23/12/2025

Mon héroïne de Hanoucca

 Gideon Levy, Haaretz, 21/12/2025
Traduit par Tlaxcala

Mon héroïne de Hanoucca cette année est une femme anonyme vêtue de noir. C'était mercredi soir, la quatrième nuit de Hanoucca, au centre commercial Weizmann City de Tel-Aviv. Un hijab sur la tête, un sac à main à un bras et un téléphone portable dans l'autre main, elle s’est approchée de la ménorah et a soufflé d'un seul souffle sur les quatre bougies. Son compagnon a applaudi.

Puis la femme est revenue : la bougie shamash ([serviteur] utilisée pour allumer les huit autres bougies) brûlait encore ; elle l’a également éteinte. Cette femme est la Rosa Parks palestinienne. Une vidéo de sa protestation a été publiée sur les réseaux sociaux pendant le week-end.

Les réactions indignées n'ont pas tardé à suivre : « Une documentation exaspérante » (Mako et Channel 14 News) ; « une documentation scandaleuse» (le site d'information ultra-orthodoxe Behadrei Haredim) ; « une antisémite arabophone » (« L’Ombre «  [Yoav Eliasi] sur Instagram).
Yair Foldes a rapporté dans Haaretz que la police enquête mais n'a pas encore décidé de l'accusation appropriée. Ils envisagent l'article 170 de la loi pénale israélienne, qui interdit de « détruire, endommager ou profaner un lieu de culte ou tout objet tenu pour sacré par un groupe de personnes, dans l'intention de railler ainsi leur religion ou en sachant qu'elles sont susceptibles de considérer une telle destruction, dégradation ou profanation comme une insulte à leur religion ».
La peine maximale : trois ans de prison. Tous ceux qui ont brûlé des Corans dans des mosquées de Cisjordanie sont libres, et cette femme sera arrêtée.

Au moment où j'écris ces lignes, la chasse à la femme de la police bat son plein. D'ici samedi soir, lundi soir au plus tard, la femme sera arrêtée. Le procès spectacle est en route, même si l'animateur de Channel 14 Yinon Magal est pessimiste : « Ils l’ attraperont, la photographieront à côté du drapeau israélien, l'amèneront à une audience de détention et le juge la libérera sous assignation à domicile ».
Il est bien connu que les maisons israéliennes sont remplies d'Arabes que les tribunaux ont libérés. Demandez à la poétesse Dareen Tatour, qui a été en résidence surveillée pendant six mois (!) avant son procès pour une publication Facebook, bien avant le 7 octobre 2023. Pour les droitiers, l'éteigneuse de bougies est une terroriste qui mérite la peine de mort.

Ce n'est pas gentil de souffler sur les bougies de Hanoucca ; je n'ai aucune idée de ce qui a motivé la courageuse femme, mais il est difficile d'imaginer un acte de protestation non-violent plus spectaculaire.
Il est permis de perturber la fête que les Juifs célèbrent pour commémorer la victoire de la révolte des Hasmonéens contre l'occupant grec. Lors d'une fête pendant laquelle les Juifs chantent : « Nous venons bannir les ténèbres, dans nos mains sont la lumière et le feu », il est permis de protester. Lors d'une fête où les Juifs chantent : « Faisons la fête \ Nous danserons tous la hora \ Rassemblons-nous autour de la table \ Nous vous offrirons un régal \ des dreidels (toupies) pour jouer et des shamash (galettes) à manger », il est permis de gâcher les choses. Surtout, lors d'une fête où les Juifs chantent sans honte : « Quand tu auras préparé un massacre de l'ennemi blasphémateur » (la traduction littérale d'une partie du premier verset de « Maoz Tzur »/ »Rocher des âges ») – il est permis de se rebeller.

Il est permis à une Palestinienne de 1948 de penser que cette célébration devrait être interrompue par un acte de protestation personnel : souffler sur les bougies dans un centre commercial. Alors que ses coreligionnaires et peut-être aussi ses proches – à Jaffa, par exemple, il n'y a pas une seule famille palestinienne sans famille à Gaza – se noient dans la boue, grelottent de froid et que des chiens affamés continuent de fouiller les corps de leurs proches piégés, les Juifs ici ne célébreront pas comme si de rien n'était.
Quelqu'un doit leur rappeler que la guerre à Gaza n'est pas terminée et que les souffrances ne font que s'intensifier. Quelqu'un doit rappeler aux Israéliens que pendant qu'ils se gavent de sufganiyot  [beignets] sophistiquées, à Gaza, il y a encore des gens qui meurent de faim, ou du moins qui sont malades et fatigués de manger des lentilles.
Il y a là-bas des centaines de milliers de sans-abri ravagés par l'hiver. Il y a là-bas des patients qui meurent lentement, dans une agonie atroce, par manque de soins médicaux. Et il y a là-bas des centaines de milliers d'enfants dont les amis ont été tués, et depuis plus de deux ans, ils n'ont ni école ni aucun autre cadre où aller, et qui sont condamnés à une vie d'ignorance et de désespoir même s'ils survivent à la guerre, qui est loin d'être terminée.

Cela affecte les Palestiniens de 48, cela les peine, même s'ils sont paralysés par la peur d'un régime qui arrête quiconque ose exprimer son humanité. Et maintenant, une femme inconnue est venue, la quatrième nuit de Hanoucca, et pendant un instant a soufflé les bougies des Israéliens en fête, d'un seul souffle. C'est une héroïne.

