08/08/2021

GIDEON LEVY
L’irrésistible ascension d’Aviv Kochavi à la tête de l’armée israélienne : une mauvaise chose pour les Israéliens et pour les Palestiniens

Gideon Levy, Haaretz, 7/8/2021

Traduit par Fausto Giudice

 

Le chef d'état-major des FDI, Aviv Kochavi, est l'un des décideurs les plus impressionnants d'Israël. Sa carrière est tout droit sortie d'un journal militaire, il porte un béret rouge de parachutiste et des bottes brunes, prononce des discours éloquents sur les valeurs d'une voix autoritaire et ressemble à une star de cinéma née pour jouer James Bond. Il est végétarien depuis le lycée, sa sœur et son frère sont érudits, et il l'est certainement aussi.

 

Le chef d'état-major des FDI, Aviv Kochavi, lors des funérailles du journaliste Roni Daniel, la semaine dernière. Photo : Tomer Appelbaum

Kochavi est le beau visage d'Israël, le type que les Israéliens aiment aimer. Il représente le bon vieil Eretz Israël, le sel de la terre, le meilleur de nos fils et tout le tintouin. Il parle de plans pluriannuels, n’exprime pas de haine et ne fulmine pas - un commandant et un gentleman. Il a créé la division de l'innovation de Tsahal, et même une unité multidimensionnelle, et a promu un document conceptuel pour relever les défis.

Je l'ai rencontré il y a quelques années pour un entretien confidentiel et il m'a donné la nette impression d'être un officier réfléchi, le prochain Ehud Barak. Aujourd'hui, il est également pressenti pour être le prochain Benny Gantz [chef d’état-major de 2011 à 2015, NdT], après Gadi Eisenkot [chef d’état-major de 2015 à 2019, NdT]. En d'autres termes, un homme très prometteur ; Kochavi, après tout, est né pour la grandeur.

J'ai été d’une certaine manière satisfait de sa nomination comme chef d'état-major. Peut-être qu'enfin quelqu'un allait changer le cours de ce navire lourd, arrogant et en décomposition depuis longtemps. Après ses deux ans et demi comme chef d'état-major, on peut dire que Kochavi dirige une armée qui n'a rien appris et rien oublié.

Les évaluations militaires doivent être laissées aux commentateurs, qui disent tous de toute façon que chaque officier est un « officier estimé ». Mais dans deux domaines connexes, Kochavi semble ne pas être différent de ses prédécesseurs, et peut-être même pire.

Il est à la tête d'une armée avide qui ne voit pas d'État, pas de besoins sociaux, pas d'hôpitaux qui s'effondrent, pas de pandémie qui fait rage, pas d'embouteillages insupportables. Il n'y a que l'armée, le budget de la sécurité, les retraites scandaleuses et au diable tout le reste.

Il est vrai que la société et les médias, qui ont construit ce veau d'or, mentent lorsqu'ils affirment que si l'on porte atteinte à l'armée, l'État sera détruit du jour au lendemain. Il est vrai que les gouvernements successifs d'Israël ont prêté la main au mensonge selon lequel on peut réduire tous les budgets sauf un. Il n'y a pas de limite à la quantité d'argent qui est déversée. Qui voudrait nuire à la sécurité ? Et qui servirait dans l'armée sans une pension astronomique ?

Ce mépris pompeux des besoins du pays ne se limite pas aux demandes d'argent. C'est la ligne de pensée la plus profonde de l'armée, que Kochavi, le prometteur, n'a pas changé d'un iota.

Cette ligne de pensée guide également l'armée dans l'accomplissement de ses missions. De la même manière qu'il n'y a pas d'État et pas d'autres besoins dans le budget, il n'y a pas de Liban, pas de Syrie et pas d'Iran. Les FDI peuvent en faire ce qu'elles veulent. Il n'y a pas de droit international et pas de communauté internationale, il n'y a pas de peuple palestinien et il n'a aucun droit. C'est le même esprit de vantardise que l'on retrouve dans les discussions sur le budget, et rien ne l'arrête.

Ces choses sont apparues plus clairement que jamais avec le nouveau déchaînement des FDI dans les territoires. Vendredi, les soldats ont tué un autre manifestant palestinien dans le village de Beita. Il ne se passe pas un vendredi sans qu'un Palestinien soit abattu par l'armée.

Lorsque j'étais à Beita la semaine dernière, les habitants portaient encore le deuil de la précédente victime mortelle, le plombier du village qui était descendu pour réparer une vanne cassée. Les FDI l'ont tué et ont emporté son corps, qui n'a toujours pas été rendu.

Maintenant, Beita pleure un père de cinq enfants qui a protesté vendredi contre le vol des terres de son village par l'avant-poste criminel de colons à Evyatar. Quelques jours auparavant, les parachutistes de Kochavi ont tué un adolescent à Nabi Saleh, et leurs camarades ont tué un garçon à Beit Ummar.

Kochavi a gardé le silence sur tout cela. Son prédécesseur, Eisenkot, prenait parfois au moins ses distances par rapport aux actions de ses soldats : « Vous n'avez pas à vider un magazine sur une fille avec des ciseaux à la main », avait-il dit. Son successeur ne dit même pas cela.

Du point de vue de Kochavi, laissez les soldats vider autant de chargeurs que possible contre autant de Palestiniens que possible. Qu'ils tuent un adolescent et un plombier, un manifestant et un berger, il n'a rien à dire à ce sujet. Un commandant de l'armée qui n'a rien à dire sur ces tueries méthodiques contribue encore plus à la dégradation de l'armée.

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