16/09/2025

AMEER MAKHOUL
Netanyahou, le discours “spartiate” et la guerre des civilisations

Ameer Makhoul, Progress Center for Policies, 15/9/2025
Traduit par Tlaxcala

 


Dans son discours du 15 septembre au Département des comptables généraux du ministère israélien des Finances, Netanyahou a exposé sa vision de l’avenir et une dimension fondamentale de sa vision et de ses politiques, fondées sur la permanence de la guerre, déclarant : « Les dangers ne disparaissent pas, ils ne font que changer. » Netanyahou a souligné la nouvelle orientation consistant à contrer l’isolement international en se tournant vers une production militaire autonome.

On ne sait pas si le discours de Netanyahou, qui a coïncidé avec le sommet arabo-islamique de Doha et la visite du secrétaire d’État usaméricain, était lié à ces deux événements en termes de calendrier.

Dans l’analyse :

Netanyahou reconnaît ouvertement l’isolement dans lequel se trouve Israël, tandis que sa conclusion est de renforcer davantage des politiques qui équivalent à un pari global et à une guerre perpétuelle jusqu’à la « victoire décisive ». Il semble convaincu qu’Israël est capable de l’atteindre, renforcé par les déclarations de Marco Rubio, qui a adopté la position et le récit d’Israël. En réalité, Netanyahou rejette toute main arabe tendue vers la compréhension ou la paix, quelle qu’en soit la forme ou la substance.

Plus dangereuse encore est l’affirmation de Netanyahou, dans le contexte des succès d’Israël dans la guerre contre l’Iran, qu’il existe de nouvelles menaces pesant sur Israël. Il a ajouté : « Même lorsqu’une force est éliminée, d’autres forces remontent à la surface… Je ne les nommerai pas. » Il a poursuivi, s’adressant aux hauts responsables du ministère des Finances : « Réfléchissez entre vous aux dangers. Les dangers ne disparaissent pas, ils ne font que changer. » Netanyahou faisait implicitement allusion à l’Égypte et à la Turquie, tout en justifiant une frappe contre le Qatar.

La question de la fabrication militaire indépendante est apparue sous la présidence de Biden, lorsque celui-ci a interdit la fourniture de bombes massives à Israël avant son occupation et sa destruction de Rafah. Biden considérait que l’armée israélienne les utiliserait contre des civils, tandis que les USA fournissaient à Israël des bombes et des équipements encore plus meurtriers pour la guerre contre le Hezbollah et l’Iran. Trump a depuis levé l’interdiction de Biden.

L’Allemagne a suivi cette ligne, interrompant l’exportation de certaines armes de destruction massive et de munitions pouvant être utilisées contre des civils lors de « l’opération Chariots de Gédéon 2 », selon la position allemande. Le Royaume-Uni et la France ont pris des mesures similaires, tandis que l’Espagne est allée plus loin en interdisant l’utilisation de ses ports pour le transfert d’armes usaméricaines vers Israël, suivie plus tard par l’Italie.

La guerre des civilisations et le “Grand Israël”

Netanyahou attribue l’isolement d’Israël à deux raisons principales : la première est « la migration illimitée des minorités musulmanes vers les pays d’Europe occidentale. Elles ne sont pas encore majoritaires, mais elles sont une minorité influente, bruyante et efficace, ce qui dissuade les gouvernements. Ces questions influencent les dirigeants, et ils ne le nient pas dans les conversations privées. »

L’Israël officiel et sa machine médiatique ont réagi de manière ostensible aux récentes manifestations racistes en Grande-Bretagne contre l’immigration, y exprimant leur soutien. Ils ont également cherché à alimenter le discours populiste européen contre les migrants, les présentant comme antisémites, anti-civilisation occidentale et manipulateurs des positions européennes. Cette rhétorique rappelle les discours de haine autrefois dirigés contre les Juifs européens lors de la montée de l’antisémitisme.