Mi heroína de Janucá

Gideon Levy, Haaretz, 21-12-2025
Traducido  por Tlaxcala

Mi heroína de Janucá este año es una mujer no identificada vestida de negro. Era la noche del miércoles, la cuarta noche de Janucá, en el centro comercial Weizmann City de Tel Aviv. Con un hiyab en la cabeza, un bolso en un brazo y un celular en la otra mano, se acercó a la menorá y apagó las cuatro velas de un solo soplido. Su acompañante masculino aplaudió.
Luego la mujer regresó: la vela shamash ( [sirviente] utilizada para encender las otras ocho velas) seguía encendida; la apagó también. Esta mujer es la Rosa Parks palestina. Un video de su protesta fue publicado en redes sociales durante el fin de semana.



Las reacciones indignadas no se hicieron esperar: “Documentación exasperante” (Mako y Channel 14 News); “documentación indignante” (el sitio de noticias ultraortodoxo Behadrei Haredim); “antisemita de habla árabe” ("La Sombra" [Yoav Eliasi] en Instagram).
Yair Foldes informó en Haaretz que la policía está investigando pero aún no ha decidido sobre el cargo apropiado. Están considerando el Artículo 170 de la Ley Penal de Israel, que prohíbe “destruir, dañar o profanar un lugar de culto o cualquier objeto considerado sagrado por un grupo de personas con la intención de ridiculizar así su religión o con el conocimiento de que es probable que consideren dicha destrucción, daño o profanación como un insulto a su religión”.
La pena máxima: tres años de prisión. Todos los que han quemado Coranes en mezquitas de Cisjordania están libres, y esta mujer será arrestada.

Mientras escribo estas líneas, la cacería policial está en pleno apogeo. Para la noche del sábado, el lunes por la noche a más tardar, la mujer será arrestada. El juicio espectáculo está en camino, aunque el presentador de Channel 14 Yinon Magal es pesimista: “La atraparán, la fotografiarán junto a la bandera israelí, la llevarán a una audiencia de detención y el juez la liberará bajo arresto domiciliario”.
Es bien sabido que las casas de Israel están llenas de árabes que los tribunales han liberado. Pregúntenle a la poetisa Dareen Tatour, que estuvo bajo arresto domiciliario durante medio año (!) antes de su juicio por una publicación en Facebook, mucho antes del 7 de octubre de 2023. Para la derecha, la apagavelas es una terrorista que merece la pena de muerte.

No es agradable apagar las velas de Janucá; no tengo idea de qué motivó a la valiente mujer, pero es difícil pensar en un acto de protesta no violento más espectacular.
Es permitido interrumpir la festividad que los judíos celebran para conmemorar la victoria de la revuelta de los macabeos contra el ocupante griego. En una festividad durante la cual los judíos cantan: “Venimos a desterrar la oscuridad, en nuestras manos hay luz y fuego”, es permitido protestar. En una festividad en la que los judíos cantan: “Hagamos una fiesta \ Bailaremos todos la hora \ Reunámonos alrededor de la mesa \ Te daremos un regalo \ dreidels [peonzas] para jugar y latkes [galletas] para comer”, es permitido estropear las cosas. Sobre todo, en una festividad donde los judíos cantan sin vergüenza: “Cuando hayas preparado una matanza del enemigo blasfemo” (la traducción literal de parte del primer verso de “Maoz Tzur”/”Roca de la Eternidad”) – es permitido rebelarse.

Es permitido que una palestina del 48 piense que esta celebración debe ser interrumpida con un acto personal de protesta: apagar las velas en un centro comercial. Mientras sus correligionarios y tal vez sus familiares también – en Yafa, por ejemplo, no hay una sola familia árabe sin familia en Gaza – se ahogan en el barro, tiritan de frío y los perros hambrientos continúan hurgando entre los cuerpos de sus familiares atrapados, los judíos aquí no celebrarán como si nada hubiera pasado.
Alguien debe recordarles que la guerra en Gaza no ha terminado y el sufrimiento solo se intensifica. Alguien debe recordar a los israelíes que mientras se atiborran de sofisticadas sufganiyot [donas], en Gaza, todavía hay personas que se mueren de hambre, o al menos están hartas de comer lentejas.
Hay cientos de miles de personas sin hogar allí que están siendo devastadas por el invierno. Hay pacientes allí que mueren lentamente, en una agonía atroz, por falta de atención médica. Y hay cientos de miles de niños allí cuyos amigos han sido asesinados, y desde hace más de dos años no tienen escuela ni ningún otro marco al que acudir, y que están condenados a una vida de ignorancia y desesperación incluso si sobreviven a la guerra, que está lejos de terminar.

Esto afecta a los palestinos del 48. Les duele, incluso si están paralizados por el miedo a un régimen que arresta a cualquiera que se atreva a expresar humanidad. Y ahora vino una mujer desconocida, en la cuarta noche de Janucá, y por un momento apagó las velas de los israelíes que celebraban, con un solo soplido. Es una heroína.

بطلتي في حانوكا

جدعون ليفي

 هآرتس
2025/12/21

ترجمه تلاكسكالا

بطلتي في حانوكا هذا العام هي امرأة مجهولة الهوية ترتدي السواد. كان مساء الأربعاء، الليلة الرابعة من حانوكا، في مركز "ويزمان سيتي" التجاري في تل أبيب. بمحجبة على رأسها وحقيبة يد على ذراعها وهاتف محمول في يدها الأخرى، اقتربت من الشمعدان وأطفأت الشموع الأربعة بنَفَس واحد. صفق رفيقها الرجل.


