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Sergio Rodríguez Gelfenstein
¿Qué hará Marcos Rubio? 

20/08/2021

GILAD ATZMON
La théorie critique de la race et le projet juif

 Gilad Atzmon, 20/8/2021 (Bio)

Traduit par Fausto Giudice

La théorie critique de la race [TRC ; angl. Critical race theory, CRT, NdT]  fait l'objet d'un débat croissant aux USA. De façon assez particulière, les opposants à la TRC insistent sur le fait que le discours "marxiste" doit être éradiqué de la culture usaméricaine et du système éducatif. Cela me laisse perplexe, car je ne vois rien de plus éloigné de la pensée de Marx que la TRC.

Marx a proposé une analyse économique fondée sur la division en classes. Pour Marx, ceux qui se trouvent au bas de l'échelle des classes sont destinés à s'unir indépendamment de leur race, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. En tant que tel, Marx était aveugle à la race. Toutefois, sa vision était unificatrice, du moins en ce qui concerne la classe ouvrière. Mais la théorie critique de la race vise la direction complètement opposée. Les partisans de la TRC estiment que les personnes sont et doivent être définies politiquement par leur biologie : par la couleur de leur peau, souvent par leur sexe et/ou leur orientation sexuelle. La TRC tente de combattre le racisme, non pas en l'éliminant, mais en élevant le déterminisme biologique au rang de champ de bataille permanent.

Les théoriciens critiques de la race ne sont pas très originaux sur ce front du déterminisme biologique. Déjà à la fin du 19e siècle, le sionisme appelait les Juifs à s'identifier politiquement à leur biologie. L'appel d'Hitler au peuple aryen pour qu'il fasse de même a eu lieu environ deux décennies plus tard. Ironiquement, même les soi-disant juifs "anti"-racistes au sein des cellules politiques antisionistes "réservées aux Juifs" (telles que JVP, JVL, IJAN[1]) suivent exactement le programme sioniste et hitlérien. Ils insistent également pour s'identifier politiquement et idéologiquement à "une race"*.

On peut se demander à ce stade pourquoi les gens de la droite conservatrice qualifient la TRC de "marxiste" alors qu'elle n'a rien à voir avec Marx et a beaucoup à voir (idéologiquement) avec le sionisme et le biologisme hitlérien. Une option est que les gens de la droite usaméricaine pensent que la référence à Marx communique bien avec la foule qui les soutient. Une autre option un peu moins authentique est que Marx est un nom de code pour un "discours subversif lié aux Juifs". L'univers conservateur usaméricain est largement inspiré par le nationalisme israélien, mais il est dégoûté par l'interventionnisme cosmopolite de type Soros. La droite usaméricaine utilise peut-être un langage codé pour lutter contre sa propre paralysie. Elle a manifestement du mal à appeler un chat un chat.

Compte tenu de ce qui précède, il est fascinant d'examiner la vision juive usaméricaine du débat sur la TRC.

 
Le mois dernier, l'historien juif Henry Abramson a utilisé la plateforme de la Jewish Telegraphic Agency (JTA) pour nous informer que "quiconque enseigne le passé en passant sous silence les parties désagréables n'enseigne pas l'histoire. Il fait de la propagande". Cette déclaration ferme m'a pris par surprise. Comme Abramson, je m'oppose à toutes les formes de lois mémorielles qui restreignent la libre discussion historique. Pourtant, les institutions juives sont fortement investies dans le contrôle du débat historique. Elles qualifient souvent de négationnistes tous ceux qui osent remettre en question la primauté de la souffrance juive ou même proposer une vision légèrement non orthodoxe de la Seconde Guerre mondiale. La tradition intellectuelle juive n'est pas non plus réputée pour sa liste de textes historiques, bien au contraire. Il y a un manque total de textes historiques judaïques entre Flavius Josèphe (37-100 av. J-C) et Heinrich Graetz (1817-1891). L'univers rabbinique a eu tendance à faire l'impasse sur la tradition historique car le Talmud et la Torah sont là pour déterminer la manière dont les Juifs réagissent à l'univers qui les entoure. L'historien israélien Shlomo Sand a fait remarquer que les Juifs et les sionistes en particulier inventent largement leur passé pour qu'il corresponde à leurs intérêts politiques, existentiels et spirituels. Il ne devrait peut-être pas incomber aux institutions juives de prêcher la manière de discuter du passé.

Abramson est contrarié par le fait que dans "près de deux douzaines d'États, le mouvement visant à imposer des restrictions à l'enseignement de l'histoire prend de l'ampleur." Abramson est également contrarié par la nouvelle loi polonaise sur la mémoire et par le fait que Poutine impose une vision de l'Holodomor [génocide ukrainien, NdT]. Avant d'aborder les préoccupations d'Abramson, je devrais peut-être mentionner qu'en utilisant la recherche Google, je n'ai pas réussi à trouver d'opposition de la part d'Abramson à la loi israélienne sur la Nakba qui restreint de manière similaire la discussion sur le crime de nettoyage ethnique israélien de 1948.

