“Considère donc ça simplement comme un gros chameau”
 

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22/04/2025

DAHLIA SCHEINDLIN
Coup d’État, crimes et conspiration : les accusations les plus choquantes du chef du Shin Bet à l’encontre de Netanyahou

Dahlia Scheindlin, Haaretz, 22/4/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

La déclaration sous serment choquante de Ronen Bar à la Haute Cour de justice, qui met en lumière les exigences présumées du Premier ministre Benjamin Netanyahou en matière de loyauté totale à son égard, révèle tout ce qui ne va pas dans la gouvernance israélienne [ou du moins une petite partie, NdT].
Une manifestante brandit une pancarte anti-Netanyahou faisant référence aux otages toujours détenus à Gaza, à Tel Aviv au début du mois. Photo Tomer Appelbaum

La déclaration sous serment que Ronen Bar, chef du service de sécurité du Shin Bet, a soumise lundi à la Haute Cour de justice d’Israël pour éviter son licenciement est une documentation douloureuse sur les désastres passés, présents et futurs d’Israël. Les désastres vont du spécifique et choquant au profondément alarmant, voire à l’image dystopique de l’avenir, en fonction de ce qui se passe ensuite.

Rappelons ce qui s’est passé jusqu’à présent : le mois dernier, Netanyahou a annoncé son intention de démettre Bar de ses fonctions, affirmant qu’il n’avait plus confiance dans le chef du Shin Bet. Le procureur général Gali Baharav-Miara a émis un avis indiquant que la décision du premier ministre était “entachée d’un conflit d’intérêts personnel” en raison de ses liens et de ses intérêts personnels dans l’affaire du Qatargate et des BibiLeaks sur lesquels le Shin Bet enquête. Des citoyens israéliens ont déposé des pétitions auprès de la Haute Cour contre la décision de Netanyahou, l’accusant d’agir pour des raisons politiques personnelles.

À l’issue d’une audience qui s’est tenue il y a deux semaines, la Cour a suspendu le rejet de la requête jusqu’à ce que les deux parties puissent présenter de nouvelles déclarations sous serment, espérant sans doute qu’un compromis pourrait être trouvé.

Mais il n’y a pas de courtoisie en Israël aujourd’hui. La déclaration sous serment de 11 pages de Bar (avec une annexe confidentielle de 31 pages) a développé les arguments qu’il avait écrits dans une lettre soumise à la Haute Cour avant l’audience. Dans ce nouveau document, il a dressé une liste trop familière de ce qu’il prétend être les efforts du premier ministre pour politiser l’agence de sécurité intérieure à ses propres fins. Certains des nouveaux détails sont stupéfiants.


Le chef du Shin Bet, Ronen Bar (à g.), et son homologue du Mossad, David Barnea, lors d’une cérémonie officielle à Jérusalem.

Blessures immédiates

Dans sa lettre précédente,  Bar a accusé Netanyahou d’exiger qu’il fournisse des justifications, fondées sur des considérations de sécurité, qui empêcheraient le premier ministre de témoigner devant le tribunal dans son affaire de corruption (Bar a refusé). Aujourd’hui, Bar écrit que le premier ministre a littéralement essayé de le forcer à signer ce qui ne peut être décrit que comme un faux document dans ce même but – “écrit par le premier ministre ou quelqu’un en son nom” - et à le présenter comme son opinion professionnelle.

La présente déclaration sous serment ajoute des détails significatifs à une ligne énigmatique de la lettre préalable à l’audience concernant la description par Bar des attentes d’un acteur anonyme à l’égard de l’agence en ce qui concerne les citoyens israéliens. Aujourd’hui, Bar affirme que Netanyahou lui a demandé d’espionner les manifestants pro-démocratie au plus fort de leurs manifestations en 2023, même s’il n’y avait aucun soupçon d’actes secrets impliquant de la violence. Cela déclencherait une telle surveillance au-delà de l’activité criminelle ordinaire qui serait traitée par la police.

Néanmoins, Bar affirme que le premier ministre a clairement indiqué qu’il était censé suivre les activités des manifestants et fournir l’identité des activistes, des dirigeants et des “bailleurs de fonds des manifestations”. En d’autres termes, l’agence de sécurité intérieure israélienne serait déployée pour étouffer l’opposition politique en Israël. Bar affirme avoir refusé.

En ce qui concerne l’enquête criminelle en cours du Shin Bet sur le Qatargate, le scandale entourant les associés de Netanyahou qui auraient bénéficié de pots-de-vin de la part de l’État du Golfe, Bar est cinglant. Il répète que cette enquête et l’affaire BibiLeaks - dans laquelle le cercle proche de Netanyahou est accusé d’avoir divulgué des documents classifiés de l’armée israélienne à un journal allemand afin de promouvoir la thèse du gouvernement selon laquelle le Hamas est responsable de l’échec de l’accord sur les otages - ont été les tournants qui ont déclenché son licenciement. Le premier ministre lui-même a décrit le Qatar comme un “État soutenant le terrorisme”, écrit Bar.

Les enquêtes concernant les conseillers de Netanyahou, ajoute Bar en termes très clairs, « soulèvent les soupçons les plus lourds quant à l’atteinte grave à la sécurité de l’État ... à l’atteinte aux négociations pour la libération des otages, au renforcement du Hamas et à l’atteinte aux relations d’Israël avec l’Égypte ».

Des manifestants contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu, lundi. La pancarte principale indique en anglo-hébreu « Netanyahou et Levin, ne mettez pas notre patriotisme à l’épreuve » [sic]

Les dégâts démocratiques

Mais le désastre est encore plus profond. D’autres parties de la déclaration sous serment de Bar montrent comment le gouvernement s’attaque non seulement à des institutions essentielles, mais aussi aux valeurs et aux principes directeurs qui définissent une démocratie.

Un exemple concerne l’affirmation précédente selon laquelle le premier ministre attendait de l’agence qu’elle espionne les manifestants politiques - des citoyens israéliens. Bar note que Netanyahou a discuté à plusieurs reprises de ce sujet après des réunions de travail, alors qu’il avait déjà renvoyé le secrétaire militaire et le sténographe - tenant des conversations qui n’ont jamais pu être documentées, un coup porté à la transparence et à la responsabilité.

La partie la plus étonnante de cette section est presque une réflexion après coup : « À propos des conversations sur les manifestations, écrit Bar, il m’a été clairement expliqué qu’en cas de crise constitutionnelle, je devais obéir au premier ministre et non à la Haute Cour ». En d’autres termes, Bar, un professionnel nommé pour des raisons non politiques, devait placer un patron politique au-dessus de la loi. Bar assure au tribunal que les détails sont fournis dans le document classifié, ce qui n’est pas un grand argument. Cependant, si cela est vrai, Netanyahou fait le premier pas pour garantir la loyauté des agences de sécurité envers l’autocrate en cas de coup d’État constitutionnel.

Un autre témoignage de la détérioration du discours démocratique en Israël est fourni par une section entière de la déclaration sous serment de Bar, consacrée à des théories de conspiration selon lesquelles l’agence avait « une connaissance préalable du massacre du 7 octobre » mais n’a pas alerté le premier ministre. Il est pénible de lire la reconstitution post-traumatique des actions du Shin Bet entre 23 heures le 6 octobre et le matin du 7 octobre, alors qu’il tente de démonter ces accusations. Bar lui-même admet que l’agence n’a pas réussi à contrecarrer l’attaque du Hamas, comme il l’a fait 10 jours seulement après les faits, déclarant que « la responsabilité m’en incombe ».

Mais il est encore plus incroyable de lire son démembrement des conspirations : « Ces affirmations sont des mensonges et ne représentent rien de moins qu’une incitation institutionnalisée contre moi et contre l’organisation. ... L’attaque n’ a pas été “coordonnée par nous”, nos équipes n’ont pas été “envoyées [à la frontière] uniquement pour sauver des employés du Shin Bet”, et cette nuit-là, il n’ y a pas eu “d’informations cachées à l’establishment de la sécurité et non au premier ministre” » (c’est lui qui souligne). Si Bar a ressenti le besoin d’aborder ces conspirations dans la procédure judiciaire, il a clairement vu la main cachée du premier ministre derrière elles.

