La
entrevista entre Chris Hedges y Whitney Webb explora la mutación silenciosa del
poder en la era digital: la fusión entre el Estado securitario y los gigantes
de Silicon Valley. Whitney
Webb traza la filiación directa entre el programa de vigilancia Total
Information Awareness, concebido por John Poindexter tras el 11 de
septiembre, y Palantir, la empresa fundada en 2003 por Peter Thiel con el apoyo
de la CIA. Este traslado del espionaje público al sector privado convirtió la
vigilancia en un mercado. El ciudadano deja de ser un sujeto de derecho para
transformarse en un flujo de datos. Bajo
el pretexto de la seguridad y la salud pública, Palantir y sus derivados han
generalizado la lógica del precrimen: predecir los comportamientos, identificar
los riesgos antes de que ocurran y administrar la sociedad como si fuera un
algoritmo.
El Estado profundo no desaparece: se reconfigura en torno a las tecnologías
predictivas, alimentadas por los gigantes digitales. En
torno a Thiel gravita la llamada PayPal Mafia – Musk, Altman, Vance, Luckey,
Sacks –, que transforma el capitalismo tecnológico en ideología política: un
Estado privatizado dirigido como una empresa.
La “gobernanza por IA” y la militarización de la tecnología (Palantir, Anduril,
SpaceX) consagran la fusión del poder militar, financiero y digital. A
esta arquitectura se suma la contribución israelí: la unidad 8200 y sus
empresas emergentes de ciberespionaje (Black Cube, NSO, Carbyne) prolongan el
modelo usamericano a escala global, donde los datos y los algoritmos circulan
entre Tel Aviv, Washington y Silicon Valley. Este
sistema no impone la tiranía por la fuerza, sino por la seducción del confort:
seguridad, eficiencia, personalización. La libertad se convierte en una opción
que se marca en una casilla, y la propaganda en una función nativa de las
plataformas. Para
Hedges y Webb, la resistencia no puede ser puramente tecnológica: es moral y
política. Rechazar la servidumbre digital, apoyar las redes libres y los medios
independientes es preservar la parte humana en un mundo donde el poder pretende
cuantificarlo todo — incluso la conciencia.
L’entretien entre Chris Hedges et
Whitney Webb explore la mutation silencieuse du pouvoir à l’ère numérique : la
fusion entre l’État sécuritaire et les géants de la Silicon Valley.
Whitney Webb retrace la filiation
directe entre le programme de surveillance Total Information Awareness de John
Poindexter, conçu après le 11 septembre, et Palantir, la société fondée en 2003
par Peter Thiel avec le soutien de la CIA. Ce transfert du renseignement public
vers le secteur privé a fait de la surveillance un marché. Le citoyen n’est
plus un sujet de droit, mais un flux de données.
Sous prétexte de sécurité et de santé publique, Palantir
et ses dérivés ont généralisé la logique du pré-crime : prédire les
comportements, identifier les risques avant qu’ils ne se produisent,
administrer la société comme un algorithme.
L’État profond ne disparaît pas : il
se reconfigure autour des technologies prédictives, alimentées par les géants
du numérique.
Autour de Thiel gravite la PayPal
Mafia – Musk, Altman, Vance, Luckey, Sacks – qui transforme le capitalisme
technologique en idéologie politique : un État privatisé dirigé comme une
entreprise. La “gouvernance par IA” et la militarisation des technologies
(Palantir, Anduril, SpaceX) consacrent la fusion du militaire, du financier et
du numérique.
À cette architecture s’ajoute la
contribution israélienne : l’unité 8200 et ses start-ups de cybersurveillance
(Black Cube, NSO, Carbyne) prolongent le modèle usaméricain à l’échelle
globale, où les données et les algorithmes circulent entre Tel-Aviv, Washington
et la Silicon Valley.
Ce système n’impose pas la tyrannie
par la force, mais par la séduction du confort : sécurité, efficacité,
personnalisation. La liberté devient un paramètre à cocher, la propagande une
fonction native des plateformes.
Pour Hedges et Webb, la résistance
ne peut être purement technologique : elle est morale et politique. Refuser la
servitude numérique, soutenir les réseaux libres et les médias indépendants,
c’est préserver la part d’humain dans un monde où le pouvoir cherche à tout
quantifier — y compris la conscience.
Chris
Hedges
Beaucoup de personnes, y compris certains libéraux, ont cru à tort que
l’administration Trump allait démanteler « l’État profond ». En réalité, comme
la journaliste d’investigation Whitney Webb l’a documenté, Trump est
étroitement lié aux figures les plus autoritaires de la Silicon Valley,
notamment Peter Thiel, qui imagine un monde où nos habitudes, nos penchants,
nos opinions et nos déplacements seraient méticuleusement enregistrés et
suivis. Ces alliés de Trump n’ont nullement l’intention de nous libérer de la
tyrannie des agences de renseignement, de la police militarisée, du plus vaste
système carcéral du monde, des entreprises prédatrices ou de la surveillance de
masse.
Ils
ne rétabliront pas l’État de droit pour demander des comptes aux puissants et aux
riches. Ils ne réduiront pas non plus les dépenses incontrôlées du Pentagone,
qui atteignent près de mille milliards de dollars. Ils purgent rapidement la
fonction publique, les forces de l’ordre et l’armée, non pour éradiquer l’État
profond, mais pour s’assurer que ceux qui dirigent la machine étatique soient
entièrement loyaux aux caprices et aux diktats de la Maison-Blanche de Trump.
Ce qui est visé, ce ne sont pas les réseaux clandestins, mais les lois,
règlements et protocoles – tout ce qui limite le contrôle dictatorial absolu.
Les compromis, la séparation des pouvoirs et la reddition de comptes sont voués
à disparaître.
Ceux
qui croient que le gouvernement doit servir le bien commun plutôt que les
diktats d’une poignée de milliardaires seront éliminés. L’État profond sera
reconstitué pour servir le culte du chef. Les lois et les droits inscrits dans
la Constitution deviendront sans objet. C’est un coup d’État lent, imposé par
étapes, appliqué brutalement par les forces de l’immigration et des douanes
(ICE) dans les rues de nos villes, soutenues par Palantir de Thiel et les
outils de surveillance numérique alimentés par l’intelligence artificielle.
Pour
en parler, je reçois Whitney Webb, journaliste d’investigation et autrice de One
Nation Under Blackmail [Une nation soumise au
chantage], que l’on peut suivre sur son site ouèbe Unlimited Hangout.
Whitney,
commençons par le début : John Poindexter et l’affaire Iran-Contra, que j’ai
couverte quand j’étais au Nicaragua, car c’est vraiment l’origine de ce dans
quoi on se trouve aujourd’hui.
Whitney Webb
Oui, c’est un excellent point de départ,
merci Chris. John Poindexter, comme vous le savez, fut conseiller à la sécurité
nationale sous Reagan et le plus haut responsable de son administration inculpé
dans le scandale Iran-Contra.
