David Zini. Illustration: David Polonsky
Il s’agit de la nomination la plus alarmante de Netanyahou à ce jour. Toute personne familière avec l’environnement dans lequel a grandi son futur chef du Shin Bet, David Zini, en comprend parfaitement les raisons.
Hilo Glazer, Haaretz, 4/9/2025
English original: Israel Has Seen Extremists in High Office. But Nothing Like David Zini, Netanyahu's Shin Bet Pick
Traduit
par Tlaxcala
Le capitaine
David Zini, alors jeune commandant prometteur de compagnie dans la brigade
Golani de Tsahal, s’inquiétait du manque d’esprit critique parmi ses jeunes
soldats. Il leur projeta donc le film La Vague. Ce film raconte
l’histoire d’adolescents suivant un professeur charismatique de lycée, qui
tente de montrer à ses élèves ce qu’est la vie sous une dictature : il impose
une discipline stricte, exige une obéissance aveugle et les transforme en un
mouvement clandestin radical et dangereux.
Après la
projection, Zini dirigea une discussion. « Je voulais que la compagnie
comprenne qu’une société dépourvue de fondement moral solide, guidée uniquement
par la masse, peut engendrer un dirigeant qu’aucun de nous ne souhaiterait »,
expliqua Zini, alors âgé de 25 ans, au journaliste de Haaretz Avihai
Becker.
Nous étions
en 1998, et Zini affichait une aversion pour tout ce qui ressemblait à une
dictature. Il voulait inculquer à ses soldats la conviction que « l’on peut
être à la fois intelligent et un combattant efficace », tout en restant
hésitant sur la poursuite de sa propre carrière dans l’armée, remarquant que «
le cadre militaire est belliqueux et ne laisse aucune place au raffinement ».
Zini parlait
également du coût de l’occupation israélienne des Palestiniens dans des termes
auxquels des militants de gauche pouvaient facilement s’identifier. « Après un
service prolongé en Cisjordanie, nous sommes toujours confrontés à des
problèmes normatifs difficiles », déclara-t-il. « Dans la plupart des cas, ça
provoque une crise dans la compagnie. Les dilemmes qui en émergent conduisent
soit à une décadence morale, soit à l’apathie, ou tout aussi inquiétant, à une
hyper-barbarie et un effondrement critique des valeurs. »
« Pour une
compagnie de combat, [ce qui se passe à] Hébron est le sommet de la décadence
», ajouta-t-il. « Il n’y a pas de dommage moral plus grand. Toutes sortes de
perversions éclatent en même temps. Quand vous passez quatre mois, huit heures
par jour, à un checkpoint dans une jeep militaire, l’oisiveté se transforme
facilement en harcèlement, en jet de pierres dans les cours arabes juste pour
s’amuser. Un bataillon qui revient d’Hébron sans s’effondrer – c’est un
exploit. Ce sont des faits qu’il faut reconnaître ».
De
capitaine à général
Plus d’un
quart de siècle plus tard, à 51 ans, le capitaine est devenu général. Il avait
été renvoyé de l’armée en raison de ses liens douteux avec le Premier ministre
Benjamin Netanyahou et maintenant, il doit être nommé par ce dernier à la tête
du Shin Bet. C’est la nomination la plus effrayante de Netanyahou à ce jour.
Pas étonnant que les signaux d’alarme se multiplient – en particulier en raison
de l’impact potentiel sur une démocratie israélienne déjà vacillante.
Ce qui
alimente le plus l’inquiétude, ce sont les déclarations récentes de Zini, qui
traduisent son éloignement de valeurs telles que la sagesse politique (« Le
système judiciaire est une dictature qui contrôle tout le pays ») ou l’État de
droit (il a affirmé que les anciens chefs du Shin Bet « se sont trompés » en se
considérant liés par la loi puisqu’ils « sont d’abord et avant tout subordonnés
au Premier ministre »).
Zini fait
aussi l’éloge de l’extrémisme religieux (« Le messianisme n’est pas un gros mot
») et s’oppose à la fin de la guerre dans la bande de Gaza en raison de cette
même vision messianique (« C’est une guerre éternelle »). Il n’est donc guère
surprenant qu’il soit le seul officier supérieur de l’état-major de Tsahal à
avoir adopté le slogan de Netanyahou : « victoire totale ».
En réalité,
ce que Zini déclarait à Haaretz il y a tant d’années allait totalement à
l’encontre des conventions et était étranger au milieu dans lequel il avait été
élevé. Son éducation fut profondément marquée par les enseignements du rabbin
Zvi Yisrael Thau, figure la plus extrême du courant sioniste religieux actuel
et guide spirituel du parti homophobe Noam. Thau promeut une vision messianique
intransigeante, rejette tout ce qui est associé au « progrès » et défend des
positions rigides et fanatiques sur les femmes, les Juifs laïcs et les personnes
LGBTQ.
En temps
normal, la convergence des enseignements de Thau avec la direction d’une
puissante et secrète agence comme le Shin Bet relèverait du prologue d’une
fiction dystopique, et non d’un scénario devenant réalité.
Au cours des
dernières semaines, Haaretz a rencontré des dizaines de proches,
subordonnés, officiers supérieurs et amis de Zini au fil des années, qui ont
apporté un éclairage crucial sur lui et son entourage. (Il n’a pas répondu aux
demandes d’entretien pour cet article.) Les conversations révèlent que certains
de ceux qui le connaissent le mieux sont précisément les plus inquiets de sa
future nomination au Shin Bet. Plusieurs officiers supérieurs, anciens et
actuels, l’ont décrit en termes similaires : un penseur dogmatique, enclin à
voir les choses en noir et blanc, et convaincu que tout problème peut être
résolu par la force.
« Le chef
d’état-major a toujours évité de lui confier un rôle de commandement
significatif », expliqua l’un d’eux, « car son tempérament nationaliste et son
extrémisme étaient connus de tous. »
Le Shin Bet
dispose de pouvoirs considérables : arrestations administratives, contrôle sur
d’immenses réseaux de renseignement, capacité de mener des interrogatoires
musclés et d’imposer des restrictions drastiques aux libertés fondamentales,
notamment celles de mouvement et de vie privée. Que fera un homme qui considère
les Palestiniens comme une « menace existentielle divine » [sic] avec
une telle autorité ?
Même
l’invalidation de partis politiques ou de candidats à la Knesset dépend des
évaluations du Shin Bet, dont les détails restent confidentiels. Quelle
position prendra l’agence sous la direction d’un homme guidé par une vision
idéologique aussi fervente ?
La réponse
la plus claire à ces questions est venue d’un autre extrémiste d’extrême
droite. « C’est trop beau pour être vrai », a déclaré l’ancien député Moshe
Feiglin dans une vidéo YouTube. « Si le général de division Zini est nommé chef
du Shin Bet, l’agence deviendra une police secrète [qui s’en prendra] aux
[manifestants anti-gouvernementaux] de la rue Kaplan à Tel-Aviv et à toutes les
autres forces de destruction. La fête serait finie ».