"Bibi, il ment - ils meurent" : un manifestant tient une pancarte anti-Netanyahou lors d’une manifestation dans le centre d’Israël samedi.

Enfin, Bar explique que l’agence de renseignement attache une grande importance à l’équilibre de ses responsabilités entre l’utilisation d’outils puissants et invasifs pour faire progresser la sécurité et son obligation de limiter son propre pouvoir afin d’éviter les abus. Au début du document, il écrit que sous sa direction, le Shin Bet a appliqué des critères soigneusement définis pour l’utilisation de ses pouvoirs et a constamment consulté des conseillers juridiques pour s’assurer que ces pouvoirs ne seraient pas utilisés à mauvais escient.

Ce point touche au cœur de la démocratie constitutionnelle et libérale : les restrictions volontaires et institutionnalisées de l’État sur son propre pouvoir au nom de la liberté de ses citoyens. Israël pourrait être en train d’assister à la chute des derniers principes résiduels de gouvernance démocratique.

Qui sera convaincu ?

L’une des principales faiblesses de la missive de Bar est ce qu’il ne peut pas dire. Le document public est complété par un document classifié de 31 pages, vraisemblablement plus détaillé, avec cinq annexes, a écrit Bar dans ses notes introductives. Il ne fait aucun doute que chaque camp politique en Israël - ceux qui soutiennent le gouvernement et ceux qui soutiennent Bar - évaluera la force des preuves secrètes en fonction de ses loyautés politiques préexistantes.
Zulat, un groupe de réflexion israélien qui défend les valeurs libérales ,  a déjà demandé au procureur général, a Amit Aisman et à la police d’ouvrir une enquête criminelle sur le premier ministre pour obstruction à la justice, abus de pouvoir et abus de confiance.. D’importantes manifestations ont eu lieu lundi contre Netanyahou.

La réponse du cabinet du Premier ministre, comme on pouvait s’y attendre, a été que les accusations de M. Bar étaient un “mensonge complet” ; Pendant ce temps, Channel 14 - la version israélienne de Newsmax - a publié un titre inversé scandaleux selon lequel le chef de l’agence avait “agi contre les instructions du Premier ministre, encore et encore”. Ce flash a également mis l’accent sur l’une des dernières lignes les plus importantes de la lettre : Bar écrit qu’il annoncera bientôt la date de sa démission. Channel 14 y voit certainement un aveu de culpabilité confirmant les accusations du premier ministre sur les échecs, voire les complots, de Bar.


Des manifestants portant des masques du ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer et de Benjamin Netanyahou, devant une banderole indiquant que “le silence encourage le bourreau, jamais le tourmenté”.

Il n’y a pas plus de clarté sur ce que la Haute Cour pourrait faire. Le bureau de Netanyahou devrait publier sa propre déclaration sous serment dans le courant de la semaine, après quoi les juges pourront encore se prononcer sur les pétitions.

Pour la démocratie, il semble cependant qu’il n’y ait pas de bonne issue. L’ironie la plus grande est peut-être que le Shin Bet et Ronen Bar sont maintenant, par la force des choses, la cause célèbre du mouvement pro-démocratique. C’est ce même Shin Bet qui est responsable des violations les plus invasives et antidémocratiques de tous les droits humains et civils en vigueur lorsqu’il s’agit des Palestiniens et qui, parfois, espionne aussi les communautés arabo-palestiniennes en Israël [c’est nouveau : en général les Israéliens les appellent « Arabes israéliens ». Allez Dahlia, encore un effort et bientôt tu écriras : « les Palestiniens de 48», NdT]. Bar dans le rôle du noble défenseur de la bonne gouvernance et de l’État de droit, protecteur des libertés et des droits des citoyens, est déconcertant, voire étrange.
 
Mais sa situation actuelle sert de miroir à ce qui ne va pas en Israël aujourd’hui : les fondations minimales des institutions démocratiques s’effondrent, laissant tous ceux qui s’en soucient se démener pour sauver les bases, au lieu de se battre pour compléter les pièces qui étaient manifestement absentes jusqu’à présent.

04/03/2025

GIDEON LEVY
Et si Netanyahou avait été sur la sellette de Trump au lieu de Zelensky ?

Gideon Levy , Haaretz, 2/3/2025
 Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Dans mon rêve, ce n’est pas le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui était assis dans le bureau ovale l’autre jour, mais bien le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Le président usaméricain Donald Trump et le vice-président JD Vance assaillaient le premier ministre devant les caméras du monde entier, lui disant qu’en refusant de mettre fin à la guerre à Gaza, il jouait avec la Troisième Guerre mondiale.

 

Trump et Zelensky dans le bureau ovale vendredi 28 février. Photo Saul Loeb/AFP

 « Vous devez dire plus souvent merci. Vos gens sont en train de mourir. Et vous nous dites : “Je ne veux pas de cessez-le-feu”. Si vous pouviez obtenir un cessez-le-feu maintenant, je vous dirais de l’accepter. Ainsi, les balles cesseront de voler et vos hommes cesseront d’être tués. Mais vous ne voulez pas de cessez-le-feu. Je veux un cessez-le-feu. Vous n’avez pas les cartes en main. Avec nous, vous avez les cartes. Mais sans nous, vous n’avez aucune carte. Ou bien vous faites un deal, ou bien nous, on se casse ».

Dans mon rêve, Trump a dit à Netanyahou exactement ce qu’il a dit à Zelensky. Voilà, mot pour mot, ce qu’il a à lui dire.

Mais un rêve est un rêve et le spectacle d’horreur de vendredi ne s’est pas produit avec Netanyahou. On peut supposer qu’il ne se produira jamais, même s’il le devrait. Imaginez une telle conversation. Netanyahou quitte la Maison Blanche en panique, le visage aussi cendré que celui de Zelensky, et le lendemain, il revient frapper à la porte à plusieurs reprises : Il est prêt à mettre fin à la guerre à Gaza  et à retirer immédiatement toutes les forces israéliennes de la bande de Gaza. Tous les otages sont libérés et un autre génocide est évité.

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En l’absence d’une telle conversation, Israël galope vers la reprise de la guerre. Il est difficile d’imaginer une perspective plus horrible, de penser à une guerre plus inutile, dont le deuxième chapitre sera encore plus terrifiant.

Le bizutage infligé à l’allié impuissant Zelensky, y compris les abus malveillants inhérents aux personnes de l’acabit de Trump et de Vance, n’était certainement pas sans précédent. La nouveauté, c’est qu’il s’est déroulé devant des caméras. Hormis le « Signe, chien ! » de Hosni Moubarak à Yasser Arafat lors de la signature de l’accord Gaza-Jéricho au Caire en 1994, jamais les caméras n’avaient montré un tel étalage humiliant de la puissance des seigneurs du monde, ou de ceux qui croient l’être, envers un protégé.

Il faut remercier Trump d’avoir révélé son monde intérieur, dans lequel il n’y a pas de place pour la justice, les valeurs, le droit international,  l’humanité ou la loyauté.. Seulement le pouvoir et l’argent, l’argent et le pouvoir. Mais même cette perspective est appliquée de manière sélective. La rencontre Trump-Zelensky aurait pu et dû avoir lieu avec Netanyahou également. Chaque mot prononcé par Trump à l’encontre de Zelensky est pertinent pour Netanyahou. Mais personne n’imagine un tel scénario, peut-être parce qu’aucun gisement de minerai n’a été découvert sous la Cisjordanie. Mais qu’en est-il de la Riviera à Gaza ?

Pour Netanyahou et pour Israël - qui ne comprennent que le langage de la force - il pourrait s’agir d’une conversation historique qui changerait la donne. Il est probable qu’elle n’aura pas lieu. Mais tant que nous rêvons, pourquoi ne pas rêver grand ? Énorme ? Imaginez une conversation similaire à la Maison Blanche, avec pour thème la fin de l’occupation israélienne. Dans son sillage, l’occupation prendrait fin plus rapidement que nous ne pouvons l’imaginer. En fait, le seul moyen restant de mettre fin à l’occupation est une telle conversation.


Trump et Netanyahou en conférence de presse à la Maison Blanche à Washington, le mois dernier. Photo Jim Watson/AFP

Israël n’a pas d’autres cartes pour perpétuer l’occupation que le soutien usaméricain. Des personnes sont tuées à cause de l’occupation en permanence. C’est un foyer de tension qui met le monde en danger. Aucun pays ne la soutient et aucun sujet n’unit le monde comme l’opposition à l’occupation, du moins pour la forme.