ثم عادت المرأة: شمعة الشمّاش (التي تُستخدم لإشعال الشموع الثمانية الأخرى) كانت لا تزال مشتعلة؛ فأطفأتها أيضًا. هذه المرأة هي روزا باركس الفلسطينية. نُشر مقطع فيديو عن احتجاجها على وسائل التواصل الاجتماعي خلال عطلة نهاية الأسبوع
لم تتأخر ردود الفعل الغاضبة: "توثيق مُغيظ" (ماكو وقناة 14 نيوز)؛ "توثيق فاضح" (موقع "بحديري حاريديم" الإخباري المتشدد)؛ "معادية للسامية ناطقة بالعربية" ("ذا شادو" [يوآف إلياسي] على إنستغرام).

أفاد يائير فولديس في هآرتس أن الشرطة تحقق ولكنها لم تقرر بعد التهمة المناسبة. إنهم يفكرون في المادة 170 من قانون العقوبات الإسرائيلي، التي تحظر "تدمير أو إتلاف أو تدنيس مكان للعبادة أو أي شيء يُعتبر مقدسًا لدى مجموعة من الأشخاص بقصد التجديف بذلك على دينهم أو مع العلم بأنهم من المحتمل أن يعتبروا مثل هذا التدمير أو الإتلاف أو التدنيس إهانة لدينهم".
الحد الأقصى للعقوبة: ثلاث سنوات سجن. جميع الذين أحرقوا مصاحف في مساجد الضفة الغربية أحرار، وهذه المرأة ستُعتقل.

بينما أكتب هذه السطور، مطاردة الشرطة في أوجها. بحلول مساء السبت، مساء الاثنين على أبعد تقدير، ستُعتقل المرأة. المحاكمة الاستعراضية في طريقها، حتى لو كان مقدم قناة 14 ينون ماغال متشائمًا: "سيمسكون بها، يصورونها بجانب العلم الإسرائيلي، يأتون بها إلى جلسة احتجاز ويقرر القاضي إطلاق سراحها مع وضعها تحت الإقامة الجبرية".
من المعروف جيدًا أن بيوت إسرائيل مليئة بعرب أطلق القضاء سراحهم. اسألوا الشاعرة دارين طاطور، التي قضت نصف عام (!) تحت الإقامة الجبرية قبل محاكمتها بسبب منشور على فيسبوك، وذلك قبل 7 أكتوبر 2023 بوقت طويل. بالنسبة لليمينيين، مُطفئة الشموع إرهابية تستحق عقوبة الإعدام.

ليس لطيفًا أن تنفخ على شموع حانوكا؛ ليس لدي أي فكرة عما دفع المرأة الشجاعة، ولكن من الصعب التفكير في فعل احتجاجي لاعنفي أكثر إثارة.
مسموح تعطيل العيد الذي يحتفل به اليهود لإحياء ذكرى انتصار ثورة الحشمونائيم ضد المحتل اليوناني. في عيد يغني فيه اليهود: "نحن قادمون لطرد الظلام، في أيدينا النار والنور"، مسموح الاحتجاج. في عيد يغني فيه اليهود: "هيا نحتفل \ سندور جميعًا رقصة الهورا \ لنتجمع حول الطاولة \ سنقدم لك طعامًا شهيًا \ دريدلز للعب ولاتكس للأكل"، مسموح إفساد الأمور. قبل كل شيء، في عيد يغني فيه اليهود دون خجل: "حين تُعِدّ ذبح العدو الكافر" (الترجمة الحرفية لجزء من البيت الأول من نشيد "معوز تسور" / "حصن الصخر") – مسموح التمرد.

مسموح لفلسطينية إسرائيلية أن تعتقد أنه ينبغي وقف هذا الاحتفال بفعل احتجاجي شخصي: إطفاء الشموع في مركز تجاري. بينما يغرق أبناء دينها وربما أقاربها أيضًا – في يافا، على سبيل المثال، لا توجد عائلة عربية واحدة ليس لها أقارب في غزة – في الوحل، ويقشعرون من البرد، وتواصل الكلاب الجائعة البحث بين جثث أقاربهم المحاصرين، لن يحتفل اليهود هنا وكأن شيئًا لم يكن.
يجب أن يذكرهم أحد بأن الحرب في غزة لم تنته والمعاناة تتفاقم فقط. يجب أن يذكر أحد الإسرائيليين أنه بينما يملؤون بطونهم بالسوفغانيوت الفاخرة، لا يزال في غزة أناس يتضورون جوعًا، أو على الأقل سئموا أكل العدس.
هناك مئات الآلاف من المشردين الذين يكتسحهم الشتاء. هناك مرضى يموتون ببطء، في عذاب مروع، بسبب نقص الرعاية الطبية. وهناك مئات الآلاف من الأطفال الذين قُتل أصدقاؤهم، ومنذ أكثر من عامين ليس لديهم مدرسة أو أي إطار آخر يذهبون إليه، ومحكوم عليهم بحياة من الجهل واليأس حتى إذا نجوا من الحرب، التي هي بعيدة عن الانتهاء.

هذا يؤثر على عرب إسرائيل. يؤلمهم، حتى لو كانوا مشلولين بسبب الخوف من نظام يعتقل أي شخص يجرؤ على التعبير عن إنسانيته. والآن جاءت امرأة مجهولة، في الليلة الرابعة من حانوكا، ولحظة واحدة أطفأت شموع الإسرائيليين المحتفلين، بنَفَس واحد. إنها بطلة.