Zini ne
s’exprime en public qu’au sujet des morts, et ses oraisons funèbres offrent un
aperçu de sa vision politique. Lors des funérailles du colonel Yonatan
Steinberg, tué le 7 octobre, il déclara : « Il est impossible de ne pas penser
à Yonatan et à son combat contre l’armée des Philistins. » Selon lui, « Les
mêmes Philistins qui cherchaient alors à détruire le royaume d’Israël sont
ceux-là mêmes qui font tout aujourd’hui pour que nous ne soyons plus ici. »
Lors de la cérémonie de Yom
HaZikaron en 2019, il affirma : « Nous devons nous rappeler que nos ennemis
sont les ennemis de l’Unique, béni soit-Il, et que nos défenseurs sont Ses
défenseurs, et toute tentative de séparer les deux est liée aux afflictions de
l’exil. »
En avril, il
prit la parole lors de la cérémonie commémorative des soldats tombés du
bataillon ultra-orthodoxe Netzah Yehuda, en ouvrant par une oraison funèbre
pour le rabbin Meir Mazuz, décédé ce mois-là. Zini qualifia Mazuz d’« homme
juste et saint ». Mazuz figurait parmi les personnalités les plus extrêmes de
la direction du parti ultra-orthodoxe Shas et était également considéré comme
un mentor du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et de
l’activiste kahaniste Baruch Marzel.
La majeure
partie du discours de Zini porta sur le commentaire de Mazuz concernant la
révolte de Bar Kochba et la raison pour laquelle des milliers d’élèves du
rabbin Akiva périrent dans cet échec face aux Romains (133-135 de l’ère
chrétienne). « Ne commettez pas l’erreur de penser que le rabbin Akiva s’est
trompé en soutenant Bar Kochba », déclara Zini, expliquant que ces « dizaines
de milliers de corps sont devenus un symbole et un exemple de la sainteté
d’Israël ».
De ce
massacre barbare de l’Antiquité, Zini tira ce message : « Nous retournerons à
Sion, et nous aurons une armée, des guerriers et des guerres, et le royaume
reviendra en Israël. Telle est la voie de la rédemption, jadis comme
aujourd’hui. »
Trois ans
plus tôt, Rachel Zini, la grand-mère de David Zini, s’était éteinte à l’âge de
100 ans. Née en Hongrie, elle fut déportée à Auschwitz avec sa mère et sa sœur.
Des survivants qui l’ont connue se souvenaient qu’elle essayait de convaincre
ses codétenues de ne pas se suicider, leur disant : « Auschwitz est temporaire.
»
Pendant la
guerre, la sœur de Rachel fut envoyée dans les chambres à gaz et, à la fin,
Rachel et sa mère furent forcées de participer à une marche de la mort
épuisante de quelque 650 kilomètres, avançant dans la neige aux côtés de
centaines d’autres femmes. Seules quelques-unes survécurent.
Parmi les
officiers alliés qui croisèrent ces femmes émaciées se trouvait Meir Zini,
descendant d’une famille de rabbins d’Algérie et officier dans l’armée
française. Confronté à cette scène bouleversante, il exhorta ses camarades
juifs à épouser les survivantes : « Voici ce qu’il reste du peuple d’Israël, et
c’est ainsi que nous reconstruirons notre nation. »
Après avoir
épousé Rachel, le couple retourna en Algérie puis s’installa à Paris, où Meir
fut rabbin pendant 40 ans. Leur fils aîné, Yosef, y naquit. Finalement, la
famille émigra en Israël et s’installa à Jérusalem. David, fils aîné de Yosef
et Penina, naquit un jour d’hiver enneigé en 1974. Plus tard, la famille
déménagea à Ashdod, où Yosef fut nommé rabbin de quartier, poste qu’il occupa
de longues années.
Un ami de
longue date de Zini, David Attoun, se souvenait que leur maison d’Ashdod «
respirait la modestie et l’amour, avec dix enfants dormant serrés dans des lits
superposés ». Un autre ami, qui demanda l’anonymat, avait un souvenir bien
différent : « J’ai toujours été intimidé par le père. C’était le genre de
figure qui vous faisait vous recroqueviller – un homme très idéologique,
strict, considéré comme l’un des élèves les plus extrêmes du rabbin Zvi Yehuda
Kook », fils du rabbin Abraham Isaac Kook et directeur de la yeshiva Mercaz
Harav de Jérusalem.
Yosef Zini
est connu comme un proche disciple du rabbin Thau. En 2021, il annonça
rejoindre le parti Noam de ce dernier. Un an plus tard, il signa avec d’autres
rabbins une lettre soutenant officiellement Noam et prit la parole lors d’une
conférence du parti à Ashdod.
À l’école
religieuse où il étudiait, David Zini était perçu comme un élève faible,
peinant à suivre. Plus tard, son père raconta que trois prestigieuses yeshivot
avaient refusé de l’accepter.
Lors de sa
nomination comme général de division il y a deux ans, l’une de ses sœurs,
Bracha Sarim, révéla qu’il « était un enfant espiègle… et n’avait été accepté
dans aucune école préparant les élèves à la neuvième année. Ce n’est qu’après
les insistances répétées de notre père qu’ils acceptèrent de lui donner un mois
d’essai dans une yeshiva secondaire assez éloignée de la maison ».
C’est ainsi
que le jeune Zini se retrouva dans le Golan.
Moshe
Egozi, le prof
« David est
arrivé ici soi-disant avec des difficultés d’apprentissage, mais il est vite
apparu que ses difficultés tenaient surtout au système », déclara le rabbin
Moshe Egozi, professeur de Zini à la yeshiva de Chispin, dans le sud du Golan.
« Mais chez nous, il a éclos. »
Zini fut
placé dans une classe d’élèves ayant besoin de renforcer leurs compétences en
lecture. Egozi, qui allait ensuite diriger l’école pendant des décennies, en
fit un projet personnel : « Il est devenu membre de notre foyer, ma femme et
mes enfants faisaient partie de son processus éducatif. Mon âme s’est liée à la
sienne et la sienne à la mienne. »
Lorsqu’il
suivait la voie juste, pour ainsi dire, Zini montrait une « combinaison rare
d’esprit et de détermination », se souvient Egozi. « C’était comme s’il était
né soldat, mais il possédait aussi une forte boussole morale et une sensibilité
aux autres. Il courait des dizaines de kilomètres par jour et, à la fin,
s’assurait que toutes les chaises de la classe étaient ramassées pour ne pas
fatiguer le personnel de nettoyage. »
La suite
marqua un tournant radical : Zini intégra la yeshiva Shavei Hébron, l’une des
institutions prestigieuses suivant la ligne idéologique du rabbin Thau. Plus
exigeante sur le plan académique, elle visait aussi à inculquer à ses étudiants
le sens des responsabilités, notamment dans Tsahal (elle propose un parcours «
hesder », combinant études religieuses et service militaire).
