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05/03/2024

ODED YARON/OMER BENJAKOB
Les USA sanctionnent Tal Dilian, un ancien officier de renseignement israélien à l’origine d’entreprises de logiciels espions

Oded Yaron & Omer Benjakob, Haaretz, 5/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Trésor usaméricain sanctionne le fondateur israélien d’Intellexa Consortium pour le rôle que cette compagnie a joué dans le développement et la vente de “technologies d’espionnage commercial utilisées pour cibler des USAméricains”.

Tal Dilian, fondateur d’Intellexa, dans sa villa de Chypre Photo : Yiannis Kourtoglou / REUTERS

Les USA ont imposé mardi des sanctions personnelles à l’ancien officier de renseignement israélien Tal Dilian, qui est à l’origine des cyber-entreprises Cytrox et Intellexa, qui ont mis au point le logiciel espion Predator utilisé pour la surveillance des téléphones portables.

Ces sociétés, qui opèrent en dehors de la supervision du ministère israélien de la défense, sont au cœur d’un scandale mondial après la découverte de plusieurs affaires impliquant l’utilisation de technologies d’espionnage contre des hommes politiques, des journalistes et d’autres cibles en Grèce et dans d’autres pays.

Le Trésor usaméricain a annoncé mardi que son “Office of Foreign Assets Control” [Bureau de contrôle des avoirs étrangers] a désigné deux personnes et cinq entités associées au consortium Intellexa pour leur rôle dans « le développement, l’exploitation et la distribution d’une technologie commerciale d’espionnage utilisée pour cibler des USAméricains, dont des représentants du gouvernement US, des journalistes et des experts politiques ».

« La prolifération des logiciels espions commerciaux pose des risques distincts et croissants pour la sécurité des USA et a été utilisée à mauvais escient par des acteurs étrangers pour permettre des violations des droits humains et le ciblage de dissidents dans le monde entier à des fins de répression et de représailles », poursuit le communiqué du Trésor.

Les nouvelles sanctions personnelles impliquent le gel de tous les avoirs de Dilian, ainsi que de ceux de son beau-père et de ses diverses sociétés aux USA, ou de celles qui sont contrôlées par des citoyens USaméricains.

Tout intérêt commercial de ce type doit être signalé à l’Office of Foreign Assets Control, qui est chargé d’administrer la liste noire du ministère US du commerce.

Les sanctions interdisent également à tous les citoyens usaméricains d’exercer une quelconque activité commerciale avec Dilian et l’une de ses sociétés, à moins qu’ils n’obtiennent un permis spécial.

La déclaration du département du Trésor indique en outre que les institutions financières, les entreprises et les particuliers qui continuent à faire des affaires avec Dilian peuvent également faire l’objet de sanctions. Parmi les activités susceptibles d’entraîner des sanctions figurent les dons, les paiements, les biens et les services fournis à Dilian et à ses associés ou par eux.

Dilian. Predator fait partie du portefeuille d’outils d’espionnage d’Intellexa. Photo : Yiannis Kourtoglou / REUTERS

En juillet 2023, Intellexa et Cytrox ont été ajoutées à une liste noire usaméricaine d’entreprises agissant contre les intérêts usaméricains, mais c’est la première fois que des sanctions personnelles ont été imposées aux dirigeants de l’entreprise, y compris à Dilian.

Jusqu’à présent, l’entreprise figurait sur la liste de la Chambre de commerce en tant qu’entité avec laquelle les organismes et agences gouvernementaux officiels ne sont pas autorisés à faire des affaires. À partir d’aujourd’hui, les sanctions sont devenues personnelles et marquent ainsi une étape dans la lutte des USA contre les cyber-risques offensifs mondiaux.

À cet égard, la décision d’aujourd’hui représente l’aboutissement d’un long combat qui a commencé en 2021, lorsque le ministère usaméricain du commerce a ajouté les sociétés israéliennes de logiciels espions NSO group et Candiru, ainsi que des sociétés russes et singapouriennes, à sa liste d’entités pour des activités contraires aux intérêts de la sécurité nationale ou de la politique étrangère des USA.

Outre les sanctions imposées à Dilian, ancien commandant de l’unité 81 des services de renseignement de l’armée israélienne, des sanctions ont également été prises à l’encontre de sa compagne et ex-femme, Sara Aleksandra Hamou [alias Sara S. elle enregistré 4 entreprises à Chypre], que le gouvernement usaméricain définit comme une « spécialiste de la délocalisation qui a fourni des services de gestion au consortium Intellexa », notamment en louant ses bureaux en Grèce.

