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25/09/2022

YOSSI VERTER
Quand Lapid parle de solution à deux États, ce n'est pas à Mahmoud Abbas qu'il s'adresse


Yossi Verter, Haaretz, 23/9/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

En reprenant la solution à deux États, le Premier ministre israélien a cherché à gagner des voix de gauche, mais même s'il gagne les élections, il devra former une coalition avec des députés qui s'opposent à un État palestinien Netanyahou a créé un Likoud alternatif, un autre jalon important dans la transformation du parti en un mouvement d’un seul homme et d’une seule famille

Dessin d'Amos Biderman

Qu'est-ce qu'un chef de parti peut vouloir pour lui-même au milieu d'une campagne électorale interminable si ce n'est donner du grain à moudre, décider de l'ordre du jour, susciter un débat idéologique, déclencher une « tempête » (qui s'éteindra avant même Rosh Hashanah) ? Le Premier ministre Yair Lapid a réussi à se faire ce cadeau jeudi soir à l'Assemblée générale des Nations Unies. Quelques phrases génériques sur la nécessité d'une solution à deux États « à condition que l'État palestinien recherche la paix et ne devienne pas une nouvelle base de terrorisme » ont provoqué une émeute du feu de Dieu dans notre petit shtetl tout droit sorti d’ Un violon sur le toit.

Il s'avère que le vrai et éprouvé conditionnement pavlovien n'a pas rouillé après des années pendant lesquelles sa cause moisissait au grenier. Tout le monde a joué son rôle dans le show : à gauche, ils ont ont fait un bon accueil (même si c’était avec des dents serrées pour des raisons expliquées ci-dessous), à droite ils ont fulminé, au centre ils l'ont ignoré et la claque de l'orateur a fait la fête.

Peu importe que Lapid ait déjà dit ces choses il y a environ deux mois à côté de Joe Biden à Jérusalem. Peu importe que Benjamin Netanyahou ait annoncé sur cette même tribune en 2016 qu'il « restait attaché à la solution à deux États », ait exhorté le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à se rencontrer, l'ait invité à faire un discours à la Knesset et lui-même au parlement à Ramallah. Peu importe que quatre ans plus tard, il ait inauguré avec Donald Trump l '« Accord du siècle », dont le résultat final était le même : deux États.

Il n'est pas non plus important que la déclaration de Lapid en soi n'ait aucune signification pratique et aucune probabilité de mise en œuvre. Il n'y a pas de partenaire. Abou Mazen est en phase terminale, la Cisjordanie s'effrite entre ses doigts et même si Lapid parvient à former un gouvernement après les élections, il devra inclure des éléments qui s'opposent à un État palestinien. Incidemment, quelle différence cela fait-il que ce soit la position connue de Lapid, d'autant plus qu'il s'est rendu compte qu'il était inutile pour lui de se déguiser en homme de droite ? Dans ce pâturage il n'y a pas d'herbe pour son parti Yesh Atid, il n'y en a jamais eu et il n'y en aura jamais.

Les émotions qui ont explosé dans le sillage de ce qui a été rapporté la veille du discours, de sorte qu'il pourrait occuper tout un cycle de nouvelles avant vendredi, samedi et une longue fête, étaient excessives. Tout comme l'ancien Premier Ministre Naftali Bennett a exprimé son point de vue contraire à chaque occasion, que ce soit dans une déclaration proactive ou en ignorant la question de manière démonstrative, son successeur a le droit d'exprimer un point de vue opposé. Le ministre de la Justice de Nouvel Espoir, Gideon Sa'ar, et le ministre du Logement, Zeev Elkin, ainsi que les chefs de l'aile droite du Parti de l'unité nationale, ont dénoncé les petites phrases de Lapid. Le ministre des Finances, Avigdor Lieberman, de Yisrael Beiteinu, les a rejoints – lui aussi avec en tête les élections. Le ministre de la Défense Benny Gantz et l'ancien chef d'état-major Gadi Eisenkot, dans l'autre partie de l'Unité nationale, n'ont pas moufté.

Le Premier ministre Yair Lapid s'adressant à l'Assemblée générale des Nations Unies jeudi. Photo : Mike Segar/Reuters

Eisenkot est sur la même longueur d’ondes que Lapid. Et Gantz aussi, plus ou moins. Si Lapid espérait révéler les atomes crochus entre eux, il y est parvenu. Il espère non seulement les révéler, mais aussi ramasser des votes. En fin de compte, l'histoire est entièrement politique. Quarante jours avant les élections, le prisme ne reflète qu'une seule valeur : TOUT est politique. Le bien-être est politique, le crime est politique, l'économie est politique. Même une mariée ivre qui embarrasse un crooner célèbre est politique. Lorsque le Premier ministre par intérim et chef de Yesh Atid déclare son soutien à la solution à deux États, il dit partition mais il pense occupation. Lapid délimite des territoires qu'il entend annexer : des territoires du centre-gauche. Pour le moment, c'est sa devise : le parti d'abord, le bloc plus tard.

Le virage à gauche s'adresse aux électeurs de Meretz et des travaillistes et à gauche de l'Unité nationale. Lapid aspire à plus que les 23 ou 24 sièges de la Knesset que les sondages d'opinion lui prédisent. S'il réussit à piquer au moins un siège aux trois autres listes (son maximum a été et reste sa percée en 2013, avec 19 sièges), il en sortira heureux. La cheffe de Meretz Zehava Galon, la ministre travailliste des Transports Merav Michaeli et Gantz le seront moins.