L’éducation
y était très à droite, extrême – de jeunes de 18 et 19 ans armés d’Uzis
parcourant le souk d’Hébron aux côtés de Baruch Marzel. « Avec le recul, cela
me choque », confia son ami Attoun. « Je n’aurais jamais choisi un tel
environnement, mais c’était celui dans lequel nous avons grandi. »
Zini réalisa
son rêve d’intégrer une unité d’élite en étant accepté à la Sayeret Matkal,
l’unité de reconnaissance. « David voulait devenir officier dans l’unité, mais
seuls deux furent nommés chefs d’équipe et il n’en faisait pas partie. Alors il
partit », raconta son camarade Nahum Petchinik.
Il suivit la
formation d’officier et servit comme commandant de compagnie dans le 12ᵉ bataillon de la brigade
d’infanterie Golani, aux côtés de Yaniv Asor, Rassan Alian et Tamir Yadai –
tous futurs généraux. L’officière chargée de l’éducation du bataillon était
Ayelet Shaked, future ministre de la Justice d’Israël.
Zini le
commandant
David Zini
développa un style de commandement intransigeant et intimidant. « La nature
d’un soldat est de pleurer, la nature d’un commandant est d’exiger », disait-il,
alors jeune officier. Deux surnoms lui collèrent alors : « Ahmazinijad » (jeu
de mots avec Mahmoud Ahmadinejad) et « Zinitiocus » (en référence au roi grec
Antiochos). Zini ne s’en vexait pas, cultivant même le mythe naissant autour de
lui.
C’est dans
la brigade Golani qu’il commença à se distinguer. Le commandant de brigade Gadi
Eisenkot, futur chef d’état-major, le remarqua comme chef de section et le
destina à des postes supérieurs. Après la seconde guerre du Liban en 2006, il
devint commandant du 51ᵉ bataillon de Golani,
traumatisé par de lourdes pertes à Bint Jbeil. Zini voulait redresser ses
troupes, même si cela impliquait des confrontations. Certains soldats se
plaignirent qu’il refusait qu’ils reçoivent un suivi psychologique, et il gagna
la réputation d’ « officier le plus insensible » après avoir interdit
l’érection d’un mémorial, arguant qu’il fallait « se concentrer sur les
vivants, pas sur les morts ».
Shiran
Amsili, l'un des héros de la bataille de Bint Jbeil, également blessé, a
déclaré dans une interview à l'époque : « Nous en étions arrivés à un point où
quelque chose en nous était sur le point d'exploser. Personne ne nous écoutait,
et nous nous sentions brisés, morts. »
À l'hiver
2007, alors que le bataillon s'entraînait à la base de Tze'elim, dans le sud,
une mutinerie sans précédent éclata parmi les soldats. Plus de 100 d'entre eux
abandonnèrent la base et se lancèrent dans une marche de protestation sur la
route de Beer Sheva. Zini chercha à infliger des sanctions sévères aux meneurs,
et 11 soldats furent condamnés à des peines allant de 28 à 56 jours de prison.
Amsili, considéré comme l'un des principaux instigateurs de la révolte, fut
condamné à la peine maximale. Zini recommanda même qu'Amsili, qui avait été
nominé pour une médaille de la vaillance pour son courage au combat, se voie
refuser cette médaille en raison de son rôle. Finalement, Amsili a reçu la
médaille, mais a ensuite souffert de stress post-traumatique et de graves
problèmes financiers. Son père, Yossi Amsili, a déclaré à Haaretz en
début de semaine que la famille n'en voulait pas à l'ancien commandant de
bataillon. « Zini a hérité d'un bataillon à moitié détruit », a
déclaré le père. « Il a essayé de le remettre sur pied. Les soldats, déjà
fragiles, étaient sur le point de s'effondrer encore davantage, ce qui a
conduit à des affrontements. Finalement, Zini a réussi. Il les a relevés.»
D'autres
soldats du bataillon ont loué leur supérieur. « Il était prêt à risquer sa
vie pour sauver les blessés », a déclaré Ido Gal Razon, cofondateur de
Fighters for Life, une organisation qui aide les anciens combattants de Tsahal
souffrant de SSPT. « Zini était un commandant différent : il n'était
pas là uniquement pour faire son devoir, mais aussi déterminé à laisser une
trace », a ajouté un autre ancien subordonné, David Shaulov. Zini
exprimait également publiquement les valeurs religieuses inculquées durant son
enfance, les utilisant pour inspirer un esprit combatif à ses soldats. « Avant
chaque entrée à Gaza, il nous réunissait en cercle et nous parlait de sa vision
», se souvient Shaulov. « Il nous inculquait un grand esprit et une grande
motivation. Il choisissait le soldat le moins connecté au monde religieux,
celui qui n'observait aucun commandement, lui plaçait une kippa sur la tête et
lui demandait de réciter la Prière du Voyageur [marquant le début d'un voyage].
»
Quoi que
l'on pense des méthodes de Zini, il ne fait aucun doute qu'il a réhabilité le
51e Bataillon. Pour son excellence au combat à Gaza, en 2007-2008,
le bataillon a reçu une citation d'unité, et Zini s'est vu remettre
personnellement un certificat d'excellence par le chef d'état-major de
l'époque, Gabi Ashkenazi.
En 2008,
Zini fut nommé commandant de l'unité d'élite antiguérilla Egoz, incarnant le
même style de leadership strict et intransigeant. En 2011, il fut promu colonel
et nommé commandant de la brigade de réserve Alexandroni. Il se distingua
encore davantage lors de l'opération Bordure protectrice en 2014, lorsqu'il fut
appelé temporairement pour remplacer le commandant de la brigade Golani, Rassan
Alian, blessé, et dirigea la brigade lors de la bataille du quartier de Shujaiyah
à Gaza.
Un an plus
tard, le chef d'état-major de l'époque, Gadi Eisenkot, le nomma à la tête d'une
nouvelle brigade commando, composée de quatre unités d'élite : Maglan,
Duvdevan, Egoz et Rimon. Mais à partir de ce moment, l'aura qui entourait cet
officier audacieux commença à s'estomper. Ses points forts – le souci du
détail, les évaluations post-activité méticuleuses et la rigueur de
l'entraînement – se transformèrent progressivement en
faiblesses. Des témoins interrogés par Haaretz ont décrit Zini comme un
commandant tactique talentueux, qui peinait à transposer ses compétences au
niveau stratégique. Il n'a pas su développer une perspective systémique ni la
flexibilité mentale requise pour un officier de son rang, ont-ils déclaré.
Certaines
des personnes qui le connaissent le mieux sont précisément celles qui
s’inquiètent le plus de sa nomination attendue. « Le chef d’état-major a
toujours évité de lui confier un rôle opérationnel significatif », a déclaré un
officier supérieur, « parce que son tempérament nationaliste et son extrémisme
étaient connus de tous. »
Selon ces
sources, la carrière de Zini au cours de la dernière décennie parle
d’elle-même. En tant que commandant de division, il n’a été promu à aucun poste
opérationnel important et a été affecté à la 340e Division de
Réserve, relativement marginale, qui n’a pas participé à des activités
opérationnelles pendant son mandat. Son rôle suivant, en tant que général de
brigade commandant la base d’entraînement de Tze’elim, était tout aussi peu
remarquable.