Il est difficile de comprendre quel intérêt usaméricain est servi par cette occupation, qui fait que les USA sont méprisés au même titre que leur protégé. Même en termes trumpiens, il est difficile de comprendre pourquoi une telle conversation n’a jamais eu lieu.

Dans mon rêve, Netanyahou arrive à la Maison Blanche et Trump, cet homme terrible et dangereux, le menace comme il a menacé Zelensky l’autre jour. Le lendemain matin, le démantèlement des colonies de Kiryat Arba et Kiryat Sefer en Cisjordanie commence. Malheureusement, ça n’est qu’un rêve.

24/02/2025

URI MISGAV
Netanyahou, le trouillard cynique, a utilisé et abandonné la famille Bibas

Uri Misgav, Haaretz, 20/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le cynisme du Premier ministre Benjamin Netanyahou envers la famille Bibas est sans limite. Au début du mois, sa femme a posté des photos de la Chambre des représentants des USA sur Instagram : elle se tient près d’une grande affiche d’Ariel Bibas qui y est exposée. Lors de sa précédente visite, elle portait une tenue orange en hommage aux enfants Bibas. Ils sont roux, elle est en orange - vous saisissez ? Il faut les ramener à la maison.


Affiches montrant Shiri, Kfir et Ariel Bibas sur la place des Otages à Tel-Aviv, mercredi. Photo Tomer Appelbaum

 Nous savons depuis un certain temps que Shiri et ses jeunes enfants ne sont plus en vie. Ils ont probablement été tués par les bombardements de l’armée de l’air israélienne au début de la guerre de Gaza. Les djihadistes barbares sont responsables de leur enlèvement et de leur mort, mais le gouvernement israélien et l’armée, qui ne faisaient que suivre les ordres, sont complices de leur mort, comme celle de tous les autres otages morts en captivité. La pression militaire ne les a pas ramenés, elle les a tués.

Cela ne s’arrête pas là. Avant la première série de libérations d’otages en décembre 2023, le Hamas a annoncé qu’il ne pouvait pas rendre la famille Bibas parce qu’elle était morte et a proposé à la place trois otages vivants de sexe masculin. Netanyahou a refusé l’offre. Les trois hommes sont également morts depuis. Les Bibas ont été utilisés pour sacrifier la vie d’autres otages.

L’institut de médecine légale a été prévenu de se préparer à l’arrivée des corps tôt jeudi matin. Netanyahou espère certainement que cela se fera pendant qu’il fait encore nuit. Canal 12 s’est rapidement porté volontaire pour ne pas diffuser les photos « sans le consentement des familles ». Il ne reste presque plus de famille Bibas pour le faire ; les parents de Shiri ont également été assassinés le 7 octobre.

J’ai visité les ruines du kibboutz Kfar Aza cette semaine ; deux semaines plus tôt, j’ai visité Kissufim. Le temps s’est presque arrêté là-bas, dans la vallée du massacre. Et le Premier ministre détaché et narcissique, qui n’y est pas allé depuis le massacre, a le culot de dire à un sympathique intervieweur de Fox News qu’il se sent merveilleusement bien ; il a récemment informé ses juges intimidés qu’il va bien. Cet homme devrait être jugé pour des crimes mille fois plus graves que la corruption, la fraude et l’abus de confiance.

Pendant ce temps, il exploite la faiblesse d’une démocratie malmenée pour planifier son attaque contre l’Iran. Ses alliés, Yariv Levin et Simcha Rothman, font de leur mieux pour relancer la réforme judiciaire. Sa chaîne de propagande diffuse des histoires de trahison qui auraient eu lieu le 7 octobre. La Haute Cour de justice est présentée comme une alliée du Hamas (quelle ironie !).

Le sang des hauts fonctionnaires de la Cour suprême est versé. Son président élu, Isaac Amit, est désigné comme « l’accusé » ; l’ancien vice-président est « Mohammed » Vogelman. Le nouvel eunuque, le ministre des Affaires étrangères Gideon Sa’ar, attaque grossièrement le procureur général qu’il a lui-même nommé. Pendant ce temps, Netanyahou qualifie le chef du service de sécurité du Shin Bet, responsable de sa sécurité personnelle et de l’enquête sur l’affaire du Qatar, de « fonctionnaire ».

Voici une nouvelle tactique : inonder la fonction publique de fonctionnaires intérimaires sans caractère. Drorit Steinmetz en tant que directeur général par intérim du cabinet du Premier ministre et Roi Kahlon en tant que commissaire par intérim de la fonction publique. Netanyahou demande également le remplacement du conseiller juridique de son bureau qui prend sa retraite. Les personnes nommées à titre conditionnel sont évaluées en fonction de leur capacité à servir loyalement la famille. Et comme il ne s’agit pas de nominations permanentes, elles ne peuvent pas être contestées devant les tribunaux.

Dans cet État épuisé et en désintégration, Netanyahou fantasme sur le sacrifice des otages restants et la reprise de la guerre. C’est pourquoi les chefs du Shin Bet et du Mossad ont été écartés de la direction des négociations de la deuxième étape. Le lâche Netanyahou s’exprime anonymement contre eux, affirmant qu’ils ne savaient que « donner et donner » dans les négociations. À leur place, il a nommé l’ombre Ron Dermer, qui n’a jamais brigué de mandat et n’est fidèle qu’aux intérêts de son maître.

Pendant ce temps, Netanyahu dirige de fait un gouvernement minoritaire qui s’enfonce dans les sondages et manque de légitimité. Les chefs de l’establishment de la défense, avec les USAméricains d’un côté et l’opinion publique de l’autre, doivent lui faire comprendre que cela ne peut pas durer. Netanyahou ne comprend que le pouvoir.

11/02/2025

JEREMY SCAHILL
Une fois de plus, Netanyahou se prépare à saboter le cessez-le-feu à Gaza

Tout juste rentré de son voyage triomphal à Washington, D.C., le dirigeant israélien prépare une série de nouvelles demandes pour la phase 2 qu'il espère voir rejetées par le Hamas.

Jeremy Scahill, DropSite News, 10/2/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Dès l'instant où Israël a accepté l'accord de cessez-le-feu, son Premier ministre Benjamin Netanyahou et ses conseillers l'ont qualifié d'accord limité visant à obtenir la libération du plus grand nombre possible de prisonniers israéliens et non d'un plan global pour mettre fin à la guerre. Encouragé par ses récentes rencontres à la Maison Blanche et porté par un tsunami d'enthousiasme face à la proposition du président Donald Trump de confier le contrôle de Gaza aux USA, Netanyahou est rentré en Israël dimanche, prêt à saboter l'accord déjà fragile et à étendre le siège de ses forces sur la Cisjordanie.


Fahd Bahady, Syrie

« Ce voyage, et les conversations que nous avons eues avec le président des États-Unis, ont permis de réaliser d'autres avancées incroyables qui peuvent garantir la sécurité d'Israël pour des générations », s'est vanté Netanyahou. « Je n'exagère pas. Je ne charrie pas. Il y a ici des possibilités que nous n'aurions jamais imaginées, ou du moins qui ne semblaient pas possibles jusqu'à ces derniers mois, mais qui sont possibles. »

Selon les termes de l'accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 19 janvier, Israël et le Hamas devaient entamer des négociations sur les détails d'une deuxième phase de 42 jours du cessez-le-feu au plus tard 16 jours après le début de la phase 1. La deuxième phase prévoit la libération de tous les prisonniers israéliens restants en échange d'un nombre important de Palestiniens détenus par Israël, le retrait complet des forces israéliennes de Gaza et le début d'un cessez-le-feu permanent qui ouvrirait la voie à une reconstruction massive de la bande de Gaza, d'un coût de plusieurs milliards de dollars. Trois semaines après l'accord, ces négociations n'ont cependant pas encore commencé. Netanyahou a d'abord refusé d'envoyer une délégation à Doha, au Qatar, pour les négociations de la phase 2, mais après l'intervention de la Maison Blanche, il a envoyé à contrecœur une délégation habilitée uniquement à discuter des détails techniques en cours liés à la phase actuelle, et non à négocier les prochaines étapes.