My Hannukah hero

 Gideon Levy, Haaretz, 21/12/2025

My Hanukkah hero this year is an unidentified woman in black. It was Wednesday evening, the fourth night of Hanukkah, at Tel Aviv's Weizmann City Mall. With a hijab on her head, a purse on one arm and a cellphone in her other hand, she approached the menorah and blew out the four candles in a single breath. Her male companion applauded.

Then the woman returned: The shamash candle (used to light the other eight candles) was still burning; she extinguished it as well. This woman is the Palestinian Rosa Parks. A video of her protest was posted on social media over the weekend.


The incensed reactions were quick to follow: "Infuriating documentation" (Mako and Channel 14 News); "outrageous documentation" (the ultra-Orthodox news website Behadrei Haredim); "Arabic-speaking antisemite" ("The Shadow" [Yoav Eliasi] on Instagram).

Yair Foldes reported in Haaretz that the police are investigating but have not yet decided on the appropriate charge. They are considering Article 170 of Israel's Penal Law, which prohibits "destroying, damaging or desecrating a place of worship or any object held sacred by a group of persons with the intention of thereby reviling their religion or with the knowledge that they are likely to consider such destruction, damage or desecration as an insult to their religion."

Haut du formulaire

Bas du formulaire

The maximum penalty: three years in prison. All those who have burned Qurans in West Bank mosques are free, and this woman will be arrested.

As I write these lines, the police manhunt is in full swing. By Saturday evening, Monday night at the latest, the woman will be arrested. The show trial is on its way, even if Channel 14 host Yinon Magal is pessimistic: "They will catch her, photograph her next to the Israeli flag, bring her to a detention hearing and the judge will release her to house arrest."

It's well known that Israel's houses are filled with Arabs whom the courts have released. Ask the poet Dareen Tatour, who was under house arrest for half a year (!) before her trial for a Facebook post, long before October 7, 2023. For right-wingers, the candle extinguisher is a terrorist who deserves the death sentence.

It's not nice to blow out Hanukkah candles; I have no idea what motivated the brave woman, but it's hard to think of a more spectacular nonviolent act of protest.

It's permissible to disrupt the holiday that Jews celebrate to commemorate the victory of the Hasmonean revolt against the Greek occupier. On a holiday during which Jews sing, "We come to banish darkness, in our hands are light and fire," it's permissible to protest. On a holiday in which Jews sing, "Let's have a party \ We'll all dance the hora \ Gather 'round the table \ We'll give you a treat \ dreidels to play with and latkes to eat," it's permissible to spoil things. Above all, on a holiday where Jews sing without shame: "When thou shalt have prepared a slaughter of the blaspheming foe" (the literal translation of part of the first verse of "Maoz Tzur"/"Rock of Ages") – it's permissible to rebel.

It's permissible for a Palestinian Israeli to think that this celebration should be shut down with a personal act of protest: blowing out the candles in a mall. While her co-religionists and perhaps her relatives as well – in Jaffa, for example, there isn't a single Arab family without family in Gaza – are drowning in mud, freezing in the cold and hungry dogs continue to scavenge through the bodies of their trapped relatives, the Jews here will not celebrate as if nothing has happened.

Someone must remind them that the war in Gaza isn't over and the suffering is only intensifying. Someone must remind Israelis that while they stuff their faces with fancy sufganiyot, in Gaza, there are still people who are starving, or at least sick and tired of eating lentils.

There are hundreds of thousands of homeless people there who are being ravaged by winter. There are patients there who are dying slowly, in excruciating agony, for lack of medical care. And there are hundreds of thousands of children there whose friends have been killed, and for over two years they have had no school or any other framework to go to, and who are doomed to a life of ignorance and despair even if they survive the war, which is far from over.

This affects Israel's Arabs. It pains them, even if they're paralyzed by fear of a regime that arrests anyone who dares to express humanity. And now an unknown woman came, on the fourth night of Hanukkah, and for one moment blew out the candles of the celebrating Israelis, with one breath. She is a hero.

22/12/2025

Yalla, Yalla, Abya Yala*
L’Amérique latine à la rencontre de la Palestine en temps de génocide**

  

 María Landi est une journaliste, traductrice, activiste des droits humains et féministe uruguayenne. Elle est engagée dans la cause palestinienne et participe au mouvement BDS en Abya Yala. Elle a été volontaire internationale en Cisjordanie pendant plusieurs périodes. Elle écrit et publie sur la Palestine dans divers médias indépendants d’Amérique latine et de l’État espagnol, notamment l’hebdomadaire Brecha.

Original : Yalla, Yalla, Abya Yala: América Latina al encuentro de Palestina en tiempos de genocidio

English version: Yalla, Yalla, Abya Yala: Reaching out to Palestine from Latin America in times of genocide

Versão portuguesa: Yalla, Yalla, Abya Yala: América Latina ao encontro da Palestina em tempos de genocídio

Traduit et édité par Tlaxcala

Illustrations de Fourate Chahal El Rekaby pour tni

* « Yalla » est une expression très courante en arabe qui signifie « allons-y », « courage » ou « dépêche-toi », et qui est utilisée dans tous les dialectes arabes. J'utilise le nom indigène Abya Yala à la place d’« Amérique latine » pour prendre position en faveur de la décolonisation de la langue, qui fait partie intégrante de la décolonisation de ces territoires.

