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11/05/2025

OFRI ILANY
Le sionisme n’a pas toujours été raciste. Les problèmes ont commencé quand des Russes s’en sont emparés

Le sionisme n’est pas né comme un mouvement raciste et colonialiste [sic]. Son tournant désastreux s’est produit lorsqu’il a été pris en main par des “révolutionnaires” russes

Ofri Ilany, Haaretz, 9/5/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


En février 2022, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le général de division (ER) Gershon Hacohen des Forces de défense israéliennes (FDI) a participé à un débat sur l’événement sur la chaîne de télévision israélienne Kan. Contrairement à la ligne alors dominante dans les médias, Hacohen a exprimé une position résolument pro-russe. Kiev, a-t-il souligné, est le berceau de la civilisation russe, ajoutant que les frontières internationales ne sont pas sacrées et que le pouvoir du président Vladimir Poutine est légitime aux yeux du peuple russe.


Ben-Gourion

Le cas historique sur lequel il fonde son soutien à la Russie n’est pas moins provocateur. « Israël a été construit par des Juifs russes, comme mon grand-père, qui venaient de ces régions », a déclaré  Hacohen. « L’expérience du MAPAI n’était ni éclairée ni libérale » a-t-il ajouté en faisant référence au parti au pouvoir de Ben-Gourion, précurseur du parti travailliste. Tout comme Poutine, a-t-il ajouté, « Ben-Gourion pensait à une expansion constante dans la région, car la bande côtière de Tel-Aviv n’est qu’une porte d’entrée à la Terre d’Israël ».

Le point de vue de Hacohen sur le sujet a été englouti dans le flot de bavardages entre les panélistes de la télévision. Mais elle mérite un second regard, car elle révèle une vérité. L’analyse politique de Hacohen est brutale et sombre, mais son argument historique est juste. Israël a en effet été créé par des Russes, et la culture politique énergique, violente et antilibérale de l’Empire russe fait partie de son ADN.

Et c’est là notre désastre.

Les historiens, les sociologues et les journalistes débattent souvent de la question de savoir d’où vient le culte de la force d’Israël. C’est une mentalité brutale qui nous a actuellement amenés à un nadir moral sans précédent : le massacre cruel et aveugle des Palestiniens.

L’opinion largement répandue à gauche et au centre tend à en attribuer la responsabilité au messianisme religieux, mais la tendance sioniste à l’expansion et à la colonisation a commencé lorsqu’Israël était gouverné par des dirigeants laïques, dont certains prônaient un socialisme scientifique. Certains considèrent le sionisme comme un mouvement colonialiste et raciste dès l’époque de Theodor Herzl, même si dans « Altneuland », le roman écrit par le fondateur du sionisme politique, les Arabes jouissent de droits égaux à ceux des Israéliens.

En pratique, le tournant calamiteux de la culture politique israélienne s’est produit lorsque le mouvement sioniste a été récupéré par la secte politique russe, en particulier celle issue de la Seconde Aliya (la vague d’immigration juive en Palestine de 1904 à 1914). La culture russe possède des aspects nobles et a atteint des sommets intellectuels et culturels. Mais à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, la Russie connaît des bouleversements politiques spectaculaires qui engendrent une culture politique brutale, méprisant la tolérance et les Lumières.


Jabotinsky et les hommes du Betar, son groupe paramilitaire, en 1929 et en 1939


Diverses formes d’idéologie, allant du nationalisme au socialisme, voient le jour et marqueront le XXe siècle de leur empreinte. Ce terreau politique a donné naissance au bolchevisme, ainsi qu’à l’activisme politique juif. C’est dans cet environnement conceptuel que naissent le sionisme pratique et le mouvement révisionniste de Ze’ev Jabotinsky. Joseph Trumpeldor, le soldat-pionnier d’origine russe qui était admiré par les deux branches, peut être considéré comme une figure représentative de cette mentalité.

C’est de cette culture que sont issues les figures dominantes qui ont façonné l’histoire d’Israël : non seulement Ben-Gourion, mais aussi les familles de Moshe Dayan et d’Ariel Sharon. Le grand-père de Bibi, Nathan Mileikowsky, a atteint sa maturité politique dans les cercles sionistes russes.

Rav Nathan Mielikowsky(1879-1935), le grand-père de Bibi. “Netanyahu” était son nom de plume

Il existe également d’autres sources d’influence dans le sionisme, notamment en Europe centrale. Mais même si le judaïsme allemand suscite beaucoup de curiosité, l’impact des yekkes, comme on les appelait, est négligeable. Les intellectuels et les dirigeants sépharades sont encore plus marginaux. L’influence de la culture humaniste polonaise fut également piétinée, malheureusement, par la machine politique russe. il faut dire qu’ils étaient vraiment durs et déterminés, et qu’ils étaient plus prêts que d’autres au sacrifice et à un mode de vie spartiate.


Walter Moses, l’un des dirigeants du mouvement de jeunesse juif-allemand Blau-Weiss et, après son immigration en Palestine, chroniqueur à Haaretz, a décrit les attributs des Russes dans une chronique publiée en 1951. Moses était dédaigneux des Russes et de leurs traits de caractère. Comme beaucoup de yekkes, il pensait que les Juifs russes sont de qualité humaine inférieure, qu’ils manquent d’éducation et de culture. En même temps, il reconnaît que leur dévouement à la cause est indéniable.

« Ces Moscovites possédaient un attribut qui n’est présent dans aucune autre tribu du peuple juif : le Saint-Esprit s’accrochait à eux », écrit Moses. « Ils étaient des idéalistes fanatiques, dotés d’une vertu morale et d’un niveau éthique que l’on ne retrouve qu’à quelques époques de l’espèce humaine, prêts à tous les sacrifices, enthousiastes face à toutes les idées impossibles, ne se laissant décourager par aucune tâche ni aucun travail, aussi onéreux soit-il, s’attaquant à tous les problèmes avec le plus grand sérieux, et souvent avec trop de sérieux ».

Culturellement, ce sérieux et cette rigidité idéologique ont transformé le sionisme en un désert esthétique, dépourvu d’humour et d’éros, et rappelant la toundra gelée de Sibérie. Un sol tendu, dur et cruel. Mais pire encore, le monde conceptuel de la force en Russie justifiait le piétinement des minorités, la colonisation et la prise agressive de territoires.

Dans les limites du camp

Si tel est le cas, la dette politique du sionisme à l’égard de la culture politique russe est en fait assez évidente. Alors, pourquoi n’en parle-t-on pas ou ne la soumet-on pas à la critique ? Il arrive que l’on entende des points de vue critiques. À la fin des années 1950, par exemple, les journalistes Uri Avnery et Boaz Evron ont noté qu’Israël était toujours lié aux modèles idéologiques de la deuxième aliya. Et c’est peut-être encore le cas aujourd’hui.

En fin de compte, cependant, personne n’a vraiment intérêt à poursuivre cette ligne de pensée. La critique du sionisme émane de la gauche radicale, mais à la base, ce camp de gauche est pro-soviétique et vise l’impérialisme usaméricain et le colonialisme occidental. Ironiquement, le débat sur le sionisme, pour ou contre, reste dans les limites du camp des héritiers de la culture politique russe.

Les révisionnistes historiques, bien qu’appartenant à une culture politique différente, étaient en fin de compte une branche de la même famille. L’historienne Anita Shapira, connue comme historienne sioniste avec un penchant mapainik, a noté dans son livre de 1992 « Land and Power : The Zionist Resort to Force, 1881-1948 » (Stanford University Press), que la violence politique des révisionnistes avait également ses racines dans la gauche révolutionnaire russe.