Netanyahou et son gouvernement considèrent la visite de Rubio, secrétaire d’État usaméricain dont les positions idéologiques s’alignent sur celles de Trump contre l’immigration (qu’il qualifie de « menace pour la sécurité nationale »), comme une opportunité d’inciter les deux à se débarrasser du « danger » en expulsant de force les migrants. Pour Netanyahou, la question de l’expulsion des migrants s’aligne logiquement avec ses intentions de déplacer la population de Gaza et même de la Cisjordanie.

Le second message, adressé principalement à Trump et à son administration a été l’affirmation de Netanyahou : « Des pays comme le Qatar et la Chine influencent l’opinion publique par d’énormes investissements dans des campagnes sur les réseaux sociaux. Cela change la position internationale d’Israël. Nous devrons investir des sommes énormes là-dedans. » Ce message visait également le ministère des Finances afin d’allouer des budgets à cet effet.

Netanyahou passe effectivement dans son discours de la doctrine du marché libre ouvert mondialement et intérieurement à celle d’une économie fermée basée sur l’autosuffisance et l’isolement défensif. Ce n’est pas une fin en soi, mais une partie d’une vision qui accepte les guerres perpétuelles comme une réalité. Il a déclaré : « Au moins dans les années à venir, nous devrons nous défendre et savoir comment frapper l’ennemi. » Il a ajouté qu’Israël devait être géré comme « Sparte », qui a mené de nombreuses guerres contre Athènes : « Nous devrons développer des industries d’armement ici. Nous serons à la fois Athènes et une grande Sparte. Nous n’avons pas d’autre choix. »

Conclusion

Netanyahou reconnaît que l’isolement international actuel d’Israël n’est pas temporaire ou éphémère, mais constant et durable, tandis qu’il mise sur les valeurs de Trump et sur les populistes européens.

S’il reste au pouvoir, l’approche de Netanyahou face à l’isolement international est de s’enfermer dans des intentions de guerre permanente, ne comptant que sur des solutions militaires sans aucune voie politique. Il ne s’intéresse ni à la normalisation ni même aux accords d’Abraham.

Il menace implicitement à la fois l’Égypte et la Turquie, indiquant que l’opération militaire israélienne à Doha n’est pas la fin du chemin.

Il défie les pays exportateurs d’armes en insistant sur la production indépendante de l’arsenal militaire d’Israël, ce qui nécessiterait des budgets sans précédent et peut-être indisponibles, même avec de grands changements économiques.

Netanyahou s’aligne presque totalement sur l’agenda et l’administration de Trump dans leur hostilité envers les immigrés, l’Islam et la Chine, embrassant la xénophobie et une théorie du « choc des civilisations » soutenu. Il se positionne aux côtés des forces populistes européennes — même celles qui sont antisémites — tant que leur rhétorique est anti-immigrés, cherchant à provoquer des affrontements internes en Europe avec les mouvements propalestiniens.

En exploitant la question des immigrés palestiniens et arabo-islamiques en Europe et en exigeant de gros budgets pour une propagande visant à promouvoir le récit israélien, Netanyahou cherche à ouvrir un front direct contre les mouvements de solidarité avec la Palestine, les diabolisant par une rhétorique raciste comme le produit de l’immigration et une menace pour la position « européenne blanche » selon le discours colonial.

En parallèle avec le mouvement isolationniste MAGA (« Make America Great Again »), Netanyahou promeut sa doctrine isolationniste « spartiate », que l’on pourrait résumer par MIGA : « Make Israel Great Again ».

Ces changements idéologiques dans la rhétorique de Netanyahou confirment que les évolutions des positions internationales en faveur des droits palestiniens isolent de plus en plus Israël. Pourtant, les conclusions de Netanyahou ne feront qu’approfondir et aggraver cet isolement, prouvant qu’il ne s’agit pas d’une phase passagère.

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