Le codirecteur général d’Intellexa, Tal Dilian, pose pour une photo dans sa maison de Limassol, à Chypre, en avril 2020.Photo : Yiannis Kourtoglou / REUTERS

Des sanctions ont également été imposées à cinq autres entités commerciales du consortium Intellexa, dont quatre avaient déjà été ajoutées à la liste des entités du ministère usaméricain du commerce l’année dernière. L’autre entreprise, qui n’a pas encore été mentionnée dans les sanctions, est Thalestris [basée en Irlande].

Alors que ces entreprises opèrent depuis Israël conformément à la législation israélienne, Intellexa échappe à la supervision du ministère israélien de la défense. L’inscription de la société sur la liste noire l’année dernière a marqué l’effort des USA non seulement pour freiner l’industrie israélienne des logiciels espions, mais aussi pour surveiller les Israéliens à l’étranger.

« Les mesures prises aujourd’hui représentent une avancée tangible dans la lutte contre l’utilisation abusive d’outils de surveillance commerciaux, qui représentent de plus en plus un risque pour la sécurité des USA et de leurs citoyens », a déclaré Brian E. Nelson, sous-secrétaire d’État au Trésor chargé du terrorisme et du renseignement financier.

« Les USA s’attachent à établir des garde-fous clairs pour le développement et l’utilisation responsables de ces technologies, tout en garantissant la protection des droits humains et des libertés civiles des individus dans le monde entier », a poursuivi Nelson.

Le logo de la société israélienne de logiciels espions NSO. Photo : Ohad Zwigenberg

Plusieurs rapports d’enquête ont été publiés ces dernières années, notamment dans Haaretz, concernant les activités d’Intellexa dans le monde. Le premier rapport concernait le déménagement de la société de Chypre en Grèce.

Dilian et la société ont fait l’objet d’une enquête criminelle à Chypre par le passé, et une société affiliée a été reconnue coupable cette année d’avoir siphonné illégalement des données de l’aéroport de Larnaca - bien que Dilian lui-même ait été blanchi de tous les chefs d’accusation.

Il s’agissait du premier cas d’un ressortissant européen ciblé par le logiciel espion Predator créé par la société israélienne Cytrox, qui appartient à Intellexa.

Il a été révélé par la suite que le chef du Parti socialiste grec avait également été la cible d’espionnage, de même qu’un haut responsable de Meta [ex-Facebook].

Le logiciel espion Pegasus vendu par le NSO israélien, ou le Predator de Cytrox, peuvent être utilisés par les gouvernements pour suivre et surveiller leurs propres citoyens, sans raison, de manière presque invisible et en toute dénégation, voire en toute impunité. Photos : Sebastian Scheiner, AP / Andrei Minsk / Shutterstock, photoshopées par Anastasia Shub

En collaboration avec un groupe de journalistes, Haaretz a révélé comment le logiciel espion Predator d’Intellexa a également été vendu à une milice soudanaise et même à des militants du Bangladesh - des pays avec lesquels les Israéliens n’ont pas le droit de faire des affaires.

Depuis lors, une série de rapports a été publiée sur l’entreprise et ses logiciels espions - fabriqués par Cytrox - qui, comme l’a révélé Haaretz, a reçu un investissement initial des Industries aérospatiales israéliennes, qui se sont par la suite retirées de l’entreprise.

Les cyber-entreprises Sekoia.io et Recorded Future ont simultanément publié des enquêtes sur les sanctions qui ont révélé l’existence d’une nouvelle infrastructure de logiciels espions Predator dans 11 pays aux régimes répressifs. La plupart des pays avaient déjà été identifiés, mais la nouvelle infrastructure a également été découverte pour la première fois aux Philippines et au Botswana, ont noté les chercheurs du groupe Insikt de Recorded Future.

De vastes infrastructures ont également été découvertes en Arabie saoudite, en Angola, en Arménie, en Égypte, en Indonésie, au Kazakhstan, à Oman, à Madagascar et à Trinité-et-Tobago.

20/07/2023

OMER BENJAKOB
Les USA mettent à l’index des entreprises israéliennes spécialisées dans les cyberarmes

Omer Benjakob et Reuters, Haaretz, 18/7/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Intellexa, une alliance d’entreprises de renseignement numérique dirigée par un ancien officier de renseignement israélien, et Cytrox, qui produit leur logiciel espion Predator, sont ajoutées à la “liste noire d’entités” des USA, qui comprend déjà les entreprises israéliennes NSO et Candiru.

