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02/09/2025

PINO ARLACCHI
Le Gros Bobard du Venezuela comme “narco-État” : la géopolitique du pétrole camouflée en lutte antidrogue

Pino Arlacchi, L’Antidplomatico, 27/8/2025
Traduit par Tlaxcala

Pino Arlacchi (Gioia Tauro, 1951) est un sociologue, homme politique et haut fonctionnaire italien. De 1997 à 2002, il a été Secrétaire général adjoint des Nations Unies et Directeur exécutif de l’UNODC, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

Durant mon mandat à la tête de l’UNODC, l’agence antidrogue et anticriminalité de l’ONU, j’ai passé beaucoup de temps en Colombie, en Bolivie, au Pérou et au Brésil, mais je ne suis jamais allé au Venezuela. Tout simplement parce qu’il n’y en avait pas besoin. La coopération du gouvernement vénézuélien dans la lutte contre le narcotrafic était parmi les meilleures d’Amérique du Sud, seulement comparable à l’impeccable efficacité de Cuba. Un fait qui, aujourd’hui, fait du délire narratif trumpien sur le « narco-État vénézuélien », une calomnie à motivation géopolitique.

Mais les données réelles, celles qui apparaissent dans le Rapport mondial sur les drogues 2025 de l’organisme que j’ai eu l’honneur de diriger, racontent une histoire diamétralement opposée à celle que diffuse l’administration Trump. Une histoire qui démonte, pièce par pièce, la construction géopolitique autour du soi-disant Cartel de los soles — une entité aussi légendaire que le monstre du Loch Ness, mais bien utile pour justifier sanctions, embargos et menaces d’intervention militaire contre un pays qui, par hasard, repose sur l’une des plus grandes réserves de pétrole au monde.

Le Venezuela selon l’UNODC : un pays marginal sur la carte du narcotrafic

Le rapport 2025 de l’UNODC est d’une clarté limpide, et devrait embarrasser ceux qui ont fabriqué la rhétorique de la diabolisation du Venezuela. Le rapport ne fait qu’une mention marginale du Venezuela, précisant qu’une fraction insignifiante de la production colombienne de drogue transite par le pays en direction des USA et de l’Europe. Selon l’ONU, le Venezuela a consolidé son statut de territoire exempt de cultures de coca, de marijuana et d’autres substances, ainsi que de la présence de cartels criminels internationaux.

Ce document ne fait que confirmer les 30 rapports annuels précédents, qui ne parlent pas de narcotrafic vénézuélien — parce qu’il n’existe pas. Seuls 5 % de la drogue colombienne transitent par le Venezuela. Pour mettre ce chiffre en perspective : en 2018, alors que 210 tonnes de cocaïne traversaient le Venezuela, 2 370 tonnes — dix fois plus — étaient produites ou commercialisées via la Colombie, et 1 400 tonnes via le Guatemala.

Oui, vous avez bien lu : le Guatemala est un corridor de drogue sept fois plus important que le supposé « narco-État » bolivarien. Mais personne n’en parle car le Guatemala est historiquement à sec : il ne produit que 0,01 % du total mondial — de la seule « drogue » qui intéresse vraiment Trump : le pétrole.

Le Fantastique Cartel des Soleils : une fiction hollywoodienne

Le Cartel de los soles est une créature de l’imaginaire trumpien. Il serait dirigé par le président du Venezuela, mais il n’apparaît dans aucun rapport de l’organisme mondial antidrogue, ni dans les documents d’aucune agence anticriminalité européenne, ni dans presque aucune autre source internationale. Pas même une note de bas de page. Un silence assourdissant, qui devrait interpeller quiconque garde encore un minimum d’esprit critique. Comment une organisation criminelle soi-disant si puissante qu’elle justifie une prime de 50 millions de dollars peut-elle être totalement ignorée par tous les acteurs réels de la lutte antidrogue ?

En d’autres termes, ce qui est vendu comme un super-cartel façon Netflix n’est en réalité qu’un assemblage de petites bandes locales — le type de criminalité de rue qu’on retrouve dans n’importe quel pays du monde, y compris aux USA, où, rappelons-le, près de 100 000 personnes meurent chaque année d’overdoses aux opioïdes. Des morts qui n’ont rien à voir avec le Venezuela, mais tout avec les grandes firmes pharmaceutiques usaméricaines.

