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06/10/2025

TIGRILLO L. ANUDO
Les flottilles qui sont kidnappées chaque jour

Tigrillo L. Anudo, 6 octobre 2025
Traduit par Tlaxcala

Español English Italiano عربية

Le monde change peu. Les schémas historiques se répètent. Le passé n’est jamais parti. La chosification des êtres humains continue. La colonisation est toujours à l’ordre du jour. La piraterie en eaux internationales renaît avec d’autres acteurs (qui a finalement gardé les aides et les biens des passagers de la flottille humanitaire en route vers Gaza ?). On qualifie de “terroristes” ceux qui entreprennent des actions en faveur de la justice.


L’arraisonnement de la Global Sumud Flotilla, qui transportait une aide humanitaire au peuple martyrisé de Gaza, est ce qui se produit quotidiennement dans de nombreux pays. Cela se passe en ce moment même en Équateur, au Pérou, en Argentine, où les politiques néolibérales soumettent la population à la faim, au manque d’accès à la santé, à l’éducation, au logement, à l’emploi — à une mort lente.

La différence, c’est qu’il ne s’agit pas de flottilles naviguant sur la mer. Ce sont des flottilles d’investissements sociaux, kidnappées dans des congrès et assemblées ploutocratiques corrompues. Cette pratique du capitalisme global est plus visible dans une nation envahie, massacrée et humiliée par l’idéologie sioniste : conception d’un État suprémaciste menant un nettoyage ethnique contre ceux qu’il considère comme “inférieurs” et “terroristes”.

Dans les pays cités, ce sont les droits humains d’autres ethnies (indigènes, afrodescendants, paysans, ouvriers métis) sont séquestrés. Des régimes dictatoriaux et répressifs y opèrent. Ils ne tuent pas avec des bombardiers ou l’intelligence artificielle, mais par la négation de la dignité humaine — ignominie invisibilisée par les médias capitalistes et les systèmes éducatifs programmant des analphabètes politiques.

Tout est lié. Daniel Noboa (Équateur), Dina Boluarte (Pérou) et Javier Milei (Argentine) sont alliés du gouvernement sioniste de Netanyahou. De même, Donald Trump et plusieurs dirigeants européens font affaire avec le régime israélien et défendent. Bien que certains gouvernements d’Europe aient verbalement condamné les actions terroristes de l’État israélien (comme l’Italie ou l’Espagne), ils ont fini par baisser la tête face au génocide. Ils manquent de courage. Ils craignent de sortir du club des puissants complices du monde.

Le gouvernement des USA suit l’idéologie sioniste, c’est son modèle. C’est l’allié naturel de ceux qui incarnent le capitalisme 2.0 : usure, contrôle bancaire et financier, industries lucratives, production d’armes, surveillance, espionnage, exploitation accrue du travail. Le capitalisme 2.0 fait progresser la technologie, mais régresser l’humanité.

Israël enseigne aux USA comment faire des affaires, en l’associant à des projets hôteliers sur le territoire palestinien. Ni le droit international ni les droits humains ne freinent le taux de profit. L’élite politique mondiale reste permissive face au génocide de Gaza, par intérêt économique et diplomatique.

Même les romans dystopiques du XXe siècle n’avaient pas imaginé l’utopie négative actuelle : un petit pays, armé jusqu’aux dents et soutenu par l’empire usaméricain, défend son “droit” à commettre un génocide. Il considère même l’envoi d’eau, de nourriture, de médicaments à Gaza comme des actes “terroristes” financés par le Hamas. Il impose un blocus maritime depuis 17 ans, condamnant Gaza à la soif, à la faim, au manque de soins, violant le droit maritime international. Qui se soucie de la Palestine ?

Comment affronter le danger que représente le terrorisme d’État d’Israël ? Les marches et les flottilles humanitaires sont plus symboliques qu’efficaces. Cependant, elles sont précieuses et doivent continuer car elles rendent visible l’infâme offensive d’une machine qui tue enfants et femmes. Il existe aussi des campagnes de boycott contre les entreprises qui financent le terrorisme de l’armée sioniste. Leur portée est limitée, mais elles s’ajoutent au cri pour la paix. Le président Petro a proposé une Armée de Salut de l’Humanité, mais il n’y a pas eu de réponse opportune pour la concrétiser. Le président Trump a annoncé un “plan de paix” recolonisateur pour freiner la “guerre” (il ne dit pas “génocide”) et administrer avec Tony Blair (tueur d’Asiatiques) la bande de Gaza. Une tromperie et une moquerie envers le monde. Ils annulent l’autodétermination des peuples d’un trait de plume, ils décident pour la Palestine.

Tout indique que le désordre qui détruit le droit international ne pourra être compensé que par l’usage de la force par de nouveaux acteurs audacieux. Les Houthis du Yémen, un pays pauvre ravagé par la guerre, ont osé lancer des drones et missiles vers Israël ; ils le font par solidarité avec la Palestine, pour se faire entendre comme nation ignorée et frappée, pour des motifs historiques et religieux, pour la stratégie, le calcul politique, et parce qu’ils ont la dignité et le courage qui manquent aux nations riches. Ces actions, ainsi que les réponses avec missiles supersoniques de l’Iran qui ont mis en pièces le Dôme de fer d’Israël, encouragent d’autres pays à intervenir pour arrêter les massacres impunis commis quotidiennement par les militaires fanatiques dirigés par Netanyahu. Israël n’est pas si invulnérable ; cela a été démontré. Et un pays minuscule comme le Yémen comprend qu’il peut jouer un rôle en contrôlant la mer Rouge, par où navigue une grande partie des combustibles et marchandises du commerce international. Dans un monde où sont violées les règles de coexistence et de respect entre nations, on autorise la continuation de ces violations par d’autres intéressés. Israël risque d’être effacé de la carte pour son défi persistant à la paix et à la moralité internationales.

