Mauro Ravarino,
il
manifesto, 17/6/2022
Traduit
par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Interview. Le professeur Stefano Fenoglio d'Alpstream, le Centre d'étude des rivières alpines situé dans le parc du Monviso, déclare : « Il ne s'agit pas d'une anomalie passagère, nous sortons de huit années d'hivers chauds, avec une réduction des précipitations. Nous devons intervenir en pensant à l'avenir, pas au jour suivant ».
Situation d'urgence due à la sécheresse dans la vallée du Pô où, dans certaines municipalités, il n'a pas plu depuis 110 jours – Photo Ansa
La surveillance quotidienne des rivières alpines, qui constituaient autrefois une riche source d'eau, révèle une situation dramatique. Et ce n'est pas seulement une question de quantité d'eau, la qualité et la survie des écosystèmes fluviaux sont en jeu. Avec Alpstream, point de référence pour l'étude, la gestion durable et la protection des systèmes fluviaux dans les Alpes, Stefano Fenoglio, zoologiste et enseignant au département des sciences de la vie et de biologie des systèmes de l'université de Turin, en fait l'expérience sur le terrain.
Professeur Fenoglio, nous parlons d'une urgence de sécheresse, mais cela dure depuis trop longtemps. Qu’en est-il exactement ?
Nous sommes confrontés à trois mois d'été cruciaux. Comment pouvons-nous faire un meilleur usage de l'eau ?
Ce que nous vivons n'est pas l'anomalie de cette année, nous sortons de huit années d'hivers chauds, avec une nette diminution des précipitations. Et nous devons agir en pensant à l'avenir, pas au jour suivant. Nous devons laisser plus d'eau dans les rivières car cela dilue les rejets des épurateurs. Nous devons sélectionner des cultures moins gourmandes en eau, améliorer l'efficacité du système qui gère et distribue l'eau. Les rivières sont des écosystèmes et non des conduits. Nous avons un pendule qui oscille entre une sécheresse extrême et des précipitations intenses, en exploitant ces dernières nous devons retenir l'eau sur le territoire pour mieux la distribuer. Il s'agit d'une pratique méditerranéenne qui, dans le nord de l'Italie, ne semblait pas être une obligation mais qui l'est désormais. Ces interventions doivent être écologiquement durables, en harmonisant leur présence.
Nous parlons à juste titre de la réduction de la quantité d'eau, mais peu de la qualité. Pourquoi, au contraire, serait-il important de le faire ?
Ces jours-ci, nous menons une campagne de surveillance de la biodiversité et du débit des rivières du Piémont : la situation est dramatique. Il existe des rivières en sécheresse totale dans de nombreux environnements de piémont de l'arc occidental. Je parle de la Varaita, la Maira, la Grana et la Pellice, qui sont déjà à sec sur plusieurs kilomètres en juin. Elles ont un tiers de l'eau qu'elles devraient avoir en ce moment. Et avec Alpstream, nous étudions l'aspect de la qualité de l'eau : avoir moins signifie avoir pire. Nous continuons à déverser dans le cours d'eau les mêmes eaux usées provenant des stations d'épuration, des engrais et des pesticides. Cependant, le volume d'eau qui permettait de les diluer fait désormais défaut et augmente de manière disproportionnée la concentration de polluants et de bactéries. Si les rejets des épurateurs prévalaient, nous ne pourrions même plus l'utiliser pour l'irrigation. Avec moins d'eau et plus de vagues de chaleur, la température moyenne des rivières a augmenté de plusieurs degrés au-dessus de la moyenne. Les eaux plus chaudes sont moins oxygénées, ce qui affecte la biodiversité et la vie des poissons, favorisant les processus de croissance des algues, comme en ville (à Turin par exemple), ou la prolifération des bactéries, qui profitent de la rareté de l'eau.
Alpstream est basé à Ostana, sur le Mont Viso, non loin de l'endroit où le Pô prend sa source. Quelle est la situation ?
Dans les zones de haute montagne, la neige a fait défaut et la quantité d'eau a diminué, les lacs alpins sont plus bas que d'habitude. Cet hiver, nous avons eu un isotherme 0 °C au-dessus de 4 000 mètres pendant plusieurs jours. Les sources du Pô sont restées à sec pendant un certain temps au cours des mois d'hiver. À l'embouchure, l’intrusion salée avance beaucoup : l'eau saumâtre risque de s'infiltrer dans la nappe phréatique, ce qui est également un problème pour l'agriculture. Les problèmes sont généralisés en Europe du Sud, l'Espagne est plus mal lotie que nous, mais c’est toujours impressionnant de voir nos zones alpines, si riches en eau, dans un tel état.