« Cessez votre cruelle oppression des Juifs « : Le président Theodore Roosevelt au tsar Nicolas II : « Maintenant que vous avez la paix à l’extérieur, pourquoi ne pas lui enlever son fardeau et avoir la paix à l’intérieur de vos frontières ? ».  Chromolithographie d’Emil Flohri, 1904, suite au pogrome de Kichinev de 1903


« Le monde intellectuel auquel une grande partie de la gauche se sentait attachée n’était pas celui de la social-démocratie, mais plutôt l’idéologie révolutionnaire violente nourrie dans la zone de résidence*.
 
Ses symboles et ses modèles n’étaient pas tirés des mouvements du socialisme réformiste, mais principalement de ceux de la Russie bolchevique. Leur vision du monde ne rejetait pas d’emblée la violence comme moyen d’action », écrit Shapira. Les germes de la violence d’extrême droite ont été nourris par l’idéologie révolutionnaire de la gauche russe.

La culture politique russe est si profondément ancrée dans le projet sioniste qu’il est aujourd’hui presque impossible d’imaginer une trajectoire historique différente. Les réalisations d’Israël sont également attribuées pour l’essentiel à cette mentalité révolutionnaire et partisane débridée.

Mais aujourd’hui, à un moment de l’histoire où la Russie et Israël sont deux entités brutales qui sèment l’horreur et la destruction, la ressemblance est à nouveau visible à l’œil nu. Et ce n’est pas une coïncidence. S’il y a un espoir pour Israël, c’est de se libérer de cet héritage politique catastrophique.
QDT1000NIS (Question du traducteur à 1000 shekel) :
Si je comprends bien, les fondateurs allemands et austro-hongrois du mouvement sioniste, Herzl et Nordau, étaient des enfants de chœur tendance bisounours. Les méchants étaient des russo-bolcheviks. Sauf que Jabotinsky n'a pas envoyé ses miliciens se former en URSS, mais dans l'Italie de Mussolini. Bibi = Poutine ? Donc Zelensky= Hamas ?
NdT

* Créée en 1791 par l’impératrice Catherine II de Russie, la zone de résidence (en russe : Черта оседлости, tchertá ossédlosti ; en yiddish : דער תּחום-המושבֿ, der tkhum-ha-moyshəv ; en hébreu : תְּחוּם הַמּוֹשָב, t’hum hammosháv ; en allemand : Ansiedlungsrayon ; en polonais : Strefa osiedlenia) était la région ouest de l’Empire russe où les Juifs, enregistrés comme tels, étaient cantonnés de force par le pouvoir impérial russe, dans des conditions matérielles souvent misérables, jusqu’à la Révolution de février 1917.


 

ORLY NOY
Ce qu’un « sommet de la paix » révèle sur l’état de la gauche israélienne

Des ateliers de dialogue bien intentionnés, des panels sur des solutions politiques lointaines, mais aucune mention du génocide : ce sont des distractions privilégiées que nous ne pouvons plus nous permettre.
Orly Noy, Local Call/+972 Magazine 7/5 /2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala
Orly Noy est née à Téhéran en 1979. Elle s’appelait alors Mozghan Abginehsaz. Arrivée en Palestine avec ses parents en janvier 1979, elle a dû changer de prénom puis a adopté le nom de famille de son mari Chaim par commodité. Elle s’est engagée à l’adolescence dans la défense des droits des Mizrahim (les Juifs orientaux) et dans les efforts pour établir des alliances entre Palestiniens et Mizrahim. Traductrice, elle a notamment traduit en 2012 le roman Mon oncle Napoléon, d’Iraj Pezeshkzad en hébreu. Présidente du CA de l’ONG B’Tselem, elle est rédactrice en chef du site ouèbe Local Call et milite au parti Balad-Tajamu, créé et animé par des Palestiniens de 1948 et comptant dans ses rangs des militants juifs. 
Ce week-end, une coalition de 50 organisations israéliennes de paix et de partage social s’est réunie à Jérusalem pour le « Sommet du peuple pour la paix » - un rassemblement de deux jours qui vise, selon son site Internet, à « [travailler] ensemble avec détermination et courage pour mettre fin au conflit israélo-palestinien par le biais d’un accord politique qui garantira le droit des deux peuples à l’autodétermination et à des vies sûres ». 


Ici, en Israël-Palestine, nous vivons une période sombre et amère, comme nous n’en avons jamais connue auparavant. Dans ces circonstances, une démonstration de force aussi impressionnante de la part de la gauche réveillée est sans aucun doute importante et significative, et je tire mon chapeau à tous ceux qui travaillent à créer un changement vers un avenir meilleur.

Pourtant, il faut reconnaître que la conférence se déroulera au milieu d’un génocide en cours, qui a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de Palestiniens à Gaza, et qui est susceptible de s’intensifier encore dans un avenir proche. Après avoir examiné attentivement le programme très dense des activités et des panels de la conférence, le mot « Gaza » n’apparaît que dans un seul événement, intitulé : « La paix après le 7 octobre - Voix de l’enveloppe de Gaza et de Gaza », qui présente « [des] résidents [israéliens] de la zone frontalière de Gaza et des survivants du massacre, ainsi que des messages vidéo d’activistes pacifistes à Gaza ».

Plus d’un an et demi après l’anéantissement systématique de la bande de Gaza par Israël, les seules victimes que les organisateurs de l’événement semblent vouloir reconnaître sont les victimes israéliennes du massacre du 7 octobre. Les habitants de Gaza - ceux qui font face à un génocide - doivent être désignés comme des « militants de la paix » afin d’obtenir la légitimité d’exprimer leur point de vue devant les participants.

Cela soulève des questions troublantes : Comment le « camp de la paix » conçoit-il son rôle en ces temps sans précédent ? Et, plus fondamentalement encore, comprend-il l’ampleur du génocide dans lequel nous nous trouvons ?

Faire face à une nouvelle réalité

C’est peut-être la volonté d’être « du peuple » qui a conduit les organisateurs à choisir des titres aussi stériles et rassurants pour un grand nombre d’événements de la conférence : « Woodstock pour la paix« , avec une “journée entière de connexion à la terre, à la nature, à la paix et à l’espoir” ; “Des jeunes Israéliens et Palestiniens présentent leur point de vue sur le mot ”paix’ » ; « Il y a un chemin » ; « L’espoir de Jérusalem » ; etc.

Le désir d’offrir de l’espoir, à une époque où il est si profondément absent, est compréhensible. Mais lorsque pas un seul événement du programme de la conférence n’est consacré au génocide en cours à Gaza, cet espoir devient, au mieux, détaché de la réalité et, au pire, une échappatoire dépolitisée cherchant à abrutir et à engourdir.

Parallèlement, la conférence comprend plusieurs tables rondes traitant des solutions politiques potentielles futures et des cadres pour « mettre fin au conflit ». Cela suggère que, malgré ce qui se déroule sous notre nez, les organisateurs pensent que le rôle principal de la gauche israélienne reste inchangé : insister sur le fait que le conflit israélo-palestinien n’est pas inévitable et que des solutions existent pour bénéficier à toutes les personnes vivant entre le fleuve et la mer. À mon avis, nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de réexaminer non seulement la réalité, mais aussi notre rôle au sein de celle-ci.

L’accent mis sur les « solutions politiques » implique que ce qui nous fait le plus défaut aujourd’hui, c’est « l’imagination politique », un concept fréquemment invoqué lors de la conférence. Cette hypothèse mérite d’être remise en question. Ce qui se passe à Gaza n’est pas le résultat d’un manque d’imagination de la part des Israéliens et des Palestiniens, ou parce qu’on ne leur a pas présenté de plans de paix suffisamment clairs au cours des dernières décennies. Le fascisme meurtrier n’a pas pris le contrôle du gouvernement israélien parce que le public ne s’est pas vu proposer suffisamment d’alternatives.