** L'auteure remercie Gabriel Sivinian pour ses commentaires et contributions à cet article.

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Table des matières

I.       Introduction   4

II.     Entre ambiguïté et contradictions  5

III.    Le fantôme israélien rôdant entre guérillas, dictatures et transitions  9

IV.    Le désastre d’Oslo : un autre monde est-il possible ?  14

V.     Dans quelle mesure le génocide nous a-t-il changé·es ?  21

VI.    Défis en suspens (et urgents)  26

Sortir du piège épistémique  27

La Palestine dans l’éducation formelle et populaire   28

Surmonter la malédiction de Babel 29

Mettre les pieds sur la terre (palestinienne)  30

Mieux connaître la politique palestinienne pour mieux la comprendre  31

Reconnaître la « sainteté » de la Terre   32

S’engager dans la voie du boycott, du désinvestissement et des sanctions

  34

VII.  L’histoire n’est pas finie   35

Qassam Muaddi (journaliste et écrivain, Ramallah)  36

Israa Mansour (écrivaine et étudiante, Gaza)  36

Yalla, Yalla, Abya Yala*
América Latina ao encontro da Palestina em tempos de genocídio**

María Landi é jornalista, tradutora, ativista dos direitos humanos e feminista uruguaia. Ela está comprometida com a causa palestina e participa do movimento BDS em Abya Yala. Ela foi voluntária internacional na Cisjordânia por vários períodos. Ela escreve e publica sobre a Palestina em vários meios de comunicação independentes da América Latina e da Espanha, incluindo o semanário Brecha.

Original : Yalla, Yalla, Abya Yala: América Latina al encuentro de Palestina en tiempos de genocidio

English version: Yalla, Yalla, Abya Yala: Reaching out to Palestine from Latin America in times of genocide

Version française :Yalla, Yalla, Abya Yala : L’Amérique latine à la rencontre de la Palestine en temps de génocide

Traduzido e editado por Tlaxcala

Ilustrações de Fourate Chahal El Rekaby para o tni

* “Yalla” é uma expressão muito comum em árabe que significa “vamos”, “ânimo” ou “depressa”, e é usada em todos os dialetos árabes. Uso o nome indígena Abya Yala em vez de ‘América Latina’ como uma tomada de posição a favor da descolonização da linguagem, como parte integrante da descolonização desses territórios.

** A autora agradece a Gabriel Sivinian por seus comentários e contribuições para este artigo.


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Sumário

I. Introdução

II. Entre a ambiguidade e as contradições

III. O fantasma israelense rondando entre guerrilhas, ditaduras e transições

IV. Os desastres de Oslo e o outro mundo possível? 

V. Quanto nos mudou o genocídio?

VI. Desafios pendentes (e urgentes)

Sair da armadilha epistêmica

Palestina na educação formal e popular

Superar a maldição de Babel

Pôr os pés na terra (palestina)

Conhecer mais para entender melhor a política palestina  

Reconhecer a "santidade" da Terra

Abraçar o caminho do boicote, desinvestimento e sanções   

VII. A história não terminou

                           30

16/12/2025

Wolfsburg deviendra-t-elle la nouvelle Detroit ?
L’inexorable déclin du rêve hitlérien devenu un géant planétaire

 Michael Mansilla, uy.press, 3 décembre 2025

Michael Mansilla est chroniqueur pour uy.press, le site de l’Agence de presse uruguayenne.

Traduit par Tlaxcala

NdT

J’ai un souvenir inoubliable des usines Volkswagen de Wolfsburg et Hanovre, où j’ai mené une enquête au début des années 1980. Au changement d’équipe, vers 14 heures, les gigantesques parkings avec dans  les 10 000 emplacements se transformaient en bars : des ouvriers ouvraient les coffres arrière de leurs bagnoles, offrant bière et schnaps. Des ouvriers italiens m’avaient expliqué que le premier problème de l’entreprise était l’alcoolisme. Pour le combattre, « Faouvé » (prononciation allemande de VW) avait mis au point un système de primes : si on  dénonçait un collègue abusant de la bibine, on touchait un petit prime. Les résultats de la campagne n’étaient pas bouleversants. Une partie des ouvriers voyageaient de et vers l’usine en train, n’étant pas en état de conduire une voiture. Le train était lui aussi un immense bar : les ouvriers allemands sortaient de leurs cartables (dans l’Allemagne de cette époque, on reconnaissait un ouvrier au fait qu’il avait un cartable) leurs packs de bière et leurs  bouteilles  de schnaps et biberonnaient à qui mieux mieux. Les ouvriers turcs assis parmi eux avaient des mines dégoûtées de bons Musulmans échoués en enfer. Ils n’étaient pas les premiers immigrés à bosser chez Faouvé.


Le Führer enthousiaste admire la maquette de la "voiture du peuple"

 

Le carnet d’épargne

Lancé en 1934 par Hitler, le projet de « voiture du peuple » est d’abord confié à Ferdinand Porsche. Un système d’épargne (5 marks par semaine) promettant une voiture à 990 Reichsmark s’avère impossible à réaliser. Les 336 000 gogos ayant souscrit l’épargne ne verront jamais leur Coccinelle. Celle-ci ne commencera à être fabriquée qu’après la guerre. Le chantier de la « ville-usine » près de Fallersleben est inauguré le 26 mai 1938 par Hitler. Le gros des travailleurs de l’énorme chantier sera constitué d’Italiens.  L’usine ne produira que des engins militaires, dont la version militaire de la Coccinelle amphibie.