Ahmed Rahma, Türkiye

Si l’armée israélienne s’arroge le droit de kidnapper des bateaux dans les eaux internationales, elle valide le fait que les Houthis attaquent les navires transportant des armes, marchandises ou combustibles par le détroit de Bab el-Mandeb, l’entrée sud de la mer Rouge, par où transitent les navires chargés de pétrole qui approvisionnent non seulement Israël, mais aussi l’Europe et les USA. Les navires de ce dernier pays souffriront aussi. Les prix du pétrole peuvent augmenter. L’économie mondiale pourrait être affectée. La loi de la jungle s’étend sur la planète ; un avenir incertain pourrait marquer les relations internationales.

La dispute des marchés et des routes commerciales mondiales place dans un jeu d’échecs la Russie, la Chine, l’UEurope et les USA. Aucun d’entre eux ne se soucie du sort de la Palestine. Ils se préoccupent de la manière dont ils se positionnent face à leurs adversaires. Chaque fois qu’un nouveau front de guerre s’ouvre pour les USA, Russes et Chinois en profitent. Ils veulent que les USA s’épuisent en aidant leurs partenaires israéliens. Voilà pourquoi ours et dragons n’entrent pas énergiquement en scène pour défendre la Palestine. C’est ainsi que fonctionne l’économie politique. De petits pays comme le Yémen et le Liban (Hezbollah) font plus pour les Gazaouis que les grandes puissances. Les gouvernements arabes ne parviennent pas non plus à s’entendre sur la manière d’aider leurs frères palestiniens, ni sur la façon de faire face au défi sioniste.

Seuls les peuples sauvent les peuples. D’autres initiatives seront indispensables pour freiner le génocide. Il n’y a aucune puissance militaire qui sauve des vies à Gaza. Aucun gouvernement n’ose intercéder pour les Palestiniens massacrés. Aucun ne veut “avoir des problèmes”, chacun regarde son propre intérêt. Jusqu’à présent, seule l’Indonésie a proposé 20 000 soldats pour une improbable armée de salut. Personne ne croit aux armées de salut.

Gaza est seule. Ses habitants continuent de tomber sous les balles assassines de Netanyahou. Après Hiroshima et Nagasaki, le génocide palestinien est le plus grand échec de l’humanité.
La coupole sioniste est déterminée à exterminer les habitants de Gaza.
Elle le fait depuis 1947, lorsque ses alliés britanniques les ont placés délibérément sur le territoire palestinien.
Sa haine et sa peur (manque d’amour) l’ont amenée à considérer tous les Palestiniens comme des terroristes.
Elle dit la même chose de ceux qui tentent de leur apporter de l’aide.
Le fascisme est en train de régner, et nous ne nous en sommes pas rendu compte.

 

04/10/2025

FRANÇOIS VADROT
Le boomerang "Netflix" : l’empire de vapeur sème la révolte

Le boomerang "Netflix" : l’empire de vapeur sème la révolte par François Vadrot

De Netflix à Discord, puis à l’intelligence artificielle, les outils conçus pour divertir et connecter sont devenus les vecteurs d’une conscience collective mondiale.

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CATHERINE DUTHU
Drapeau pirate de “One Piece”, salut à trois doigts de “Hunger Games”: emblèmes de pop culture, symboles de révolte
Entretien avec David Peyron


Un manifestant avec le drapeau national indonésien et un drapeau pirate du manga japonais 'One Piece', le 29 août 2025 à Surabaya, Indonésie. Photo Juni Kriswanto/AFP

Entretien avec David Peyron, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université d’Aix-Marseille.

Catherine Duthu, France Culture, 4/10/2025

Journaliste à la rédaction de la radio publique France Culture

La jeunesse s'embrase, de l'Indonésie au Pérou, en passant par le Népal et le Maroc : des manifestants de la génération Z brandissent le drapeau du manga japonais "One Piece" pour dénoncer les inégalités, la corruption, et exiger de meilleurs services publics. La pop culture sert de ralliement.

Des objets de la pop culture, partagés sur les réseaux sociaux, se retrouvent dans le monde réel, au cœur de la contestation sociale, dans la rue. On a vu, par exemple, le drapeau du manga "One Piece" (drapeau pirate noir, avec un crâne souriant coiffé d'un chapeau de paille à bandeau rouge dans la série de livres vendus à 500 millions d'exemplaires dans le monde) être brandi par de jeunes manifestants au Maroc, à Madagascar ou encore aux Philippines, en Indonésie, au Népal et au Pérou, ces dernières semaines. Ces jeunes protestataires reprennent l'étendard du héros Luffy, qui lutte contre les inégalités et l'autoritarisme dans "One Piece". C'est le dernier exemple en date d'objets de la pop culture qui deviennent des symboles de révolte populaire dans la vie réelle, après avoir été amplement partagés sur les réseaux sociaux.

Le gouvernement indonésien a d'ailleurs suspendu, vendredi, la licence d'exploitation de l'application de partage de vidéos TikTok après que la plateforme a refusé de communiquer certaines données relatives aux récentes manifestations anti-gouvernementales, a annoncé le ministère indonésien de la communication et des affaires numériques.

Comment ce drapeau pirate du héros de One Piece est-il devenu un signe de ralliement des manifestants dans plusieurs pays d'Asie, d'Afrique mais aussi au Pérou et en France ?

02/10/2025

Madagascar : une révolte logique

 

Le peuple malagasy se révolte contre la misère et la corruption soutenues par le néocolonialisme. Les étudiants ont lancé le mouvement GÉNÉRATION Z MADAGASIKARA. Il s'étend à tout le pays. Le régime répond par la violence et fait tirer sur les foules pacifiques : plus de 20 morts et 100 blessés depuis le 25 septembre.
Le gouvernement est tombé.
Le mouvement s'étend à tout le pays.
Le pouvoir prévoit un acte genre guerre civile samedi avec des milliers de voyous payés pour affronter les manifestants pacifiques.

MADAGASIKARA
Lien vers la page officielle des jeunes de la Génération Z. Pour être informés et pas désinformés.



Madagascar : le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme choqué par la réponse violente aux manifestations contre les coupures d’électricité et d’eau

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est dit choqué lundi par la réponse violente des forces de sécurité aux manifestations en cours à Madagascar. Au moins 22 personnes ont été tuées et plus d’une centaine d’autres ont été blessées.

Parmi les victimes figurent des manifestants et des passants tués par des membres des forces de sécurité, mais aussi d’autres tués lors des violences et des pillages généralisés qui ont suivi, perpétrés par des individus et des gangs sans lien avec les manifestants.