En effet, nous ne pouvons pas considérer comme acquis que la rupture profonde et sanglante que nous vivons conduira naturellement le public israélien à réaliser qu’une voie différente doit être trouvée. Bien qu’une partie des Israéliens ait peut-être appris cette leçon depuis le 7 octobre, le sentiment le plus répandu est qu’Israël peut et doit « mettre fin à la question palestinienne » par la force et, si nécessaire, par l’anéantissement, l’épuration ethnique et l’expulsion.

Si les sondages n’indiquent pas de montée en puissance spectaculaire des partis de gauche, ce n’est pas parce que l’opinion publique ne connaît pas leur offre politique, mais parce qu’elle n’en veut pas. Telle est la réalité à laquelle la gauche doit faire face.

En ce sens, la conférence de paix se replie sur la zone de confort de la gauche israélienne, évitant les questions existentielles auxquelles ce moment historique nous oblige à nous confronter. Et cela avant même de considérer les obstacles pratiques des solutions proposées, comme le démantèlement délibéré par Israël du leadership palestinien et l’évidement de l’Autorité palestinienne.

Dures vérités

Je pense que cette conférence est une réponse au profond et écrasant sentiment d’impuissance que nous ressentons tous, alors que les rivières de sang continuent de couler sous nos yeux. Bien qu’il soit tentant d’offrir de l’optimisme, de la paix et des solutions - après tout, ce sont des choses dont nous avons tous désespérément besoin - l’espoir n’est jamais un luxe ; c’est un moteur nécessaire pour le changement.

Mais pour que l’espoir se transforme d’un vœu creux en un plan réalisable, il doit être ancré dans la réalité, et non en être détaché. Je suggère à la gauche de s’attarder un moment dans ce lieu de rupture totale et d’impuissance, de reconnaître nos limites dans cette réalité génocidaire et, à partir de là, de réexaminer notre rôle.

La répression institutionnalisée qui vise désormais ouvertement toutes les organisations de gauche en Israël fait également partie de la réalité à laquelle nous devons faire face, et elle exige des choix tactiques et stratégiques radicalement différents de ceux sur lesquels nous nous sommes appuyés jusqu’à présent. Nous devons affronter la dure vérité : aucune des solutions politiques actuellement proposées n’est réalisable sous ce régime d’apartheid. Le temps des illusions est révolu. 

Notre tâche consiste maintenant à repenser l’organisation d’un camp d’opposition qui se consacre au démantèlement de ce système. Cela nécessitera une bonne dose d’humilité et la reconnaissance sobre du fait qu’avant que des solutions puissent émerger, nous devons d’abord endurer une période douloureuse de lutte prolongée. C’est là que notre énergie doit être dirigée.

Pour être clair, ces mots ne sont pas écrits par cynisme ; j’apprécie vraiment les organisateurs de la conférence et ses nombreux participants. Je ne doute pas de leurs bonnes intentions et de leur engagement sincère à changer notre horrible réalité. Pourtant, alors qu’Israël affame systématiquement les habitants du camp d’extermination de Gaza, la gauche israélienne ne peut plus rester dans sa zone de confort.

Le message de Macron au « Sommet de la paix »

10/05/2025

MURTAZA HUSSAIN /RYAN GRIM
Le nouveau président syrien a une offre à faire à Trump

Ahmed al-Charaa veut rencontrer Trump et offrir aux entreprises usaméricaines la possibilité de reconstruire la Syrie

Murtaza Hussain et Ryan GrimDrop Site News9/5/2025 
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Le président syrien Ahmed al-Charaa  a autorisé des émissaires à faire une série de concessions inédites au président Donald Trump dans l’espoir de normaliser les relations avec les USA. Cette offre vise à éviter une catastrophe financière imminente qui pourrait désintégrer l’État. Lors d’une réunion le 30 avril à Damas, al-Charaa s’est réuni avec une délégation dirigée par l’homme d’affaires usaméricain Jonathan Bass [PDG de la compagnie gazière Argent LNG  et militant républicain trumpiste, NdT] et Mouaz Moustafa, directeur exécutif de la Syrian Emergency Task Force. Bass a déclaré que des responsables saoudiens s’efforçaient de négocier la prochaine rencontre avec Trump.


Depuis qu’il a pris le pouvoir en décembre lors d’une offensive militaire surprise qui a renversé le régime de Bachar el-Assad, Charaa, anciennement connu sous le nom de guerre d’Abou Mohamed al-Joulani, s’est engagé dans une campagne de relations publiques visant à convaincre les capitales occidentales sceptiques à l’égard du nouveau régime, notamment en raison de ses anciens liens avec Al-Qaïda et l’État islamique. Il vient de se rendre à Paris, où il a été accueilli par le président français Emmanuel Macron.

Jusqu’à présent, Charaa  n’a pas croisé le chemin de Trump, mais cela pourrait bientôt changer. Les deux dirigeants devraient se rendre à Riyad, la capitale saoudienne, la semaine prochaine, où Trump arrivera à la tête d’une délégation usaméricaine qui devrait signer d’importants accords commerciaux, d’armement et d’énergie avec les dirigeants saoudiens. Selon Bass, qui a déclaré avoir été en contact avec des responsables saoudiens, le prince héritier saoudien Mohamed ben Salman s’est efforcé d’organiser une rencontre directe entre le dirigeant syrien et Trump lors de leur séjour à Riyad, ce qui constituerait un tournant pour le nouveau gouvernement de Damas.

Moustafa, s’adressant aux journalistes vendredi matin à Washington, a déclaré qu’al-Charaa avait explicitement autorisé la délégation à proposer un accord global à Trump, dont al-Charaa a dit qu’il était un « homme de paix envoyé par Dieu ». Al-Charaa espère rencontrer Trump dans les prochains jours, lorsque les deux hommes seront à Riyad. Moustafa a déclaré que le deal généreux pour les USA nécessiterait une rencontre ne dépassant pas cinq minutes.

L’accord potentiel, selon Moustafa, est rendu public parce que certains des conseillers pro-israéliens de Trump, dont le conseiller à la sécurité nationale Michael Waltz, qui a été démis de ses fonctions, ont délibérément empêché Trump de prendre connaissance des concessions que la Syrie est disposée à faire.

La Syrie a été largement détruite au cours de la guerre civile qui a duré quatorze ans. La Banque mondiale estime que la reconstruction du pays coûtera entre 250 et 400 milliards de dollars, et ses souffrances ont été aggravées par un régime de sanctions écrasantes imposé par les USA. La Chine et la Russie ont fait des démarches agressives pour obtenir des contrats de reconstruction dans le pays, en proposant de développer les réserves de pétrole et de gaz, et en construisant des infrastructures de télécommunications par l’intermédiaire de l’entreprise chinoise Huawei, a déclaré Al-Charaa. Le nouveau président syrien a néanmoins exprimé sa préférence pour un partenariat avec l’Occident.

Si les USA y sont disposés, la Syrie inviterait les entreprises usaméricaines à exploiter les ressources pétrolières et gazières du pays, et travaillerait avec des entreprises usaméricaines sur des projets de reconstruction. Bass a déclaré qu’AT&T avait été explicitement mentionnée comme un partenaire préféré à Huawei.

Dans le cadre de cet accord potentiel, la Syrie continuerait à lutter contre des groupes tels que l’État islamique et Al-Qaïda. Moustafa a déclaré qu’il y aurait davantage de possibilités d’échange de renseignements dans le cadre du rapprochement entre les USA et la Syrie. L’accord pourrait également inclure une limitation de la capacité des groupes militants palestiniens, considérés comme alignés sur l’Iran, à opérer en Syrie. Moustafa a noté que le gouvernement syrien a récemment emprisonné des responsables du Jihad islamique palestinien, ce qu’il a décrit comme un signe de la volonté du nouveau gouvernement de s’attaquer à l’Iran et à ses alliés. « Nous avons les mêmes ennemis que les USA », a déclaré Bass, résumant ce qu’al-Charaa a dit au groupe : « Nous avons les mêmes alliés potentiels que les USA ».