« Zini a été
écarté du noyau opérationnel », a déclaré un officier. Un autre a ajouté : «
Zini est encore enveloppé par la légende d’un officier agressif, cherchant
l’engagement, mais il y a un problème avec ça : depuis qu’il a commandé le 51e
bataillon de Golani, il n’a occupé aucun poste impliquant un engagement direct
avec l’ennemi. »
Si Zini
était un général de brigade cantonné à des rôles relativement marginaux,
pourquoi l’ancien chef d’état-major Herzl Halevi l’a-t-il promu au grade de
général de division ? À cette question, les réponses divergent. Selon certaines
sources, le lobby soutenant la promotion de Zini s’est mis en place dès le
mandat du prédécesseur de Halevi, Aviv Kochavi. Zini était frustré d’être mis à
l’écart.
Le général
de division Eliezer Toledano, considéré proche de Zini, a tenté de convaincre
Kochavi de lui confier un poste plus prestigieux, en particulier le
commandement de la Division de Cisjordanie de Tsahal– un poste très convoité
par la droite des colons. Kochavi n’a pas été convaincu. Lorsque Toledano,
alors chef du Commandement Sud, a de nouveau plaidé pour Zini, l’ancien chef
d’état-major a accepté d’offrir une sorte de lot de consolation : le commandement
du plus grand exercice d’entraînement de Tsahal à Chypre.
Au début de
2023, Halevi a été nommé à la tête de Tsahal, et peu après, le lobby des colons
a relancé sa campagne en faveur de Zini. Selon des sources, cette fois, c’est
le bureau de Netanyahou qui a poussé pour une série de promotions qui verrait
Zini élevé au poste de général de division.
Halevi a
d’abord hésité, mais la pression du bureau du Premier ministre l’a convaincu
d’accorder à Zini le grade souhaité en lui confiant un rôle supplémentaire,
quelque peu périphérique : celui de chef du Commandement de l’Entraînement.
Interrogé sur la question ces derniers mois, Halevi a insisté sur le fait que
la promotion de Zini au grade de général de division était professionnelle et
non le résultat d’une pression extérieure.
Une chose
est certaine : la première affectation de Zini en tant que général de division
devait également être sa dernière. Sa nomination à un commandement régional
n’était pas garantie, et il était censé prendre sa retraite selon les
procédures normales lors de la série suivante de nominations. Comme il se
voyait confier un rôle relativement périphérique, ses responsabilités ont été
légèrement élargies. Il a été chargé du Corps de l’État-major général, dissous
peu après son départ, ainsi que d’autres projets occasionnels, le plus notable
étant la création d’une nouvelle brigade haredi. Zini ne faisait pas
partie des généraux les plus actifs de Tsahal et sa routine quotidienne lui
laissait amplement de temps pour poursuivre ses études à la yeshiva religieuse
sioniste Har Hamor à Jérusalem.
Rabbin
Yehoshua Zuckerman
Ces
dernières années, Zini a accordé peu d’interviews et n’est apparu en public que
très rarement. L’éloge funèbre qu’il a prononcé il y a trois ans lors de la
commémoration du rabbin Yehoshua Zuckerman, son professeur et mentor, était un
événement inhabituel. Zuckerman, l’un des fondateurs de Har Hamor, était
considéré comme le bras droit du rabbin Thau. En effet, dire que Zuckerman
était le rabbin de Zini revient à dire que les enseignements de Thau étaient
également les siens.
Zini a
évoqué son lien profond avec Zuckerman, avec qui il avait étudié à la yeshiva
et duquel il s’était fortement rapproché ; il l’a loué dans son discours, lui
attribuant des qualités presque mystiques. Il a décrit comment il avait su
gagner la confiance du rabbin âgé : « Je suis venu pour être testé chez le
rabbin. Mes jambes tremblaient », a-t-il raconté. « Le rabbin a dit : ‘Très
bien, commence à lire.’ C’était beaucoup plus difficile que le processus de
sélection pour les unités d’élite, je dois le dire. J’étais complètement
terrifié qu’il ne m’accepte pas, car je n’avais nulle part ailleurs où aller. »
Selon Zini,
Zuckerman avait d’abord remarqué qu’il était « rouillé » et lui avait suggéré
d’étudier avec un autre professeur. Mais Zini ne s’est pas découragé. Zuckerman
aurait été impressionné par la persévérance du vétéran et l’a finalement
accueilli dans son petit cercle de disciples à Har Hamor.
Dans son
éloge, Zini a établi une analogie entre la manière dont son identité de soldat
de combat s’était forgée et son développement en tant qu’érudit de la Torah. «
Petit à petit, j’ai affronté des défis de plus en plus difficiles, et je me
sentais de plus en plus à l’aise pour poser des questions. » Avec le temps,
a-t-il ajouté, il s’était permis de soumettre à Zuckerman de véritables
dilemmes liés à son service militaire.
« Nous, en
tant qu’hommes d’action, et surtout en tant qu’officiers de Tsahal, savions –
et je ne dis pas délibérément comprenions ou percevions, mais savions – que nos
actes sont grands, intenses et bien plus exigeants que ce que nous pouvons
saisir », a poursuivi Zini d’une voix tremblante, marquant une pause pour
retenir ses larmes. « Nous savions que nous ne comprenions pas. Mais le rabbin
Zuckerman – lui, il sait. Par sa connaissance. C’est l’expert. »
Yair
Nehorai, qui a assisté au discours de Zini, n’a eu aucun doute sur leur
interprétation. Nehorai, auteur et avocat qui suit la communauté messianique et
ses activités, avec lesquelles il est en désaccord, estime que les propos de
Zini « montrent clairement que le service militaire est un outil pour réaliser
une vision messianique du monde. Même s’il ne sait pas exactement comment ça va
se dérouler, il agit selon son rabbin. Zini combat pour l’amour du ciel, pour
quelque chose de plus grand qu’il ne peut entièrement comprendre, mais que son
rabbin comprend. »
Rabbin
Eliezer Kashtiel
L’élite des
colons était en liesse. Ses médias ont rapporté que le mariage « rassemblait
deux des familles les plus connues de la communauté ». Les parents de la mariée
étaient Zini et sa femme Naomi. Les parents du marié étaient le rabbin Eliezer
Kashtiel, directeur d’une yeshiva de Tel Aviv et figure de proue de l’académie
pré-militaire Bnei David dans la colonie de Cisjordanie d’Eli, et sa femme
Shlomit.