« Je suis choqué et attristé par les pertes en vies humaines et les atteintes aux personnes au cours des manifestations contre les coupures d’eau et d’électricité à Madagascar », a déclaré M. Türk dans un communiqué de presse. « J’exhorte les autorités à garantir le respect des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, conformément à leurs obligations en vertu du droit international relatifs aux droits humains ».

Utilisation de balles réelles

Les manifestations pacifiques ont commencé dans la capitale Antananarivo le 25 septembre, mais les forces de sécurité sont intervenues avec une force non-nécessaire, lançant des gaz lacrymogènes, et frappant et arrêtant des manifestants. Certains officiers ont également utilisé des balles réelles, a noté le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) dans un communiqué de presse.

D’autres manifestations ont rapidement éclaté dans huit autres grandes villes du pays.

« J’exhorte les forces de sécurité à s’abstenir de recourir à une force non-nécessaire et disproportionnée et à libérer immédiatement tous les manifestants arrêtés arbitrairement. Le droit international relatif aux droits humains est particulièrement strict quant à l’usage des armes à feu ; elles ne peuvent être utilisées par les agents des forces de l’ordre que lorsque cela est strictement nécessaire pour protéger des vies ou prévenir des blessures graves résultant d’une menace imminente », a dit le chef des droits de l’homme.

Il a également exhorté les autorités malgaches à mener des enquêtes rapides, approfondies, indépendantes et transparentes sur les violences et à traduire en justice les personnes reconnues coupables.

Source

Révolution 

Document pour penser la Révolution à Madagascar

 


Révolution, cela veut dire avoir le sens du moment historique;

cela veut dire changer tout ce qui doit être changé; cela veut dire l’égalité et la liberté pleines;

cela veut dire être traité soi-même et traiter autrui comme un être humain;

cela veut dire nous libérer par nous-mêmes et par nos propres efforts;

cela veut dire défier de puissantes forces dominantes dans l’arène sociale et nationale et au-dehors;

cela veut dire défendre des valeurs auxquelles on croit au prix de n’importe quel sacrifice;

cela veut dire modestie, désintéressement, altruisme, solidarité et héroïsme;

cela veut dire lutter avec audace, intelligence et réalisme;

cela veut dire ne jamais mentir, ne jamais violer des principes moraux;

cela veut dire conviction profonde qu’il n’existe pas de force au monde capable d’écraser la force de la vérité et des idées.

Révolution, cela veut dire unité, cela veut dire indépendance, cela veut dire lutter pour nos rêves de justice

 

En l’an 2000, le président de la République de Cuba, Fidel Castro Ruz, 
a résumé ce que devait être, selon lui, la Révolution.

30/09/2025

TIGRILLO L. ANUDO
L’ONU disqualifiée par les peuples

 

Tigrillo L. Anudo, 30/9/2025
Traduit par Tlaxcala

Le monde est un asile d’aliénés. Tant de bêtes déchaînées ne seront pas contrôlées même par une Armée du Salut de l’Humanité. Il faut un théâtre de la cruauté pour à peine étouffer l’assaut contre la raison qui s’est emparé des sociétés humaines. Des disruptions performatives, des paralysies massives, la rupture de la normalité, des cris généralisés pour la vérité et la liberté, des actions audacieuses, le défi aux pouvoirs. Jusqu’à ce que la raison pointe chaque matin avec le lever du soleil.

L’Organisation des Nations Unies — l’ONU — est un théâtre de la simulation et du mensonge. Rien de significatif pour la tranquillité des espèces ne naît de cet instrument des élites corporatistes qui oppressent la famille humaine. Entité sans autorité face aux pouvoirs militaires et économiques. Entité sans âme, sans peuples enracinés, sans représentation des opprimés. Les voix de la vie, de l’eau, du sacré, de l’ancestral, de la paix, de l’enfance, du migrant, n’y ont pas leur place.

La diplomatie a encore une fois échoué, comme l’a dit Petro dans les rues de New York. Depuis deux ans, le défilé de mots sur les moquettes de l’ONU n’a pas su enrayer les rivières de sang dans les déserts de Gaza. Depuis sa fondation il y a 80 ans, presque aucune guerre n’a pu être empêchée. Les conflits qui ont éclaté se sont pour une large part terminés grâce à la dissuasion provoquée par les armes elles-mêmes. L’ONU est si inopérante que les pays font davantage confiance à la capacité dissuasive des armes nucléaires ou à des alliances stratégiques. C’est pourquoi ils se préoccupent de les développer. Un pays qui ne veut pas succomber à la voracité de puissances agressives montre ses armes atomiques et supersoniques.

22/09/2025

Baha Sa Luneta : une révolte logique des citoyens contre la corruption aux Philippines

 

Le drapeau des Pirates au Chapeau de Paille, du manga et anime japonais One Piece, est devenu le symbole de ralliement de la jeunesse asiatique, du Népal à l'Indonésie, contre l'autoritarisme et la corruption. Il a aussi flotté sur les manifestations qui ont eu lieu le dimanche 21 septembre à Manille, capitale des Philippines. Ci-desssous les compte-rendus de ces manifestations, traduits par Tlaxcala [ce drapeau est aussi apparu dans les manifestations du 18 septembre en France : lire ici]

“Impyerno !” : Des étudiants aux retraités, des milliers de personnes s’insurgent contre les projets fantômes lors du rassemblement à Luneta

Jean MangaluzThe Philippine Star , 21/9/2025
 Avec des informations de l’Agence France-Presse

MANILLE, Philippines (mis à jour à 12h00) — Des milliers de Philippins sont descendus dans la rue dimanche pour protester contre un scandale de plusieurs milliards de pesos lié à de faux projets de contrôle des inondations, tenant pour responsables à la fois les politiciens et les entrepreneurs de la perte de fonds publics. Les manifestations ont coïncidé avec le 53ᵉ anniversaire de la loi martiale.