Charaa a déclaré que la Syrie était ouverte à la normalisation de ses relations avec Israël dans des circonstances appropriées, affirmant qu’il respectait l’accord de 1974 sur le « désengagement des forces ». Depuis son arrivée au pouvoir, Israël bombarde sans relâche la Syrie, envoie des troupes pour occuper davantage de territoires à l’intérieur du pays, y compris dans la zone tampon démilitarisée des Nations unies sur les hauteurs du Golan, en violation de l’accord de 1974, et tue des dizaines de Syriens. L’armée de l’air israélienne a également lancé une attaque sur le terrain de son palais présidentiel au début du mois de mai. Cette attaque a eu lieu 24 heures seulement après que la délégation usaméricaine se fut rendue au palais pour rencontrer al-Charaa. Des responsables israéliens ont suggéré qu’il s’agissait peut-être d’un essai pour attaquer directement le dirigeant syrien à l’avenir.

Selon d’anciens responsables usaméricains qui ont servi de médiateurs entre les deux pays, la Syrie et Israël ont envisagé de normaliser leurs relations sous l’ancien régime de Bachar el-Assad, avant le soulèvement de 2011 en Syrie. Les deux pays sont confrontés à un problème en suspens concernant la région contestée du plateau du Golan, qui constitue un important grief national à l’intérieur de la Syrie, et qu’Israël occupe depuis 1967.

Offensive de charme

Pour parvenir à un accord, la Syrie devra voir lever les sanctions américaines qui pèsent actuellement sur elle. La Syrie est actuellement soumise à des sanctions en vertu de la loi César de 2019, qui a imposé des restrictions économiques écrasantes à l’ancien régime Assad, soi-disant en raison des violations des droits humains commises par ce gouvernement. Le nouveau gouvernement et ses partisans affirment que les sanctions, qui visaient à punir Assad, punissent désormais ses victimes présumées, et qu’elles devraient être levées pour cette raison. Mais elles devraient également être levées pour que la vision de Charaa d’un « deal du siècle » avec Trump se concrétise.

Cette semaine, les USA ont annoncé une exemption de sanctions qui permettrait au Qatar de payer les salaires du secteur public syrien à hauteur de 29 millions de dollars pour les trois prochains mois, ce qui permettrait à Damas de préserver certaines de ses institutions en ruine et de renvoyer les employés du gouvernement au travail. Cette décision fait suite à de précédentes dérogations limitées aux sanctions appliquées par Washington pour permettre aux groupes d’aide d’opérer dans le pays après la chute d’Assad. L’Arabie saoudite et le Qatar avaient précédemment annoncé qu’ils rembourseraient la dette syrienne de 15 millions de dollars à la Banque mondiale - une somme relativement faible que Damas ne pouvait pas se permettre -, ce qui montre à quel point le pays s’est appauvri après plus d’une décennie de conflit.

La Syrie est toujours en proie au chaos interne, notamment à la violence sectaire, à la criminalité, à la pauvreté généralisée et au manque de services de base. Des milices liées au gouvernement ont perpétré un massacre à grande échelle de civils alaouites à la suite d’un “coup d’État avorté” dans la région côtière de la Syrie au début de l’année. Pour tenter de maintenir la situation fragile, exacerbée par les attaques extérieures, Charaa aurait également engagé des pourparlers indirects avec Israël, sous la médiation des Émirats arabes unis. Ces pourparlers auraient porté sur la demande de la Syrie qu’Israël cesse ses frappes aériennes sur le pays, se retire des territoires occupés dans le sud et cesse ses efforts pour promouvoir le séparatisme ethnique visant à provoquer la dissolution de la Syrie - un objectif déclaré de certains ministres israéliens actuels. Le gouvernement syrien a également mené une action agressive auprès des Juifs syro-usaméricains, en facilitant les voyages vers les sites historiques du pays et en s’engageant à restaurer et à protéger le patrimoine juif dans le pays.

Il reste à voir si Charaa peut réussir le délicat exercice d’équilibre consistant à apaiser suffisamment les USA pour lever les sanctions et permettre la reconstruction de la Syrie. Mais sa tentative de tendre la main à Trump en offrant une opportunité commerciale lucrative aux entreprises usaméricaines pourrait lui donner une chance. Moustafa a déclaré que les USA avaient une « opportunité en or » avec le nouveau gouvernement, qui se présente désormais comme ouvert aux affaires avec Washington.


09/05/2025

FAUSTO GIUDICE
Syrie : la résilience d’un peuple ancien
Entretien avec un Damascène

Fausto GiudiceTlaxcala, 9/5/2025

Alors que le « président » syrien Ahmed Al Charaa est reçu officiellement à l’Élysée par Emmanuel Macron, nous avons demandé à Ibrahim Al Ambda, un enseignant syrien francophone à la retraite qui n’a jamais quitté la Syrie, de nous décrire la situation concrète, tel qu’il la vit à Damas.

Peux-tu nous décrire la vie quotidienne à Damas après le 8 décembre et la fuite de Bachar Al Assad ? Qu’est-ce qui a changé ? Qu’est-ce qui est resté pareil ?

À mon avis, l’ancien président a fui, et je m’attendais à cela de sa part, mais le régime n’est pas tombé !

En d’autres termes, le nouveau régime reste une dictature, noyée dans le chaos, et poursuivant les intérêts personnels des dirigeants, et non l’intérêt public. Cela s’ajoute au chaos généralisé dans lequel le pays a été plongé en raison de la dissolution de l’armée, de la police et des forces de sécurité.

Damas est plus triste qu’avant et les gens sont plus pauvres.

En fait, je ne vois aucun changement ! La logique de l’autorité est la même. Les violations des libertés individuelles sont plus fréquentes qu’auparavant. En plus, beaucoup de massacres sont commis contre les minorités sur la côte syrienne, à Homs, au sud de la Syrie et dans certaines parties de la campagne de Damas, de Hama !

Les gens ont perdu leur sentiment de sécurité, les meurtres sont devenus aléatoires dans les rues, et le scénario irakien se répète, avec l’enlèvement et le meurtre d’érudits, surtout de quelques minorités spécifiques !

La situation économique se dégrade…

La division, l’affaiblissement du pays et le partage de l’influence et des richesses entre les pays occidentaux et régionaux, contre la volonté de la plupart des gens de mon pays, sont mis en œuvre, par le fait de commettre les massacres contre les civils. 

Ce qui se passe aujourd’hui à Gaza, en Cisjordanie, au Liban et en Syrie, et ce qui s’est passé auparavant en Irak (1990-2003), est la deuxième partie du scénario des accords Sykes-Picot de 1916 !


Plan de Damas, par auteur européen inconnu, 1620    

Vous avez vécu depuis un siècle une histoire pleine de bruit et de fureur. Quel est le secret de votre incroyable soumoud (résilience) ?

Le peuple syrien, au Levant (Bilad al-Cham), est un peuple ancien. Sa civilisation remonte à plus de dix mille ans. Les habitants des grandes villes du Levant : Alep, Beyrouth, Jérusalem, Jéricho, Bagdad… et surtout Damas, avec leur tolérance, leur amour, leur acceptation de l’Autre, avec une ouverture claire, ont pu absorber les étrangers pacifiques. Mais ces cités antiques, tout au long de l’histoire, ont rejeté les étrangers violents et sanglants ! 

Grâce à cette histoire ouverte, nous constatons que les Syriens, au Levant, sont certains d’une chose, claire dans leur esprit, à travers l’Histoire : ce sont eux qui resteront, et tous les événements accidentels, en particulier le colonialisme et les étrangers occupants, disparaîtront inévitablement, tôt ou tard !