Mais il est aussi considéré comme le «
parrain de la surveillance moderne ». Juste après le 11 septembre, il a dirigé
un programme de la DARPA appelé Total Information Awareness – ou
Connaissance Totale de l’Information. Après Reagan, Poindexter avait travaillé
pour plusieurs entreprises technologiques, ancêtres de ce que deviendront
Palantir et TIA, comme Saffron Technology ou Cintech Technologies – des
sous-traitants du département de la Défense qui cherchaient à employer
l’analyse prédictive pour anticiper les actes terroristes, bien avant 2001.
Lorsque TIA fut révélée, l’ACLU [Union
américaine pour les libertés civiles] et d’autres organisations dénoncèrent une
menace directe contre le droit à la vie privée. La presse se moqua du programme
en disant qu’il « combattrait le terrorisme en terrorisant les citoyens ». En
mai 2003, face au tollé, on le rebaptisa Terrorism Information Awareness,
sans en changer la nature.
Ce même mois, Peter Thiel fonda Palantir.
Thiel et Alex Karp contactèrent Poindexter par l’intermédiaire de Richard Perle
afin de privatiser le programme : ils comprirent que dans le secteur privé, le
scandale s’éteindrait. Ce fut le cas.
Le financement de Palantir provenait de
Thiel lui-même et du fonds de la CIA, In-Q-Tel. L’un des responsables, Alan
Wade, avait travaillé avec Poindexter sur TIA. Pendant ses six premières
années, Palantir n’eut qu’un seul client : la CIA. Ses ingénieurs se rendaient
à Langley toutes les deux semaines. Alex Karp a reconnu que la CIA avait toujours
été le client visé.
Chris
Hedges
Expliquez ce que faisait ce programme et quel en était le
but.
Whitney Webb
L’objectif de Poindexter était immense :
recueillir toutes les données possibles – bancaires, de santé, de
communications – pour prédire les actions avant qu’elles ne se produisent.
L’un des volets les plus absurdes fut le
marché à terme du terrorisme : un système de paris où des investisseurs
misaient sur la probabilité d’attentats ou de coups d’État au Moyen-Orient.
Un autre volet concernait la santé, la biosurveillance,
ancêtre des systèmes que Palantir a ensuite mis en place pour le ministère de
la Santé (HHS) pendant le COVID, en analysant par exemple les eaux usées pour
prévoir les épidémies. Aujourd’hui, Palantir gère les données sanitaires du
HHS, des CDC (Centres pour le contrôle et la
prévention des maladies), et du NHS (Service national de santé) britannique
Chris Hedges
Et Palantir aujourd’hui ?
Whitney Webb
L’entreprise s’est imposée comme moteur d’intelligence artificielle pour
Wall Street et sous-traitant de toutes les agences américaines : DHS, ICE, NSA,
FBI. Sa technologie est utilisée pour la « police prédictive » – c’est-à-dire
la surveillance des quartiers pauvres et racisés sous prétexte de prévention.
Les systèmes comme PredPol se sont révélés d’une inexactitude extrême,
pires qu’un pile-ou-face.
Quand Palantir se retire, une autre
société liée à Thiel, Carbyne 911 – financée aussi par Jeffrey Epstein
et dirigée par Ehud Barak, ancien Premier ministre israélien – prend la relève
en gérant les systèmes d’urgence 911.
Ainsi, les ambitions de Poindexter se
sont réalisées, accélérées sous prétexte de pandémie et de sécurité.
Chris Hedges
En somme, tout cela aboutit à créer des profils pour chaque citoyen ?
Whitney Webb
Exactement. Et cela a été reconnu publiquement. L’administration Trump
utilisait Palantir pour bâtir des bases de données sur chaque USAméricain. Ce
n’est que la version officielle d’un ancien système clandestin appelé Main
Core, mis au point à l’époque d’Iran-Contra et qui continue d’exister.
L’idée était d’établir un registre
secret des personnes considérées comme « potentiellement subversives ». Ce que
Palantir fait aujourd’hui de manière légale, avec la puissance de calcul et les
moyens du secteur privé.
Sous Trump, après la fusillade d’El
Paso, le procureur général William Barr lança le programme DEEP – Disruption
and Early Engagement Program. Ce dispositif posait les bases juridiques du «
pré-crime », c’est-à-dire l’intervention avant que le crime ne soit commis.
Trump proposa aussi d’utiliser les réseaux sociaux pour détecter les signes
avant-coureurs de violence à l’aide d’algorithmes.
Ces projets ont ensuite été repris, sous
des noms différents, par l’administration suivante. Aujourd’hui, Palantir n’est
plus seulement un acteur de la sécurité ; elle gère aussi des données pour le
fisc, le Trésor et les infrastructures de santé publique.
Les racines de ce système remontent aux
années 1980, lorsque les protocoles de continuité du gouvernement prévoyaient
déjà de ficher les citoyens dissidents afin de pouvoir les localiser et les
arrêter en cas de crise politique. À l’époque, une « crise » pouvait signifier
de simples manifestations pacifiques contre la guerre.
Si cela existait déjà dans les années
Reagan, imaginez ce qu’il en est aujourd’hui après vingt-cinq ans de
perfectionnement technologique et la montée en puissance de la surveillance
numérique !
Chris Hedges
Parlons maintenant de ce que vous appelez la PayPal Mafia : Palmer
Luckey, J.D. Vance, Elon Musk, Sam Altman…
Whitney Webb
Ce groupe forme une véritable cabale. PayPal est né de la fusion de Confinity,
fondée par Thiel, et de X.com, fondée par Musk. Avant son lancement,
Thiel consulta déjà toutes les grandes agences USaméricaines à trois lettres [CIA,
DIA, NSA, FBI etc.]. PayPal a « monétisé » Internet et a lié, dès ses
débuts, la fintech [technologie financière] au pouvoir d’État.
Après sa vente à eBay, Thiel créa
Palantir en réutilisant l’algorithme antifraude de PayPal comme base.
Aujourd’hui, ses anciens associés dominent la politique et la technologie.
David Sacks, autre vétéran de PayPal, dirige la politique de l’IA à la Maison-Blanche
; J.D. Vance doit sa carrière politique à Thiel ; Musk et Altman sont des
alliés étroits.
Tous partagent une idéologie influencée
par Curtis Yarvin : privatiser entièrement l’État et remplacer le président par
un PDG-dictateur. Ce pseudo-libertarianisme est en réalité une apologie du
pouvoir autoritaire privatisé.
Palantir et Anduril – l’entreprise de
Palmer Luckey financée par Thiel – développent des armes autonomes et le mur
intelligent à la frontière mexicaine : drones, capteurs, automatisation
militaire. Ce n’est pas moins violent, simplement plus propre et plus
déshumanisé.
Chris Hedges
Expliquez ce « mur intelligent » et son lien avec SpaceX, les cryptomonnaies,
etc.
Whitney Webb
Le Smart Wall n’est pas un mur physique mais un réseau invisible de
drones et de capteurs capables de détecter toute traversée non autorisée. Le «
mur » s’étend au-delà de la frontière ; des millions d’USAméricains vivent
désormais dans ce qu’on appelle une « zone hors Constitution ».
