixe l’appareil photo alors qu’il met un chien mort dans une poubelle.

L’image la plus accablante d’Olwe est peut-être un portrait. Le visage d’un Safai Karamchari est vu d’en haut ; son corps est invisible sous une mare noire d’eaux usées. Il a été envoyé pour déboucher une canalisation d’égout, ce qui est une pratique courante en Inde. La loi impose des équipements de protection pour cette tâche : masques à oxygène, combinaisons, gants, bottes. Mais ces équipements ne sont presque jamais fournis, comme l’ont montré d’innombrables enquêtes. Les Safai Karamcharis sont donc en contact avec les déchets humains, qui provoquent des maladies comme le choléra, la bronchite et la tuberculose, ainsi qu’avec les gaz nocifs qui s’accumulent dans le sous-sol. Il s’agit notamment du sulfure d’hydrogène, qui peut rendre aveugle, et du monoxyde de carbone, qui peut tuer.

Les personnes envoyées au secours des travailleurs asphyxiés courent le même danger. En mai, un Safai Karamchari de 45 ans, Nandakumar, est entré dans une fosse septique à Ramnagar, dans l’Uttar Pradesh, et a perdu connaissance ; son fils, puis deux autres membres de sa famille, se sont alors précipités pour l’aider. Aucun n’a survécu. En 2022, le ministre fédéral indien de la Justice sociale, Ramdas Athawale, a déclaré au Parlement qu’au cours des cinq années précédentes, 330 travailleurs du secteur de l’assainissement étaient morts dans des fosses septiques et des canalisations d’égout, ce qui est certainement sous-estimé. Le mouvement social Safai Karmachari Andolan (SKA) estime que près de deux mille personnes meurent chaque année sous terre. Les décès dans ces chambres à gaz sont rapportés quotidiennement dans les journaux, où ils sont qualifiés d’accidents.

Le fait que les Safai Karamcharis soient obligés de pénétrer dans les égouts est un héritage du système des castes. Considérée comme une tâche impure par les hindous, l’élimination des excréments humains a été confiée pendant des siècles aux sous-castes les plus basses, les Dalits, ou intouchables. Cette relation de travail persiste dans toute l’Asie du Sud : on estime que 98 % des Safai Karamcharis en Inde sont des Dalits, tout comme la majorité des travailleurs de l’assainissement au Bangladesh, au Népal et au Pakistan. Dans tout le sous-continent, ils travaillent dans des conditions dangereuses et sont victimes d’ostracisme social. En juin 2017, Irfan Masih, un Safai Karamchari chrétien de la province pakistanaise de Sindh, est décédé après que trois médecins eurent refusé de soigner son corps couvert de boue. Les vrais croyants restent propres pendant le ramadan.

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08/01/2022

ARJAE RED
Les employé·es de Starbucks à Buffalo manifestent pour des conditions plus sûres pendant la COVID

Arjae Red, Workers World, 7/1/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Buffalo, New York-Les employé·es de Starbucks du magasin d'Elmwood Avenue à Buffalo, dans l’État de New York, la première filiale de Starbucks aux USA à se syndiquer, ont quitté leur travail le 5 janvier pour protester contre les conditions de travail dangereuses et le manque de personnel.

Les travailleur·ses syndiqué·es de Starbucks à Elmwood Ave. à Buffalo manifestent. Photo : More Perfect Union.

La COVID-19 ravage les magasins Starbucks; et alors que de nombreux·ses travailleur·ses ont fait part de leurs préoccupations concernant les mesures de sécurité, la société les a systématiquement ignorées. Starbucks a ignoré les demandes de fourniture de masques N-95 et n'a parfois pas autorisé les travailleur·ses à appliquer les obligations de masques de l'État. Plusieurs magasins de Buffalo ont connu des épidémies provoquant l'infection de nombreux·ses travailleur·ses. Certain·es travailleur·ses, qui ont été exposé·es mais ne présentent pas de symptômes, ont préféré rester isolé·es jusqu'à ce qu'ils·elles puissent être testé·es, mais ils·elles se sont quand même senti·es obligé·es de travailler, car ils ·elles ne seraient pas payé·es pour s'isoler. Starbucks pourrait payer tou·tes les travailleur·ses exposé·es pour qu'ils·elles restent à la maison, comme il l'a fait en mars 2020. Mais alors que les directives des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) se sont assouplies, le propre protocole de Starbucks a suivi de la même manière. Plutôt que de respecter leurs principes énoncés et de fournir un environnement de travail sûr et de permettre à tou·tes les travailleur·ses qui ont été exposé·es, quel que soit leur statut vaccinal, de prendre des congés payés pour s'isoler, Starbucks continue de fonctionner au strict minimum comme l'exige la loi.