On constate donc que les Syriens, pour la plupart, considèrent leur pays comme leur patrie finale, et même lorsqu’ils sont contraints d’émigrer, à la recherche d’un moyen de subsistance et d’un travail, et pour échapper aux persécutions et aux guerres imposées à notre région par les grandes puissances – puisque c’est la géographie qui fait l’histoire – beaucoup d’entre eux retournent en Syrie lorsque la sécurité est rétablie et que les guerres prennent fin. C’est là le secret de la persévérance du peuple syrien, palestinien et libanais sur leur terre : Gaza, le Sud du Levant, ainsi que le Sud-Liban, en est un exemple frappant et étonnant. 

Quels rapports entretenez-vous avec la diaspora syrienne, éparpillée aux quatre coins du monde ?

Depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours, il n’existe presque aucune famille en Syrie qui n’ait de parents à l’étranger, sur les cinq continents ! Ces expatriés, leurs enfants et petits-enfants, ont toujours été aux côtés de leurs familles en Syrie, au Liban et en Palestine… C’est pourquoi nous constatons que le peuple syrien, malgré les épreuves successives auxquelles il a été confronté tout au long de son histoire, a pu persévérer, grâce à cette solidarité sociale, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Personnellement, j’ai des parents et de vrais amis partout dans le monde, et ils me soutiennent toujours, certains matériellement et d’autres moralement : par conséquent, je sens que le monde est toujours dans un état de bonté, tout comme l’amour et l’humanité.

Quel pourrait être aujourd’hui et demain le rôle des personnes et des groupes, à travers le monde, qui se considèrent à divers titres comme solidaires du peuple syrien ?

Puisque l'attaque est plus que féroce à travers le Levant, et personnellement, je vois ce qui se passe en Palestine, au Liban et en Syrie comme une destruction systématique de pays et de sociétés, après les avoir épuisés, et c'est un problème unique qui ne peut être divisé, je vois personnellement que ceux qui sont solidaires avec nous peuvent soutenir les Syriens, ainsi que les Palestiniens et les Libanais, en dénonçant l’avidité des politiciens des grandes puissances et régionales pour les richesses de notre Levant, et en dénonçant certaines figures médiatiques qui pratiquent la désinformation, et qui ignorent toutes les tragédies humaines pour servir les intérêts des grandes puissances, sans se soucier des vies perdues dans nos pays.

Aurais-tu un ou des messages pour les Arabes, les Européens, les Américains ?

En fait, j’ai envoyé et je continue d’envoyer, des messages aux Arabes, en particulier par des canaux fiables, secrets et publics, afin qu’ils puissent assumer leur responsabilité en matière de protection de la Palestine et de la Syrie également. Après la dissolution de l’armée syrienne, ils pourront envoyer des militaires arabes pour aider à maintenir la sécurité en Syrie, avec la jeunesse syrienne volontaire dans le nouvel appareil de sécurité syrien.

Quant aux Européens et aux Américains, ils n’ont pas manqué de soutenir, humainement, la Palestine, durant les dix-huit mois derniers.

Personnellement, je préfère que les Européens et les Américains n’interviennent pas politiquement dans nos affaires ! Mais je leur demande d'essayer de changer la politique occidentale pour qu’elle soit humaine et éthique. Notre civilisation, à Ugarit, a exporté à tout le monde l’alphabet et la première partition musicale, ainsi que la paix et l’amour avec Jésus-Christ, le Palestinien, alors qu’il nous a envoyé la violence, les massacres et la pauvreté, avec la colonisation.


RETE DI SOPRAVVISSUTI AGLI ABUSI SESSUALI DEL CLERO
Lettera aperta al nuovo papa

“NOI, I FIGLI DELLA CHIESA”

UN’ESORTAZIONE AL NUOVO PAPA

SNAP, 8/5/2025
Tradotto da Fausto GiudiceTlaxcala

Noi, un tempo figli della Chiesa, portiamo nei nostri corpi e nelle nostre memorie le ferite invisibili della violenza sessuale - i nostri propri stigmi spirituali. Tuttavia, la nostra voce collettiva, che si leva da ciò che un tempo era indicibile, è un atto di resurrezione. Essa ristabilisce l’umanità che ci è stata violentemente strappata e ci permette di iniziare una nuova vita.- 8 maggio 2025


Sua Santità
Palazzo Apostolico
00120 Città del Vaticano

Giovedì 8 maggio 2025

Le scriviamo in qualità di organizzazione più antica e importante al mondo che rappresenta le vittime di stupri, aggressioni sessuali e abusi commessi da preti, religiosi, religiose, ministri laici e volontari della Chiesa cattolica.

Da oltre 35 anni, abbiamo supportato più di 25.000 sopravvissuti in tutto il mondo. Prima del conclave che l’ha eletta, abbiamo lanciato una nuova iniziativa globale a favore dei sopravvissuti, Conclave Watch, un database che dettaglia come i cardinali che l’hanno eletta abbiano facilitato e coperto casi di abusi commessi da membri del clero.

Un tempo, eravamo i figli della chiesa.

Il delinquente sessuale commette sempre due crimini: prima ruba il corpo, poi la voce.

Molti dei cardinali che l’hanno eletta hanno coperto i crimini commessi contro di noi, e i preti e le altre persone che ci hanno aggredito hanno un valore sociale e un prestigio ben superiori a quelli di ciascuno di noi, individualmente o collettivamente. Il teatro e le acclamazioni internazionali che hanno circondato la sua elezione lo dimostrano inequivocabilmente.

Non è naturale, a un momento come questo, desiderare di conoscere il tipo di afflizione sessuale e spirituale di cui siamo stati vittime nella nostra infanzia. Tale conoscenza turba e minaccia il normale funzionamento della Chiesa. Chi, impegnato nella preghiera e nella lode per la sua ascesa, vuole conoscere questo volto nascosto, disconosciuto e osceno della sua Chiesa?

Nessuno, tranne coloro che sono motivati dall'unica vera ragione per volerlo conoscere: la giustizia.

Se il prete e gli altri delinquenti hanno rubato i nostri corpi, sono i cardinali e i vescovi della Chiesa, così come i tre papi che si sono succeduti prima di lei, a aver rubato le nostre voci.

Immagini la nostra delusione e disperazione nel scoprire che lei ne fa parte.

Le sue prime parole devono essere rivolte ai sopravvissuti e ai figli della chiesa.

Ci aspettiamo che alcuni ci critichino per aver sollevato questa questione mentre il mondo intero celebra la sua elezione. Ma quando è dunque il momento giusto per discutere della realtà allarmante dello stupro e della violenza sessuale contro i bambini, che avviene ogni minuto di ogni ora di ogni giorno in questo mondo turbato?

Poco prima della sua morte, Papa Francesco ha organizzato un vertice dei leader mondiali sui diritti dell'infanzia [1] e ha firmato una dichiarazione contenente otto principi per la protezione e il rispetto dei diritti dei bambini. A seguito di questo vertice, ha annunciato la sua intenzione di pubblicare un'esortazione apostolica speciale rivolta direttamente ai bambini, al fine di educarli e dar loro gli strumenti per conoscere i loro diritti.

Non ha mai vissuto per completare quest'esortazione. Questo compito ora spetta a lei. Le prime parole che pronuncerà come papa dovranno essere rivolte ai sopravvissuti e ai figli della Chiesa.

Ma come può proclamare il suo impegno a difendere i diritti dei bambini nel mondo e a condannare coloro che non lo fanno, mentre secondo le leggi della Chiesa, le persone vulnerabili non hanno questi diritti? Inoltre, come può farlo mentre molti dei suoi confratelli vescovi violano attualmente questi stessi principi?

Le Nazioni Unite, le commissioni statali sugli abusi e i sopravvissuti come noi hanno ripetutamente chiesto a Papa Francesco di promulgare una legge di vera tolleranza zero per gli abusi sessuali e la copertura degli abusi. Una tale legge non esiste nella Chiesa. Perché decine di migliaia di ecclesiastici, di cui lei e i suoi colleghi vescovi nel mondo sapete che hanno violato e aggredito sessualmente bambini e persone vulnerabili, continuano a esercitare il loro ministero oggi? Perché qualsiasi vescovo nel mondo, incluso lei, può coprire casi di stupro e trasferire i delinquenti in nuove sedi dove possono abusare nuovamente?