Au moins 49 000 personnes s’étaient rassemblées à 10h25 au parc Rizal de Manille pour le rassemblement « Baha sa Luneta: Aksyon na Laban sa Korapsyon (litt.  “Inondation à Luneta : action contre la corruption ”)», organisé par des étudiants et des groupes militants, selon la municipalité. La chaleur n’a pas dissuadé les manifestants, qui brandissaient pancartes et banderoles appelant à mettre fin à la corruption endémique.


Vues aériennes de la foule à 10h25 au parc Rizal (Luneta). Au moins 49 000 personnes ont manifesté, selon les autorités municipales.— Bureau d’information de Manille


Divers groupes défilent au parc Luneta de Manille, dimanche 21 septembre 2025, lors de vastes manifestations anticorruption contre les révélations récentes d’une fraude aux projets de contrôle des inondations impliquant des centaines de milliards de pesos de fonds publics.— Philstar.com / Jean Mangaluz

Bien que la colère provienne du scandale des projets d’inondation, les revendications sont devenues multisectorielles. Certains manifestants ont réclamé une gestion budgétaire transparente, tandis que d’autres ont soulevé des préoccupations environnementales.


Les cris de protestation, dimanche 21 septembre 2025 au parc Luneta, sont devenus multisectoriels, soulignant comment une corruption massive, comme le récent scandale sur la fraude aux projets d’inondation, freine le développement dans divers domaines.— Philstar.com / Jean Mangaluz

Une grande pancarte demandait : « Comment pouvons-nous attendre des gens qui nous oppriment qu’ils nous servent ? »

Les fameux projets fantômes ont suscité l’indignation depuis que le président Ferdinand Marcos les a mentionnés dans son discours sur l’état de la nation en juillet, après plusieurs semaines d’inondations meurtrières. Lundi, il a déclaré qu’il ne blâmait « absolument pas » les gens de manifester, mais il a appelé à des rassemblements pacifiques. L’armée a été placée en alerte rouge par précaution.

Des voix dans la foule

« Il y a eu des fois où j’ai moi-même dû patauger dans les eaux des inondations, » raconte Aly Villahermosa, 23 ans, étudiante en soins infirmiers à Manille. « S’il y a un budget pour des projets fantômes, alors pourquoi n’y a-t-il pas de budget pour le secteur de la santé ? »

L’ancien député Teddy Casiño a déclaré à la foule que la corruption exigeait l’indignation publique. Il a provoqué rires et acclamations lorsqu’il a fait allusion à un vœu d’anniversaire viral d’un journaliste, souhaitant la mort de tous les responsables corrompus, en demandant au public où ces responsables devraient aller après leur mort.

« Impyerno ! » (En enfer), a répondu la foule en chœur.


De nombreux manifestants du parc Rizal se rendent à une plus grande assemblée menée par des groupes religieux au Monument du Pouvoir Populaire à Quezon City dans l’après-midi du dimanche 21 septembre 2025.— Philstar.com / Jean Mangaluz

« La corruption exige que les gens descendent dans la rue et expriment leur colère dans l’espoir de faire pression sur le gouvernement pour qu’il fasse enfin son travail, » a ajouté Casiño.

Répercussions politiques et coût économique

Le scandale a déjà provoqué des changements au Congrès, notamment la démission du président de la Chambre, Martin Romualdez, cousin de Marcos. Plus tôt ce mois-ci, les propriétaires d’une société de construction ont accusé près de 30 parlementaires et responsables du Département des travaux publics et des routes d’avoir reçu des pots-de-vin.

Le ministère des Finances estime que l’économie a perdu jusqu’à 118,5 milliards de pesos (2 milliards de dollars) entre 2023 et 2025 à cause de la corruption dans les projets de contrôle des inondations. Greenpeace affirme que la perte réelle pourrait avoisiner 18 milliards de dollars.

À Bulacan, province frappée par les inondations, Elizabeth Abanilla, retraitée de 81 ans, a déclaré que les entrepreneurs et les responsables étaient également coupables : « Ils n’auraient pas dû remettre l’argent avant que les travaux soient terminés. Ils sont tous les deux fautifs. »

D’autres manifestations attendues

Plusieurs policiers et garde-côtes ont été déployés pour surveiller les rassemblements. Des foules encore plus nombreuses étaient attendues plus tard dans la journée pour défiler le long de l’avenue EDSA [Epifanio de los Santos Avenue, boulevard périphérique de l’est de Manille, NdT], haut lieu du Mouvement du Pouvoir Populaire qui a renversé le père de Marcos en 1986.

Prières et protestations : Une marée humaine vêtue de blanc envahit EDSA pour la « Trillion Peso March »

Camille Diola, Jean Mangaluz - Philstar.com, 21/9/2025

MANILLE, Philippines (3ᵉ mise à jour, 16h01) — Une foule massive de milliers de personnes a marché dimanche 21 septembre jusqu’au Monument du Pouvoir Populaire pour une démonstration d’unité interreligieuse et multisectorielle contre le plus grand scandale de corruption du pays depuis des décennies.

Le rassemblement de l’après-midi, baptisé « Trillion Peso March », a coïncidé avec le 53ᵉ anniversaire de la loi martiale décrétée par le défunt dictateur Ferdinand Marcos père. Les organisateurs ont déclaré que la date avait été choisie délibérément, établissant un lien entre les abus du passé et la corruption actuelle.

Malgré la pluie, des individus et familles non affiliés se sont joints à des groupes chrétiens et musulmans, ainsi qu’à des organisations de jeunesse, syndicats et mouvements progressistes à Quezon City, débordant sur White Plains Avenue.

Les autorités ont dû fermer les routes à 14h00 alors que les manifestants occupaient les deux côtés de ce lieu historique d’EDSA .

 Des milliers de personnes se rassemblent à EDSA, de l’Autel du Pouvoir Populaire à EDSA jusqu’au Monument du Pouvoir Populaire, rejoignant les manifestations anticorruption dimanche. — The STAR / Mark Villeza

 Des manifestants vêtus de blanc affluent sur EDSA pour se réunir au Monument du Pouvoir Populaire lors du « Trillion Peso Rally », dimanche 21 septembre 2025. — Capture Philstar.com

Des prières aux slogans

Le programme a débuté par des prestations de Ben&Ben, Noel Cabangon, Jamie Rivera, Bayang Barrios et d’autres artistes, avant de laisser place à des prières interconfessionnelles dirigées par des leaders chrétiens et musulmans. Une cérémonie du ruban blanc a symbolisé l’unité contre la corruption.