L’Équateur : le véritable hub que personne ne veut voir

Tandis que Washington brandit l’épouvantail vénézuélien, les véritables plaques tournantes du narcotrafic prospèrent presque sans entrave. L’Équateur, par exemple, d’où 57 % des conteneurs de bananes quittant Guayaquil pour Anvers arrivent chargés de cocaïne. Les autorités européennes ont saisi 13 tonnes de cocaïne sur un seul navire espagnol, en provenance directe des ports équatoriens contrôlés par des entreprises protégées par des figures du gouvernement équatorien.

L’Union européenne a produit un rapport détaillé sur les ports de Guayaquil, documentant comment « les mafias colombiennes, mexicaines et albanaises opèrent toutes massivement en Équateur ». Le taux d’homicides en Équateur est passé de 7,8 pour 100 000 habitants en 2020 à 45,7 en 2023. Mais on en parle peu. Peut-être parce que l’Équateur ne produit que 0,5 % du pétrole mondial, et parce que son gouvernement n’a pas la mauvaise habitude de défier l’hégémonie usaméricaine en Amérique latine.

Les vraies routes de la drogue : géographie contre propagande

Durant mes années à l’UNODC, l’une des leçons les plus importantes que j’ai apprises est que la géographie ne ment pas. Les routes de la drogue suivent des logiques précises : proximité des zones de production, facilité de transport, corruption des autorités locales, présence de réseaux criminels établis. Le Venezuela ne remplit quasiment aucun de ces critères.

La Colombie produit plus de 70 % de la cocaïne mondiale. Le Pérou et la Bolivie couvrent la majeure partie des 30 % restants. Les routes logiques vers les marchés usaméricain et européen passent par le Pacifique vers l’Asie, par les Caraïbes orientales vers l’Europe, et par voie terrestre via l’Amérique centrale vers les USA. Le Venezuela, tourné vers l’Atlantique Sud, est géographiquement désavantagé pour ces trois routes principales. La logistique criminelle en fait un acteur marginal du grand théâtre du narcotrafic international.

Cuba : l’exemple qui gêne

La géographie ne ment pas, certes, mais la politique peut la contredire. Cuba demeure aujourd’hui encore la référence absolue en matière de coopération antidrogue dans les Caraïbes. Une île à quelques encablures de la Floride, théoriquement une base parfaite pour le trafic vers les USA, mais qui, en pratique, reste étrangère aux flux du narcotrafic. J’ai maintes fois constaté l’admiration des agents de la DEA et du FBI pour la rigueur des politiques antidrogue des communistes cubains.

Le Venezuela chaviste a constamment suivi le modèle cubain de lutte antidrogue inauguré par Fidel Castro lui-même : coopération internationale, contrôle du territoire, répression de la criminalité. Ni au Venezuela ni à Cuba n’ont jamais existé de vastes zones cultivées en coca et contrôlées par la grande criminalité.

L’Union européenne n’a pas d’intérêts pétroliers particuliers au Venezuela, mais elle a un intérêt concret à combattre le narcotrafic qui frappe ses villes. Elle a produit son Rapport européen sur les drogues 2025, basé sur des données réelles et non sur des fantasmes géopolitiques. Ce document ne mentionne pas une seule fois le Venezuela comme corridor du trafic international de drogue.

Voilà la différence entre une analyse honnête et une narration fausse et insultante. L’Europe a besoin de données fiables pour protéger ses citoyens de la drogue, et donc elle produit des rapports précis. Les USA ont besoin de justifications pour leurs politiques pétrolières, et donc ils produisent de la propagande déguisée en renseignements.

Selon le rapport européen, la cocaïne est la deuxième drogue la plus consommée dans les 27 pays de l’UE, mais les sources principales sont clairement identifiées : la Colombie pour la production, l’Amérique centrale pour le transit, et diverses routes via l’Afrique de l’Ouest pour la distribution. Dans ce scénario, le Venezuela et Cuba n’apparaissent tout simplement pas.