Senza una nuova legge universale di tolleranza zero, i noti abusatori possono legalmente esercitare e presentarsi come preti in regola nelle parrocchie e nelle scuole, così come presso le famiglie. Le leggi attuali della Chiesa non proteggono e non fanno rispettare i diritti dei bambini. Proteggono e sostengono l'immunità dei vescovi e degli ecclesiastici che abusano dei bambini, ostacolano la giustizia civile e coprono i crimini sessuali.

Ciò che dovrebbe essere una vera tolleranza zero universale sotto il suo papato.

Le scriviamo in uno spirito di collera profetica, frustrazione, amore e appello alla giustizia. Assumere il ruolo di profeta, cioè, esortare il capo della Chiesa cattolica a rispettare le proprie parole e impegni, è un compito ingrato e sgradito. Tuttavia, i preti, i religiosi, le religiose, i ministri laici e i volontari che ci hanno abusato, i vescovi che hanno coperto questi abusi e i papi finalmente responsabili di questi atti ci hanno costretto a prendere questa posizione. Siamo determinati a rimanere fedeli alla missione che ci è stata affidata dai figli della Chiesa.

San Francesco d'Assisi ha detto: “Inizia a fare ciò che è necessario, poi fai ciò che è possibile; e all'improvviso, farai l'impossibile”.

Abbiamo redatto con cura e meticolosità, parola per parola e riga per riga, la prima legge di tolleranza zero veramente universale che risponde ai requisiti e agli standard del diritto canonico e del diritto internazionale dei diritti umani. Questa legge è necessaria. Permetterà di rimuovere legalmente e rapidamente dal ministero i preti delinquenti noti in tutto il mondo e di iniziare a tenere i vescovi responsabili delle loro azioni. Così facendo, potremo realizzare ciò che sembra impossibile: creare una Chiesa in cui nessuna persona che fa del male ai bambini e alle persone vulnerabili possa essere prete e dove nessuna persona che copre i suoi confratelli possa mai più essere vescovo o sedere sulla cattedra di San Pietro.

San Francesco ha anche fatto la famosa osservazione: “Le vostre azioni sono l'unico sermone che la gente ha bisogno di sentire”. Firmare la tolleranza zero nella legge della Chiesa e attuarla come papa sarà l'unica esortazione di cui i bambini del mondo avranno mai bisogno di sentire da parte sua.

Transizione verso una Chiesa senza abusi

Con l'aiuto della comunità internazionale, stiamo attuando un processo chiaro, pragmatico e realizzabile per affrontare questa catastrofe, ma non potrà essere portato a termine se non parteciperà con noi a un processo di giustizia transizionale globale, guidato dai sopravvissuti, per affrontare finalmente l'eredità della Chiesa in materia di abusi sessuali e di copertura degli stessi.

Questo modello richiede la piena partecipazione del Vaticano, in particolare per quanto riguarda l'istituzione della verità, il risarcimento e la riforma, ma non deve essere controllato dalla Chiesa. Offre una via verso una Chiesa post-abuso fondata sulla trasparenza, la giustizia e la guarigione.

Questo modello deve aderire ai principi fondamentali di giustizia riconosciuti a livello internazionale dai sopravvissuti, dalle Nazioni Unite e dagli enti e organizzazioni internazionali per la difesa dei diritti umani, in particolare nel contesto delle violazioni sistematiche e generalizzate dei diritti umani. Dovrebbe spettare ai sopravvissuti guidare questo processo sulla base della loro esperienza come vittime di queste violazioni. Affinché possa avvenire una vera riconciliazione, i leader della Chiesa devono prima dimostrare, accettare e proclamare la verità sulla loro complicità in questi crimini e violazioni. È per questo che il Santo Sede non può controllare il processo, ma deve cooperare pienamente e in buona fede con un organismo esterno. Infine, le componenti di questo modello devono essere applicate universalmente a tutta la Chiesa mondiale:

 Una commissione mondiale per la verità, indipendente e beneficiando della piena cooperazione del Vaticano. Essa organizzerà udienze regionali, documenterà gli abusi e le coperture e richiederà il pieno rispetto delle regole da parte del Vaticano, compresa l'apertura di tutti gli archivi relativi agli abusi.

Una legge universale di tolleranza zero promulgata nel diritto canonico, che elimini tutti i colpevoli di abusi e i funzionari complici.

Partecipare proattivamente a accordi internazionali che richiedono trasparenza delle chiese e sostegno alle azioni legali. I concordati dovrebbero includere obblighi di dichiarazione.

Un fondo di riparazione sostenuto dagli attivi della Chiesa per offrire una giusta restituzione ai sopravvissuti. Questo include assistenza psicologica, risarcimenti finanziari, istruzione e alloggio. Gli atti pubblici di restituzione dovrebbero includere commemorazioni e riconoscimenti ufficiali da parte della Chiesa.

Formare un Consiglio mondiale dei sopravvissuti con l'autorità di controllare l'implementazione e il rispetto della legge. Questo consiglio richiederà la cooperazione e la partecipazione delle conferenze episcopali e degli organi giuridici internazionali.

Se non si unirà a noi per prendere queste misure, tutti gli sforzi compiuti per affrontare la catastrofe degli abusi commessi da membri del clero porteranno alla stessa ripetizione di fallimenti, a una nuova generazione di predatori clericali e alla continuazione di questo trauma globale.

Tre papi, tre tradimenti: sarà il quarto?

Dopo la resurrezione, Gesù disse a Pietro: “Quando eri giovane, ti vestivi da solo e andavi dove volevi; ma quando sarai vecchio, stenderai le mani, e qualcuno ti vestirà e ti condurrà dove non vorrai andare”. (Giovanni 21:18)

A differenza di lei e di Pietro, molti di noi non hanno conosciuto la libertà della giovinezza. Da bambini, non eravamo autorizzati a vestirci da soli né a andare dove volevamo. Invece, siamo stati condotti in luoghi di totale sottomissione, spogliazione e disperazione - luoghi in cui abbiamo avvertito l'assenza di Dio, un po' come ciò che Cristo ha vissuto sulla croce.

Oggi, lei porta il peso di questo fardello. L'abuso di minori da parte di alcuni preti e la copertura di questi crimini da parte di vescovi la coinvolgono direttamente. Questa storia obbliga ad affrontare il tradimento dell'innocenza, conducendola in un luogo dove non desidera andare.

In quanto vescovo di Roma, è il successore diretto di San Pietro, che ritiene sia stato il primo papa, scelto non dagli uomini, ma da Cristo stesso. Tuttavia, uno dei grandi misteri della fede è che Gesù non ha scelto Pietro per il suo coraggio o la sua onestà; sapeva che Pietro lo avrebbe tradito. Gesù sapeva che Pietro avrebbe rinnegato la sua innocenza e mentito al riguardo, non solo una volta, ma tre volte. In altre parole, il nostro primo papa era un codardo e un bugiardo.

Lei sarà il quarto papa successivo dopo la rivelazione pubblica ai cattolici e al mondo intero degli abusi diffusi e sistematici commessi su bambini. I suoi tre predecessori hanno accettato l'incarico papale essendo pienamente consapevoli di aver tradito l'innocenza dei bambini nelle diocesi a loro affidate. Quando sono diventati papi, nessuno ha rifiutato l'incarico per vergogna o indignità per quanto accaduto - né Karol Józef Wojtyła in Polonia, né Joseph Alois Ratzinger in Germania, né il suo predecessore, Jorge Mario Bergoglio in Argentina. Nessuno di loro si è avvicinato alla cattedra papale e, come Pietro, ha confessato i propri peccati, ha pianto amaramente e ha giurato di non tradire mai più gli innocenti. Come loro, non riconoscerà pienamente ciò che lei e i suoi colleghi vescovi avete fatto e ciò che continuate a fare?