SpaceX est
devenu un acteur militaire central ; Starlink alimente les communications de
l’armée ukrainienne et a été proposé pour infiltrer l’Iran.
Parallèlement, un projet nommé Department of Government Efficiency – ou DOGE –
vise à remplacer les fonctionnaires par des algorithmes d’IA détenus par la
Silicon Valley.
Presque tous les géants du numérique, d’Oracle à Amazon, ont été liés aux
services de renseignement dès leur origine.
Oracle,
par exemple, vient directement d’un contrat de la CIA.
Aujourd’hui, Larry Ellison et Elon Musk contrôlent une part considérable des
infrastructures médiatiques et techniques : Musk transforme Twitter (désormais
X) en application-monde intégrant paiements, cryptomonnaie et communication.
L’administration Trump a encouragé
l’usage des stablecoins, des monnaies numériques adossées au Trésor, afin de
financer indirectement la dette publique et les budgets militaires.
Chris Hedges
Et Oracle ?
Whitney Webb
Oracle reste la colonne vertébrale des bases de données gouvernementales. Safra
Catz, sa PDG, a joué un rôle clé auprès de Trump, notamment dans le limogeage
du conseiller à la sécurité nationale, le lieutenant-général H.R. McMaster.
Larry Ellison est devenu l’un des oligarques les plus puissants ; il rachète
CBS, Paramount, CNN, et influence directement la politique usaméricaine.
Chris Hedges
Parlez-nous du lien entre Israël, la Silicon Valley et les services de
renseignement.
Whitney Webb
Depuis les années 1990, Israël a bâti un écosystème entier de start-up issues
de l’unité 8200 — c’est l’équivalent israélien de la NSA. C’est l’un des
départements les plus sophistiqués du renseignement militaire au monde.
En 2012, le gouvernement israélien a officialisé une politique consistant à sous-traiter
au secteur privé certaines opérations de renseignement autrefois menées
directement par le Mossad ou le Shin Bet.
Cela signifiait qu’au lieu de recourir
uniquement à des espions d’État, Israël encourageait la création d’entreprises
dirigées par d’anciens officiers du renseignement, qui pouvaient ensuite
travailler à la fois pour l’État et pour des clients étrangers.
Des sociétés comme Black Cube (rendue célèbre par son travail pour Harvey
Weinstein) ou Carbyne 911 (soutenue par Peter Thiel et Jeffrey Epstein) sont
directement issues de ce modèle.
Un financier usaméricain, Paul Singer —
très proche du Likoud — a créé l’organisation Start-Up Nation Central, chargée
de relier ces entreprises israéliennes aux grandes firmes usaméricaines.
Le but déclaré était de contourner le mouvement BDS et de renforcer les liens
économiques entre Israël et la Silicon Valley.
Les géants usaméricains du numérique —
Google, Microsoft, Intel, Amazon — recrutent massivement d’anciens membres de
l’unité 8200. Certains de leurs départements de cybersécurité sont presque
entièrement composés d’anciens officiers israéliens.
Résultat : la frontière entre les systèmes de surveillance israéliens et usaméricains
s’est pratiquement effacée.
Les données, les algorithmes, les
infrastructures cloud sont partagés. Et cette coopération dépasse la sécurité :
elle touche la santé, la finance, la recherche scientifique.
L’effet politique est évident : la
Silicon Valley et le complexe militaro-sécuritaire israélien fonctionnent
désormais comme deux faces d’un même réseau.
Ils se protègent mutuellement, s’échangent leurs innovations et se financent
entre eux.
Chris Hedges
Vers quel monde allons-nous, selon vous ?
Whitney Webb
Nous allons vers un monde où la frontière entre le public et le privé s’efface
complètement. Ce qui se met en place, c’est la fusion du pouvoir patronal et du
pouvoir étatique — le fascisme technologique dans sa forme la plus pure.
Les multinationales dépasseront les
gouvernements en influence, mais elles se serviront de la structure
gouvernementale pour imposer leurs intérêts.
Les citoyens, eux, deviendront des sources de données et des sujets
d’expérimentation sociale.
Le dernier mémorandum présidentiel sur
le « terrorisme domestique » en est un exemple : il élargit tellement la
définition de l’extrémisme qu’il pourrait inclure toute personne critique du
capitalisme, du système militaire ou de la politique étrangère usaméricaine.
Et maintenant, grâce à la légalisation
de la propagande intérieure depuis l’administration Obama, le gouvernement peut
utiliser les médias et les réseaux sociaux pour diffuser des messages ciblés
aux citoyens.
Ce qui n’était autrefois que la propagande de guerre est devenu un outil de
gestion de l’opinion quotidienne.
Les oligarques des médias — Ellison,
Musk, Thiel — amplifient ce système.
Ils fournissent à la fois les plateformes technologiques, les flux
d’information, et les filtres algorithmiques.
C’est un cycle fermé : ceux qui contrôlent les réseaux contrôlent la perception
du réel.
Et cette perception peut être ajustée à
volonté : un clic, un algorithme, un bannissement. La désinformation devient
alors non pas un problème, mais une arme politique. Le plus effrayant, c’est
que tout cela est présenté comme un progrès.
L’idée qu’on sacrifie la liberté individuelle pour la sécurité collective a été
normalisée depuis le 11 septembre. Et aujourd’hui, la menace invoquée n’est
plus le terrorisme étranger, mais le terrorisme intérieur.
Le concept est si vague qu’il englobe
quiconque s’oppose au gouvernement, de gauche comme de droite. C’est une
doctrine de contrôle social total.
Mais tout n’est pas perdu. Il est encore
possible de bâtir des alternatives :
– créer des systèmes parallèles de communication et d’économie,
– quitter les plateformes de la Silicon Valley,
– soutenir les logiciels libres et les médias indépendants.
Il faut comprendre que la bataille n’est
pas seulement politique ou technologique : elle est spirituelle.
Accepter la servitude numérique, c’est abdiquer notre humanité. Refuser la
passivité, c’est déjà résister.
Chris Hedges
Merci, Whitney. Et merci à Diego, Victor, Sophia, Thomas et Max pour la
production.
Le refus de l’administration
Trump de divulguer les dossiers et les vidéos d’Epstein ne vise pas seulement à
protéger Trump, mais aussi la classe dirigeante. Ils appartiennent tous au même
club.
Le refus de l’administration
Trump de divulguer les dossiers et les vidéos accumulés au cours des enquêtes
sur les activités du pédocriminel Jeffrey Epstein devrait mettre fin à la
croyance absurde, embrassée par les partisans de Trump et les libéraux
crédules, selon laquelle Trump démantèlera l’État profond. Trump est et fait
depuis longtemps partie de la cabale
répugnante composée de politiciens – démocrates et républicains –, de
milliardaires et de célébrités qui nous considèrent, nous, et souvent des
filles et des garçons mineurs, comme des marchandises à exploiter pour leur
profit ou leur plaisir.