Pendant la guerre, des milliers de travailleurs forcés de toute l’Europe -en grande partie des femmes des territoires occupés de l’Est (Pologne, URSS)-, de déportés, de prisonniers de guerre et de soldats allemands condamnés par les cours martiales avaient turbiné sur les chaînes de production. Au moment de la libération, en avril 1945, 7 700 des 9 100 travailleurs et travailleuses étaient des « Zwangsarbeiter » [travailleurs forcés].  C’était même eux qui, s’étant armés, avaient libéré l’usine et la ville, presque entièrement détruites par les bombardements alliés. Quand les troupes britanniques étaient arrivées, les deux camps avaient failli s’entretuer, mais finalement, les ouvriers avaient déposé les armes et quitté le bagne. L’entreprise, désormais sous contrôle britannique, se mit immédiatement à produire des jeeps pour l’armée US. Quelques années plus tard, l’entreprise, ayant de nouveau besoin de main d’œuvre fraîche, avait puisé dans les fichiers du travail forcé et écrit aux anciens immigrés forcés pour leur proposer de revenir ou d’envoyer leurs parents et amis. À la fin des années 1960, Wolfsburg avait la réputation d’être la « ville la plus italienne au nord des Alpes ». Autres temps, autres mœurs…-FG, Tlaxcala

***

« Sans VW (Volkswagen), cette ville et toute la région mourraient », a commenté un habitant local. « Nous deviendrions une Detroit européenne » : triste et juste prédiction d’un autochtone face aux plans de l’UE pour interdire la vente de voitures à combustion interne à partir de 2035. Wolfsburg, née comme une vision utopique de la modernité allemande, est une étude de cas sur la manière dont ce modèle est en train de perdre son cap.


Peu d’endroits en Allemagne sont aussi intrinsèquement liés au destin du pays que Wolfsburg, le berceau de Volkswagen. Fondée en tant que ville modèle nazie, peuplée par les ouvriers qui construisaient la « voiture du peuple » d’Adolf Hitler [
il avait dessiné sa forme sur une nappe de brasserie à Munich, NdT], Wolfsburg s’est réinventée après la Seconde Guerre mondiale et est devenue un symbole de la relance et de l’ambition pacifique allemande. Aujourd’hui, elle affiche le PIB par habitant le plus élevé d’Allemagne. Pourtant, comme tout le pays, elle regarde l’avenir avec crainte. Son existence dépendant entièrement de l’industrie automobile allemande affaiblie, Wolfsburg se demande si elle va devenir la nouvelle Detroit.

À première vue, Wolfsburg pourrait sembler un symbole improbable du malaise économique allemand. Propre, prospère et méticuleusement planifiée, elle est dominée par l’usine monumentale de Volkswagen, qui figure toujours parmi les plus grandes usines automobiles du monde. Cependant, observer Wolfsburg attentivement aujourd’hui permet d’entrevoir le profond malaise structurel qui afflige l’ancienne puissance industrielle allemande. Tout comme Detroit l’a été pour les USA, Wolfsburg reflète le destin du cœur manufacturier de sa nation : une ville construite sur le rêve de la mobilité, de la modernité et de la prospérité, qui fait maintenant face aux limites de son modèle.

Les origines de Wolfsburg sont inhabituellement chargées d’histoire. Elle a été fondée en 1938 en tant que « Ville de la Force par la Joie », une ville entièrement nouvelle conçue par le régime nazi pour accueillir les ouvriers qui fabriquaient une automobile abordable pour les masses. Le projet combinait ingénierie sociale et propagande : une vision de l’ouvrier moderne, discipliné et travailleur, au service du projet national par la technologie. À la fin de la guerre, les forces d’occupation britanniques ont choisi de ne pas démanteler l’usine Volkswagen, préservant ainsi l’infrastructure qui allait bientôt stimuler la relance de l’Allemagne de l’Ouest d’après-guerre. Dès lors, la prospérité de Wolfsburg a crû au rythme de celle de Volkswagen. L’entreprise étant devenue le symbole du Wirtschaftswunder, le « miracle économique », la ville s’est transformée en une vitrine prospère de la renaissance de la République fédérale.

Pendant des décennies, Wolfsburg a été l’emblème du succès industriel. Avec Volkswagen comme moteur, elle a atteint un PIB par habitant d’environ 146 000 euros en 2022, plus du double de celui de Londres, qui détient le taux le plus élevé du Royaume-Uni. Cependant, tout cela dépend d’une seule entreprise. VW emploie 62 000 personnes dans une ville de 130 000 habitants. « Sans VW, cette ville et toute la région mourraient », a commenté un habitant local. « Nous deviendrions une Detroit européenne ».

Ce commentaire d’il y a quelques décennies, sonne aujourd’hui davantage comme une prophétie. La dépendance de la ville envers son principal sponsor a toujours été presque totale. Quand l’entreprise a trébuché, la ville aussi : entre 1991 et 1994, les recettes fiscales ont chuté de près d’un tiers, un avant-goût de la vulnérabilité de Wolfsburg face aux fluctuations du marché automobile. L’année dernière (2024), les recettes de l’impôt sur les sociétés ont chuté de 40 %, obligeant une ville autrefois non seulement sans dette mais disposant également d’un fonds de réserve, à planifier des mesures d’austérité. Elle est actuellement financée par des prêts bancaires.