Et pourtant, le Venezuela est systématiquement diabolisé, contre toute vérité. L’explication a été donnée par l’ancien directeur du FBI, James Comey, dans ses mémoires après sa démission, où il évoque les motivations inavouées de la politique usaméricaine envers le Venezuela : Trump lui aurait dit que le gouvernement de Maduro était « un gouvernement assis sur une montagne de pétrole que nous devons acheter ».

Il ne s’agit donc ni de drogue, ni de criminalité, ni de sécurité nationale. Il s’agit de pétrole que l’on préférerait ne pas payer.

C’est Donald Trump, donc, qui mériterait une mise en accusation internationale pour un crime bien précis : « calomnie systématique contre un État souverain visant à s’approprier ses ressources pétrolières. »


 


20/08/2023

MANUELA ANDREONI/CATRIN EINHORN
L’interdiction des forages pétroliers en Équateur fait l’objet d’un référendum ce 20 août

 Manuela Andreoni et Catrin Einhorn, The New York Times, 17/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les électeurs équatoriens décideront dimanche si le pays interdira les opérations pétrolières dans une partie de l’Amazonie qui est l’un des endroits les plus riches en biodiversité de la planète.

Des membres de la communauté Huaorani ont manifesté cette semaine à Quito, la capitale équatorienne, pour soutenir l’interdiction des forages dans une partie du parc national de Yasuní. Photo : Martin Bernetti/Agence France-Presse - Getty Images

L’Équateur doit-il continuer à forer dans l’un des coins les plus riches en biodiversité de l’Amazonie ou doit-il laisser le pétrole sous terre ? Dimanche, le peuple équatorien se prononcera lors d’un référendum contraignant qui a été inscrit sur les bulletins de vote après une décennie de lutte menée par de jeunes activistes.

Alors que le monde est confronté à la double crise écologique du changement climatique et de l’effondrement des écosystèmes, le vote déterminera ce que les citoyens d’un pays sont prêts à abandonner pour protéger la planète.

La partie de la jungle soumise au vote dimanche, qui fait partie du parc national de Yasuní, est l’un des endroits les plus riches de la planète sur le plan écologique et abrite des populations indigènes qui ne veulent aucun contact avec les étrangers. Ce vote intervient alors que la planète souffre d’une chaleur record et que les scientifiques avertissent que la forêt amazonienne se rapproche dangereusement d’un point de basculement qui pourrait la transformer en herbages.

Mais le pétrole est le principal produit d’exportation de l’Équateur et le gouvernement fait campagne pour que les forages se poursuivent. Selon les estimations officielles, le pays risque de perdre 1,2 milliard de dollars de recettes par an si le pétrole reste sous terre.

“C’est historique”, dit Pedro Bermeo, l’un des membres fondateurs de Yasunidos, le groupe à l’origine du référendum. « Nous sommes en train de démocratiser la politique environnementale ».

L’aggravation de la crise politique et sécuritaire ajoute à la tension en Équateur. L’élection de dimanche a été convoquée en mai après que le président Guillermo Lasso, confronté à une procédure de destitution, a invoqué son droit de dissoudre le Congrès. La semaine dernière, l’un des candidats à la présidence, Fernando Villavicencio, a été assassiné.

On ne sait pas exactement comment les turbulences politiques affecteront le référendum, mais une récente enquête de Comunicaliza, un institut de sondage basé à Quito, la capitale, a suggéré que 35 % des électeurs veulent arrêter le forage, soit 10 points de pourcentage de plus que ceux qui soutiennent l’exploitation du pétrole. Nombreux sont ceux qui se disent encore indécis.

Ce vote est l’aboutissement d’une proposition novatrice suggérée il y a près de vingt ans lorsque Rafael Correa, alors président de l’Équateur, a tenté de persuader les pays riches de payer son pays pour qu’il ne touche pas au même gisement de pétrole à Yasuní. Il avait alors demandé 3,6 milliards de dollars, soit la moitié de la valeur estimée des réserves de pétrole.


Sites pétroliers près de la rivière Tiputini dans la région de Yasuní en Équateur. Photo : Erin Schaff/The New York Times

Correa a passé six ans à faire campagne pour faire avancer la proposition, mais il n’a jamais réussi à persuader les pays riches de payer. De nombreux jeunes Équatoriens ont cependant été convaincus. Lorsque Correa a annoncé que la proposition avait échoué et que le forage allait commencer, beaucoup ont commencé à protester.