La liste des personnes qui
gravitaient autour d’Epstein est un véritable bottin mondain. Elle comprend non
seulement Trump, mais aussi Bill Clinton, qui
aurait fait un voyage en Thaïlande avec Epstein, le Prince Andrew, Bill Gates, le milliardaire
gestionnaire de fonds spéculatifs Glenn Dubin, l’ancien
gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson, l’ancien
secrétaire au Trésor et ancien président de l’université Harvard Larry Summers, le psychologue
cognitif et auteur Stephen Pinker, l’avocat Alan Dershowitz, le
milliardaire et PDG de Victoria’s Secret Leslie Wexner, l’ancien
banquier de Barclays Jes Staley, l’ancien
Premier ministre israélien Ehud Barak, le
magicien David Copperfield, l’acteur Kevin Spacey, l’ancien
directeur de la CIA Bill Burns, le magnat
de l’immobilier Mort Zuckerman, l’ancien
sénateur du Maine George Mitchell et
le producteur hollywoodien déchu Harvey Weinstein,
qui se délectaient des perpétuelles Bacchanales d’Epstein.
Parmi eux des cabinets d’avocats
et des avocats coûteux, des procureurs fédéraux et d’État, des enquêteurs
privés, des assistants personnels, des agents publicitaires, des domestiques et
des chauffeurs. On trouvait aussi de nombreux fournisseurs et proxénètes, dont
la petite amie d’Epstein et fille de Robert Maxwell,
Ghislaine Maxwell. Parmi eux les médias et les politiciens qui ont
impitoyablement discrédité et réduit au silence les victimes, et qui ont
utilisé la force contre quiconque, dont une poignée de journalistes intrépides,
cherchant à révéler les crimes d’Epstein et son cercle de complices.
Beaucoup de choses restent encore
dans l’ombre. Mais certaines choses sont connues. Epstein avait installé des
caméras cachées dans ses somptueuses résidences et sur son île privée des
Caraïbes, Little St. James, afin de filmer ses amis influents se livrant à des
orgies et à des abus sexuels sur des adolescentes et des adolescents mineurs.
Ces enregistrements constituaient une mine d’or pour le chantage. Faisaient-ils
partie d’une opération des services secrets israéliens, le Mossad? Ou bien étaient-ils utilisés pour
garantir à Epstein une source stable d’investisseurs qui lui versaient des
millions de dollars pour éviter d’être démasqués ? Ou bien étaient-ils utilisés
dans les deux cas ? Il faisait voyager des mineures entre New York et Palm
Beach dans son jet privé, le Lolita Express, qui
aurait été équipé d’un lit à orgies. Son cercle d’amis célèbres, dont Clinton et Trump, sont
enregistrés comme ayant voyagé à plusieurs reprises à bord de cet avion dans
les registres de vol publiés, bien que de nombreux autres registres aient
disparu.
Les vidéos d’Epstein sont
conservées dans les archives du FBI, ainsi que des preuves détaillées qui
lèveraient le voile sur les penchants sexuels et la cruauté des puissants. Je
doute qu’il existe une liste de clients, comme l’affirme la procureure générale
Pam Bondi. Il n’existe pas non plus de dossier unique sur Epstein. Les
documents d’enquête accumulés sur Epstein remplissent de nombreuses boîtes qui
encombreraient le bureau de Bondi et, s’ils étaient rassemblés dans une seule
pièce, occuperaient probablement la majeure partie de son bureau.
Epstein s’est-il suicidé, comme l’affirme
le rapport d’autopsie officiel, en se pendant dans sa cellule le 10 août 2019
au Metropolitan Correctional Center de New York ? Ou a-t-il été assassiné ? Les
caméras qui enregistraient l’activité dans sa cellule cette nuit-là ne
fonctionnaient pas, nous ne le savons donc pas. Michael Baden, médecin légiste
engagé par le frère d’Epstein, qui a été médecin légiste en chef de la ville de
New York et qui était présent lors de l’autopsie, a déclaré qu’il pensait que l’autopsie
d’Epstein suggérait un homicide.
L’affaire Epstein est importante
car elle fait voler en éclats le mythe des divisions profondes entre les
démocrates, qui n’avaient pas plus intérêt que Trump à divulguer les dossiers
Epstein, et les républicains. Ils appartiennent tous au même club. Elle révèle
comment les tribunaux et les forces de l’ordre s’entendent pour protéger les
personnalités puissantes qui se livrent à des crimes. Elle met à nu la
dépravation de notre classe dirigeante exhibitionniste, qui n’a de comptes à
rendre à personne et qui est libre de violer, piller, saccager et exploiter les
faibles et les vulnérables. C’est le bilan sordide de nos maîtres
oligarchiques, ceux qui sont incapables de ressentir la honte ou la
culpabilité, qu’ils se déguisent en Donald Trump ou en Joe Biden.
Cette classe de parasites au
pouvoir a été parodiée dans le roman satirique du premier siècle, le Satyricon
par Gaius Petronius Arbiter,
écrit sous les règnes de Caligula, Claude et Néron. Comme dans le Satyricon,
le cercle d’Epstein était dominé par des pseudo-intellectuels, des bouffons
prétentieux, des escrocs, des petits délinquants, des riches insatiables et des
dépravés sexuels. Epstein et son cercle restreint se livraient régulièrement à
des perversions sexuelles dignes de Pétrone, comme le documente Julie Brown,
journaliste d’investigation au Miami Herald, dont les reportages
acharnés ont largement contribué à la réouverture de l’enquête fédérale sur
Epstein et Maxwell, dans son livre “Perversion of Justice : The
Jeffrey Epstein Story”.
Comme l’écrit Brown, en 2016, une
femme anonyme, utilisant le pseudonyme “Kate Johnson”, a déposé une plainte
civile devant un tribunal fédéral de Californie, affirmant avoir été violée par
Trump et Epstein lorsqu’elle avait treize ans, pendant quatre mois, de juin à
septembre 1994.
« J’ai supplié Trump à grands
cris d’arrêter », a-t-elle déclaré dans le procès concernant son viol. « Trump
a répondu à mes supplications en me frappant violemment au visage avec sa main
ouverte et en criant qu’il pouvait faire tout ce qu’il voulait. »
Brown poursuit :
Johnson a déclaré qu’Epstein l’avait
invitée à une série de « soirées sexuelles avec des mineurs » dans son manoir
de New York, où elle a rencontré Trump. Séduite par des promesses d’argent et
des opportunités de devenir mannequin, Johnson a déclaré avoir été contrainte d’avoir
des relations sexuelles avec Trump à plusieurs reprises, dont une fois avec une
autre fille de douze ans, qu’elle a surnommée « Marie Doe ».
Trump a exigé une fellation,
selon la plainte, puis « a repoussé les deux mineures tout en les réprimandant
violemment pour la « mauvaise » qualité de leurs performances sexuelles »,
selon la plainte déposée le 26 avril devant la cour fédérale de Californie
centrale.
Par la suite, lorsqu’Epstein a
appris que Trump avait dépucelé Johnson, il aurait « tenté de la frapper à la
tête avec ses poings fermés », furieux de ne pas avoir été celui qui lui avait
pris sa virginité. Johnson a affirmé que les deux hommes avaient menacé de s’en
prendre à elle et à sa famille si elle révélait ce qui s’était passé.