Abramson affirme que les opposants à la TRC tentent d'éviter la discussion sur les "moments controversés et douloureux de l'histoire de l'Amérique". Je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Je ne suis pas sûr que l'USAmérique puisse ou même ait l'intention de nier son passé problématique et abusif, mais je sais que chaque universitaire noir qui a tenté de discuter du rôle des Juifs dans la traite des esclaves africains a vu l'enfer se déchaîner. Je recommande vivement à Abramson et à tous les autres de lire le spectaculaire The Jewish Onslaught du professeur Tony Martin, un reportage sur une campagne institutionnelle juive orchestrée et abusive contre un universitaire noir qui n'a pas suivi le script et a essayé d'examiner le rôle de certains Juifs dans la traite des esclaves africains. (Voir conférence de Tony Martin) 

Pour Abramson et d'autres, la TRC est une étude de l'impact du racisme systémique. Il s'agit de l'adhésion à la conviction "que l'héritage de l'esclavage est ancré dans la société et la culture américaines à un point tel que les Afro-Américains continuent de subir un préjudice économique systémique à long terme". Elle suggère que le débat sur les réparations devrait figurer à l'ordre du jour national.

La vérité est que beaucoup de ceux qui s'opposent à la TRC seraient d'accord avec Abramson pour dire que le racisme est bien vivant aux USA. Quelques-uns pourraient même suggérer d'utiliser l'aide usaméricaine à Israël comme réparation pour les descendants de l'esclavage noir. La JTA, l'AIPAC ou Abramson se joindraient-ils à un tel appel à la justice ? J'en doute.

La JTA insiste pour donner l'impression que les Juifs et les Noirs partagent un passé similaire de marginalisation. Abramson écrit : "Les Noirs étaient, comme les Juifs, interdits d'acheter des maisons dans les banlieues nouvellement développées, tandis que les Américains blancs recevaient l'aide du gouvernement pour acheter des maisons dans ces quartiers verdoyants et pour construire une richesse générationnelle." Pourtant, il y a une différence que notre "historien" juif oublie de mentionner : Les Juifs ont immigré en Amérique de leur plein gré. Pour eux, l'Amérique était une "Médina d'or" (Terre d'or), la véritable terre promise des opportunités gratuites et du capitalisme par excellence. Les Noirs, quant à eux, ont fait leur chemin vers le "pays de la liberté" enchaînés dans des bateaux négriers. Les Juifs sont venus en USAmérique à la recherche d'une vie meilleure, ils ont rencontré des obstacles mais ont réussi, et font maintenant partie des groupes ethniques les plus privilégiés aux USA, si ce n'est le plus privilégié. Les Noirs ont été amenés ici pour être exploités comme esclaves. Leurs débuts aux USA ont été très différents. La tentative de comparaison entre les deux est pour le moins malhonnête intellectuellement, mais elle peut servir à quelque chose.

Il y a dix ans, dans un rare moment d'honnêteté, Philip Weiss, le principal contributeur du journal juif pro-palestinien Mondoweiss, m'a avoué dans une interview que ce n'était pas l'altruisme qui motivait sa position pro-palestinienne. C'était "l'intérêt personnel juif". J'ai beaucoup appris de cette rencontre avec l'activiste juif et, depuis, je me méfie beaucoup des projets de solidarité juifs. D'une manière ou d'une autre, je vois toujours l'intérêt personnel surgir à un moment ou à un autre.

Les institutions et les individus juifs ont participé à la plupart des projets de solidarité au cours du siècle dernier. Ils insistent pour sauver la classe ouvrière, pour universaliser les droits civils, pour libérer les femmes et les gays, et bien sûr les transsexuels. Le résultat n'a jamais été très bon. Au lieu de faire avancer la société dans son ensemble, nous nous sommes retrouvés avec un amalgame de conflits qui ressemble pratiquement aux Douze Tribus d'Israël.

Si vous vous demandez pourquoi les talibans ont réussi à s'emparer de l'Afghanistan en 72 heures, une réponse possible est que les « Juifs pour les Talibans » n'ont pas encore vu le jour. Il en va de même pour le Hezbollah et l'Iran. Si vous vous demandez pourquoi il faut tant de temps à la Palestine pour s'émanciper, c'est en partie parce que son discours de solidarité est défini (littéralement) par l'oppresseur.

Si l'USAmérique ou n'importe qui d'autre veut combattre le racisme pour de vrai, la voie à suivre est de rechercher la fraternité humaine plutôt que d'induire la victimisation. Si la JTA ou toute autre institution juive se préoccupe réellement des Noirs, alors adoptez la Nation de l'Islam aujourd'hui avant le coucher du soleil. Encouragez les critiques et les intellectuels noirs à regarder sans crainte les Juifs et la traite des esclaves africains. Montrez-nous un exemple de grande transparence. Montrez la voie et soyez la lumière des nations pour la première fois dans l'histoire, au lieu d'attendre du reste de l'humanité qu'il zigzague sans fin autour de vos sensibilités.

*Votre serviteur croit que les Juifs ne sont pas une race, mais le fait de ne pas être une race n'empêche pas les gens de s'identifier à une race.



[1] JVP, JVL, IJAN : Jewish Voice for Peace, organisation US de gauche; Jewish Voice for Labour, organisation de juifs travaillistes britanniques ; International Jewish Anti-Zionist Network, réseau juif international antisioniste [NdT]

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