Dans les rues, en milieu d’après-midi, les slogans « Ikulong na ’yan ! Mga korakot ! » (En prison les corrompus !) ont envahi la foule, tandis que les automobilistes klaxonnaient en solidarité malgré les embouteillages sur White Plains Avenue. Malgré la pluie intermittente, des milliers sont restés.

« Il ne s’agit pas seulement de politique. Il s’agit de dignité, de responsabilité, et des vies perdues à cause des inondations, » a déclaré un organisateur à la foule.

Les manifestants ont exprimé leur colère face aux révélations selon lesquelles des milliards de pesos de fonds destinés au contrôle des inondations ont été détournés au cours des 15 dernières années via des pots-de-vin et des projets fantômes.


Des manifestants portent des crocodiles gonflables, symbolisant les politiciens corrompus, lors du rassemblement « Baha sa Luneta » à Manille, dimanche 21 septembre 2025. — Philstar.com / Anjilica Andaya

La province de Bulacan est devenue l’épicentre du scandale après des allégations impliquant des responsables locaux du Département des travaux publics et deux sénateurs. Les entrepreneurs Curlee et Sarah Discaya ont reconnu avoir versé des pots-de-vin à des députés, tandis que d’autres entrepreneurs ont été liés à des projets inachevés ou inexistants.

Bien qu’amorcées par la fraude liée au contrôle des inondations, les manifestations se sont élargies à d’autres griefs. Les manifestants ont réclamé que la vice-présidente Sara Duterte rende des comptes sur l’utilisation des fonds confidentiels de son bureau, une controverse de longue date.

Sur scène, des victimes des anomalies dans les projets d’inondation ont livré leurs témoignages lors du segment intitulé « Sobra Na ! » (Ça suffit !).

Les célébrités deviennent militantes

La manifestation a attiré des visages familiers du monde du spectacle, dont l’humoriste Vice Ganda et l’actrice Anne Curtis, vus dans la foule. Les participants ont affirmé que leur présence montrait que la corruption « concerne tout le monde » et n’est pas seulement une affaire politique.

Par ailleurs, les actrices Angel Aquino, Jodi Sta. Maria et Maris Racal se sont adressées plus tôt aux manifestants. L’acteur Dingdong Dantes et l’animateur Kim Atienza ont mené un groupe de coureurs célèbres tôt le matin, arborant des t-shirts appelant à mettre fin à la corruption.


L’actrice Angel Aquino pose avec des manifestants au parc Rizal lors des protestations du dimanche matin 21 septembre 2025.— Philstar.com / Anjilica Andaya

Une indignation croissante

La « Trillion Peso March » a suivi le rassemblement du matin, « Baha sa Luneta », au parc Rizal de Manille, largement mené par des groupes étudiants.

Le scandale a déjà eu des retombées politiques, dont la démission du président de la Chambre, Martin Romualdez, cousin du président Ferdinand Marcos Jr., qui a lui-même déclaré soutenir les manifestations, auxquelles il a dit qu’il aimerait pouvoir participer.

Le ministère des Finances estime que l’économie a perdu jusqu’à 118,5 milliards de pesos (2 milliards de dollars) entre 2023 et 2025 en raison de la corruption dans les projets d’inondation. Des organisations environnementales comme Greenpeace situent ce chiffre bien plus haut.

Les leaders des protestations ont promis de maintenir la pression dans la rue jusqu’à ce que des mesures de responsabilisation soient appliquées.

 

17/04/2025

FAUSTO GIUDICE
Fanon façon Barny : tout faux

Fausto GiudiceBastaYeki !, 17 avril 2025

Samedi 12 avril 2025, Jean-Claude Barny a réalisé une sacrée performance à Tunis et sa banlieue. Son film était projeté à 18h au cinéma Le Rio, à 19h à l’IFT (Institut français de Tunisie) et à 21h à L’Agora de La Marsa. Il était présent à l’issue de chaque projection, en compagnie de trois de ses acteurs : Alexandre Bouyer – l’incarnation de Frantz Fanon himself -, qui a raconté que durant le tournage, il a perdu 10 kilos, et deux jeunes acteurs tunisiens, Sfaya Mbarki, jouant le rôle de Farida, une militante du FLN très peu crédible (voir plus bas), et un jeune garçon dont je n’ai pas capté le nom.


C’est que le film de Barny, Fanon, censé se passer en bonne partie à Blida en Algérie, a été tourné en Tunisie avec une majorité d’acteurs et de figurants tunisiens, dans des décors naturels tunisiens, ce qui suscite la première gêne chez le spectateur quelque peu averti.

Tout le monde n’est pas Spike Lee et ne peut pas trouver 34 millions de dollars pour faire jouer à Denzel Washington le rôle de Malcolm X.
Tout le monde n’est pas Abdenour Zahzah pour être capable de réaliser avec seulement 500 000 € un film de fiction impeccable et véridique, car étayé, documenté et réfléchi pendant une vingtaine d’années.
En tout cas, Monsieur Barny, c’est clair, n’est ni Spike Lee ni Abdenour Zahzah.

Et il n’a pu ramasser que 4 millions d’Euros pour réaliser son inepte biopic. Heureusement, des personnes qui lui voulaient du bien lui avaient refilé une première version du scénario d’Abdenour, dans lequel il a pompé allègrement pour concocter sa chorba. Mais ça n’a pas suffi à rendre son film digne, ne serait-ce que du Festival de Montpellier.

Monsieur Barny, quand donc allez-vous vous vous décider à arracher votre masque noir et nous montrer votre peau blanche ? Blanche comme le linceul dans lequel vous avez enveloppé Frantz, après l’avoir assassiné.
Une fois poussé mon cri du cœur et du cerveau, je vais tenter de l’expliquer ci-dessous, en détail.

