Gideon Levy, Haaretz, 15/8/2021
Traduit par Fausto Giudice
Le Premier ministre Naftali Bennett lors d'une réunion du gouvernement à Jérusalem, dimanche. Photo : Ohad Zwigenberg
Cela vous semble familier ? C'est exactement la façon dont le camp « Tout sauf Bibi » a traité Netanyahou lorsqu'il était Premier ministre. Rien de ce qu'il faisait ou s'abstenait de faire n'était reconnu ou apprécié, même lorsqu'il le méritait. Tout ce qu'il touchait était automatiquement terrible et quiconque osait penser autrement était considéré comme un fan de Bibi. Aujourd'hui, Bennett est victime de la même haine politique aveugle. Il construit des milliers de logements pour les colons, avec une feuille de vigne sous la forme de quelques centaines de logements pour les Palestiniens - qui ne seront peut-être jamais construits - mais rien n'apaisera les autres droitiers.
On peut être impressionné par le fait que les partisans de Netanyahou n'ont pas rompu ou plié, et certainement pas fait de concessions, malgré sa perte du pouvoir. Certains mouvements se désagrègent après un tel échec. Pas eux. Ceux qui pensaient que le passage de Netanyahou dans l'opposition mettrait fin à son incroyable culte d'adoration ont eu tort. Le camp est resté fort même après que les boucles de son héros ont été rasées, du moins pour l'instant. Mais ceux qui considéraient le camp « Tout sauf Bibi » comme superficiel et creux doivent maintenant prêter attention au camp « Tout sauf Bennett ».
Le nouveau gouvernement n'est certainement pas une raison de se réjouir. L'aube d'un jour nouveau qui nous avait été promise avec le renversement du « tyran » ne s'est pas levée, et ne se lèvera pas. Ce que nous avons, c'est un autre gouvernement « de détail » axé sur sa survie, dépourvu de changement ou d'espoir. Mais de là à imputer tous les échecs de l'entreprise sioniste au gouvernement Bennett, après deux mois de mandat, il y a un fossé énorme.
Bennett n'est certainement pas un meurtrier, comme l'a qualifié le puissant député ultra-orthodoxe Moshe Gafni, et il n'est même pas responsable de la nouvelle épidémie de coronavirus. Lui et ses ministres font au mieux de leurs capacités limitées face à l'épidémie, alors que personne au monde ne sait ce qu'il faut faire pour y faire face.
La campagne de diffamation contre lui et son gouvernement ne repose sur rien d'autre que les affabulations du commentateur de la radio de l'armée Yaakov Bardugo, selon lesquelles il ne resterait que 30 000 doses de vaccin dans le pays. Les bibiistes gonflent l'épidémie et ses risques à des dimensions existentielles uniquement pour attiser la haine envers le gouvernement Bennett. Même le débat sur l'épidémie s'en tient strictement aux lignes coalition contre opposition.
On a évidemment le droit de haïr, c'est parfois justifié, voire vital. Il est permis et justifié, par exemple, de haïr les colons. Des gens qui abusent de leurs voisins d'une manière aussi méprisable et malfaisante, qui extorquent et menacent l'État tout en semant la peur dans son armée, qui volent et pillent, parfois même qui tuent, sont certainement l'objet d'une haine justifiée. On peut aussi haïr Netanyahou et Bennett, mais pas aussi aveuglément. On ne peut pas faire de la haine personnelle l'alpha et l'oméga. En Israël, il n'y a rien d'autre : on déteste l'un ou l'autre. Et si on essayait un moment d’être sérieux ?
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