La plainte indique que Trump n’a
pas participé aux orgies d’Epstein, mais qu’il aimait regarder, souvent pendant
que « Kate Johnson », âgée de treize ans, lui faisait une fellation.
Il semble que Trump ait réussi à
faire annuler le procès en achetant son silence. Elle a depuis disparu.
En 2008, Alex Acosta, qui était
alors procureur fédéral pour le district sud de Floride, a négocié un accord de plaidoirie pour
Epstein. L’accord accordait l’immunité contre toutes les accusations
criminelles fédérales à Epstein, à quatre complices nommés et à tout « complice
potentiel » non identifié. L’accord a mis fin à l’enquête du FBI visant à
déterminer s’il y avait d’autres victimes et d’autres personnalités influentes
impliquées dans les crimes sexuels d’Epstein. Il a suspendu l’enquête et scellé
l’acte d’accusation. Trump, dans ce que beaucoup considèrent comme un geste de
gratitude, a nommé Acosta secrétaire au Travail lors de son premier mandat.
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Trump a envisagé de gracier
Ghislaine Maxwell après son arrestation en juillet 2020, craignant qu’elle ne
révèle des détails sur son amitié de plusieurs décennies avec Epstein, selon le
biographe de Trump, Michael Wolff. En juillet 2022, Maxwell a été condamnée à
20 ans de prison.
« La relation la plus étroite de
Jeffrey Epstein dans sa vie était celle qu’il entretenait avec Donald Trump...
Ces deux hommes étaient inséparables depuis une bonne quinzaine d’années. Ils
faisaient tout ensemble », a dit Wolff à
Joanna Coles, animatrice du podcast The Daily Beast. « Et cela va du
partage, de la conquête des femmes, de la chasse aux femmes, du partage d’au
moins une petite amie pendant au moins un an dans ce genre de relation entre
riches, avec les avions les uns des autres, jusqu’à Epstein conseillant Trump
sur la manière de frauder le fisc. »
Les anomalies juridiques,
notamment la disparition d’une grande quantité de preuves incriminant Epstein,
ont permis à ce dernier d’échapper à des accusations fédérales de trafic sexuel
en 2007, lorsque ses avocats ont négocié un accord secret avec Acosta. Il a pu
plaider coupable dans des accusations moins graves au niveau de l’État, à
savoir sollicitation d’une mineure à des fins de prostitution.
Les hommes éminents accusés d’avoir
participé au carnaval pédocriminel d’Epstein, y compris l’avocat d’Epstein,
Dershowitz, ont violemment menacé quiconque
chercherait à les exposer.
Dershowitz, par exemple, affirme qu’une enquête qu’il a refusé de rendre
publique, menée par l’ancien directeur du FBI Louis Freeh, prouve qu’il n’a
jamais eu de relations sexuelles avec Virginia Giuffre, une victime d’Epstein
qui a été livrée au prince Andrew alors qu’elle était âgée de 17 ans. Giuffre,
l’une des rares victimes à avoir publiquement dénoncé ses agresseurs, a déclaré
avoir été « passée de main en main comme un plateau de fruits » parmi les amis
d’Epstein et de Maxwell, jusqu’à ce qu’elle parvienne à s’échapper à l’âge de
19 ans. Elle “s’est suicidée” en
avril 2025. Dershowitz a envoyé plusieurs menaces à Brown et à ses rédacteurs
en chef du Miami Herald.
Brown poursuit :
[Dershowitz] n’a cessé de faire
référence à des informations contenues dans des documents scellés. Il a accusé
le journal de ne pas rapporter les « faits » qui, selon lui, figuraient dans
ces documents scellés. La vérité, ai-je tenté d’expliquer, c’est que les
journaux ne peuvent pas écrire sur des choses simplement parce qu’Alan
Dershowitz affirme qu’elles existent. Nous devons les voir. Nous devons les
vérifier. Puis, parce que j’ai dit « montrez-moi les documents », il m’a
publiquement accusée d’avoir commis un acte criminel en lui demandant de
produire des documents qui étaient sous scellés judiciaires.
C’est ainsi que fonctionne
Dershowitz.
Ce qui me dérange le plus chez ce
bonhomme, c’est la façon dont les médias, à quelques exceptions près, ne le
remettent pas en question de manière critique. Les journalistes ont vérifié les
faits rapportés par Donald Trump et d’autres membres de son administration
presque tous les jours, mais dans l’ensemble, les médias semblent laisser
Dershowitz s’en tirer à bon compte dans l’affaire Epstein.
En 2015, lorsque les accusations
de Giuffre ont été rendues publiques pour la première fois, Dershowitz est
apparu dans toutes les émissions de télévision imaginables, jurant, entre
autres, que les registres de vol d’Epstein le disculperaient. « Comment le
savez-vous ? » lui a-t-on demandé.
Il a répondu qu’il n’avait jamais
été dans l’avion d’Epstein pendant la période où Virginia était impliquée avec
Epstein.
Mais si les médias avaient
vérifié, ils auraient pu apprendre que, selon les registres, il était bien
passager à bord de l’avion pendant cette période.
Il a ensuite déclaré sous serment
qu’il n’avait jamais pris l’avion sans sa femme. Mais il figurait sur les
listes d’embarquement comme ayant voyagé à plusieurs reprises sans sa femme.
Lors d’au moins un voyage, il se trouvait dans l’avion avec une mannequin
nommée Tatiana.
Epstein a fait don d’argent à
Harvard et a été nommé chercheur invité au département de psychologie de
Harvard, bien qu’il n’ait aucune qualification universitaire dans ce domaine.
Il s’est vu remettre une carte magnétique et un code d’accès, ainsi qu’un
bureau dans le bâtiment qui abrite le programme de dynamique évolutive de
Harvard. Dans ses communiqués de presse, il se présentait comme « Jeffrey
Epstein, philanthrope scientifique », « Jeffrey Epstein, militant pour l’éducation
», « Jeffrey Epstein, évolutionniste », « Jeffrey Epstein, mécène des sciences
» et « Jeffrey Epstein, gestionnaire de fonds spéculatifs non-conformiste ».
Epstein, reproduisant les
prétentions et la vacuité des personnages parodiés dans le chapitre “Le dîner chez Trimalcion”
du Satyricon, organisait des dîners somptueux pour ses amis
milliardaires, parmi lesquels Elon Musk, Salar Kamangar et Jeff Bezos. Il imaginait
des stratagèmes sociaux étranges, notamment un plan pour
ensemencer l’espèce humaine avec son propre ADN en créant un bébé composite
dans son immense ranch au Nouveau-Mexique.
« Epstein était également obsédé
par la cryogénisation, une philosophie transhumaniste dont les adeptes croient
que les êtres humains peuvent être reproduits ou ramenés à la vie après avoir
été congelés », écrit Brown. « Epstein aurait déclaré à certains membres de son
cercle scientifique qu’il souhaitait inséminer des femmes avec son sperme afin
qu’elles donnent naissance à ses enfants, et qu’il voulait que sa tête et son
pénis soient congelés”.