Remarques générales

Il est clair d’emblée que Barny a vu Le Vent des Aurès de Lakhdar-Hamina (1967), le premier long métrage de l’Algérie indépendante, mais qu’il n’a ni la formation ni le talent pour lui arriver ne serait-ce qu’à la cheville. Au départ, Barny avait un projet mégalomane de raconter les 36 ans de vie de Frantz Fanon, de Fort-de-France à la Dominique, au Maroc, à Lyon et Saint-Alban, à Blida, Tunis, Accra, Bamako etc. Devant l’ampleur du projet, il se rabat sur les 8 dernières années de la vie du héros, choisissant de ne mettre en scène que Blida et Tunis. À partir de là, il a pratiquement tout faux, nous offrant une vision totalement faussée des divers événements qu’il cherche à raconter.

Ses acteurs, mal dirigés, ne savent pas sur quel pied danser et semblent hésiter à chaque scène. Le commissaire de police qui craque après s’être retrouvé dans le rôle de tortionnaire devient dans le film un sergent névrotique de l’armée, Josie, la femme militante de Frantz, devient une épouse d’une platitude consternante jouée par la pauvre actrice belge Déborah François, qui a l’air de se demander ce qu’elle fout là et semble regretter les frères Dardenne. Le seul Belge qui s’en sort est Olivier Gourmet, devenu le grand spécialiste des rôles secondaires de méchant sournois.

Détails incongrus

Venons-en maintenant aux quelques plus gros ratés du récit.

Frantz Fanon avait deux types d’écriture, l’une professionnelle, l’autre politique.
La première était constituée de notes cliniques quotidiennes, manuscrites, et consignées dans les archives de l’hôpital de Blida, où Abdenour Zahzah et Bachir Ridouh les ont consultées pour leur premier film de 2002, Franz Fanon, mémoire d’asile et dans lesquelles Zahzah a puisé pour son deuxième film de 2024, Chroniques fidèles survenues au siècle dernier à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, au temps où Docteur Frantz Fanon était Chef de la cinquième division entre l’an 1953 et 1956.

La seconde était constituée par ses textes politiques. Il n’a jamais dicté un seul texte à sa femme Josie, contrairement à ce que Barny met en scène. Ses textes politiques, il les parlait (Sartre : « Fanon parle à haute voix »), marchant de long en large, et Marie-Jeanne Manuellan, assistante sociale mutée au Centre neuropsychiatrique de jour de l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis dirigé par Fanon, les tapait sur une machine achetée pour l’occasion rue de Marseille, quand elle ne prenait pas en note tout ce qui se disait dans les consultations. Elle aura tapé les deux derniers livres de Fanon, L’An V de la Révolution algérienne et Les Damnés de la terre [écouter l’ entretien avec Marie-Jeanne Manuellan et voir son livre Sous la dictée de Fanon, Éditions de l’Amourier, 2017].

L’accent lyonnais/vénissian de Mehdi Senoussi, qui joue Hocine, le principal infirmier travaillant avec Fanon, est lui aussi fort mal venu.

Et que dire de Farida, la jeune militante du FLN interprétée par Sfaya Mbarki, qui se balade dans les rues d’une ville algérienne habillée d’un pantalon fuseau et portant négligemment un hijab décontracté, ce qui lui donne l’air d’une Iranienne ou d’une Afghane émancipée du XXIème siècle, mais en tout cas pas celui d’une jeune combattante clandestine dans l’Algérie des années 1950. Quiconque a une idée minimale de la société algérienne de cette époque, ne serait-ce que pour avoir vu le film La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo, sait que « Farida » se serait déplacée soit vêtue d’un haïk (équivalent algérien du safsari tunisien) soit déguisée en petite pied-noire proprette, en jupe plissée ou tailleur.

La palme du grotesque revient à Salem Kali, lui aussi très mal venu -avec son passé de champion de kung fu et de protagoniste de film de zombies – pour incarner Abane Ramdane, parlant un arabe de karakouz [1] : le summum est atteint dans la scène où il fait un discours aux allures de prêche à des paysans réunis dans une étable. Le public tunisien n’a pas pu se retenir de rigoler lorsqu’il prononce, la bouche en cul-de-poule sous sa moustache : « Di-mou-kra-tttiiyaa ». Abane Ramdane était un Kabyle trilingue ayant reçu une éducation française et un modèle d’intellectuel organique, réalisant l’alchimie de la constitution du mouvement national de libération. Il pensait certes, avec Mao, que « le pouvoir est au bout du fusil », mais, toujours avec Mao, que « le parti commande aux fusils et il ne faut jamais permettre que les fusils commandent au parti ». Ce fut ce qui signa son arrêt de mort. Il fut étranglé sur ordre des 3 B (Belkacem, Boussouf, Bentobbal] et avec l’assentiment des trois autres B [Ben Bella, Boumediène, Bouteflika), dans une ferme entre Tétouan et Tanger où on lui avait tenu un traquenard, et non pas, comme le filme Barny, dans une villa de Tunis.

Et pour finir, la dernière scène, celle de l’enterrement. Fanon n’a pas été enterré par quelques fellahs en gandoura dans une plaine et dans un linceul, mais dans un cercueil à Aïn Kerma, en territoire algérien, par un détachement de l’Armée de Libération Nationale qui lui a rendu les honneurs militaires. Ces faits documentés – par exemple dans l’excellent documentaire d’Hassane Mezine, Fanon hier, aujourd’hui (2018) - ont été ignorés par Si Barny.

Pour conclure, Madame la France a trouvé dans le bioupik barnyen une occasion très bon marché - ça ne mange pas de pain - de se redorer le blason auprès de ses encore-colonisés de tous les continents. Mais pas auprès des décolonisés, dont votre serviteur pense faire partie. À bon entendeur salut. Quant aux autistes et autres narcissiques konparézon*, qu’ils continuent à contempler leur nombril.

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Notes

1 - Karakouz : terme tunisien désignant le théâtre d'ombres d'ombres d'origine ottomane, dérivé du turc Karagöz (oeil noir), nom du personnage plébéien et lourdaud, devenu en Grèce Karagiorgios. Karakouz en tunisien désigne généralement le cirque politicard.

*Par un hasard qui n’a rien de curieux, le film a eu son avant-première au Festival de Marrakech, au Maroc, un royaume dont tout le monde sait, au moins depuis la disparition forcée de Mehdi Ben Barka, qu’il est un bastion avancé des luttes de libération des peuples opprimés.