Un groupe de sociétés de surveillance numérique appartenant à Israël et opérant depuis l’Europe a été ajouté mardi à une liste noire usaméricaine de sociétés agissant contre les intérêts usaméricains, dans le cadre de la dernière tentative de la Maison Blanche de freiner la prolifération internationale de logiciels espions de qualité militaire.

Le ministère usaméricain du commerce a ajouté Intellexa et Cytrox, toutes deux détenues par différents ressortissants israéliens, dont l’ancien officier du renseignement militaire Tal Dilian, à sa “liste d’entités” pour le commerce économique.


Tal Dilian dans sa maison de Chypre
 

Cytrox, une société de surveillance basée en Hongrie et présente en Macédoine du Nord, produit un logiciel espion appelé Predator. L’entreprise a également bénéficié d’investissements précoces de la part de l’entreprise publique Israel Aerospace Industries.

Le ministère du commerce a déclaré que les entreprises étaient ajoutées « pour trafic de codes d’exploitation utilisés pour accéder à des systèmes d’information, menaçant ainsi la vie privée et la sécurité d’individus et d’organisations dans le monde entier ».

Intellexa, qui est enregistrée en Grèce et possède des entités apparentées en Irlande et en Macédoine du Nord, sert de guichet unique pour les besoins de surveillance de l’État. Les deux entreprises ont été au centre d’une énorme tempête politique en Grèce.

Le procureur grec a ouvert une enquête l’année dernière à la suite d’une allégation d’un journaliste selon laquelle son smartphone avait été infecté par un logiciel de surveillance dans le cadre d’une opération des services de renseignement du pays. Le journaliste a déclaré que son téléphone avait été infecté par le logiciel espion Predator développé par Cytrox et vendu en Grèce au gouvernement par Intellexa.

L’allégation du journaliste est intervenue alors que l’Union européenne (UE) commençait à emboîter le pas aux USA en se montrant plus sévère à l’égard des marchands de logiciels espions et de l’utilisation de puissants logiciels de surveillance.

Les tentatives de Haaretz pour joindre des représentants de Cytrox et d’Intellexa n’ont pas abouti.

08/07/2023

OMER BENJAKOB
Les chasseurs de têtes et l’argent US recrutent à prix d’or des pirates israéliens pour la cyberguerre

Omer Benjakob est journaliste spécialisé dans la désinformation et la cybernétique pour Haaretz. Il a fait partie du consortium de journalisme d'investigation Project Pegasus et s'intéresse à l'intersection entre la technologie et la politique. Il écrit également sur Wikipédia. Benjakob est né à New York et a grandi à Tel Aviv. Il est titulaire d'une licence en sciences politiques et en philosophie, a obtenu une maîtrise en philosophie des sciences et est chargé de recherche au Learning Planet Institute à Paris. @omerbenj

 

Defense Prime, qui a recruté au moins quatre pirates informatiques israéliens, n’est que le dernier exemple en date des entreprises usaméricaines et européennes qui se lancent dans le cyberjeu offensif, alors qu’Israël met au pas le groupe NSO et ses semblables


L’offre d’emploi a été publiée il y a environ deux mois en hébreu sur la page LinkedIn du principal chasseur de têtes de hackers israéliens. Le poste : chercheur senior en vulnérabilités - terme industriel désignant un pirate informatique capable de trouver des failles dans les mécanismes de défense de différents systèmes technologiques. Lieu : Espagne. Employeur : Une nouvelle “startup israélo-américaine” qui opère actuellement “sous les radars”, comme l’indique l’annonce.

Le salaire, Haaretz l’a confirmé, est le double de celui versé par les entreprises israéliennes actives sur le marché déjà lucratif de la cybernétique offensive. Les candidats qui obtiennent le poste bénéficient également d’un déménagement entièrement financé pour eux et leur famille d’Israël à Barcelone.

L’annonce ne mentionne aucun nom, mais Haaretz peut confirmer que l’entreprise qui se cache derrière est Defense Prime, une nouvelle cyber-entreprise fondée par des Israéliens expatriés aux USA. Elle est enregistrée aux USA et ses opérations naissantes sont menées dans le cadre de la législation et de la réglementation usaméricaines - tout en essayant d’inciter les Israéliens à abandonner leur travail dans des entreprises telles que NSO et à choisir de travailler aux USA, ou du moins avec les USA.