C’est à cette époque qu’Antonella Calle, âgée de 19 ans à l’époque, a décidé, avec d’autres jeunes et écologistes, de continuer à se battre au sein d’une nouvelle organisation appelée Yasunidos.

Correa s’est moqué de l’opposition au forage. « Rassemblez les signatures et organisons un référendum, et nous gagnerons à nouveau », avait-il déclaré.

Les Yasunidos ont recruté environ 1 400 volontaires pour arpenter les rues et frapper aux portes dans tout le pays. En l’espace de six mois, ils ont recueilli plus de 757 000 signatures, soit près de 200 000 de plus que le nombre requis pour déclencher un référendum.

Les sondages réalisés à cette époque indiquaient que plus de 90 % des Équatoriens auraient voté en faveur du maintien du pétrole sous terre. Mais l’administration Correa a créé un groupe de travail pour vérifier les signatures et a annulé plus de la moitié d’entre elles. Même les signatures de Calle et de Bermeo ont été jugées invalides.

« Ce fut un coup très dur », dit Mme Calle. « Ils nous traitaient de menteurs ».

Les Yasunidos ont donc entamé une lutte juridique de dix ans pour que le référendum soit soumis aux électeurs. Finalement, en mai, la Cour suprême a ordonné au gouvernement d’inclure la mesure dans les prochaines élections.

Le référendum s’appuie également sur le travail effectué par des groupes autochtones en Équateur. En 2019, par exemple, après une bataille judiciaire, la communauté indigène Huaorani a réussi à bloquer l’exploitation pétrolière sur ses terres.

« La Terre mère n’attend pas que nous la sauvions », dit Nemonte Nenquimo, l’un des responsables de cette initiative. « La Terre mère attend que nous la respections. Si nous ne la respectons pas, c’est elle qui engloutira l’humanité ».

Si Yasunidos l’emporte, la compagnie pétrolière nationale, Petroecuador, disposera d’environ un an et demi pour mettre fin à ses activités dans la région, connue sous le nom de champ pétrolifère Ishpingo-Tambococha-Tiputini. Selon Andrés Martínez Moscoso, professeur de droit à l’université San Francisco de Quito, ni le président, ni le Congrès, ni un nouveau référendum ne pourraient annuler les résultats de dimanche.

Mais à ce jour, Petroecuador a investi plus de 2 milliards de dollars pour extraire le pétrole de la parcelle. La société a déclaré qu’elle devrait dépenser un demi-milliard supplémentaire si elle était contrainte de démanteler des kilomètres d’oléoducs, de fermer des centaines de puits de pétrole et de démonter une douzaine de plateformes.

Les dirigeants de Petroecuador affirment que l’impact de l’entreprise sur la biodiversité est limité à 80 hectares, une petite fraction de la zone I.T.T., et qu’il est surveillé par des scientifiques.

« En termes de superficie, notre empreinte est très, très faible », dit Armando Ruiz, qui supervise les politiques environnementales de l’entreprise. Pour que le sacrifice de l’Équateur fasse la différence dans la lutte contre le changement climatique, il faudrait que « le monde entier, tous les gouvernements de cette planète, aient le même engagement ».

Petroecuador a enregistré une série de vidéos avec les chefs de certaines communautés indigènes de la zone I.T.T., qui ont déclaré qu’ils souhaitaient que les forages se poursuivent. Mais les principales organisations indigènes d’Équateur demandent aux électeurs de choisir de mettre fin aux forages. Même la nationalité Huaorani de l’Équateur, un groupe reconnu par le gouvernement qui s’est associé à des compagnies pétrolières dans le passé, demande maintenant aux Équatoriens de voter pour l’arrêt des forages dans ce cas.

Cinquante ans de forage pétrolier « ont simplement apporté la pauvreté, les problèmes, les maladies, les conflits et la mort », dit Juan Bay, le président du groupe. « Ce sont des outsiders qui en ont profité ».

“Êtes-vous d'accord pour que  le gouvernement équatorien maintienne le pétrole brut de l'ITT, connu sous le nom de Bloc 43, indéfiniment sous terre ?”