Ayelet
Hashahar et Hillel se sont mariés à l’été 2023 à Eli, sous une houppa tissée
par un artiste local à partir de 1 100 fils « en mémoire de la destruction de 1
100 fruitiers de 20 ans » à Kerem Shilo, un avant-poste de colons illégal
évacué par les autorités israéliennes plus tôt cette année-là.
Le mariage,
auquel ont assisté des centaines de personnes, constituait à la fois une
démonstration de soutien à l’expansion du projet de colonisation et, peut-être
encore plus, un acte de défiance envers les institutions de l’État. Son impact
a continué de se faire sentir longtemps après les festivités, car le nouveau
parent de Zini par alliance, le rabbin Kashtiel, n’a guère besoin de gestes
symboliques pour exprimer ses positions radicales.
Kashtiel
prêche systématiquement que la mission principale de l’État doit être
l’expulsion des Palestiniens de leurs terres. Lors d’une récente leçon, il a
affirmé que Tsahal devait servir d’« armée de conquête » – même en temps de
paix :
« Même si
aucune balle n’était tirée contre nous, et même si les habitants de Gaza, qui
ne font pas partie du peuple d’Israël, ne nous apportaient que des fleurs, des
lettres d’amour et des dessins de cœurs, nous serions quand même obligés, même
le Shabbat, d’aller en guerre et de conquérir la Terre d’Israël. Selon la loi
de la Torah, nous sommes obligés de conquérir au moins jusqu’à Beyrouth »,
a-t-il ajouté. « En fait, les ambitions impérialistes de ce rabbin s’étendent
jusqu’en Turquie. Pourquoi les Turcs sont-ils contre nous ? Le Saint nous
indique que nous devons y parvenir. »
Pour
Kashtiel, une parade des fiertés n’est rien d’autre qu’une « abomination »
célébrant « les mariages d’hommes avec des hommes, de femmes avec des femmes,
d’hommes incertains de leur sexe et de femmes incertaines de leur sexe ». Chez
ses élèves de l’académie pré-militaire, dont beaucoup serviront ensuite dans Tsahal,
Kashtiel inculque une doctrine raciale rigide.
« Oui, nous
sommes racistes », a-t-il déclaré lors d’une conférence. « Bien sûr qu’il y a
des races. Nous croyons au racisme. Il y a des races dans le monde et des
traits génétiques des nations, et cela nous oblige à réfléchir à comment les
aider. »
De plus,
Kashtiel, qui a exprimé son soutien au parti Noam et enseigne également à la
yeshiva Ma’aleh Eliyahu de Tel Aviv, affirme qu’il est permis de haïr un
résident de Tel Aviv qui refuse de se repentir après « avoir commis des actes
mauvais, immoraux et corrompus ». Pourtant, de telles expressions semblent
presque accessoires par rapport à la doctrine systématique qu’il promeut sur le
changement de régime qu’Israël doit mettre en œuvre – et le plus tôt sera le
mieux.
« Nous avons
obtenu l’indépendance et la liberté politique, mais nous devons passer à
l’étape suivante », a-t-il déclaré à ses élèves. « L’étape suivante consiste à
déclarer que notre mission, en tant que royaume et en tant qu’État, est de
proclamer que le Seigneur est roi. Cela signifie que nous agissons en tant que
royaume, et que nos motifs et nos considérations sont ceux du Royaume des
Cieux. Comment cela s’exprime-t-il ? En éradiquant Amalek. Tous ? Oui, tous.
Homme, femme, nourrisson, enfant allaité, bœuf, mouton – tout, tout, tout…
Parce que telle est la volonté du Seigneur. Parce que le Seigneur est roi.
C’est l’étape à laquelle nous devons parvenir, pas à pas, ou peut-être
devrions-nous aller un peu plus vite. »
Kashtiel est
peut-être l’un des rabbins les plus extrêmes du système éducatif nationaliste
ultra-orthodoxe, ou Hardali, connu sous le nom de Yeshivot Hakav (« yeshivas
qui suivent la ligne »), mais ses propos sur « l’étape suivante » sont
profondément ancrés dans la vision messianique que ses collègues de Bnei David
cherchent à transmettre à leurs élèves.
Selon
Nehorai, l’académie d’Eli, dirigée par les rabbins Eli Sadan et Yigal
Levinstein, cherche à enrôler ses diplômés dans un projet visant à remplacer le
système de gouvernement d’Israël par un régime basé sur la halakha, la loi
religieuse traditionnelle, dont la constitution serait la Torah et dont
l’autorité s’étendrait sur l’ensemble de la Terre promise biblique. Sadan et
son cercle, selon Nehorai, poursuivent cette vision en essayant de placer des
fidèles à des postes clés de la vie publique, notamment dans le gouvernement et
l’armée.
« Le génie
de la méthode est de se présenter comme non-partisan », a-t-il expliqué. « Elle
fonctionne en insérant des agents dormants dans le système, modifiant ainsi son
ADN de l’intérieur. »
Pour cette
raison, Nehorai n’a pas été surpris d’apprendre que Sadan était le principal
promoteur de la nomination de Zini comme secrétaire militaire de Netanyahou,
nomination qui ne s’est jamais réalisée. Il estime désormais que les cercles de
Sadan et de Thau s’attendent à ce que Zini dirige le Shin Bet et l’utilise au
service de la révolution basée sur la Torah tant attendue.
« Nous
savons que l’entourage proche de Zini est entièrement immergé dans
l’enseignement du rabbin Thau. Maintenant, demandons-nous où cela mène.
Quiconque pense que ce qui est prévu ne se produira pas est naïf. Les cellules
messianiques sont le foyer de Zini. Même aujourd’hui, lorsqu’il parle d’une
‘guerre éternelle’, il reprend le chant de la guerre contre Amalek tel
qu’enseigné par le beau-père de son fils, le rabbin Kashtiel. »
Les
frères Shmuel et Bezalel Zini
Il semble
même que Netanyahou ait été troublé par cette ambiance. En janvier, Haaretz
rapportait qu’il n’avait pas été particulièrement impressionné par Zini lors de
son entretien pour le poste de secrétaire militaire l’an dernier, et l’avait
refusé, le jugeant « trop messianique ». Pourtant, quelques mois plus tard, le
nom de Zini était évoqué comme candidat au poste de chef d’état-major pour
succéder à Herzl Halevi, avec des rapports suggérant que l’épouse de Netanyahou,
Sara, poussait pour cette nomination.
Il est
également apparu que le frère de Zini, Shmuel, est le bras droit du
milliardaire de Miami Simon Falic, un proche des Netanyahou. Les Falic ont
souvent manifesté leur générosité envers ces derniers, agissant comme parrains
du fils de Netanyahou, Yair, lorsqu’il a déménagé en Floride ; leur villa
luxueuse à Jérusalem sert de résidence au Premier ministre et à son épouse lors
de séjours prolongés.