L’affaire Epstein est révélatrice
de la faillite morale, de l’hédonisme et de la cupidité de la classe
dirigeante. Cela transcende les clivages politiques. C’est le dénominateur
commun entre les politiciens démocrates, tels que Bill Clinton, les
philanthropes, tels que Bill Gates, la classe des milliardaires et Trump. Ils
forment une seule et même classe de prédateurs et d’escrocs. Ce ne sont pas
seulement les filles et les femmes qu’ils exploitent, mais nous tous.
Le dernier rapport des Nations Unies cite des
centaines d'entreprises, de banques, de sociétés technologiques, d'universités,
de fonds de pension et d'organisations caritatives qui tirent profit de
l'occupation israélienne et du génocide.
La guerre est un business. Tout comme le génocide.
Le récent rapport présenté par Francesca Albanese, Rapporteure spéciale sur les
territoires palestiniens occupés, répertorie 48 entreprises et institutions,
dont Palantir Technologies Inc., Lockheed Martin, Alphabet Inc., Amazon,
International Business Machine Corporation (IBM), Caterpillar Inc., Microsoft
Corporation et le Massachusetts Institute of Technology (MIT), ainsi que des
banques et des sociétés financières telles que Blackrock, des assureurs, des
sociétés immobilières et des organisations caritatives, qui, en violation du
droit international, tirent des milliards de dollars de l'occupation et du
génocide des Palestiniens.
Le rapport, qui comprend une base de données de
plus de 1 000 entités commerciales collaborant avec Israël, exige que ces
entreprises et institutions rompent leurs liens avec Israël ou soient tenues
responsables de complicité dans des crimes de guerre. Il décrit « l'occupation
éternelle » d'Israël comme « le terrain d'essai idéal pour les fabricants
d'armes et les géants de la technologie, offrant une offre et une demande
importantes, peu de contrôle et aucune reddition de comptes, tandis que les
investisseurs et les institutions privées et publiques en tirent librement
profit ».
Les procès des industriels comme IG Farben après
l'Holocauste et la Commission vérité et réconciliation sud-africaine ont établi
le cadre juridique permettant de reconnaître la responsabilité pénale des
institutions et des entreprises qui participent à des crimes internationaux. Ce
nouveau rapport indique clairement que les décisions rendues par la Cour
internationale de justice imposent aux entités « de ne pas s'engager et/ou de
se retirer totalement et inconditionnellement de toute transaction associée, et
de veiller à ce que tout engagement avec les Palestiniens permette leur
autodétermination ».
« Le génocide à Gaza n'a pas cessé parce qu'il est
lucratif, il est profitable pour beaucoup trop de gens », m'a dit Mme Albanese.
« C'est un business. Il existe des entités commerciales, y compris dans des
États favorables à la Palestine, qui depuis des décennies font des affaires et
tirent profit de l'économie de l'occupation. Israël a toujours exploité les
terres, les ressources et la vie des Palestiniens. Les profits ont continué et
ont même augmenté à mesure que l'économie de l'occupation s'est transformée en
une économie de génocide. »
En outre, a-t-elle ajouté, les Palestiniens ont
fourni « des terrains d'entraînement illimités pour tester les technologies, les
armes, les techniques de surveillance qui sont désormais utilisées contre les
populations partout dans le monde, du Sud au Nord ».
Le rapport
fustige les entreprises qui « fournissent à Israël les armes et les machines
nécessaires pour détruire les maisons, les écoles, les hôpitaux, les lieux de
loisirs et de culte, les moyens de subsistance et les actifs productifs, tels
que les oliveraies et les vergers ».
Le territoire palestinien, note le rapport, est un
« marché captif » en raison des restrictions imposées par Israël sur le
commerce et les investissements, la plantation d'arbres, la pêche et l'eau pour
les colonies. Les entreprises ont tiré profit de ce « marché captif » en «
exploitant la main-d'œuvre et les ressources palestiniennes, en dégradant et en
détournant les ressources naturelles, en construisant et en alimentant les
colonies, et en vendant et commercialisant les biens et services dérivés en Israël,
dans les territoires palestiniens occupés et dans le monde entier ».
« Israël tire profit de cette exploitation, tandis
que cela coûte à l'économie palestinienne au moins 35 % de son PIB », note le
rapport.
Les banques, les sociétés de gestion d'actifs, les
fonds de pension et les assureurs ont « canalisé des financements vers
l'occupation illégale », accuse le rapport. En outre, « les universités —
centres de croissance et de pouvoir intellectuels — ont soutenu l'idéologie
politique qui sous-tend la colonisation des terres palestiniennes, développé
des armes et ignoré, voire approuvé, la violence systémique, tandis que les
collaborations mondiales en matière de recherche ont masqué l'effacement des
Palestiniens derrière un voile de neutralité académique ».
Les technologies de surveillance et
d'incarcération « sont devenues des outils permettant de cibler sans
discernement la population palestinienne », note le rapport. « Les engins
lourds précédemment utilisés pour démolir des maisons, détruire des infrastructures
et saisir des ressources en Cisjordanie ont été réutilisés pour raser le
paysage urbain de Gaza, empêchant les populations déplacées de revenir et de se
reconstituer en tant que communauté ».
L'assaut militaire contre les Palestiniens a
également « fourni un terrain d'essai pour des capacités militaires de pointe :
plates-formes de défense aérienne, drones, outils de ciblage alimentés par
l'intelligence artificielle et même le programme F-35 mené par les USA. Ces
technologies sont ensuite commercialisées comme « éprouvées au combat ».
Depuis 2020, Israël est le huitième exportateur
d'armes au monde. Ses deux plus grandes entreprises d'armement sont Elbit
Systems Ltd et la société publique Israel Aerospace Industries Ltd (IAI). Il a
conclu une série de partenariats internationaux avec des entreprises d'armement
étrangères , notamment « pour l'avion de combat F-35, dirigé par la
société usaméricaine Lockheed Martin ».
« Des composants et des pièces fabriqués dans le
monde entier contribuent à la flotte israélienne de F-35, qu'Israël
personnalise et entretient en partenariat avec Lockheed Martin et des
entreprises nationales », indique le rapport. Depuis octobre 2023, les avions
F-35 et F-16 ont « joué un rôle essentiel dans l'équipement d'Israël avec une
puissance aérienne sans précédent, lui permettant de larguer environ 85 000
tonnes de bombes, dont la plupart non guidées, tuant et blessant plus de 179
411 Palestiniens et détruisant Gaza ».
« Les drones, hexacoptères et quadricoptères ont
également été des machines à tuer omniprésentes dans le ciel de Gaza », indique
le rapport. « Les drones, largement développés et fournis par Elbit Systems et
Israel Aerospace Industries, volent depuis longtemps aux côtés des avions de
combat, surveillant les Palestiniens et fournissant des renseignements sur les
cibles. Au cours des deux dernières décennies, grâce au soutien de ces
entreprises et à la collaboration d'institutions telles que le Massachusetts Institute
of Technology, les drones utilisés par Israël ont été équipés de systèmes
d'armes automatisés et ont acquis la capacité de voler en formation en essaim.
