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30/08/2021

NIR HASSON
Ni les Juifs ni les Palestiniens n'ont de patente sur la culture en terrasses

Nir Hasson, Haaretz, 29/8/2021
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Une scène dramatique se dévoile sur la route menant de la réserve naturelle du Mont Tayasim au Moshav Ramat Raziel dans les collines de Jérusalem : une vaste pente, entièrement brûlée, parsemée de squelettes d'arbres noircis. Mais le feu a également révélé un spectaculaire système de terrasses, les fondations du paysage qui, pendant des décennies, a été caché par les arbres.

Ramat Raziel plus tôt ce mois-ci après un grand incendie dans les Monts de Judée

Cette vue a lancé un débat sur la question de savoir à qui appartiennent les terrasses. Les terrasses des Monts de Judée sont juives, dit Mor Altshuler, en réponse à Hanin Majadli. Par conséquent, affirme-t-elle, les pins, qui ont été plantés par le Fonds national juif, n'étaient pas destinés à les dissimuler. Mais la vérité est plus complexe et plus intéressante.

Une terrasse est la caractéristique la plus marquante d'un paysage culturel, créée par l'homme au fil des décennies ou des siècles. Sa grandeur réside dans sa simplicité : des murets de pierres sèches locales empêchent l'érosion et permettent la culture. La datation des terrasses des Monts de Judée est une question scientifique complexe, à ne pas confondre avec la question politique quelque peu puérile de savoir qui était là le premier et à qui appartient le paysage.

L'enquête scientifique la plus importante sur la question a été réalisée en 2016 par une équipe de chercheurs dirigée par Yuval Gadot de l'Université de Tel Aviv. Ils ont utilisé la luminescence optiquement stimulée (OSL), qui date la dernière fois que les cristaux de quartz dans la profondeur du sol de la terrasse ont été exposés à la lumière du soleil. Les résultats ont été concluants : l'équipe a trouvé quelques terrasses vieilles de 1 500 à 2 000 ans (aucune ne datant de l'époque biblique), mais la plupart n'avaient pas plus de 400 ans.

Ainsi, le magnifique paysage en terrasses des Monts de Judée est l'œuvre d'agriculteurs qui cultivaient la terre à l'époque ottomane - des habitants arabes palestiniens de cette terre, dont la plupart ont été expulsés en 1948.

L'étude a soulevé un débat, d'autres chercheurs affirmant que la méthode OSL permettait de dater la dernière rénovation de la terrasse, et non sa construction. Une autre question était de savoir comment une petite ville comme la Jérusalem ottomane et les villages environnants pouvaient entretenir un système de terrasses aussi important. Mais l'étude a confirmé comme un fait historique qu'à tout le moins, les fellahin arabes possèdent une part privilégiée dans le façonnement du paysage des Monts de Judée.

Quiconque cherche une preuve supplémentaire du lien étroit entre les fellahin palestiniens et les terrasses la trouvera le long de la frontière d'avant 1967, dans la vallée de Refa'im, au sud de Jérusalem. À gauche, les belles terrasses bien entretenues des villages de Battir et de Walaja ; à droite, les forêts de pins qui recouvrent les terrasses à moitié détruites des villages qui ont été habités jusqu'en 1948.

Majadli a raison de dire que les pins sont les ennemis des terrasses. Non seulement parce que l'un des objectifs de leur plantation était d'effacer le paysage précédent, mais aussi en raison de leur système racinaire court. Chaque fois qu'un pin tombe, ce qui arrive souvent, il emporte avec lui une partie de la terrasse. La plus grande destruction des terrasses des Monts de Judée a vraisemblablement eu lieu pendant l'hiver 2013, lorsqu'une importante tempête de neige a mis à nu une série spectaculaire de terrasses comme celle située en contrebas de Ramat Raziel. D'autre part, lorsque les pins brûlés commenceront à tomber, ils détruiront ces terrasses.

Lorsque la question scientifique de la datation des terrasses passe dans le domaine politique, elle devient superficielle et subit une déshumanisation. Altshuler affirme que les musulmans ont "hérité" de la technique des terrasses des agriculteurs juifs qui travaillaient les "marches" bibliques. Cela suggère qu'en 1948, les Juifs ont récupéré leur propriété. Mais de qui les Juifs ont-ils hérité les marches ? Des Cananéens ? Et les Cananéens les ont -ils hérités des agriculteurs néolithiques ? Cette tentative d'appropriation est absurde. Le paysage, en particulier autour de Jérusalem, est une accrétion longue et complexe d'une variété de cultures et d'identités, et aucune étude scientifique complexe n'est nécessaire pour savoir que les Arabes qui ont vécu dans ces collines jusqu'en 1948 ont largement contribué à sa conception. Qu'ils aient ou non hérité de terrasses anciennes.

Une terrasse n'est pas une invention brevetée, mais plutôt une partie de la vie quotidienne de personnes réelles qui ont vécu ici. Ces gens ont été expulsés de leur terre il y a 73 ans, et depuis lors, on s'est efforcé d'occulter leur existence dans le paysage et dans l'histoire. Comme le figuier de barbarie, le sabra, les terrasses sont une marque sur la terre, un rappel. Nier l'existence des déportés et l'empreinte qu'ils ont laissée, c'est fuir la vérité et la douleur de leurs descendants. Les terrasses sont un extraordinaire trésor architectural et culturel qui fait partie de l'histoire de cette terre. L'État doit entretenir et préserver ce trésor, et les Israéliens honnêtes doivent regarder en face ce paysage et la vérité qui s'y cache : Les terrasses en contrebas de Ramat Raziel ont été construites par les villageois de Kasla, qui y ont vécu jusqu'à la Nakba. Le recensement britannique de 1931 comptait 299 habitants, principalement des membres de deux familles, Hazayan et Iyad.

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