**Konparézon : prétentieux en kréyòl gwadloupèyen (créole guadeloupéen)



14/03/2025

Vient de paraître : Les passeurs de révolte
Un livre sur les étudiants et intellectuels étrangers et postcoloniaux en France dans les années 1968

 Eloïse Bidegorry, Fabula, 13/3/2025

Françoise Blum, Guillaume Tronchet (dir.)
Les Passeurs de révolte
Étudiants et intellectuels étrangers et postcoloniaux en France dans les années 1968

  • Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. "Histoire", 2025
  • EAN : 9782753598348
  • 250 pages
  • Prix : 24 EUR
  • Date de publication : 13 Mars 2025

Les passeurs de révolte dont il est question dans ce livre sont les étudiants et intellectuels étrangers et postcoloniaux en France dans les années 1968. Ces étudiants et intellectuels constituent des voix singulières et déploient des discours et des répertoires d’action qui leur sont propres dans les contestations des années 1968. Certes, leur grammaire protestataire peut se fondre dans celle de l’ensemble des révoltés (tractage, affichage, pétitions, manifestations, occupations de locaux, etc.) mais certaines revendications leur sont spécifiques. C’est le cas des discours profitant de la tribune offerte par les mobilisations pour informer, alerter et mobiliser autour des luttes sociales et politiques des pays dont ces étudiants sont originaires (Maroc, Tunisie, Argentine, etc.). C’est aussi le cas des discours revendiquant un statut égal à celui des étudiants nationaux, que l’on retrouve au cœur des demandes de la Tricontinentale. Ce livre s’inscrit dans une historiographie des années 1968, profondément renouvelée depuis une dizaine d’années à l’aune de la question globale. L’histoire des mobilisations sociales et politiques des années 1968 invite en effet désormais à interroger concrètement « les lieux et les moments de “passage”, les “passeurs” et bien sûr “ce qui passe”, textes idées, modèles, répertoires d’action » (Boris Gobille). C’est de cela qu’il est question ici : du rôle et de la place des étudiants et intellectuels étrangers dans les processus d’internationalisation des révoltes.

Sommaire

Préface de Ludivine Bantigny

Introduction…

Tribunes

  • Les étudiants portugais en France en mai-juin 1968
  • La révolte étudiante de Mai 68 et les départements d’outre-mer
  • Étudiants polynésiens pendant Mai 68 : les jeunes pousses du mouvement identitaire Mā’ohi
  • À la recherche du Mai 68 des Cambodgiens en France

Rencontres

  • Des « rencontres improbables ». Étudiants et intellectuels britanniques en France en mai 1968
  • « Let’s go to the barricades! ». Des GI déserteurs dans les mouvements de mai-juin 1968 en France
  • Penser un féminisme à partir de l’Amérique latine : mobilisations des femmes latino-américaines en Europe des années 1968

Trajectoires

  • Paris, capitale mondiale des intellectuels révolutionnaires ?
  • Transferts, liens, connexions : Conrad Detrez, écrivain-militant et figure des circulations contestataires des années 1968
  • Entre références intellectuelles et politiques des années 68 : la trajectoire du jeune brésilien étudiant en économie devenu professeur d’anthropologie
  • Le cinéma s’insurge ». 1968, Casablanca – Łódź – Paris

Documents commentés

  • Les étudiants et ouvriers grecs en mai-juin 1968 en France à travers quelques tracts
  • L’occupation de la Maison de l’Argentine à la Cité internationale universitaire de Paris en mai-juin 1968
  • Étudiants et intellectuels tunisiens en France en mai-juin 1968
  • Étudiants et ouvriers italiens en France en mai-juin 1968

Postface de Michelle Zancarini-Fournel.

Acheter le livre

Françoise Blum est ingénieure de recherche CNRS au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains. Elle travaille sur les mouvements sociaux en Afrique subsaharienne, sur les socialismes africains et la décolonisation. Elle a notamment publié Révolutions africaines : Congo, Sénégal, Madagascar (Presses universitaires de Rennes, 2014), avec Pierre Guidi et Ophélie Rillon, Étudiants africains en mouvement, codirigé Socialismes africains/Socialismes en Afrique (Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2021) et Les partis communistes occidentaux et l’Afrique (Hémisphères, 2022).

Guillaume Tronchet, haut fonctionnaire et historien, est agrégé et docteur de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheur associé à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (ENS-PSL, Paris 1, CNRS). Spécialiste de l’histoire internationale des universités et des mobilités étudiantes, il a publié plusieurs ouvrages et articles sur ces thématiques, et a été responsable à l’École normale supérieure du projet de recherche GlobalYouth, lauréat de l’Agence nationale de la recherche, entre 2017 et 2023.

20/01/2025

Patrice Émery Lumumba (1925-1961) : Honneur et Respect

Discours du 30 Juin 1960, jour de l'indépendance du Congo


Patrice Emery Lumumba (né le 2 juillet 1925) aura été une étoile filante dans le ciel  de l’Afrique à peine indépendante. Élu Premier ministre en 1960, destitué quatre mois plus tard, il est assassiné le 17 janvier 1961, suite à un complot mêlant la puissance coloniale belge, la CIA et les services secrets français. Ce que toutes ces puissances ne lui pardonnaient pas, c’était de vouloir rompre avec le colonialisme qui, au Congo, fut particulièrement féroce. Patrice Lumumba a scellé son destin le jour même de l’Indépendance, par son discours, non prévu. En disant la vérité du colonialisme, il se condamnait à mort.

Le 30 juin 1960, jour de l'indépendance du Congo, le Palais de la Nation à Léopoldville (l'actuelle Kinshasa) reçoit les membres de la famille royale belge dont le roi Baudoin 1er, des représentants du gouvernement belge, des administrateurs coloniaux, le parlement congolais, la presse internationale pour célébrer cette nouvelle ère pour le Congo.  L'évènement est radiodiffusé dans tout le pays et couvert par la presse internationale. La foule s'amasse devant le Palais de la Nation pour assister à un évènement historique. Le protocole voulait que le roi Baudoin puis le président Kasavubu fassent un discours pour l'indépendance du Congo mais le Premier ministre Lumumba élu par le parlement ne l'entendit pas de cette oreille.
Le discours du roi des Belges, Baudoin 1er, fut un discours de légitimation de la colonisation, une véritable apologie de l'œuvre du roi Léopold II.  