Shmuel Zini,
directeur commercial de Falic, est également une présence fréquente dans ces
cercles. À l’époque, il niait l’implication de Sara Netanyahou dans la possible
nomination de Zini comme chef d’état-major et accusait les médias de s’en
prendre à son frère. Shmuel n’est pas le seul frère Zini dont les activités
quotidiennes gravitent autour du Likud et de son leader. Son autre frère,
Bezalel, est également actif et est décrit dans la presse des colons comme un «
militant public bien connu promouvant l’identité juive ».
Bezalel Zini
agit pour le Likoud et d’autres partis de droite. En 2015, il a été «
coordinateur du personnel opérationnel » pour le Likoud ; en 2019, il a
contribué à fonder le parti Noam ; et en 2020, il est devenu responsable du «
Staff conjoint pour la protection de la sainteté du Mur occidental », un
organisme créé pour expulser les militantes de Women of the Wall de la place de
prière dans la vieille ville de Jérusalem. En 2021, il a fondé Bezalel Zini
Entrepreneurship and Projects Ltd., qui, deux ans plus tard, a organisé une
manifestation soutenant la réforme judiciaire du gouvernement Netanyahu.
Aujourd’hui,
Bezalel semble concentré sur un domaine très différent : la guerre à Gaza. Il
serait activement impliqué dans la démolition de maisons dans la bande de Gaza,
utilisant bulldozers et engins lourds.
« Bezalel
dirige un projet de destruction de bâtiments à Gaza », explique un réserviste
de Tsahal ayant été régulièrement stationné là-bas ces deux dernières années. «
Les conducteurs de bulldozer sont une sorte de jeunes des collines, convaincus
d’agir au nom de Dieu. Ce sont de véritables messianistes, entrant à Gaza en
civil, prenant le contrôle des zones et rasant tout. »
Bezalel
participe ainsi à l’aplanissement de la bande de Gaza via la soi-disant « Force
Uriah », une unité du Corps du Génie de Combat composée de réservistes et
d’employés civils de l’armée. L’unité comprend environ 100 opérateurs, beaucoup
provenant de communautés d’extrême droite en Cisjordanie, recrutés dans des
entreprises de construction civiles.
Il y a
environ un mois, il a été rapporté que l’unité avait démoli 409 bâtiments à
Gaza en quelques jours en hommage à son membre, le sergent-major de réserve
Abraham Azulay, tué lors d’une opération de démolition dans la ville de Khan Younès.
Des membres d’un groupe WhatsApp appelant à la relance des colonies
israéliennes dans la bande ont écrit que ces actions « préparaient le terrain à
la colonisation juive de toute la zone ».
L’opération
couvre de larges parties de Gaza, avec des dizaines de bulldozers, dont des D9,
actifs dans chaque secteur. Dans le nord, l’opération est commandée par le
colonel retraité Golan Vach, ancien chef de l’unité de secours et d’évacuation
du Commandement du Front intérieur, et frère du brigadier-général Yehuda Vach,
dont la conduite imprudente a été détaillée dans deux enquêtes de Haaretz [lire en français].
Bezalel Zini joue un rôle central dans les démolitions en cours dans le sud.
« Bezalel
est le chef de projet dans le sud ; il approuve la démolition de chaque
bâtiment et est fréquemment présent sur place », explique un officier
supérieur.
Bezalel Zini. Il a contribué à raser la bande de Gaza grâce à son travail au sein de la « Force Uriah », une unité du génie militaire composée de réservistes et d'employés civils de l'armée. Photo page Facebook de Bezalel Zini.
Quelle
est la finalité militaire de ces démolitions ?
« La
doctrine officielle dit que nous nivelons ces zones pour créer des zones de
travail sécurisées », explique l’officier. « Nous détruisons les bâtiments car
ce sont des positions de tir. Mais en réalité, les terroristes émergent des
ruines de structures déjà détruites. On pourrait transformer toute Gaza en
poussière et les menaces souterraines subsisteraient. La destruction est censée
créer des zones « propres », mais c’est une illusion. C’est de la destruction
pour le plaisir de détruire – une démolition ciblée qui ne peut être justifiée
sous aucun prétexte. »
La
démolition de bâtiments est également lucrative : le ministère de la Défense
fait appel à des entrepreneurs privés, payant environ 5 000 shekels [= 1285€]
par jour pour la machinerie lourde, ou en fonction du nombre de bâtiments
détruits.
« Israël
investit d’énormes sommes dans ce projet », ajoute l’officier. « Pour des gens
comme Bezalel et les jeunes des collines, c’est gagnant-gagnant. »
Tsahal a
répondu que le rôle de Bezalel Zini dans la Force Uriah fait partie de son
service actif en réserve et qu’il n’est pas entrepreneur du ministère de la
Défense :
« Zini sert
comme réserviste régulier responsable du soutien logistique aux soldats »,
indique l’armée. « Il n’opère pas lui-même les machines, n’a pas de rôle de
commandement dans l’unité et ne prend pas de décisions concernant les activités
des combattants. La Force Uriah est une unité de réservistes provenant de
diverses unités de l’IDF. Les démolitions dans la bande de Gaza sont menées
selon les nécessités opérationnelles, afin de détruire les infrastructures
terroristes et autres, conformément aux ordres militaires et au droit
international. Toute affirmation selon laquelle il s’agirait d’une force non
autorisée est fausse et totalement infondée. »
L’épouse,
Naomi Zini
Depuis sa
jeunesse, Zini a été attiré par les Hauteurs du Golan. Il a construit sa maison
à Keshet, un moshav religieux jouxtant la frontière syrienne. Dans les cercles
religieux sionistes, certains surnomment Keshet « la Sparte israélienne », en
raison du nombre inhabituellement élevé d’officiers supérieurs de l’armée qui
en sont issus. « Ses fondateurs envisageaient la figure d’un jeune homme tenant
un fusil dans une main et une page du Talmud dans l’autre », explique une
personne familière avec l’histoire de la communauté.
Keshet a en
effet été forgé à la lumière des valeurs qui exaltent l'étude de la Torah et le
caractère sacré de la terre. Il a été fondé après la guerre du Yom Kippour [octobre
1973], par 14 diplômés de la yeshiva Mercaz Harav à Jérusalem, pour lutter
contre tout retrait israélien du Golan. Les articles consacrés à ce lieu
mettent l'accent sur la figure du « leader », Eli Sadan, alors encore jeune
père de famille dont le rôle principal consistait à servir dans les
parachutistes, où il occupait des fonctions de combat et de commandement. Le rabbin
Shlomo Aviner, aujourd'hui président de la yeshiva Ateret Cohanim, a également
été le rabbin de Keshet à ses débuts.
Selon la
légende, le moshav comptait à sa création seulement trois enfants, deux garçons
et une fille, et une séparation des sexes a été installée dès le jardin d’enfants
pour les habituer à la séparation des genres dès la première enfance. Attoun,
un vieil ami de David Zini dont les parents faisaient partie des fondateurs, a
déclaré à Haaretz qu'il s'agissait d'un mythe, mais n'a pas nié que la
communauté imposait des normes strictes à ses membres. À l'origine, Keshet
était une communauté mixte composée de résidents religieux et laïques, mais ces
derniers ont rapidement réalisé qu'elle était trop extrême et l'ont quittée.
