Amira Hass, Haaretz, 9/8/2021
Traduit par Fausto Giudice
Arrêtez de dire "Les soldats ont tiré sans raison" ou "un garçon palestinien a été tué sans raison". D'abord parce qu'il y a une raison, ensuite parce que ce genre de formulation ne fait qu'ancrer la représentation de la réalité que le gouvernement veut faire adopter aux gens.
Des soldats israéliens et des manifestants palestiniens s'affrontent dans le village de Beita, en Cisjordanie, le 28 juillet 2021. Photo : Jaafar Ashtiyeh / AFP
Commençons par le deuxième point. Quand on dit que "les soldats ont tiré sans raison" sur la voiture dans laquelle se trouvaient Muayad al-Alami et ses enfants Mohammed, Anan et Ahmed, cela revient à dire que tout est normal et qu'il n'y a aucun problème à ce que des soldats étrangers armés soient stationnés 24 heures sur 24 au cœur d'une population civile.
C'est ce que les FDI et le gouvernement veulent que nous pensions, c'est ce que les pelotons de colons nous disent et c'est ce que les Israéliens juifs qui font une visite rapide au Yeshastan [yesha, »salut » en hébreu, est l’acronyme par lequel les sionistes désignent la Cisjordanie et Gaza, NdT] en viennent à penser. L'expression "a tiré sur/a été tué(e) sans raison" contient en elle la prémisse que c'est le comportement d'un certain Palestinien ou de la population palestinienne dans son ensemble qui doit être scruté, car ce sont certainement eux qui ont dévié des règles que les soldats attendent d'eux. Et pour chaque nouveau peloton, les Palestiniens sont comme de nouvelles recrues qui ont été amenées dans une installation militaire israélienne et qui doivent apprendre ses règles.