Congé forcé

Les alarmes sont toujours enclenchées

L’usine Volkswagen de Wolfsburg a une capacité de production de 870 000 véhicules par an, mais en 2023, elle en a à peine fabriqué 490 000. L’année dernière, la compagnie a annoncé que, pour la première fois, elle envisageait la fermeture d’usines en Allemagne. Les projets de l’UE pour interdire la vente de nouvelles voitures à essence et diesel à partir de 2035 se profilent, les prix de l’énergie sont élevés, la réglementation se durcit et la transition mondiale vers la mobilité électrique a soumis les constructeurs allemands à une pression sans précédent. Les constructeurs chinois de véhicules électriques — plus efficaces, subventionnés et avec une plus grande capacité d’innovation — gagnent des parts de marché, tandis que le cadre réglementaire de l’UE et la transition énergétique ont fait exploser les coûts en Allemagne. Pour une ville qui vit et respire Volkswagen, les conséquences sont existentielles.

Bien qu’un accord avec les syndicats allemands ait évité des licenciements immédiats à Wolfsburg, l’entreprise prévoit toujours de réduire ses effectifs nationaux de 35 000 emplois — environ un quart du total — d’ici la fin de la décennie et de réduire sa capacité de production à 700 000 véhicules.

L’accord prévoit des réductions d’emploi et des baisses de capacité. Les syndicats célèbrent l’accord qui maintiendra les usines ouvertes, mais des départs en retraite anticipée, une réduction du temps de travail et un gel des salaires sont prévus à partir de 2025.

Ce changement met en lumière de profonds problèmes structurels du modèle économique allemand, et nulle part cela n’est plus évident qu’à Wolfsburg, la ville de Volkswagen.

Les parallèles avec Detroit ne sont pas exacts, mais ils sont instructifs. Les deux villes ont prospéré en tant que villes industrielles construites autour d’une seule industrie qui incarnait autrefois l’identité nationale. Toutes deux ont joui de décennies de prospérité avant que la logique de la mondialisation et de la désindustrialisation ne commence à se retourner contre elles. Le déclin de Detroit a été soudain, déclenché par les chocs pétroliers des années 1970, la concurrence étrangère et la mauvaise gestion des entreprises. La transformation de Wolfsburg est plus lente, mais non moins dangereuse : le moteur à combustion interne, le produit qui a défini sa prospérité, est menacé par la transition technologique et la pression politique. De plus, la transition vers la mobilité électrique exige du capital, des connaissances en logiciels et en chimie, et une agilité que des entreprises traditionnelles comme Volkswagen ont eu du mal à atteindre.

L’Allemagne n’a pas réussi à se reconvertir vers une économie numérique ou de services de haute technologie comme l’ont fait les USA ou la Corée du Sud. Le vieillissement démographique, le manque de jeunes ingénieurs et la bureaucratie lourde aggravent le problème. De plus, même si elles atteindront le niveau des entreprises asiatiques, l’automatisation de l’industrie ne ramènera pas la même qualité et quantité d’emplois bien rémunérés dans la ville. Ces emplois appartiennent déjà au passé.

Des efforts ont été faits pour diversifier l’économie. Wolfsburg AG, une initiative publique-privée conjointe entre la ville et Volkswagen, a cherché à attirer des entreprises technologiques émergentes et à développer un secteur de services moins dépendant de la fabrication automobile. Cependant, ces projets restent modestes par rapport à l’ampleur du défi. Le problème ne réside pas simplement dans l’emploi local, mais dans la structure nationale. Le modèle économique allemand — orienté vers les exportations, avec une forte présence manufacturière et dépendant de sa base automobile et de machinerie — montre des signes de faiblesse. L’Allemagne industrialisée n’est pas prête à devenir une économie de services.

Wolfsburg devient donc une lentille à travers laquelle observer une histoire plus large : une économie industrielle à coût élevé qui lutte pour se réinventer. Les mêmes facteurs qui ont autrefois fait de l’Allemagne une puissance formidable — l’ingénierie de précision, l’innovation incrémentale, les chaînes d’approvisionnement denses — risquent maintenant de devenir des désavantages sur un marché global plus rapide et plus volatil. La croissance de la productivité s’est essoufflée, l’investissement prend du retard par rapport à la concurrence et la crise énergétique consécutive à l’invasion russe de l’Ukraine a mis en lumière la fragilité du noyau industriel du pays. L’Allemagne fait également face à de nombreux problèmes interdépendants, de la baisse des normes éducatives aux coûts énergétiques élevés.

Et la transition vers l’électromobilité exige un type de connaissances — logiciels, batteries, intelligence artificielle — que les entreprises européennes ne maîtrisent pas encore pleinement.

Talon d’Achille industriel

Le « moteur de l’Europe » semble être freiné. La crise énergétique consécutive à l’invasion russe de l’Ukraine a renchéri l’électricité et le gaz, affectant directement l’industrie lourde. La croissance de la productivité s’est essoufflée et l’investissement privé se retire. Le moteur à combustion interne, pendant un siècle symbole de progrès, est devenu un fardeau réglementaire et environnemental.