Haaretz a appris qu’au cours des derniers mois, au moins quatre pirates informatiques chevronnés ont quitté leur emploi en Israël, dans des entreprises appartenant à des Israéliens ou même dans l’establishment de la défense israélienne pour rejoindre la nouvelle entreprise. Deux de ces chercheurs chevronnés ont en fait quitté deux entreprises locales de cyber-armes, qui ont également perdu un expert en sécurité des opérations qui a récemment rejoint Defense Prime. L’un des autres pirates informatiques chevronnés vient d’une entreprise israélienne de Singapour, et un autre a été recruté au sein d’un organisme de défense israélien. Selon l’une des nombreuses sources qui ont parlé à Haaretz pour cet article, le chercheur était considéré comme un grand talent et son départ vers la nouvelle entreprise est considéré comme un coup dur potentiel pour les capacités cybernétiques de l’État israélien.

Il ne s’agit pas seulement de talents : selon des sources, l’entreprise a également discuté de la possibilité d’acheter des actifs de Quadream, une entreprise israélienne de cyberoffensive qui a récemment fermé ses portes. Il s’agit de la dernière d’une série d’entreprises similaires qui ont cessé leurs activités après la crise dans ce domaine controversé, aujourd’hui au cœur d’une crise entre Israël et les USA, et leurs institutions de défense respectives. Contrairement à l’embauche de pirates informatiques, la vente de toute technologie provenant d’une entreprise comme Qaudream, spécialisée dans le piratage des iPhones, nécessite l’autorisation du ministère israélien de la défense.


L’école militaire de formation à la cyberguerre Ashalim, située au CyberSpark de Beer Sheva (inauguré en 2014), forme de 500 à 600 cyberguerriers par an, destinés à l’exercice de tâches dans tous les secteurs de l’armée israélienne et dans le secteur privé en Israël et dans le monde. Ce cyber-campus a servi de modèle au Cyber Campus de La Défense à Paris, voulu par Emmanuel Macron et inauguré en 2022


Crise des logiciels espions

Il n’est pas le seul : au cours des deux dernières années, depuis que la crise entre Israël et les USA a éclaté à la suite d’une série de révélations concernant l’utilisation abusive du logiciel espion Pegasus de NSO, des dizaines de pirates informatiques israéliens et d’autres personnes employées dans le domaine de la cybernétique offensive ont quitté le pays pour travailler à l’étranger. Certains sont partis travailler pour d’autres Israéliens qui opéraient déjà en dehors du pays et de ses mécanismes de contrôle. D’autres rejoignent des entreprises étrangères basées en Europe ou aux USA - des entreprises qui, selon certaines sources, bénéficient également du soutien de leurs services de renseignement locaux non israéliens. Elles notent l’augmentation du nombre de sociétés italiennes et espagnoles en particulier, mais il s’agit surtout de sociétés soutenues par l’establishment de la défense et la communauté du renseignement usaméricains.

Defense Prime n’est que la plus récente et la plus bruyante de ce que les sources disent être une nouvelle génération de cyber-entreprises non-israéliennes actuellement en pleine ascension et prenant une part du talent et de la part de marché de leurs concurrents israéliens. Selon des sources et une enquête menée par Haaretz, l’entreprise rejoint une liste croissante d’entreprises nouvelles ou existantes qui ont considérablement développé leurs activités au cours des deux dernières années, parallèlement aux tentatives visant à contrôler l’industrie cybernétique israélienne et à mettre un terme à la prolifération des logiciels d’espionnage commerciaux.

En Europe, des sources indiquent que des entreprises existantes comme Memento Labs ou Data Flow en Italie, Interrupt Labs au Royaume-Uni et Varistone en Espagne se sont développées au cours des 18 derniers mois, également avec l’aide de talents israéliens. Il existe également de nouvelles entreprises, en particulier aux USA, qui sont apparues parallèlement à la pression exercée par les USA sur Israël dans le sillage de l’affaire du NSO.