Les divers
changements survenus au sein de la société israélienne au fil des ans n'ont pas
adouci les mœurs dans cette communauté : lorsqu'un membre de la communauté a
récemment tenté d'acheter une maison dans le moshav, il a été rejeté en raison
de son orientation sexuelle et n'a été accepté qu'après que l'Autorité foncière
israélienne eut annulé cette décision. Les membres ont refusé d'être
interviewés, expliquant que les dirigeants du moshav leur avaient demandé de ne
pas parler aux journalistes de l'environnement familial du chef désigné du Shin
Bet.
Hezi et
Hannah Ben Zechariah sont deux autres membres du groupe fondateur de Keshet.
Leur fille Naomi est née là-bas et a grandi imprégnée des traditions locales.
Elle épousera David Zini bien plus tard et fondera une famille avec lui. Leurs
11 enfants ne sont peut-être pas inhabituels dans certains cercles de hardali,
mais parmi les officiers de l'armée israélienne, Zini a réussi à établir un
record. Un officier du Corps des ressources humaines a déclaré cette semaine
qu'en raison du nombre élevé de ses enfants, « le plus grand véhicule de
l'histoire de l'armée israélienne a été attribué à Zini, une sorte de minibus
de 13 places. À ma connaissance, il est le seul officier à avoir 11 enfants ;
le suivant est un membre du rabbinat militaire qui en a 10 ».
Naomi,
épouse et mère, est pleinement engagée dans la voie choisie par Zini et, comme
lui, adhère aux enseignements du rabbin Thau. En juillet, des extraits d'un
livre qu'elle a écrit, intitulé « Building Resilience: Conversations for a
Soldier's Wife in a Time of War » (Construire la résilience : conversations
pour l'épouse d'un soldat en temps de guerre) et publié l'année dernière, ont
été publiés dans Haaretz. Ce livre
rassemble des conversations avec les épouses de soldats combattant à Gaza et
expose sa vision du monde. Elle y écrit notamment que « détruire les maisons à
Gaza est un commandement », mais que cela ne suffit pas et qu'« il faut
également hériter et coloniser » la terre.
Naomi Zini
présente la guerre comme une « naissance nationale », lui attribuant un rôle
dans la rédemption d'Israël et critiquant la « mentalité progressiste » qui,
selon elle, s'est enracinée dans l'armée, ce qui se traduit par une « faiblesse
dans la conduite de la guerre ». Dans son livre, Zini cite fréquemment Chana
Tau, la défunte épouse du puissant rabbin, et relègue les épouses des soldats à
un rôle simple : remonter le moral de leurs maris qui combattent au front. Ses
écrits reflètent une hiérarchie sexuelle claire, dans laquelle les femmes sont
chargées de gérer le foyer et de s'occuper de la famille. « Quand il [le mari]
voit qu'il a une femme forte et compétente et un foyer bien géré, il peut lui
aussi devenir plus fort et se battre correctement. »
Zini
lui-même n'a jamais parlé publiquement du rôle des femmes. Cependant, trois
sources qui se sont entretenues avec Haaretz et qui ont travaillé à ses
côtés pendant des années ont confirmé qu'il avait tendance à se distancier des
femmes de son entourage. Dans un cas, il a reculé devant une femme soldat qui
s'était rendue à son quartier général et lui avait tendu la main. « Zini ne l'a
jamais déclaré ouvertement et n'a jamais réaffecté une femme soldat d'un poste
particulier – il est plus intelligent que ça – mais il est bien connu qu'il
essaie de limiter ses contacts avec les femmes officiers », a déclaré une
source. « Dans l'armée, il est généralement admis qu'il évite les femmes. »
Le
Premier ministre Benjamin Netanyahou
Deux mythes
se sont répandus au sujet de Zini, en lien avec le massacre perpétré par le
Hamas le 7 octobre. Le premier est que, lors de ce terrible samedi, il s'est
rendu sur le champ de bataille et a tué des escouades de terroristes lors d'une
bataille sanglante près du kibboutz Miflasim. Dans une vidéo filmée le
lendemain au mémorial Black Arrow, près de ce kibboutz, on voit Zini debout au
milieu d'un groupe de combattants Nukhba morts, racontant ses rencontres. Cette
vidéo lui a valu de nombreux éloges. « Alors que les autres généraux fixaient
leurs écrans plasma, un homme s'est précipité sur le terrain pour défendre le
pays », a écrit Hanan Greenwood dans Israel Hayom, déclarant que ces
images prouvaient que Zini était « le cheval au galop dont le pays a besoin ».
Netanyahou a également fait écho à ce sentiment dans un discours national,
affirmant que de telles actions incarnaient « notre esprit ».
Pourtant,
une enquête menée par Haaretz révèle que Zini n'a en réalité pas pris
part à la bataille du carrefour de Miflasim. Un commandant de terrain qui a
joué un rôle central dans les combats qui s'y sont déroulés a affirmé : « David
Zini n'était pas là. En fait, nous n'avons vu aucun officier au-dessus du grade
de commandant. Le fait est que son nom n'a même pas été mentionné lors des
débriefings. »
En effet,
les rapports de l'armée indiquent que Zini n'est arrivé dans la zone qu'après
la fin des combats. Une source militaire proche de l'enquête a expliqué cette
semaine que les militants morts visibles dans la vidéo se rendaient à la base
de Tel Nof et ont pour la plupart été tués lors de frappes aériennes. « Zini
n'a pas tiré une seule balle là-bas, et son nom n'a jamais été mentionné dans
aucune des dizaines d'autres discussions sur les événements de cette journée »,
a déclaré la source.
Un deuxième
mythe dépeint Zini comme quelqu'un qui aurait « prédit » les événements du 7
octobre. Là encore, le principal promoteur de cette idée est Netanyahou qui,
afin de justifier sa nomination à la tête du Shin Bet, a brandi en mai dernier
un document classifié, déclarant qu'il s'agissait d'un rapport soumis par Zini
environ six mois avant le massacre, dans lequel il « voyait clairement les
choses... et avertissait précisément du danger d'une incursion terrestre qui
nous prendrait par surprise, et que nous devions nous préparer différemment ».
Mais
plusieurs responsables militaires ont déclaré que le Premier ministre était
manipulateur et trompeur. Ils ont expliqué que le soi-disant « avertissement de
Zini » n'était rien d'autre qu'un document standard passant en revue les
dispositifs de sécurité le long de la frontière avec Gaza, avec des
recommandations limitées au niveau tactique, voire micro-tactique.
À la demande
du commandant de division de l'époque, Avi Rosenfeld, Zini a passé en revue les
procédures de sécurité habituelles le long de la frontière et est revenu avec
des conclusions qui mettaient en évidence des lacunes spécifiques. Ce même
document, datant du début de l'année 2023, « était le résultat d'un examen du
niveau de préparation et de vigilance le plus élémentaire », a déclaré un
officier familier avec les détails. Selon lui, Zini a commencé l'examen un
matin et a présenté ses conclusions à Rosenfeld dans l'après-midi du même jour.