»
Les entreprises japonaises FANUC vendent des
produits d'automatisation et « fournissent des machines robotiques pour les
chaînes de production d'armes, notamment à IAI, Elbit Systems et Lockheed
Martin ».
« Des compagnies maritimes telles que la danoise
A.P. Møller— Maersk A/S transportent des composants, des pièces, des armes et
des matières premières, assurant un flux constant d'équipements militaires
fournis par les USA après octobre 2023. »
Les dépenses militaires israéliennes ont augmenté
de 65 % entre 2023 et 2024, pour atteindre 46,5 milliards de dollars, l'un des
montants les plus élevés par habitant au monde. Cela a entraîné une forte
augmentation de leurs bénéfices annuels, tandis que les entreprises d'armement
étrangères, en particulier les fabricants de munitions et d'artillerie, en ont
également profité.
Dans le même temps, les entreprises technologiques
ont tiré profit du génocide en « fournissant des infrastructures à double usage
pour intégrer la collecte et la surveillance de données de masse, tout en
profitant du terrain d'essai unique pour les technologies militaires qu'offrent
les territoires palestiniens occupés ». Elles améliorent « les services
carcéraux et de surveillance, depuis les réseaux de télévision en circuit fermé
(CCTV), la surveillance biométrique, les réseaux de points de contrôle à la
pointe de la technologie, les « murs intelligents » et la surveillance par
drone, jusqu'au cloud computing, à l'intelligence artificielle et à l'analyse
de données qui soutiennent le personnel militaire sur le terrain ».
« Les entreprises technologiques israéliennes se
développent souvent à partir d'infrastructures et de stratégies militaires »,
indique le rapport, « comme l'a fait le groupe NSO, fondé par d'anciens membres
de l'unité 8200. Son logiciel espion Pegasus, conçu pour la surveillance
secrète des smartphones, a été utilisé contre des militants palestiniens et
commercialisé dans le monde entier pour cibler des dirigeants, des journalistes
et des défenseurs des droits humains. Exportée en vertu de la loi sur le contrôle
des exportations de défense, la technologie de surveillance du groupe NSO
permet une « diplomatie des logiciels espions » tout en renforçant l'impunité
de l'État. »
IBM, dont la technologie a facilité la production
et le traitement par l'Allemagne nazie de cartes perforées pour les données du
recensement national, la logistique militaire, les statistiques des ghettos, la
gestion du trafic ferroviaire et la capacité des camps de concentration, est
une fois de plus partenaire du génocide actuel.
Elle est présente en Israël depuis 1972. Elle
dispense des formations aux agences militaires et de renseignement
israéliennes, en particulier à l'unité 8200, qui est chargée des opérations
clandestines, de la collecte de renseignements sur les signaux et du décryptage
de codes, ainsi que du contre-espionnage, de la cyberguerre, du renseignement
militaire et de la surveillance.
« Depuis 2019, IBM Israël exploite et met à niveau
la base de données centrale de l'Autorité de la population et de l'immigration,
permettant la collecte, le stockage et l'utilisation par le gouvernement des
données biométriques sur les Palestiniens, et soutenant le régime
discriminatoire des permis d'Israël », note le rapport.
Microsoft, présent en Israël depuis 1989, est «
intégré dans les services pénitentiaires, la police, les universités et les
écoles, y compris dans les colonies. Microsoft intègre ses systèmes et ses
technologies civiles dans l'armée israélienne depuis 2003, tout en acquérant
des start-ups israéliennes spécialisées dans la cybersécurité et la
surveillance ».
« À mesure que l'apartheid israélien, l'armée et
les systèmes de contrôle de la population génèrent des volumes de données de
plus en plus importants, le recours au stockage et au calcul dans le cloud
s'est accru », indique le rapport. « En 2021, Israël a attribué à Alphabet Inc.
(Google) et Amazon.com, Inc. un contrat de 1,2 milliard de dollars (projet
Nimbus), financé en grande partie par le ministère de la Défense, pour fournir
une infrastructure technologique de base. »
Microsoft, Alphabet Inc. et Amazon « accordent à
Israël un accès pratiquement illimité à leurs technologies de cloud et
d'intelligence artificielle, améliorant ainsi les capacités de traitement des
données, de prise de décision, de surveillance et d'analyse. »
L'armée israélienne, souligne le rapport, « a
développé des systèmes d'intelligence artificielle tels que « Lavender », «
Gospel » et « Where's Daddy ? » pour traiter les données et générer des listes
de cibles, redéfinissant ainsi la guerre moderne et illustrant la double nature
de l'intelligence artificielle ». Selon le rapport, il existe des « motifs
raisonnables » de croire que Palantir Technology Inc., qui entretient des
relations de longue date avec Israël, « a fourni une technologie de police
prédictive automatique, une infrastructure de défense essentielle pour la
construction et le déploiement rapides et à grande échelle de logiciels
militaires, ainsi que sa plateforme d'intelligence artificielle, qui permet
l'intégration en temps réel des données du champ de bataille pour une prise de
décision automatisée ».
En avril 2025, le PDG de Palantir a répondu aux
accusations selon lesquelles Palantir tue des Palestiniens à Gaza en déclarant
: « Il s'agit principalement de terroristes, c'est vrai ».
« Les technologies civiles ont longtemps servi
d'outils à double usage pour l'occupation coloniale », indique le rapport. «
Les opérations militaires israéliennes s'appuient fortement sur les équipements
des principaux fabricants mondiaux pour « déraciner » les Palestiniens de leurs
terres, démolir leurs maisons, leurs bâtiments publics, leurs terres agricoles,
leurs routes et autres infrastructures vitales. Depuis octobre 2023, ces
machines ont joué un rôle essentiel dans la destruction de 70 % des structures
et de 81 % des terres agricoles à Gaza. »
Depuis des décennies, Caterpillar Inc. fournit à
l'armée israélienne des équipements utilisés pour démolir des maisons, des
mosquées et des hôpitaux palestiniens, ainsi que pour « enterrer vivants des
Palestiniens blessés », et a tué des militants, tels que Rachel Corrie.
« Israël a transformé le bulldozer D9 de
Caterpillar en une arme automatisée et télécommandée, utilisée par l'armée
israélienne dans presque toutes les opérations militaires depuis 2000 pour
dégager les lignes d'incursion, « neutraliser » le territoire et tuer des
Palestiniens », indique le rapport. Cette année, Caterpillar « a obtenu un
nouveau contrat de plusieurs millions de dollars avec Israël ».
« La société coréenne HD Hyundai et sa filiale
partielle Doosan, ainsi que le groupe suédois Volvo et d'autres grands
fabricants de machines lourdes, sont depuis longtemps liés à la destruction de
biens palestiniens, chacun fournissant des équipements par l'intermédiaire de
concessionnaires israéliens sous licence exclusive », indique le rapport.