Netanyahou a atterri à Tel Aviv en affirmant qu'Israël avait conclu un accord stratégique avec Trump et son envoyé spécial au Moyen-Orient, Steve Witkoff, concernant les positions qu'Israël défendrait lors du prochain cycle de négociations. Netanyahou a déclaré lundi qu'il revenait de Washington, D.C. avec de nouveaux plans pour Gaza et que lui et Trump étaient « sur la même longueur d'onde » quant à la manière de procéder. « Vous vouliez un jour après [le plan] ? Vous l'avez eu... Cela ne correspond tout simplement pas au récit d'Oslo... Nous ne répéterons pas cette erreur... Je suis revenu avec une vision sans le Hamas et sans l'Autorité palestinienne », a annoncé Netanyahou. Brandissant le poing lors d'une réunion à la Knesset, il a déclaré : « Nous savons ce qu'est une victoire totale et nous ne renoncerons pas à elle ».

Peu après le discours de Netanyahou, Abu Obeida, le porte-parole des Brigades Al Qassam, la branche armée du Hamas, a annoncé que le groupe retarderait la libération des trois prochains Israéliens dont l'échange était prévu samedi, invoquant les violations israéliennes du cessez-le-feu. « Les dirigeants de la résistance ont surveillé les violations de l'ennemi et son non-respect des termes de l'accord au cours des trois dernières semaines », a-t-il déclaré, ajoutant que leur libération « sera reportée jusqu'à nouvel ordre, et jusqu'à ce que l'occupation s'engage à respecter et à compenser rétroactivement les points convenus des dernières semaines, et nous affirmons notre engagement envers les termes de l'accord tant que l'occupation s'y engage ».

Depuis l'entrée en vigueur officielle du cessez-le-feu le 19 janvier, Israël a continué de mener des attaques ciblées à l'intérieur de la bande de Gaza presque quotidiennement. Selon le ministère de la Santé de Gaza, plus de 110 Palestiniens ont été tués lors de ces attaques au cours des trois dernières semaines. Dimanche, les forces israéliennes ont tiré sur des Palestiniens dans le nord de Gaza qui, selon Israël, s'étaient trop rapprochés du territoire israélien. Au moins trois personnes ont été tuées. « Personne ne s'approche du périmètre et personne ne retourne dans le périmètre », a déclaré Netanyahou. « Nous l'appliquerons, et nous l'appliquerons fermement. Nous attendons du Hamas qu'il remplisse toutes ses obligations, et celle-ci en fait partie. »

Le Hamas a accusé Israël de jouer « un jeu déloyal » en ralentissant ou en bloquant la livraison convenue de l'aide dans la bande de Gaza, y compris la nourriture, les médicaments, les tentes, les générateurs et autres produits de première nécessité, ainsi qu'en continuant à tuer des Palestiniens à Gaza. « Cela pourrait menacer l'accord et le faire échouer », a déclaré Bassem Naim, membre du bureau politique du Hamas. « Netanyahou est revenu des USA avec la ferme intention de saboter l'accord. »

Le cabinet israélien doit se réunir mardi, date à laquelle Netanyahu a déclaré qu'il officialiserait les demandes d'Israël qui seront présentées lors des négociations par l'équipe israélienne. Parmi celles-ci, selon les médias israéliens, figurent l'exil des dirigeants du Hamas et le désarmement total de sa branche militaire, les Brigades Ezzedine Al Qassam. Le mois dernier, Netanyahou a déclaré au cabinet israélien qu'il avait reçu des lettres d'accompagnement de l'administration sortante de Biden et de l'équipe de Trump garantissant qu'Israël pourrait reprendre la guerre à Gaza avec un minimum de justification. Aujourd'hui, il semble que le soutien ira plus loin.

07/02/2025

MICHELLE GOLDBERG
Le Deal sur Gaza de Trump : des crimes de guerre en échange d’un terrain pieds dans l’eau

Michelle GoldbergThe New York Times, 7/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Goldberg est chroniqueuse de la rubrique Opinion du Times depuis 2017. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages sur la politique, la religion et les droits des femmes, et a fait partie d’une équipe qui a remporté un prix Pulitzer pour le service public en 2018 pour avoir dénoncé le harcèlement sexuel sur les lieux de travail.

Lorsque Donald Trump, s’exprimant aux côtés du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, a annoncé cette semaine que les USA prendraient le contrôle de Gaza et réinstalleraient « définitivement » sa population ailleurs, peu de politiciens usaméricains l’ont pris au sérieux.


Une plage dans la bande de Gaza. Photo Eyad Baba/AFP — Getty Images

 Après tout, Trump a déjà proféré des menaces impérialistes trollesques contre le Groenland, le Canada et le Panama, mais jusqu’à présent, il ne semble pas prêt à étayer ses fanfaronnades par la force militaire. Et si certaines parties de sa base frissonnent d’excitation à l’idée d’un renouveau national par la conquête, dans l’ensemble du pays, les nouvelles campagnes de construction nationale suscitent peu d’intérêt.

Dans les jours qui ont suivi la proposition grotesque du président, ses conseillers et alliés ont, comme à leur habitude, tenté de la réorienter vers une voie plus sensée. Le secrétaire d’État, Marco Rubio, par exemple, a prétendu que Trump avait simplement fait une offre généreuse pour aider Gaza à se reconstruire. Israël, cependant, a compris la portée considérable des propos de Trump. Les USA n’ont évidemment pas l’intention de construire une Riviera moyen-orientale à la frontière israélienne. Ce qu’il a fait, cependant, c’est accorder à Israël une nouvelle licence extraordinaire pour écraser les Palestiniens à Gaza, et peut-être aussi en Cisjordanie.

05/02/2025

YASMINE EL-SABAWI
“Nous nous l’approprierons” : Trump veut faire de Gaza un lieu de villégiature sans les Palestiniens

Après avoir expulsé les Palestiniens, Donald Trump envisage de développer l’enclave côtière pour les « gens du monde ».

Yasmine El-Sabawi, Middle East Eye  , 5/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Yasmine El-Sabawi est une journaliste et productrice palestino-canadienne. Elle a couvert la politique intérieure et étrangère des États-Unis tout au long des administrations Obama, Trump et Biden pour l’Agence de presse du Koweït, TRT World et maintenant Middle East Eye, en mettant l’accent sur la diplomatie, la démocratie, le militarisme et la diaspora arabe et musulmane.


Des journalistes tentent d’attirer l’attention de Trump durant sa conférence de presse avec Netanyahu à la Maison Blanche, le 4 février 2025. Photo Chip Somodevilla/Getty Images/AFP

Si le président Donald Trump parvient à ses fins, son gendre Jared Kushner pourrait bien être en mesure de développer les hôtels en bord de mer à Gaza dont il a vanté les mérites l’année dernière.

Mardi, lors d’une étonnante conférence de presse conjointe aux côtés du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, Trump a annoncé que les USA allaient prendre le contrôle de Gaza et la diriger potentiellement dans un avenir prévisible.

« Tous ceux à qui j’ai parlé adorent l’idée que les USA possèdent ce morceau de terre, le développent et créent des milliers d’emplois avec quelque chose de magnifique », a déclaré Trump aux journalistes après une réunion de trois heures avec Netanyahou.

18/01/2025

GIDEON LEVY
Pour le centre-gauche éclairé d'Israël, le chef de l'armée est le dernier né des nouveaux messies

Gideon Levy, Haaretz  , 16/1/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Il y a une nouvelle victime innocente dans nos vies : Herzl alias Herzi Halevi, le martyr de la colonie de Kfar Oranim* « Le peuple est avec toi », a écrit avec enthousiasme l’éditorialiste Nehemia Shtrasler en début de semaine. « Nous devons à Halevi les réalisations et les succès qui ont suivi le 7 octobre. » Réussites ? Succès ? « Des généraux du monde entier viennent en Israël pour apprendre « comment se rétablir si rapidement », s'étonne Nehemia Shtrasler.