Gesù ha riservato a Pietro alcune dei suoi rimproveri più virulenti, dicendogli: “Vade retro Satana!” quando Pietro non ha compreso il vero costo della vita da discepolo. Tuttavia, nonostante i suoi difetti, Pietro è rimasto colui a cui Cristo ha affidato la guida della Chiesa.

Il tradimento degli innocenti non è, di per sé, un ostacolo per sedere sulla cattedra di San Pietro, a condizione di seguire l'esempio di Pietro. Pietro non ha giustificato le sue azioni. Non si è scusato. Non si è protetto dalla devastante consapevolezza di ciò che aveva fatto.

I bambini e le persone vulnerabili della sua Chiesa dovranno sopportare un quarto papa che li tradirà, loro e tutti gli innocenti affidati alle sue cure? O sarà lei il primo papa a porre fine a questo flagello e a sanare le ferite aperte lasciate dalla lunga storia della Chiesa cattolica in materia di violenze sessuali?

Cordiali saluti,

La Rete di sopravvissuti agli abusi sessuali del clero 

(SNAP, la rete dei sopravvissuti, supporta le vittime di abusi sessuali in contesti istituzionali da oltre 35 anni. Il nostro network conta più di 25.000 sopravvissuti e sostenitori. Il nostro sito web è  SNAPnetwork.org)

Note

(1) Discorso del Santo Padre Francesco ai leaders mondiali al Summit sui diritti dei bambini, 3 febbraio 2025.

(2) “SNAP Zero Tolerance Recommendations”, Rete di sopravvissuti agli abusi sessuali del clero 


RÉSEAU DES SURVIVANT·ES D'ABUS PAR DES PRÊTRES
Lettre ouverte au nouveau pape

“NOUS, LES ENFANTS DE L’ÉGLISE”

UNE EXHORTATION AU NOUVEAU PAPE

SNAP, 8/5/2025
 Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Nous, autrefois enfants de l’Église, portons dans nos corps et nos mémoires les blessures invisibles de la violence sexuelle - nos propres stigmates spirituels. Pourtant, notre voix collective, qui s’élève à partir de ce qui était autrefois indicible, est un acte de résurrection. Elle restaure l’humanité qui nous a été violemment enlevée et nous permet de commencer une nouvelle vie.

8 mai 2025

Sa Sainteté
Palais Apostolique 
00120 Cité du Vatican

Jeudi 8 mai 2025

Nous vous écrivons en tant qu’organisation la plus ancienne et la plus importante au monde représentant les victimes de viols, d’agressions sexuelles et d’abus commis par des prêtres, des religieux, des religieuses, des ministres laïcs et des bénévoles de l’Église catholique.

Depuis plus de 35 ans, nous avons soutenu plus de 25 000 survivants dans le monde entier. Avant le conclave qui vous a élu, nous avons lancé une nouvelle initiative mondiale en faveur des survivants, Conclave Watch, une base de données détaillant la manière dont les cardinaux qui vous ont élu ont facilité et dissimulé des cas d’abus commis par des membres du clergé.

Autrefois, nous étions les enfants de l’église.

Le délinquant sexuel commet toujours deux crimes : il vole d’abord le corps, puis la voix.

Nombre des cardinaux qui vous ont élu ont couvert les crimes commis à notre encontre, et les prêtres et autres personnes qui nous ont agressés ont une valeur sociale et un prestige bien supérieurs à ceux de chacun d’entre nous, individuellement ou collectivement. Le théâtre et les acclamations internationales qui ont entouré votre élection le démontrent sans équivoque. Il n’est pas naturel, à un moment comme celui-ci, de vouloir connaître le type d’affliction sexuelle et spirituelle dont nous avons été victimes dans notre enfance. Une telle connaissance perturbe et menace le fonctionnement ordinaire de l’Église. Qui, engagé dans la prière et la louange pour votre ascension, veut connaître cette face cachée, désavouée et obscène de votre Église ?

Personne, si ce n’est ceux qui sont motivés par la seule vraie raison de vouloir la connaître : la justice.

Si le prêtre et les autres délinquants ont volé nos corps, ce sont les cardinaux et les évêques de l’Église, ainsi que les trois papes qui se sont succédé avant vous, qui ont volé nos voix.

Imaginez notre déception et notre désespoir de découvrir que vous en faites partie.

Vos premiers mots doivent s’adresser aux survivants et aux enfants de l’église

Nous nous attendons à ce que certains nous critiquent pour avoir soulevé cette question alors que le monde entier célèbre votre élection. Mais quand est-ce donc le bon moment pour discuter de la réalité alarmante du viol et de la violence sexuelle à l’encontre des enfants, qui se produit à chaque minute de chaque heure de chaque jour dans ce monde troublé ?

Peu avant sa mort, le pape François a organisé un sommet des dirigeants mondiaux sur les droits de l’enfant [1] et a signé une déclaration énonçant huit principes pour la protection et le respect des droits de l’enfant. À la suite de ce sommet, il a annoncé son intention de publier une exhortation apostolique spéciale s’adressant directement aux enfants, dans le but de les éduquer et de leur donner les moyens de connaître leurs droits.

Il n’a jamais vécu pour achever cette exhortation. Cette tâche vous incombe désormais. Les premiers mots que vous prononcerez en tant que pape devront s’adresser aux survivants et aux enfants de l’Église.

Mais comment allez-vous proclamer votre engagement à défendre les droits des enfants dans le monde et à dénoncer ceux qui ne le font pas, alors qu’en vertu des lois de l’Église, les personnes vulnérables n’ont pas ces droits ? En outre, comment pouvez-vous le faire alors que nombre de vos confrères évêques violent actuellement ces mêmes principes ?

Les Nations unies, les commissions d’État sur les abus et les survivants comme nous ont demandé à plusieurs reprises au pape François de promulguer une loi de tolérance zéro véritablement universelle pour les abus sexuels et la dissimulation d’abus. Une telle loi n’existe pas dans l’Église. Pourquoi des dizaines de milliers d’ecclésiastiques, dont vous et vos collègues évêques du monde entier savez qu’ils ont violé et agressé sexuellement des enfants et des personnes vulnérables, exercent-ils encore leur ministère aujourd’hui ? Pourquoi n’importe quel évêque dans le monde, y compris vous, peut-il dissimuler des cas de viol et transférer les délinquants vers de nouvelles affectations où ils sont susceptibles d’abuser à nouveau ?

Sans une nouvelle loi universelle de tolérance zéro, les abuseurs connus peuvent légalement exercer et se présenter comme des prêtres en règle dans les paroisses et les écoles, ainsi qu’auprès des familles. Les lois actuelles de l’Église ne protègent pas et ne font pas respecter les droits des enfants. Elles protègent et soutiennent l’immunité des évêques et des ecclésiastiques qui abusent des enfants, font obstruction à la justice civile et couvrent les crimes sexuels.

Ce que doit être une véritable tolérance zéro universelle sous votre papauté

Nous vous écrivons dans un esprit de colère prophétique, de frustration, d’amour et d’appel à la justice. Assumer le rôle de prophète, c’est-à-dire exhorter le chef de l’Église catholique à respecter ses propres paroles et engagements, est une tâche ingrate et malvenue. Cependant, les prêtres, les religieux, les religieuses, les ministres laïcs et les bénévoles qui ont abusé de nous, les évêques qui ont couvert ces abus et les papes finalement responsables de ces actes nous ont forcés à prendre cette position. Nous sommes déterminés à rester fidèles à la mission qui nous a été confiée par les enfants de l’Église.

Saint François d’Assise a dit : « Commencez par faire ce qui est nécessaire, puis faites ce qui est possible ; et soudain, vous faites l’impossible ».