La politique de Starbucks, ainsi que les normes actuelles du CDC, obligent essentiellement les travailleur·ses à choisir entre la sécurité et payer  leur loyer.

Starbucks affirme que sa politique n'est pas unique et qu'elle ne fait que suivre les directives établies par le gouvernement. Cependant, si l'on se base sur les plus de 830 000 personnes qui sont mortes de la COVID-19 aux USA, les directives du CDC et les politiques des États en matière de COVID-19 étaient clairement insuffisantes, même avant qu'elles ne soient réduites. En revanche, la Chine compte moins de 5 000 morts pour une population de près d'un milliard et demi d'habitants.

Cela met en évidence la cause profonde du problème, à savoir que le capitalisme sauvage est incapable de gérer des crises comme une pandémie de manière aussi adéquate qu'une économie planifiée à prédominance socialiste.

Nous savons que d'énormes entreprises comme Starbucks participent à l'élaboration de la politique relative au COVID-19. Par exemple, Delta Airlines a demandé au CDC de réduire la période d'isolement de 10 à 5 jours, quelques jours seulement avant que le CDC n'annonce ce changement. Lorsque les entreprises sont autorisées à définir les normes de santé pour l'ensemble du pays, les profits passent toujours avant la sécurité et les travailleur·ses sont considérés comme bon·nes à jeter après usage.

 

31/12/2021

JOHN CATALINOTTO
La classe ouvrière des USA est-elle à la veille d'une nouvelle vague de syndicalisation ?

John Catalinotto, 31/12/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Les travailleur·ses de trois entrepôts d’Amazon ont lancé des campagnes pour former un syndicat dans cette entreprise gigantesque qui emploie plus d'un million de travailleur·ses rien qu'aux USA. Les travailleur·ses de deux cafés Starbucks à Buffalo, dans l'État de New York, ont obtenu une représentation syndicale lors d'un vote.

Des manifestations ont été organisées aux USA, en Europe de l'Ouest et au Bangladesh le 26 novembre - ce que l'on appelle le Black Friday - dans les entrepôts d'Amazon pour réclamer les droits des travailleurs et les droits syndicaux. Les actions se sont concentrées sur les travailleur·ses de la logistique aux USA et en Europe, et sur ceux·celles de la production textile au Bangladesh.

D'autres actions sont prévues pour le 12 janvier, jour de l'anniversaire du  patron centimilliardaire d'Amazon, Jeff Bezos, et pour l’anniversaire de Martin Luther King Jr., qui est un jour férié fédéral (https://supportamazonworkers.org/jan12/)

Manifestation à Times Square, le 22 décembre. Photo Workers World 

 Cela peut sembler être un petit début. Pourtant, cela a déjà fait naître l'espoir de millions de travailleur·ses et de milliers de militants syndicaux aux USA que quelque chose de grand est en cours. Cela a fait naître l'espoir chez les organisateurs de travailleur·ses d'inverser le déclin des effectifs syndicaux au cours des 68 dernières années.

Certaines voix, parmi les communistes et les syndicalistes, et parmi les observateurs des médias capitalistes, ont évoqué l'histoire de la montée en puissance du syndicat industriel CIO dans les années 1930 et se demandent si une nouvelle vague ne serait pas en train de se produire.

Le New York Times et le Boston Globe, par exemple, ont fait des gros titres sur la campagne de syndicalisation chez Starbucks et Amazon, évoquant les années 1930. Le Times rapporte normalement les nouvelles du travail dans la section « Business ». La plupart des articles portent sur des grèves perdues ou des divisions entre travailleur·ses de base et dirigeants syndicaux.