« Les soldats et les commandants sont avec toi, et le peuple est avec toi », a déclaré le principal avocat de l’armée, Navot Tel Aviv-Zur, en prêtant serment d'allégeance sur la plateforme de médias sociaux X. « La grande majorité a une confiance totale en toi et en ton intégrité ». Pas seulement un agneau sacrificiel, mais aussi un héros. Honnêteté, décence, réussite, succès - oui, oui, bien sûr.

La haine pour le Premier ministre Benjamin Netanyahou peut tout accomplir, y compris créer un chaos total. C'est ainsi que les choses se passent lorsque le seul véritable sujet de discorde en Israël est Netanyahou. Selon cette division maladive, quiconque s'oppose à Netanyahou est un ennemi de la droite et un favori de la gauche - peu importe ce qu'il a fait en plus d'être une épine dans le pied de Netanyahou.

L'armée a toujours été une vache sacrée pour la gauche, bien plus que pour la droite. Ses beaux jeunes hommes venaient de la gauche, et la gauche les récompensait par son admiration. Cette vache a été abattue en octobre 1973, au début de la guerre du Kippour. Elle est redevenue sacrée depuis, mais à un degré moindre.

Les généraux ne sont plus des rock stars, comme après 1967, mais on les retrouve toujours dans les rôles de prochains messies, principalement de la gauche et du centre. En soi, ça jette une lourde ombre sur la gauche dans un pays dont l'armée est essentiellement une force d'occupation brutale.

Le 7 octobre a exposé l'armée israélienne dans toute sa nudité, un château de cartes qui s'est effondré - mais dès le lendemain, le centre-gauche s'est remis à se souvenir de ses premiers jours de gloire. Aujourd'hui, l'inversion insensée des rôles est achevée : La droite bibiste est contre le chef d'état-major et ses militaires, tandis que le centre-gauche les soutient.

Les responsables non seulement du plus grand fiasco de l'histoire du pays, mais aussi de ses crimes de guerre les plus graves, sont les chouchous de la gauche. Et comment ! Halevi est un héros pour lequel nous devons nous battre afin qu'il reste à son poste, de peur que nous perdions le défenseur du pays, celui qui préserve son image.
L'armée continue d'être le héros des manifestations de la rue Kaplan à Tel Aviv. Il n'y a jamais eu de manifestation de masse en Israël qui s'oppose à l'armée, quelle que soit la gravité de ses crimes. Des Frères et Sœurs d'armes aux bons vieux boys, la moitié du mouvement de protestation est composée de militaires.

Mais la critique de l'armée dans ce bloc ne vise que les officiers qui ne sont pas « des nôtres ». À Gaza, des commandants de tous les blocs tuent des gens, et les responsables de cette horrible destruction sont avant tout nos « bons gars » : le chef d'état-major, suivi du chef de l'armée de l'air.

Pour la droite, les militaires sont les principaux responsables du fiasco du 7 octobre - et depuis, ils ne tuent pas assez, ne détruisent pas assez et ne maltraitent pas assez pour satisfaire la soif de sang de cette droite, qui ne sera jamais étanchée. Pour cette droite, le chef d'état-major est trop faible. Ses accusations ont défini Halevi comme le héros de l'autre bloc. La bande de Gaza est devenue un enfer, et la gauche israélienne salue la cause de cet enfer.

L'armée maltraite des milliers d'otages palestiniens dans les centres de torture qu'elle a construits, et Halevi est un homme « honnête », « décent ». Comment est-ce possible ? Comment est-il possible d'être impressionné par quelqu'un qui dirige l'organisation qui commet toutes ces horreurs ? Seulement parce que son supérieur est encore pire ? Même le propagandiste de l'armée, Daniel Hagari, qui est responsable du paquet de mensonges et de tromperies que l'armée diffuse pour blanchir ses péchés, est un héros de ce bloc. Après tout, Netanyahou est contre lui.

Halevi a toujours l'air affligé. Son visage suscite l'empathie. Il est possible qu'il soit un homme honnête, modeste et décent dans sa vie privée. Il a assumé la responsabilité de l'échec du 7 octobre, a poursuivi son travail sans sourciller et s'est lancé dans la pire campagne de nettoyage ethnique et de tuerie de l'histoire du pays, le tout en tant que héros du bloc éclairé. Ne le laissons pas démissionner sur notre dos. Dieu nous en préserve.

NdT
*Herzl Halevi, né en décembre 1967, a été ainsi prénommé en hommage à son oncle, tué dans la bataille de Jérusalem durant la Guerre des Six jours. Son père était militant du Likoud et son grand-père membre de l’Irgoun et du Bataillon des défenseurs de la langue (hébreue) dans les années 1920, qui attaquait les Juifs parlant le yiddish ou le russe dans la rue. Il vit dans la colonie juive de Kfar Oranim, en Cisjordanie occupée. Bref, le nec plus ultra du sionihilisme.

29/12/2024

La chasse aux millions de dollars : la guerre secrète du Mossad contre les finances de la résistance palestinienne et libanaise

Pendant des années, Udi Levy a dirigé une unité du Mossad chargée de surveiller les flux de fonds destinés aux groupes de la résistance, évidemment toujours qualifiés de « terroristes ». Grâce à des méthodes créatives [sic] et à l’absence quasi totale de restrictions, l’unité est parvenue à contrecarrer les transferts de sommes considérables vers le Hamas et le Hezbollah. Puis elle a été fermée.

Yossi Melman, Haaretz , 4/1/2024


Udi Levy, qui dirigeait l’unité Tziltal (Harpon), aujourd’hui disparue, chargée de traquer les fonds destinés aux groupes “terroristes”. Photo : Tomer Appelbaum

En mai 2010, une jeep transportant deux passagers arrive au terminal frontalier de Rafah. Les hommes, qui avaient quitté le Caire en passant par la péninsule du Sinaï, ont subi un contrôle de sécurité superficiel après leur arrivée du côté égyptien du point de passage, et sont entrés dans la bande de Gaza à bord de leur voiture. Après avoir parcouru une courte distance, un missile a explosé devant eux, à l’improviste. Pris de panique, les deux hommes ont sauté du véhicule et se sont réfugiés sur le bord de la route. Quelques secondes plus tard, un autre missile frappe la jeep. Celle-ci a pris feu et des dizaines de milliers de billets de banque brûlés se sont envolés dans les airs.

« On se serait cru dans un film », se souvient Udi Levy, un ancien haut responsable du Mossad.

Les missiles ont été tirés par un drone de l’armée de l’air israélienne, sur la base de renseignements précis. Le conducteur et le passager n’étaient pas visés, c’est pourquoi le premier missile a été tiré en guise d’avertissement, pour leur permettre de s’échapper. La véritable cible étaient les 20 millions de dollars qui se trouvaient dans le véhicule, transférés d’une banque et de bureaux de change en Égypte, et destinés aux Brigades Ezzeddine AL Qassam, l’aile militaire du Hamas.

De hauts responsables du Hamas se sont précipités sur les lieux et ont rapidement commencé à collecter et à emballer les billets noircis. Quelques jours plus tard, les hommes du Hamas sont retournés au Caire, où ils sont entrés dans une succursale de la Banque Misr, la plus grande banque d’Égypte, dans le but d’échanger les billets endommagés contre de nouveaux. Le personnel, surpris, leur a ordonné de quitter les lieux. À ce moment-là, le personnel des bureaux de l’unité Tziltzal (Harpon), au troisième étage du quartier général du Mossad à Glilot, près de Tel-Aviv, a poussé un soupir de soulagement - parmi eux, Levy, le chef de l’unité aujourd’hui disparue.

La destruction de l’argent du Hamas lors de cet incident était une action conjointe réussie entreprise par la direction des opérations des forces de défense israéliennes, dirigée à l’époque par le général de division Tal Russo, et Harpon, l’unité secrète qui avait été créée une dizaine d’années auparavant afin de surveiller, d’avertir le monde et de déjouer les transferts d’argent vers les groupes “terroristes” et l’Iran. Le « copyright » de l’idée dans sa version israélienne appartient à feu Meir Dagan, chef du Mossad, et au Premier ministre Ariel Sharon. C’est Dagan qui a nommé Levy, alors lieutenant-colonel dans l’armée israélienne, commandant de l’unité.