Eqlipse, très présent sur les médias sociaux, ne rate pas une occasion de faire sa pub : concerts, marathons, célébrations patriotiques en tous genres


Eqlipse Technologies, par exemple, a été créée l’année dernière pour offrir ce qu’elle appelle des capacités de cyberveille et de renseignement d’origine électromagnétique (“SIGINT”) à spectre complet pour des “clients clés en matière de sécurité nationale au sein du ministère de la défense et de la communauté du renseignement”, selon un communiqué de presse d’Arlington Capital, qui soutient l’entreprise. L’expression “spectre cybernétique complet” est un euphémisme utilisé dans l’industrie pour désigner les capacités défensives et offensives. Malgré son jeune âge, Eqlipse emploie déjà plus de 600 personnes et réalise un chiffre d’affaires annuel de 200 millions de dollars.

Une autre entreprise, Siege Technologies, également usaméricaine, a été créée en 2019 mais a intensifié ses activités au cours des deux dernières années. Elle se concentre exclusivement sur « la fourniture de capacités cybernétiques offensives et défensives essentielles au gouvernement américain », selon son site web.

Selon certaines sources, ces entreprises et leurs annonces publiques - rares dans le monde secret du renseignement cybernétique - s’inscrivent dans une tendance plus large : Les entreprises et les invesisseurs usaméricains pensent que, parallèlement à la critique publique de la cyber-offensive, l’establishment de la défense usaméricaine et la Maison Blanche sont intéressés par le développement de leur propre industrie - et sont prêts à payer pour cela.

Le chouchou de Netanyahou

Le marché cybernétique offensif d’Israël, qui était autrefois la coqueluche du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de l’establishment de la défense israélienne, traverse la pire crise qu’il ait connue depuis sa création, d’après certaines sources.

Après des années de “cyber-diplomatie” - une politique menée par Netanyahou dans le cadre de laquelle Israël utilise la vente de cyber-armes pour réchauffer les relations diplomatiques avec des pays qui lui sont historiquement hostiles - Israël a fait volte-face. Selon certaines sources, il est loin le temps où le ministère de la Défense autorisait la vente de logiciels espions de qualité militaire à des pays comme le Rwanda ou l’Arabie saoudite.

La raison : l’enquête Projet Pegasus, à laquelle Haaretz a également participé, a révélé l’utilisation abusive du logiciel espion par les États clients de NSO dans le monde entier, ainsi que la révélation que l’Ouganda a utilisé le logiciel espion pour pirater les téléphones des fonctionnaires du département d’État usaméricain en Afrique. Cette dernière affaire a provoqué une crise diplomatique entre Washington et Jérusalem, la Maison Blanche exhortant Israël à restreindre ses cyber-entreprises. La décision d’ajouter NSO et Candiru, une autre cyber-entreprise israélienne, à une liste noire du ministère usaméricain du commerce a indiqué à Israël que les USAméricains étaient sérieux.

Israël a réagi en inversant sa politique. Il a communiqué aux médias une liste tronquée des pays auxquels les entreprises de cybernétique peuvent désormais vendre leurs produits, liste qui ne comprend pratiquement plus que des États occidentaux.

Selon certaines sources, toutes les petites entreprises qui se sont développées dans l’ombre de NSO et qui vendaient des logiciels espions à des pays non occidentaux ont perdu leur capacité à faire des affaires presque du jour au lendemain. Au cours des 18 derniers mois, la plupart des entreprises n’ont pas pu obtenir de licence pour conclure ne serait-ce qu’un seul nouveau contrat ; dans certains cas, les contrats existants ont également été annulés.

En réaction, de plus en plus d’entreprises ont commencé à fermer leurs portes ou à se retirer du marché offensif, se concentrant plutôt sur des formes moins intrusives de surveillance “passive”, qui ne sont pas réglementées de manière aussi stricte. Cognyte a par exemple fermé Ace Labs, sa filiale spécialisée dans le piratage téléphonique. Bien que les leaders du marché, NSO et Paragon - qui se concentre presque exclusivement sur les marchés occidentaux et a réussi à garder sa réputation intacte - poursuivent leurs activités, ils sont également en difficulté. D’autres, comme Nemesis, Wintego, Kela, Magen et Quadream, ont complètement cessé leurs activités, selon certaines sources, ou ont au moins déclaré qu’elles les avaient arrêtées et transférées à l’étranger ou qu’elles les avaient rebaptisées.