Rosenfeld aurait été surpris que Zini ait déjà réussi à rédiger le rapport, et
la discussion à ce sujet n'a pas duré plus d'une demi-heure.
La menace
qu'il avait identifiée concernait le scénario d'un raid isolé, qui pourrait
aboutir à l'enlèvement d'un soldat ou d'un civil. L'analyse de Zini visait à
mettre en évidence les lacunes du protocole d'urgence standard de la division,
et c'est exactement ce qu'elle a fait. Il n'a pas mis en garde contre une
guerre imminente ou une attaque massive impliquant des milliers de militants
envahissant quelque 70 sites, comme cela s'est finalement produit ce samedi-là.
Un officier
supérieur qui a examiné le document et s'est entretenu avec Haaretz a
déclaré que le qualifier de prophétique était, à tout le moins, « une tromperie
», et s'est demandé comment il avait abouti dans le bureau du Premier ministre,
qui ne faisait pas partie des destinataires prévus. « Si un officier à qui l'on
demande de rédiger un rapport en fait une copie et la transmet à l'échelon
politique, c'est une affaire très grave et totalement inappropriée d'un point
de vue éthique », a ajouté un autre officier.
Rabbin David Leybel, la brigade Hashmonaim
En janvier
dernier, Zini a été évacué d’un restaurant à Bnei Brak après que des dizaines
de haredim extrémistes eurent entouré sa voiture en le traitant de «
Nukhba » et de « meurtrier ». Ce genre d’incident s’était déjà produit l’été
précédent lors d’une rencontre avec le rabbin David Leybel, un des fondateurs
de la nouvelle brigade haredi de Tsahal, que Zini dirigeait.
La brigade
Hashmonaim [Hasmonéens, nom hébreu de la dynastie juive connue sous les nom
de Maccabées, NdT] permet aux soldats haredim de servir tout en maintenant
strictement leur mode de vie : sans femmes, sans religieux sionistes et avec
observance halakhique stricte. À la différence un bataillon comme Netzah Yehuda, qui a
principalement recruté des haredim ayant quitté le monde des yeshivas,
Hashmonaim avait pour objectif de constituer une brigade complète de 3 000
combattants haredis.
Zini a établi un canal de communication discret avec d'éminents rabbins et dirigeants communautaires, approchant des dizaines de sectes haredim et allant même jusqu'à contacter les plus petites communautés. « Il agissait avec la conviction qu'il allait réussir à recruter des haredim, animé par la profonde conviction qu'il pouvait réinventer la roue », a déclaré une source haredi proche du dossier.
Zini a
longuement parlé de la nécessité pour l'armée d'instaurer un climat de
confiance vis-à-vis des haredim. Il a orienté le projet dans des directions
assez extrêmes, d'un point de vue halakhique, allant au-delà de ce que l'armée
avait réellement proposé et même au-delà de ce que les rabbins avaient osé
demander. Par exemple, il a proposé que les soldats soient tenus d'utiliser
uniquement des téléphones casher et puissent porter des vêtements blancs
spéciaux pour le Shabbat.
« Zini
pensait que tous les haredim le soutenaient », a déclaré la source haredi. Il
semble toutefois qu'il ait mal interprété les messages qu'il a reçus des
rabbins supérieurs et qu'il n'ait pas réussi à traduire ses efforts en un
recrutement significatif. Hashmonaim a été lancé en tant que brigade, mais n'a
réussi à inclure que quelques compagnies aux effectifs clairsemés. Depuis le
début de cette année, moins de 60 soldats se sont enrôlés dans chacune des deux
compagnies régulières, soit moins de la moitié de l'objectif fixé par l'armée
israélienne..
La tête du Shin Bet
En mai
dernier, après que Netanyahou avait visité la base de Tze’elim, il a demandé à
Zini de l’accompagner jusqu’à sa voiture, où il lui a proposé le poste de chef
du Shin Bet. Roman Gofman, secrétaire militaire du Premier ministre, n’a pas
été informé de cet « entretien ». Plus tard, lorsque Gofman a demandé ce qui
s’était passé, Zini a répondu que le Premier ministre voulait discuter du
recrutement haredi dans l’armée. Le chef d’état-major Eyal Zamir n’a pas été
informé de la rencontre et, après avoir appris que Zini avait agi dans son dos,
l’a renvoyé de l’armée.
Initialement,
la procureure générale Gali Baharav-Miara a jugé que la nomination de Zini
était illégale. Cette décision faisait suite à un arrêt de la Cour suprême
selon lequel Netanyahou avait agi en conflit d’intérêts en licenciant l’ancien
chef du Shin Bet Ronen Bar, en raison de l’enquête de l’agence sur le scandale
dit « Qatargate », impliquant l’interrogatoire d’assistants du Premier ministre
et des fuites de documents classifiés. Quelques jours plus tard, un compromis a
été trouvé : après deux mois, le temps que l’enquête sur le Shin Bet soit
terminée, Netanyahu pourrait nommer Zini, sous réserve de l’approbation du
Comité Grunis, chargé d’évaluer les nominations de hauts fonctionnaires. Ce
comité a un mandat limité, se concentrant surtout sur l’intégrité des candidats
; la compétence de Zini pour le poste n’y serait pas examinée.
Parmi les
anciens membres du Shin Bet, l’inquiétude est généralisée concernant cette
nomination. « Le Shin Bet est une institution de l’État, donc le simple fait
que Zini soit une figure controversée le rend inapte », explique Dvir Kariv,
ancien officier de terrain de la division dite « juive » de l’agence. « Un
général à qui le Premier ministre propose le poste de chef du Shin Bet depuis
la banquette arrière d’une voiture, au milieu du désert, devrait immédiatement
descendre. Et il ne devrait certainement pas mentir en disant qu’ils ont parlé
de recrutement haredi. Dès que la procureure générale a signalé un problème, il
aurait dû suspendre sa candidature jusqu’à la fin de l’enquête. Il ne l’a pas
fait, et a donc échoué sur le plan éthique. »
Kariv
poursuit :
« Imaginons un scénario qui n’est pas hypothétique : un din rodef contre la procureure générale », se référant à une directive religieuse autorisant à tuer quelqu’un qui tente de vous tuer. « Dans les yeshivas ultra-extrêmes, ils débattent probablement de la possibilité d’éliminer une personne. Les renseignements sur un tel plan exigent que le rabbin de la yeshiva soit convoqué pour un entretien de mise en garde. On lui dit que s’il ne clarifie pas qu’aucune main ne doit être levée contre des élus, il sera arrêté. Ce n’est pas un jeu « et si » – c’est un exemple de situation réelle qui s’est effectivement produite. Zini serait-il capable d’imposer l’ordre à un rabbin aussi extrême ? Je n’en suis pas du tout sûr. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire