19/08/2021

MILENA RAMPOLDI
L'Afghanistan et son avenir anéanti

Milena Rampoldi, ProMosaik, 18/8/2021
Traduit par Fausto Giudice

L'empire usaméricain semble avoir Dieu de son côté, comme le chantait Bob Dylan il y a quelques décennies. Encore une fois, l'histoire se répète, après avoir attaqué et détruit un pays pendant presque 2 décennies au nom de la démocratie et des droits de l'homme et surtout au nom des femmes afghanes, le pays est laissé pour que la guerre civile puisse y (re)commencer.

Ce que Cherie Blair a dit en 2001 et ce qu'Hilary Clinton a répété en 2010, était un mensonge. Et si c'est ça le féminisme, alors je ne suis pas une féministe. Le pseudo-féminisme, la guerre au nom de la protection des femmes afghanes, est une manière totalement déformée et fausse de lutter pour le droit des autres femmes dans une autre société différente de la nôtre. Les femmes afghanes n'ont pas besoin de Cherie et Hilary pour devenir féministes, mais elles ont besoin de leur propre lutte indépendante pour les droits des femmes. Bombarder les gens n'est pas une méthode pour la création d'une société diversifiée et démocratique qui se concentre sur la protection des femmes et de leurs enfants pour construire leur avenir dans un pays sûr et pacifique.

Après avoir "protégé" la population afghane du fondamentalisme des talibans, les forces d'occupation usaméricaines laissent le pays à la guerre totale entre tribus sœurs.

Sur la page du Département d'Etat US, on peut lire :

"Compte tenu de la détérioration de la situation en matière de sécurité, nous soutenons, travaillons à sécuriser et appelons toutes les parties à respecter et à faciliter le départ sûr et ordonné des ressortissants étrangers et des Afghans qui souhaitent quitter le pays. Les personnes en position de pouvoir et d'autorité dans tout l'Afghanistan sont responsables-  et doivent rendre des comptes - de la protection des vies humaines et des biens, ainsi que du rétablissement immédiat de la sécurité et de l'ordre civil.

 Les Afghans et les citoyens internationaux qui souhaitent partir doivent être autorisés à le faire ; les routes, les aéroports et les postes frontières doivent rester ouverts et le calme doit être maintenu.

 Le peuple afghan mérite de vivre dans la sûreté, la sécurité et la dignité. Nous, membres de la communauté internationale, sommes prêts à l’aider “ .

 


Après deux décennies de guerre et après avoir été la cause de la prochaine guerre civile dans un pays détruit avec près de 10 millions d'enfants qui ne vont pas à l'école, les USA affirment toujours soutenir le peuple afghan qui mérite une vie sûre, et même une vie dans la dignité. En même temps, les Afghans doivent rétablir l'ordre et sont responsables de la sécurité dans le pays. C'est l'expression de l'interminable politique usaméricaine du deux poids deux mesures qui a une longue histoire.

Comme l'a dit le philosophe allemand Hegel :

"Nous passons beaucoup de temps à étudier l'histoire, qui, avouons-le, est surtout l'histoire de la stupidité".

L'Afghanistan est une société basée sur différentes tribus et groupes ethniques ayant la même religion, l'islam. L'Afghanistan est une société mosaïque et diverse. Et tuer la diversité, c'est tuer l'âme du peuple afghan. Tous ceux qui luttent contre la diversité détruisent les Afghans et leur avenir qui est à un tournant.

La diversité ethnique est ce qui rend la paix en Afghanistan si difficile, mais c'est la seule option dont nous disposons. L'inclusion est la seule option pour tous les Afghans. Et l'inclusion ne peut être générée de l'extérieur, c'est un processus qui doit venir du peuple et pour le peuple dans le pays, sans aucune interférence militaire de l'extérieur.

Militariser le pays, piller ses ressources et l'occidentaliser au nom des droits de l'homme parce que nous avons Dieu de notre côté est l'expression d'une ignorance sans fin et de la stupidité "occidentale". Il est un peu tard pour s'asseoir autour d'une table et discuter, mais nous devons le faire car c'est la première et la dernière chance que nous avons pour l'Afghanistan et les Afghans. Nous ne devons pas vaincre les sociétés tribales, mais nous devons créer l'inclusion dans les sociétés tribales de l'intérieur, sans armes... et surtout sans augmenter les ventes de drogue dans le pays et favoriser le développement de groupes terroristes en tous genres financés par le commerce de l'opium.

En juillet 2000, le chef des talibans, le mollah Mohammed Omar, collaborant avec l'ONU pour éradiquer la production d'héroïne en Afghanistan, a déclaré que la culture du pavot était contraire à l'islam, ce qui a donné lieu à l'une des campagnes antidrogue les plus réussies au monde. Les Talibans ont imposé l'interdiction de la culture du pavot par la menace, l'éradication forcée et le châtiment public des contrevenants. Le résultat a été une réduction de 99 % de la culture du pavot à opium dans les zones contrôlées par les talibans, soit environ les trois quarts de l'approvisionnement mondial en héroïne à l'époque. L'interdiction n'a été effective que brièvement en raison du renversement des talibans en 2002.

Dans les deux décennies qui ont suivi la fin du régime des talibans, le commerce de l'opium a augmenté. L'opium finance les guerres tribales et le terrorisme de toutes sortes et génère un cercle sans fin d'économie de guerre. Et dans le même temps, le nombre de personnes dépendantes dans le pays augmente.

L'Afghanistan a besoin de paix, d'inclusion et de coexistence dans la diversité. Comme me l'a dit un jour un Afghan : « Tu sais que si deux Afghans se rencontrent, ils ont trois opinions différentes ? » En tant qu'anti-impérialiste convaincue, je peux dire : Je préfère deux Afghans avec trois opinions plutôt qu'un Afghanistan colonisé et occidentalisé où l'empire usaméricain dit aux gens ce qu'ils doivent penser, ce que signifie leur dignité et ce que la sécurité est et doit signifier pour eux.

Je n'ai pas de recette pour l'avenir de l'Afghanistan, mais je sais que l'avenir de l'Afghanistan ne peut pas être décidé par les forces militaires occidentales, même et précisément parce qu'elles sont là à se battre contre l'avenir de l'Afghanistan et contre l'espoir des Afghans depuis presque 200 ans maintenant (première guerre dite anglo-afghane : 1839-1842).

Et les seuls qui en ont profité sont les entreprises d'armement. Alors, s'il vous plaît, ne venez pas nous dire que c'est une guerre de religion. C'est une guerre autour des ressources minérales, en premier lieu le lithium, la "matière première du futur". Et cette guerre sera probablement gagnée par... la Chine, et sans tirer une seule balle.

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