Au cours de ses 15 années d’activité, Harpon a entrepris un grand nombre d’opérations. Des agents du Mossad ont été envoyés pour observer et pénétrer dans les bureaux des changeurs de monnaie ainsi que dans les banques d’Europe, d’Amérique du Sud et du Moyen-Orient, où les “terroristes” et le régime de Téhéran étaient soupçonnés de détenir des comptes.

« Nous surveillions les changeurs de monnaie dans un certain nombre de pays d’Europe », explique dans une interview à Haaretz un agent de l’unité d’opérations ultra-secrètes du Mossad, connue sous le nom de Kidon (Baïonnette), qui a ensuite été promu à la tête d’une division de l’organisation d’espionnage. « Nous surveillions les banques en Europe qui étaient soupçonnées de fermer les yeux sur les comptes d’éléments terroristes », ajoute un autre agent du Mossad. Selon le New York Times, les changeurs de monnaie en Turquie étaient particulièrement surveillés.

Israël a coopéré avec des organisations d’espionnage locales dans le cadre de ces opérations. Les agents du Mossad et de Harpon ont averti leurs homologues de l’existence de comptes suspects et ont transmis les informations aux banques, aux responsables financiers et à d’autres fonctionnaires de ces pays. Dans un cas, cela a permis de faire échouer un projet iranien de transport d’armes hors d’un pays européen.

Lors d’une autre opération, menée vers la fin de la guerre du Liban en 2006, l’armée de l’air a bombardé deux conteneurs, cachés dans le quartier chiite de Dahiya à Beyrouth, qui contenaient des dizaines de millions de dollars.

« Les dirigeants du Hezbollah, avec à leur tête [Hassan] Nasrallah et [Imad] Mughniyeh, ont été sidérés », déclare aujourd’hui Levy. « Ils étaient stupéfaits par le fait que nous sachions où l’argent était caché et que nous ayons réussi à cibler le site avec autant de précision. Ils étaient furieux que tout cet argent, destiné à financer la guerre de l’organisation, ait été détruit. Comment savons-nous leur réaction ? Nous l’avons apprise grâce aux renseignements qui nous sont parvenus après l’opération ».


Hassan Nasrallah. Photo : Bilal Hussein/AP

Levy a été le commandant du Harpon pendant la majeure partie de son existence ; il a pris sa retraite en 2016 et le Harpon a été démantelé en 2017. Vers la fin de son mandat, il a été témoin d’un changement d’approche dans les hautes sphères du gouvernement israélien vis-à-vis des efforts visant à torpiller les transferts de fonds vers les organisations “terroristes” palestiniennes.

« J’ai commencé à voir que le sujet des fonds terroristes devenait de moins en moins important pour [le Premier ministre Benjamin] Netanyahou », se souvient Levy. « Depuis sa réélection en 2015, il avait refusé d’autoriser des opérations d’importance stratégique que nous avions proposées, et avait exprimé des appréhensions quant à leurs implications. » Les opérations en question, précise-t-il, visaient principalement le Hamas.

La question du financement du “terrorisme” palestinien revêt une importance particulière à l’heure actuelle, dans le sillage de l’attaque vicieuse [sic] du Hamas le 7 octobre. Pendant des années, Netanyahou a ignoré le flux de milliards de dollars du Qatar vers l’organisation islamiste, et a même encouragé ce processus de financement. Cela faisait partie de ses efforts pour mettre au placard la solution à deux États dans le conflit israélo-palestinien. Mais l’argent, qui était censé acheter la tranquillité, a été utilisé pour renforcer les capacités militaires du Hamas, qui a pris Israël par surprise le 7 octobre.

Netanyahou a commencé à définir sa politique à la fin de l’année 2014. Yossi Cohen, alors directeur du Conseil national de sécurité et plus tard chef du Mossad, l’a soutenue, tout comme Meir Ben Shabbat, qui a succédé à Cohen à la tête du Conseil national de sécurité. Parmi les quelques personnes qui ont remis en question cette politique, on trouve Avigdor Lieberman, le ministre de la Défense de l’époque, Tamir Pardo, qui a dirigé le Mossad de 2011 à 2016, et Levy lui-même. Mais Netanyahou n’a pas tenu compte de leurs avertissements.

« Le transfert des fonds au Hamas a rendu possible l’attaque surprise du 7 octobre », dit Udi Levy. « Je ne me souviens pas que Netanyahou ait eu une seule discussion sérieuse sur les implications possibles de la puissance économique croissante du Hamas, même si on lui a montré les chiffres ». En effet, selon Levy, pendant des années, le premier ministre a rejeté les recommandations de l’establishment de la sécurité de mener une guerre économique sérieuse contre le Hamas.

Pourquoi ?

Levy : « Netanyahou et Cohen pensaient que l’apaisement du Hamas était une solution qui servait leur vision du monde et leur idéologie. Ils n’ont pas compris, ou n’ont pas voulu comprendre, que c’était en fait le problème. C’était une décision politique ».

Et cette décision, selon M. Levy, était contraire aux intérêts nationaux d’Israël.


Yossi Cohen et Benjamin Netanyahou : « Depuis sa réélection en 2015, Netanyahou avait refusé d’autoriser les opérations d’importance stratégique que nous avions proposées », se souvient Levy. Photo : Kobi Gideon/Bureau de presse du gvt. isr.

* * *

Levy, 61 ans, est né dans le quartier Hatikva de Tel Aviv. Sa mère d’origine égyptienne, Miriam, travaillait comme infirmière dans le quartier, où elle a rencontré son père, Haim, propriétaire d’un magasin de fleurs. La famille de Haim était arrivée de Perse en Palestine ottomane au début du XXe siècle. Lorsque Levy a 8 ans, la famille déménage à Holon, au sud de Tel Aviv.

Levy a été enrôlé comme « auditeur » dans l’unité de renseignement d’élite 8200. « Je ne sais pas pourquoi ils m’ont choisi », dit-il. « L’arabe que j’avais appris à la maison était très rudimentaire ». Après un cours de six mois, il est affecté à un poste d’écoute à la frontière libanaise. Lors de la guerre du Liban de 1982, il a été envoyé à un cours de formation des officiers et a ensuite occupé une série de postes clés dans le domaine du renseignement. Il a également obtenu une licence en études du Moyen-Orient à l’université de Tel Aviv. Après avoir été promu au grade de major, il a été nommé commandant d’une base 8200 à Jérusalem. « Je n’aimais pas la division du travail », explique-t-il. « J’étais responsable de la logistique, mais je voulais m’engager dans l’essentiel, avec du matériel de renseignement ».

Par chance, au plus fort de la première Intifada, il rencontre le chef de l’administration civile du gouvernement militaire, le colonel Gadi Zohar. C’est également par Zohar qu’il a entendu parler pour la première fois de la puissance économique croissante du Hamas. « Gadi m’a dit que le Shin Bet [service de sécurité] et les services de renseignements militaires n’avaient pas identifié les principaux problèmes de la population », raconte-t-il. « Ils se concentraient sur les escadrons terroristes, ne voyaient pas le tableau d’ensemble et ne comprenaient pas ce qui se passait sous la surface. L’un des enseignements tirés de cette expérience a été la décision de créer une petite unité de personnel de renseignement, sous les auspices de l’administration civile, afin de surveiller l’humeur de la population. Gadi m’a proposé d’en faire partie, ce que j’ai accepté avec plaisir ».

Quelles impressions avez-vous eues à l’époque ?

« J’ai rencontré des journalistes, des intellectuels et des commerçants [palestiniens] qui m’ont parlé de l’état d’esprit de la société palestinienne. Ils m’ont dit : « Vous [les Israéliens] ne faites pas attention à ce qui se passe à la base. Vous ne voyez pas comment le Hamas, par l’intermédiaire d’organisations à but non lucratif, construit des hôpitaux, des écoles, des jardins d’enfants, des institutions sociales, des mosquées. Vous ne voyez pas combien d’argent est acheminé dans les territoires afin de maintenir le monstre que le Hamas est en train de construire [ce qu’on appelle un État partout ailleurs, est un “monstre” dans le cas de Gaza, NdT] ».