Nous avons soigneusement et méticuleusement rédigé, mot par mot et ligne par ligne, la première loi de tolérance zéro véritablement universelle qui réponde aux exigences et aux normes du droit canonique et du droit international des droits humains [2]. Cette loi est nécessaire. Elle permettra de retirer légalement et rapidement du ministère les prêtres délinquants connus dans le monde entier et de commencer à tenir les évêques responsables de leurs actes. Ce faisant, nous pourrons réaliser ce qui semble impossible : créer une Église où aucune personne qui fait du mal aux enfants et aux personnes vulnérables ne pourra être prêtre et où aucune personne qui couvre ses confrères ne pourra plus jamais être évêque ou s’asseoir sur la chaire de Saint Pierre.

Saint François a également fait la célèbre remarque suivante : « Vos actions sont le seul sermon que les gens ont besoin d’entendre ». Signer la tolérance zéro dans la loi de l’Église et la mettre en œuvre en tant que pape sera la seule exhortation que les enfants du monde auront jamais besoin d’entendre de votre part.

Transition vers une église sans abus

Avec l’aide de la communauté internationale, nous mettons en place un processus clair, pragmatique et réalisable pour résoudre cette catastrophe, mais il ne pourra être mené à bien que si vous participez avec nous à un processus de justice transitionnelle mondial, dirigé par les survivants, afin d’aborder enfin l’héritage de l’Église en matière d’abus sexuels et de dissimulation de ces derniers.

Ce modèle exige la pleine participation du Vatican, notamment en ce qui concerne l’établissement de la vérité, la restitution et la réforme, mais il ne doit pas être contrôlé par l’Église. Il offre une voie vers une Église post-abus fondée sur la transparence, la justice et la guérison.

Ce modèle doit adhérer aux principes fondamentaux de justice reconnus internationalement par les survivants, les Nations unies et les organismes et organisations internationaux de défense des droits humains, en particulier dans le contexte des violations systématiques et généralisées des droits humains. Il devrait incomber aux survivants de diriger ce processus sur la base de leur expérience en tant que victimes de ces violations. Pour qu’une véritable réconciliation puisse avoir lieu, les dirigeants de l’Église doivent d’abord démontrer, accepter et proclamer la vérité sur leur complicité dans ces crimes et ces violations. C’est pourquoi le Saint-Siège ne peut pas contrôler le processus, mais doit coopérer pleinement et de bonne foi avec un organisme extérieur. Enfin, les composantes de ce modèle doivent être appliquées universellement à l’ensemble de l’Église mondiale :

Une commission mondiale pour la vérité, indépendante et bénéficiant de la pleine coopération du Vatican. Elle organisera des auditions régionales, documentera les abus et les dissimulations et exigera le plein respect des règles par le Vatican, y compris l’ouverture de toutes les archives relatives aux abus.

Une loi universelle de tolérance zéro promulguée dans le droit canon, éliminant tous les auteurs d’abus et les fonctionnaires complices.

Participer de manière proactive à des accords internationaux exigeant la transparence des églises et le soutien aux poursuites judiciaires. Les concordats devraient inclure des obligations de déclaration.

Un fonds de réparation soutenu par les actifs de l’église afin d’offrir une juste restitution aux survivants. Cela comprend les soins psychologiques, la restitution financière, l’éducation et le logement. Les actes publics de restitution devraient inclure des commémorations et des reconnaissances officielles de l’Église.

Former un Conseil mondial des survivants ayant l’autorité de contrôler la mise en œuvre et le respect de la loi. Ce conseil nécessitera la coopération et la participation des conférences épiscopales et des organes juridiques internationaux.

Si vous ne vous joignez pas à nous pour prendre ces mesures, tous les efforts déployés pour lutter contre la catastrophe des abus commis par des membres du clergé aboutiront à la même répétition d’échecs, à une nouvelle génération de prédateurs cléricaux et à la poursuite de ce traumatisme mondial.

Trois papes, trois trahisons : Serez-vous le quatrième ?

Après la résurrection, Jésus dit à Pierre : « Quand tu étais jeune, tu t’habillais toi-même et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et quelqu’un d’autre t’habillera et te conduira où tu ne voudras pas aller ». (Jean 21:18)

Contrairement à vous et à Pierre, beaucoup d’entre nous n’ont pas connu la liberté de la jeunesse. En tant qu’enfants, nous n’étions pas autorisés à nous habiller nous-mêmes ou à aller où nous voulions. Au lieu de cela, nous avons été conduits dans des lieux de soumission totale, de dénuement et de désespoir - des lieux où nous avons ressenti l’absence de Dieu, un peu comme ce que le Christ a vécu sur la croix.

Aujourd’hui, vous portez le poids de ce fardeau. L’abus d’enfants par certains prêtres et la dissimulation de ces crimes par des évêques vous impliquent directement. Cette histoire oblige à faire face à la trahison de l’innocence, vous conduisant à un endroit où vous ne voulez pas aller.

En tant qu’évêque de Rome, vous êtes le successeur direct de saint Pierre, dont vous pensez qu’il a été le premier pape, choisi non par les hommes, mais par le Christ lui-même. Pourtant, l’un des grands mystères de la foi est que Jésus n’a pas choisi Pierre pour son courage ou son honnêteté ; il savait que Pierre le trahirait. Jésus savait que Pierre nierait son innocence et mentirait à ce sujet, non pas une fois, mais trois fois. En d’autres termes, notre premier pape était un lâche et un menteur.

Vous serez le quatrième pape successif depuis la révélation publique aux catholiques et au monde entier des abus généralisés et systématiques commis sur des enfants. Vos trois prédécesseurs ont accepté la charge papale en étant pleinement conscients qu’ils avaient trahi l’innocence des enfants dans les diocèses qui leur avaient été confiés. Lorsqu’ils sont devenus papes, aucun n’a décliné la charge par honte ou par indignité pour ce qui s’était passé - ni Karol Józef Wojtyła en Pologne, ni Joseph Alois Ratzinger en Allemagne, ni votre prédécesseur, Jorge Mario Bergoglio en Argentine. Aucun d’entre eux ne s’est approché de la chaire papale et, comme Pierre, n’a confessé ses péchés, n’a pleuré amèrement et n’a juré de ne plus jamais trahir les innocents. Comme eux, ne reconnaîtrez-vous pas pleinement ce que vous et vos collègues évêques avez fait et ce que vous continuez à faire ? 

Jésus a réservé à Pierre certains de ses reproches les plus virulents, en lui disant : « Vade retro Satana ! » lorsque Pierre n’a pas compris le coût réel de la vie de disciple. Pourtant, malgré ses défauts, Pierre est resté celui à qui le Christ a confié la direction de l’Église.

La trahison des innocents n’est pas, en soi, un obstacle pour s’asseoir sur la chaire de saint Pierre, à condition de suivre l’exemple de Pierre. Pierre n’a pas justifié ses actes. Il ne s’est pas excusé lui-même. Il ne s’est pas protégé de la prise de conscience dévastatrice de ce qu’il avait fait.

Les enfants et les personnes vulnérables de son Église devront-ils supporter un quatrième pape qui les trahira, eux et tous les innocents confiés à ses soins ? Ou serez-vous le premier pape à mettre fin à ce fléau et à guérir les plaies ouvertes laissées par la longue histoire de l’Église catholique en matière de violences sexuelles ?

Sentiments distingués,

Le réseau des survivant·es d’abus par des prêtres

(SNAP, le réseau des survivants, apporte son soutien aux victimes d’abus sexuels en milieu institutionnel depuis plus de 35 ans. Notre réseau compte plus de 25 000 survivants et sympathisants. Notre site web est SNAPnetwork.org)

Notes 

(2) “SNAP Zero Tolerance Recommendations”. Réseau des survivant·es d’abus par des prêtres.