"Aïe !" - VW a connu des jours meilleurs : autrefois moteur de l’industrie automobile chinoise, le constructeur a aujourd’hui pris du retard dans le développement et se retrouve à la traîne, par Oliver Schopf

Mauvaises énergies

Lorsque l’accident nucléaire de Fukushima s’est produit, la chancelière Angela Merkel s’est précipitée pour fermer les centrales de ce type. L’Allemagne s’est tournée vers le gaz naturel russe bon marché qui arrivait par la mer Baltique. Jusqu’à l’invasion de l’Ukraine. Aujourd’hui, elle doit se battre pour obtenir du gaz naturel de la mer du Nord, en particulier norvégien. Sinon, l’alternative est d’acheter du GNL partout dans le monde. On est donc passés d’une électricité bon marché aux prix les moins compétitifs de l’Union européenne.

Le chancelier Olaf Scholz avait reconnu en 2024 que « l’Allemagne ne peut plus tenir pour acquise sa prospérité industrielle », et le ministre de l’Économie Robert Habeck avait averti que le pays risquait de perdre sa base productive s’il n’accélérait pas la transformation numérique et énergétique. L’avertissement est particulièrement urgent dans des régions comme la Basse-Saxe, où Volkswagen soutient des économies entières.

Detroit : la capitale du moteur qui s’est arrêtée net

Pendant une grande partie du XXe siècle, Detroit a symbolisé l’essor industriel usaméricain. Siège de Ford, General Motors et Chrysler, la ville a attiré des centaines de milliers de travailleurs, alimenté l’expansion de la classe moyenne et atteint en 1950 son apogée démographique : près de deux millions d’habitants, la prospérité et la fierté d’avoir propulsé la mobilité mondiale.

Mais le même moteur qui a alimenté sa croissance a aussi préparé sa chute. À partir des années soixante, la désindustrialisation et la mondialisation ont déplacé la production et les emplois vers d’autres États et pays. À partir des années 60-70, la production automobile a commencé à être transférée vers des usines dans le sud des USA (moins de syndicats), au Mexique et en Asie, en Amérique du Sud, au Brésil et en Argentine, au Venezuela.

L’automatisation et la mondialisation ont réduit les emplois

Fermeture massive d’usines et perte de dizaines de milliers d’emplois. L’automatisation a encore réduit le besoin de main-d’œuvre, et l’économie locale, dépendante presque entièrement du secteur automobile, a été exposée aux fluctuations du marché mondial.

À ce déclin économique s’est ajouté un profond clivage social. La ségrégation raciale, la discrimination immobilière et les émeutes de 1967 ont accéléré l’exode de la population blanche (White flight) d’abord vers les banlieues puis vers d’autres États, sapant la base fiscale de la ville. Des quartiers entiers ont été abandonnés, des milliers de logements ont été démolis et les services essentiels — des écoles à l’éclairage public — sont entrés en crise.

En 2013, Detroit a touché le fond : elle s’est déclarée en faillite, la plus grande d’une ville usaméricaine. La dette dépassait les 18 milliards de dollars et les coupes ont frappé les retraités, les employés publics et les résidents qui vivaient déjà avec la pauvreté, des taux de criminalité élevés et un paysage urbain marqué par des ruines industrielles.

Cependant, l’histoire ne s’est pas arrêtée là. Dans la dernière décennie, des investissements publics-privés, des projets de rénovation urbaine et la création d’emplois de service ont redonné une certaine vitalité au centre et à des zones spécifiques. De nouveaux commerces, logements et espaces publics coexistent aujourd’hui avec des zones encore dévastées, reflétant une reprise inégale et pleine de contrastes.

Detroit est aujourd’hui un avertissement et un laboratoire urbain : un rappel des risques de dépendre d’un seul secteur économique et, en même temps, une preuve de la résilience sociale dans des contextes extrêmes. Son avenir continue de s’écrire, entre la mémoire de la gloire industrielle et la recherche d’un modèle plus diversifié, humain et durable. Bien que les plus pragmatiques soulignent que les impôts élevés de la ville et de l’État du Michigan n’encouragent pas les investisseurs potentiels. Ils voient Detroit comme une autre Gary, Indiana, la ville abandonnée qui sert de décor à tous les films post-apocalyptiques.

L’ironie est frappante. Wolfsburg, née comme une vision utopique de la modernité allemande, se dresse maintenant comme une étude de cas sur la manière dont ce même modèle arrive à sa fin. L’appeler « la nouvelle Detroit » exagère peut-être encore son déclin — Volkswagen reste rentable et Wolfsburg n’a pas subi l’effondrement social qui a frappé son homologue usaméricaine —, mais la comparaison reflète une vérité essentielle. Les deux villes incarnent le destin d’une économie industrielle confrontée à son propre déclin.

VW veut transférer sa production vers des marchés extérieurs, où il n’y a pas d’exigence quant à l’utilisation de voitures à essence et diesel. Mais là où les voitures à moteur chinoises ou électriques chinoises bon marché envahissent les marchés. Les constructeurs chinois, soutenus par des subventions étatiques et une chaîne d’approvisionnement plus efficace, mènent la course mondiale. BYD, NIO ou XPeng vendent déjà des modèles électriques en dessous de 25 000 euros, contre 35 000 ou plus pour les Européens. En 2024, la Chine a dépassé le Japon en tant que premier exportateur mondial d’automobiles, consolidant son hégémonie technologique.



Avec un salaire annuel moyen de 55 000 €, les ouvriers de production de VW battent tous les records allemands et mondiaux. Si une heure de travail coûte  62€ à l'entreprise, elle coûte 8€ en Chine. Si la production d'un véhicule VWcoûte 8000 $ chez VW, en Chine  elle coûte 597$, au Mexique 305 et au Maroc 106...