"L'indépendance du Congo constitue l'aboutissement de l’œuvre conçue par le génie du roi Léopold II, entreprise par lui avec un courage tenace et continuée avec persévérance par la Belgique".

Il sonnait aux oreilles des nationalistes congolais comme une insulte à la mémoire des millions de morts générés par la politique monstrueuse du roi Lépold II, grand-oncle du roi Baudoin. "Pour caractériser le colonialisme léopoldien, les sources les plus diverses utilisaient les notions et les concepts les plus évocateurs pour l'époque, curse ("malédiction"), slave state ("Etat esclavagiste"), rubber slavery ("esclavage du caoutchouc"), crime, pillage...Aujourd'hui on n'hésite plus à parler de génocide et d'holocauste" (Elikia M'Bokolo, Le livre noir du colonialisme. XVIè-XXIè siècle : de l'extermination à la repentance, p.434). On peut d'ailleurs pour évaluer l'ampleur de la monstruosité coloniale au Congo sous Léopold II consulter de nombreuses références*.

Un documentaire britannique intitulé 
« Le Roi blanc, le caoutchouc rouge, la mort noire »   réalisé par Mark Dummett et produit par la BBC a suscité les foudres de la maison royale et du ministre des affaires étrangères Louis Michel lors de sa diffusion sur la RTBF le 8 avril 2004. Le passage incriminé était un commentaire faisant le parallèle entre la colonisation de Léopold II et le génocide hitlérien. Même si bon nombre de ces enquêtes sont postérieures à 1960, ni la Belgique, ni les Congolais ne pouvaient ignorer le cataclysme pour le Congo que fut le règne de Léopold II. Les travaux de l'avocat afro-américain George Washington Williams, du missionnaire afro-américain William Shepperd, du journaliste britannique Edmund Dene Morel, du consul britannique Roger Casement, du premier mouvement des droits de l'homme (Anti-Slavery International) furent à l'origine d'une commission d'enquête belge instituée par décret le 23 juillet 1904 et dont les témoignages ne furent pas publiés. Cette commission fut relayée par une de nombreux articles dans la presse et par une abondante littérature dont les fleurons les plus célèbres sont Au coeur des ténèbres de Joseph Conrad (1905) et The crime of the Congo (1909) de Sir Arthur Conan Doyle.

Le discours de Baudoin Ier en faisant l'apologie de son grand-oncle et de l’œuvre coloniale apparaît pour les colonisés comme un discours de légitimation des nombreuses humiliations et discrimination qui ont jalonné la colonisation : arrestations arbitraires, exécutions sommaires, répressions sanglantes, spoliations et expropriations... En juin 1960, aucun Noir ne dépassait le grade de sergent-chef dans la Force Publique (force coloniale belge), et le dérisoire statut "d'évolué", censé couronner les efforts d'assimilation des indigènes, concerne à peine un millier de Congolais sur treize millions.

Baudoin Ier :

"Ne compromettez pas l'avenir par des réformes hâtives, et ne remplacez pas les organismes que vous remet  la Belgique, tant que vous n'êtes pas certains de pouvoir faire mieux...N'ayez crainte de vous tourner vers nous. Nous sommes prêts à rester à vos côtés pour vous aider de nos conseils, pour former avec vous les techniciens et les fonctionnaires dont vous aurez besoin."

Au discours pro-colonial du roi Baudoin répondra le discours officiel insignifiant du président du parlement, Joseph Kasavubu qui remercie le roi et en appelle à Dieu : "...Dans une attitude de profonde humilité j'ai demandé à Dieu qu'il protège notre peuple et qu'il éclaire tous ses dirigeants...".

Puis il y eut l'allocution non annoncée du Premier Ministre Patrice Emery Lumumba à la grande surprise du gouvernement belge et de la maison royale. Son discours, pour les Congolais, fut libérateur  de tant d'humiliations, de brimades et de crimes contre l'humanité subis et jamais dénoncés publiquement. Il fut interrompu à huit reprises par les applaudissements de la foule  et son discours fut couronné par une véritable ovation tandis que le roi Baudoin devint livide selon nombre d'observateurs. Lumumba intervint immédiatement après l'allocution du président congolais. C'est Joseph Kasongo, le président de la chambre des représentants qui donna la parole au Premier ministre à la grande stupéfaction du gouvernement Eyskens et du roi. Aucun des spectateurs de cette journée n'avait eu le projet de texte de Lumumba, ni la presse, ni les Belges, ni les Congolais. Jean Van Lierde, ami belge de Lumumba, raconte comment il a vu Lumumba corriger son texte durant l'allocution du roi Baudoin et du président Kasavubu. C'est le contenu du discours qui va sceller le sort de Lumumba et montrer au monde entier de quelles valeurs, de quelle idéologie politique il était trempé. Pour la première fois, un "nègre" devenu le plus haut responsable du gouvernement congolais, révèle au monde entier le sort que les colonisés ont subi sous le joug colonial au Congo. Comble du déshonneur, il ne s'adresse ni au roi, ni au gouvernement belge mais aux Conglais, reléguant les anciens colons au rôle de spectateurs.

Ce portrait de Lumuba, commandé au peintre Bernard Safran pour orner la couverure du TIME MAGAZINE du 22 août 1960, ne parut jamais, car il fut remplacé au dernier moment par un portrait de Dag Hamarskjِöld, le Secrétaire général de l'ONU, qui venait de mourir dans un accident d'avion, resté inexpliqué à ce jour, au...Congo

Discours du 30 Juin 1960

Congolais et Congolaises,

Combattants de l'Indépendance aujourd'hui victorieux, Je vous salue au nom du gouvernement congolais.

 A vous tous, mes amis, qui avez lutté sans relâche à nos côtés, je vous demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que vous garderez ineffablement gravée dans vos coeurs, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et à leurs petits-fils l'histoire glorieuse de notre lutte pour la liberté.