« Tout en contribuant à la destruction de la vie
palestinienne dans les territoires palestiniens occupés, les entreprises ont
également aidé à construire ce qui la remplace : des colonies et leurs
infrastructures, l'extraction et le commerce de matériaux, d'énergie et de
produits agricoles, et l'accueil de visiteurs dans les colonies comme s'il
s'agissait d'une destination de vacances ordinaire. »
« Plus de 371 colonies et avant-postes illégaux
ont été construits, alimentés en énergie et commercialisés par des entreprises
facilitant le remplacement par Israël de la population indigène dans les
territoires palestiniens occupés », conclut le rapport.
Ces projets de construction ont utilisé des
excavatrices et des équipements lourds Caterpillar, HD Hyundai et Volvo. Hanson
Israel, une filiale de la société allemande Heidelberg Materials AG, « a
contribué au pillage de millions de tonnes de roche dolomitique dans la
carrière de Nahal Raba, sur des terres saisies à des villages palestiniens en
Cisjordanie ». La dolomite extraite est utilisée pour construire des colonies
juives en Cisjordanie.
Les entreprises étrangères ont également «
contribué au développement des routes et des infrastructures de transport
public indispensables à la création et à l'expansion des colonies, et à leur
connexion avec Israël, tout en excluant et en ségréguant les Palestiniens ».
Des sociétés immobilières mondiales vendent des
propriétés dans les colonies à des acheteurs israéliens et internationaux.
Parmi ces sociétés immobilières figure Keller Williams Realty LLC, qui «
possède des succursales dans les colonies » par l'intermédiaire de sa franchise
israélienne KW Israel. L'année dernière, par l'intermédiaire d'une autre
franchise appelée Home in Israel, Keller Williams « a organisé une tournée de
présentation immobilière au Canada et aux USA, parrainée conjointement par
plusieurs sociétés qui développent et commercialisent des milliers
d'appartements dans les colonies ».
Des plateformes de location, notamment Booking.com
et Airbnb, proposent des biens immobiliers et des chambres d'hôtel dans des
colonies juives illégales en Cisjordanie.
La société chinoise Bright Dairy & Food est
l'actionnaire majoritaire de Tnuva, le plus grand conglomérat alimentaire
israélien, qui utilise des terres saisies aux Palestiniens en Cisjordanie.
Dans le secteur de l'énergie, « Chevron
Corporation, en consortium avec l'israélien NewMedEnergy (une filiale du groupe
Delek répertorié dans la base de données du HCDH), extrait du gaz naturel des
gisements de Leviathan et Tamar ; elle a versé 453 millions de dollars de
redevances et de taxes au gouvernement israélien en 2023. Le consortium Chevron
fournit plus de 70 % de la consommation énergétique israélienne. Chevron tire
également profit de sa participation dans le gazoduc East Mediterranean Gas,
qui traverse le territoire maritime palestinien, et des ventes de gaz à
l'Égypte et à la Jordanie. »
BP et Chevron sont également « les principaux
contributeurs aux importations israéliennes de pétrole brut, en tant que
propriétaires majeurs respectivement du pipeline stratégique Azeri Bakou-Tbilisi-Ceyhan
et du Kazakh Caspian Pipeline Consortium, ainsi que des champs pétrolifères
associés. Chaque conglomérat a effectivement fourni 8 % du pétrole brut
israélien entre octobre 2023 et juillet 2024, complété par des livraisons de
pétrole brut provenant des champs pétroliers brésiliens, dans lesquels
Petrobras détient les participations les plus importantes, et de carburant pour
avions militaires. Le pétrole de ces sociétés alimente deux raffineries
israéliennes.
« En fournissant à Israël du charbon, du gaz, du
pétrole et du carburant, les entreprises contribuent aux infrastructures
civiles qu'Israël utilise pour consolider son annexion permanente et qui
servent désormais à détruire la vie des Palestiniens à Gaza », indique le
rapport. « Les mêmes infrastructures auxquelles ces entreprises fournissent des
ressources ont servi l'armée israélienne et sa destruction technologique et
énergivore de Gaza. »
Les banques et les sociétés financières
internationales ont également soutenu le génocide en achetant des bons du
Trésor israéliens.
« En tant que principale source de financement du
budget de l'État israélien, les bons du Trésor ont joué un rôle essentiel dans
le financement de l'offensive en cours contre Gaza », indique le rapport. « De
2022 à 2024, le budget militaire israélien est passé de 4,2 % à 8,3 % du PIB,
entraînant un déficit budgétaire public de 6,8 %. Israël a financé ce budget en
forte expansion en augmentant ses émissions d'obligations, notamment 8
milliards de dollars en mars 2024 et 5 milliards de dollars en février 2025,
parallèlement à des émissions sur son marché intérieur du nouveau shekel. »
Le rapport note que certaines des plus grandes
banques mondiales, notamment BNP Paribas et Barclays, « sont intervenues pour
renforcer la confiance du marché en souscrivant ces obligations d'État
internationales et nationales, permettant ainsi à Israël de contenir la prime
de taux d'intérêt, malgré une dégradation de sa note de crédit. Des sociétés de
gestion d'actifs, notamment Blackrock (68 millions de dollars), Vanguard (546
millions de dollars) et PIMCO, la filiale usaméricaine de gestion d'actifs de l'assureur
allemand Allianz (960 millions de dollars), figuraient parmi les quelque 400
investisseurs de 36 pays qui les ont achetées.
Les organisations caritatives confessionnelles
sont « également devenues des facilitateurs financiers clés de projets
illégaux, notamment dans les territoires palestiniens occupés, bénéficiant
souvent de déductions fiscales à l'étranger malgré des cadres réglementaires
stricts en matière de charité », indique le rapport.
« Le Fonds national juif (KKL-JNF) et ses plus de
20 filiales financent l'expansion des colonies et des projets liés à l'armée »,
indique le rapport. « Depuis octobre 2023, des plateformes telles qu’ Israel
Gives ont permis un financement participatif déductible des impôts dans 32 pays
pour les unités militaires et les colons israéliens. Les organisations
Christian Friends of Israeli Communities, basée aux USA, Dutch Christians for
Israel et leurs filiales mondiales ont envoyé plus de 12,25 millions de dollars
en 2023 à divers projets qui soutiennent les colonies, y compris certains qui
forment des colons extrémistes. »
Le rapport critique les universités qui
s'associent à des universités et institutions israéliennes. Il note que les
laboratoires du MIT « mènent des recherches sur les armes et la surveillance
financées par le ministère israélien de la Défense ». Ces projets comprennent «
le contrôle des essaims de drones — une caractéristique distincte de l'assaut
israélien sur Gaza depuis octobre 2023 — les algorithmes de poursuite et la
surveillance sous-marine ».
Le génocide nécessite un vaste réseau et des milliards de
dollars pour se maintenir. Israël ne pourrait pas mener à bien son massacre
massif des Palestiniens sans cet écosystème. Ces entités, qui tirent profit de
la violence industrielle contre les Palestiniens et des déplacements massifs,
sont aussi coupables de génocide que les unités militaires israéliennes qui
déciment la population de Gaza. Elles aussi sont des criminels de guerre. Elles
aussi doivent être tenues pour responsables.