Levy a commencé à recueillir des informations sur les activités financières du Hamas et, dans une moindre mesure, sur celles du Jihad islamique. « Lorsque j’ai écrit à l’époque, au début des années 1990, que les organisations à but non lucratif du Hamas avaient injecté en Cisjordanie et à Gaza environ un demi-milliard de dollars provenant de dons faits à l’étranger, le Shin Bet s’est moqué de moi », se souvient-il. « Ils ont prétendu que les fonds s’élevaient à 10 millions de dollars. Gideon Ezra, qui dirigeait un département du Shin Bet, nous a dit : “Ne dites pas n’importe quoi. Je ne vais pas m’occuper des écoles et des hôpitaux. Ma seule tâche est de contrecarrer le terrorisme” ».

Mais Levy a trouvé des oreilles attentives auprès du général de division Ilan Biran, alors chef du commandement central, et du coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires, le général de division Danny Rothschild. « Notre principal outil était les décisions de justice, qui nous permettaient de fermer des institutions et de confisquer de l’argent. Nous avons poursuivi des changeurs de monnaie en Cisjordanie et à Gaza, ainsi que des chefs de conseil [ ?]. Le nom de code de notre activité était biur hametz [un rituel de la Pâque qui se réfère, métaphoriquement, à l’élimination de substances inacceptables ou nocives] ».

En 1994, le général de brigade Meir Dagan, responsable des opérations spéciales à Gaza et en Cisjordanie, a rendu visite au commandement central. « Je lui ai montré le matériel que j’avais rassemblé », raconte Levy, « et à ma grande surprise, il s’est montré très intéressé par ce matériel ». Dagan et Levy ont ensuite rencontré le chef d’état-major adjoint des FDI, Matan Vilnai. « Vilnai m’a dit : “Je connais le Hamas comme ma poche - je ne pense pas que vous puissiez m’apprendre quoi que ce soit de nouveau”. C’est pourtant ce que j’ai fait. À la fin de la réunion, Vilnai était complètement abasourdi ».

En 1996, lorsque Netanyahou a été élu Premier ministre pour la première fois, il a chargé Dagan de mettre en place une unité indépendante de lutte contre le terrorisme. À son tour, Dagan a nommé Levy, alors lieutenant-colonel, pour diriger la recherche de financements terroristes.

« Nous avons commencé à impliquer la communauté internationale, en particulier les USA et l’Europe, dans une guerre économique contre le Hamas, le Jihad islamique et le Hezbollah », raconte Levy. « Nous nous sommes concentrés sur quelques organisations à but non lucratif du Hamas et du Jihad islamique qui opéraient aux USA, en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne ».

Le tournant s’est produit en 2001, en partie à la suite de la catastrophe du 11 septembre, lorsque l’administration américaine a pris conscience de l’importance de la lutte contre le financement du terrorisme et des liens entre des organisations caritatives apparemment innocentes et des groupes terroristes. L’élection d’Ariel Sharon au poste de premier ministre la même année a constitué un deuxième tournant. Sur la recommandation de Dagan, Sharon a accepté de créer un organe secret au sein du Conseil national de sécurité, alors dirigé par Uzi Dayan. Dayan nomme l’unité Harpon, en s’inspirant de « Moby Dick » de Melville. Levy est nommé à sa tête.

« Dans mon adolescence, j’ai lu Moby Dick comme un récit d’aventure sur le monde obscur des chasseurs de baleines », se souvient aujourd’hui Uzi Dayan. « Trente-cinq ans plus tard, j’ai relu le livre. J’ai associé le nom de code Harpon au narrateur de l’histoire, Ismaël, qui décrit comment son ami attend le bon moment pour lancer son harpon mortel ».


L’ancien chef du Mossad, Meir Dagan. Photo : Alon Ron

* * *

Le travail de l’unité Harpon était sous-tendu par le slogan bien connu « Suivez l’argent ».

Levy : « De 1993 à 2016, les méthodes utilisées pour déplacer l’argent ont à peine changé. Au cours de la première décennie, de 1993 à 2003, l’argent destiné aux organisations terroristes provenait principalement d’Arabie saoudite - de son gouvernement et des dons de riches Saoudiens, qui soutenaient également Al-Qaida. Ils transféraient l’argent directement des banques saoudiennes aux banques palestiniennes, ou par l’intermédiaire de Western Union. L’Arabie saoudite a cessé de transférer de l’argent au Hamas en 2003, par crainte de la réaction des USA, après qu’il a été révélé que les Saoudiens avaient soutenu les militants d’Oussama ben Laden ».

Au début des années 2000, les Iraniens ont remplacé les Saoudiens en tant qu’élément dominant du financement du terrorisme palestinien, en prenant le contrôle des transferts d’argent vers le Hamas et le Jihad islamique, ainsi que vers l’Autorité palestinienne. La contrebande d’armes entre l’Iran et l’Autorité palestinienne en 2002 sur le cargo Karine A, qui a été saisi par la marine israélienne, en est un bon exemple. La Force Al-Quds de l’Iran a financé l’opération et acheté les armes.

Parallèlement au financement de Téhéran, l’argent a constamment afflué de dizaines d’organisations à but non lucratif - dans les Émirats arabes unis, au Qatar, en Indonésie, en Malaisie et également dans les pays occidentaux : Allemagne, France, Pays-Bas, Danemark, France, Grande-Bretagne. Ces organismes ont mené toutes sortes d’actions de collecte de fonds : de la collecte de monnaie dans les caisses de charité des mosquées à l’obtention de fonds auprès de grandes organisations caritatives occidentales à vocation sociale. « Il s’agit d’un réseau insensé d’organisations caritatives mondiales qui continue de fonctionner à ce jour », explique Levy.

Pour traquer et contrecarrer le transfert des fonds, Harpon a été investi de pouvoirs et d’une autorité inhabituels dès sa création. « Le ministre de la justice, Yaakov Neeman, nous a soutenus », raconte M. Levy, « et toutes les instances se sont jointes à l’effort : la police israélienne, l’autorité israélienne chargée de l’interdiction du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme, la Banque d’Israël, l’autorité fiscale israélienne, les banques et les procureurs de l’État et de l’armée ».

L’adjoint de Levy était P., un agent de terrain qui avait travaillé dans des États ennemis, dont l’Iran. L’avocat Paul Landes, de l’autorité chargée du blanchiment d’argent, a rejoint l’équipe et a ensuite été l’adjoint de Levy.

« Le gouvernement Sharon avait pris une décision secrète de grande portée qui nous autorisait à recevoir des informations de toute source autorisée en Israël et à agir sur la base de ces informations, ainsi qu’à être en contact avec n’importe quel gouvernement dans le monde », note Levy.

Ces pouvoirs sont toutefois à la limite de l’atteinte à la vie privée. L’unité ne pouvait pas accéder aux comptes bancaires israéliens, mais si elle soupçonnait que des organisations arabes à but non lucratif en Israël - notamment la branche nord du Mouvement islamique - servaient d’intermédiaire pour le transfert de fonds vers le Hamas et les territoires, l’information était transmise à la police et une enquête était lancée.


Suha Al Tawil, veuve Arafat, 61 ans, citoyenne française née à Jérusalem, une redoutable business woman, qui trouva même le moyen de voler 1 million de dollars à Leïla Trabelsi, alias Madame "Je prends tout", épouse puis veuve consolable de son cher Zine Abidine Ben Ali, alias ZABA, alors PDG de l'entreprise Tunisia Inc. Après la mort d'Arafat, Suha trouva le moyen de récupérer ses avoirs bancaires (notamment auprès de la Leumi Bak israélienne), au grand dam des responsables de l'(In)Autorité palestinienne, grâce au savoir-faire de son conseiller financier Edouard Rizk, un phalangiste libanais. Entre bons chrétiens, on se serre les coudes. [NdT]

L’une des opérations les plus importantes de Harpon s’est déroulée au plus fort de la deuxième Intifada, au début des années 2000, dans le but de retrouver les actifs du dirigeant palestinien Yasser Arafat, soupçonné de dissimuler des centaines de millions de dollars dans le monde entier.

« Arafat, sa femme Suha et ses assistants étaient totalement corrompus », explique Levy. Le président palestinien possédait de nombreux comptes bancaires - à Malte, en France, en Égypte, en Jordanie, en Tunisie et en Algérie - qui étaient gérés pour lui par son homme d’argent, Mohammed Rashid.

Avec l’aide du Mossad, Harpon a tenté de mettre le grappin sur les comptes bancaires d’Arafat et de son épouse. L’unité avait un double objectif : d’abord, elle espérait dévoiler ces comptes et diffuser largement des informations à leur sujet, dans le cadre d’une guerre psychologique, afin de salir Arafat et de le montrer corrompu. Harpon et le Mossad ont été aidés dans cette entreprise par des journalistes étrangers et israéliens. L’un de ces derniers va même jusqu’à lui proposer de se faire passer pour un correspondant étranger et d’essayer d’entrer en contact avec Suha. L’idée fut rejetée, mais Levy et ses agents réussirent à persuader la Banque Leumi [israélienne] de fermer le compte d’Arafat.

Le deuxième objectif était semblable à celui de Robin des Bois : saisir les comptes bancaires du couple et transférer leur argent vers un pays ami du Moyen-Orient, un allié d’Israël. Mais cette fois, Harpon n’a pas réussi.

L’unité a également utilisé des méthodes similaires contre le Jihad islamique. Son fondateur, le Dr Fathi Shaqaqi, exerçait un contrôle très centralisé sur l’organisation et ses fonds. Dès ses débuts, dans les années 1980, Shaqaqi était un mercenaire au service de l’Iran. Téhéran a financé son groupe, qui a mené certaines des attaques terroristes les plus meurtrières contre Israël, notamment l’attentat au carrefour de Beit Lid en janvier 1995, au cours duquel 22 Israéliens ont été assassinés. Au mois d’octobre suivant, des agents de l’unité Bayonet du Mossad l’ont assassiné en plein jour dans une rue de Malte. Les successeurs de Shaqaqi ont recherché les fonds du Jihad islamique mais n’ont pas pu accéder aux comptes bancaires. Des rumeurs ont circulé selon lesquelles sa femme se serait emparée de l’argent et l’aurait emporté en Iran ou ailleurs.

De son vivant, Shaqaqi n’a pas hésité à accepter d’autres sources de financement. Son homme de confiance aux USA était Sami al-Arian, professeur d’ingénierie informatique à l’université de Floride du Sud. Al-Arian a été arrêté en 2003 et inculpé de 17 chefs d’accusation pour appartenance à une organisation terroriste, financement d’une organisation terroriste, blanchiment d’argent et autres.

À peu près à la même époque, Levy a été envoyé en Floride au nom de l’État d’Israël, où il a été autorisé pendant trois mois à partager des documents et des informations de renseignement avec le FBI et le département du Trésor. Finalement, Arian a été acquitté de la moitié des chefs d’accusation ; il a signé un accord de plaidoyer et a purgé moins de cinq ans de prison. Après sa libération, en 2014, il a été expulsé des USA et a créé un centre de recherche dans une université d’Istanbul, qui, selon les services de renseignement israéliens, est également impliquée dans le transfert de fonds à des groupes terroristes.

La plus grande réussite de Harpon a été la lutte économique contre l’Iran. Grâce à son travail, Israël a pu, au fil des ans, persuader les USA et les pays d’Europe occidentale d’imposer de lourdes sanctions à l’Iran, dont la plupart sont encore en vigueur aujourd’hui. Plus précisément, Harpon, en collaboration avec les divisions de recherche du Mossad et du renseignement militaire, a fourni des informations sur la base desquelles des recommandations ont été formulées quant aux industries et aux entreprises iraniennes à sanctionner.

« Mon mandat de directeur du Mossad a joué un rôle essentiel dans la guerre économique contre l’Iran », explique Tamir Pardo à Haaretz, « ainsi que contre le Hamas et le Hezbollah ».

Harpon n’a pas mené d’actions sur le terrain contre les banques iraniennes, en raison de problèmes opérationnels et de la crainte de mettre son personnel en danger. Il a toutefois réussi à repérer et à marquer les fonds utilisés par des entreprises et des particuliers iraniens qui tentaient de contourner les sanctions afin d’introduire en contrebande des composants pour des projets de missiles et d’armes nucléaires. Les informations ont été transmises aux gouvernements de l’Occident et de l’Extrême-Orient, ce qui a permis d’empêcher la contrebande des équipements, qui ont souvent été confisqués.

L’un des points de référence des activités de Harpon a été de persuader Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne de 2011 à 2019, de prendre des mesures énergiques contre l’Iran. « Draghi nous a beaucoup aidés », note Levy, ajoutant que le développement le plus important a été la décision d’interdire à l’Iran et à ses citoyens l’accès au système international de compensation monétaire SWIFT. Ces actions ont amené Téhéran à la table des négociations et ont conduit à la signature de l’accord nucléaire de 2015.

Les efforts déployés pour découvrir et saborder les sources de financement des organisations terroristes ont également échoué. Levy et un haut responsable du Shin Bet se sont rendus à Dubaï, par exemple, pour convaincre le dirigeant de cette ville de cesser de financer le Hamas. Celui-ci leur a montré la porte.

« Ce sont les plus grands blanchisseurs d’argent du Moyen-Orient », déclare Levy à propos du gouvernement de Dubaï. « Presque toutes les sociétés affiliées aux Gardiens de la révolution iraniens et à leurs services de renseignement ont des représentations et des bureaux à Dubaï, ce qui les aide à blanchir de l’argent et à contourner les sanctions ».

Vous connaissiez bien les dirigeants du Hamas et du Hezbollah. À quelle profondeur estimez-vous que leur corruption s’étend ?

« Imad Mughniyeh était corrompu - il avait des maisons et des comptes bancaires à Damas et en Iran [selon des sources étrangères, il a été assassiné lors d’une opération conjointe du Mossad et de la CIA en 2008]. Nasrallah aussi ; lui et sa famille sont très riches. Nasrallah préfère ne pas garder son argent dans les banques au Liban, à cause des sanctions contre ce pays et contre lui, mais plutôt en Syrie et en Iran ».

Et le Hamas ?

« Au début, les dirigeants du Hamas se comportaient modestement et étaient certainement beaucoup moins corrompus que les dirigeants de l’OLP. Mais au cours des dernières décennies, Khaled Meshal et Ismail Haniyeh sont devenus milliardaires, avec de nombreux biens au Qatar, et des comptes dans la plus grande et la plus importante banque de ce pays, la Banque nationale. »

Et Yahya Sinwar ?

« Idem. Jusqu’à la guerre actuelle, il possédait de luxueuses villas à Gaza, mais il a aussi des biens au Qatar et des comptes bancaires dans ce pays. Bref, ils sont pris en charge, ainsi que toutes leurs familles et leurs enfants. »

* * *

En effet, un changement radical s’est produit en 2014 : Le Qatar a commencé à envoyer des fonds à la bande de Gaza. Israël l’a autorisé à faire entrer des valises remplies de millions en liquide, par l’intermédiaire de son ambassadeur à Ramallah. Pour sa part, Levy a pris sa retraite en 2016 et a passé un doctorat à Bar-Ilan, rédigeant une thèse sur l’islam radical, et s’est impliqué dans des entreprises privées. La même année, Yossi Cohen prend la tête du Mossad. Il décide de démanteler Harpon et de répartir ses responsabilités entre deux bureaux. Meir Ben-Shabbat, qui venait de prendre la direction du Conseil national de sécurité, affirme qu’il n’a pas été impliqué dans cette décision, qui a été autorisée par le cabinet de sécurité en mars 2018. À la place de Harpon, le ministère de la Défense a créé le Bureau national de lutte contre le financement du terrorisme, aujourd’hui dirigé par Paul Landes. Les autres rôles de la défunte unité, notamment la collecte et la concentration d’informations de renseignement pertinentes, ont été transférés au département de recherche du renseignement militaire.

Cohen a refusé de répondre à la question de Haaretz sur les raisons qui l’ont poussé à démanteler l’unité. Levy, pour sa part, a du mal à comprendre les raisons de cette décision.

« Peut-être voulait-il laisser une trace en la démantelant et en formant de nouvelles unités », dit-il. « Ce dont je me souviens, c’est que Yossi m’a toujours demandé de dire du bien de lui à Dagan, qui était non seulement mon professeur et mon mentor, mais aussi un ami personnel ».

Le bureau de M. Netanyahou a refusé de commenter cet article. [et on peut toujours rêver à une unité du Mossad chargée de pister son argent, celui de sa femme et de sa bande, NdT]