Des sources industrielles de haut niveau ont passé l’année dernière à avertir que la nouvelle politique israélienne d’apaisement avec les USAméricains se retournerait contre eux. Elles affirment que la perte de talents et les dommages causés à l’industrie nuiront également à l’establishment de la défense israélienne et pourraient même faire perdre à Israël son avantage dans le cyberespace militaire. Sans la capacité de retenir les meilleurs talents en Israël, ces pirates ne seront plus disponibles pour servir dans des unités comme la 8200 - où ceux qui travaillent à l’étranger ne peuvent pas toujours revenir pour le service de réserve en raison de préoccupations liées au secret.

« Lorsque ces personnes travaillent à l’étranger, elles ne sont pas seulement en dehors de l’écosystème israélien, mais aussi dans un nouvel écosystème, et ces pays en profitent », explique une source industrielle. « Cela ne fait pas qu’affaiblir Israël, cela rend aussi les Européens et les Américains - et qui sait d’autres - plus forts ».

Selon des sources industrielles, la pression usaméricaine sur Israël n’est pas seulement le résultat de préoccupations en matière de droits humains, mais fait également partie de ce qu’elles considèrent comme une politique plus large visant à affaiblir l’industrie cybernétique d’Israël et à renforcer celle des USA à ses dépens. À titre d’exemple, ils citent la tentative de L3Harris, un géant usaméricain de la défense technologique, d’acheter NSO après qu’il a été placé sur la liste noire. L’opération n’a pas abouti en raison des objections des responsables israéliens, mais elle a bénéficié du soutien de l’establishment usaméricain de la défense et devait permettre à NSO d’être retiré de la liste noire, a-t-on laissé entendre à l’époque.

Des rapports ont également révélé que les organismes de défense usaméricains avaient eux-mêmes acheté une version de Pegasus, allant jusqu’à l’offrir à Djibouti dans le cadre du soutien US à ce pays. Le décret de la Maison Blanche interdisant aux organismes usaméricains d’utiliser des logiciels espions tels que Pegasus, ont noté les experts à l’époque, était formulé de manière à permettre aux USA de continuer à produire, à vendre et même à utiliser ces technologies eux-mêmes.

Complexe militaro-industriel cybernétique

En fait, L3Harris fait partie d’une poignée d’entreprises de défense usaméricaines qui disposent de leurs propres unités cybernétiques offensives, et des sources affirment qu’il s’agit là de la véritable toile de fond de la montée en puissance d’entreprises telles que Defense Prime.

Les origines de Defense Prime remontent à un fonds de capital-risque usaméricain et aux deux entrepreneurs israéliens - dont l’un est un ancien de l’appareil de défense israélien. Le fonds lui-même n’est pas lié à la nouvelle entreprise, mais cette dernière est née d’une tentative antérieure du fonds d’entrer sur le marché de la cybernétique, avec le soutien d’une liste de hauts responsables des services de renseignement et de la défense. Ces derniers allaient de l’ancien chef de la National Security Agency, Keith Alexander, un général quatre étoiles à la retraite, à des responsables de l’unité de renseignement militaire israélienne 8200 et du Mossad, ainsi que des services de renseignement allemands. Comme indiqué, le fonds n’est pas impliqué dans la nouvelle entreprise, et on ne sait pas combien de ces fonctionnaires, s’il y en a, ont quitté la société de capital-risque et se sont impliqués dans le projet.

Dans le même temps, des entreprises telles que L3Harris et Raytheon, comme l’a constaté Haaretz, recrutent activement pour des postes aux capacités clairement offensives. Qu’il s’agisse de “chercheurs en exploitation de failles” ou d’experts en recherche ou en criminalistique sur iOs ou Android, les travailleurs sont recherchés par les entreprises de défense usaméricaines, qui ont toutes deux conclu des contrats avec des organismes officiels US pour différentes formes de cybercriminalité. Il en va de même pour General Dynamics, l’une des cinq plus grandes entreprises de défense usaméricaines.

CACI, une autre entreprise usaméricaine spécialisée dans la sécurité intérieure et les drones, se targue également de “capacités cybernétiques offensives contre les plateformes adverses”. L’entreprise est actuellement à la recherche d’une personne ayant des compétences en « criminalistique informatique / criminalistique d’appareils mobiles... analyse et méthodologies d’intrusion par rétro-ingénierie, analyse des renseignements et évaluation des vulnérabilités ». Leidos et une autre société appelée ManTech sont également de plus en plus actives dans ce domaine, selon des sources et des offres d’emploi. Ensemble, ces entreprises permettent à l’USAmérique de bénéficier d’une cyberindustrie militaire en plein essor.

L’entreprise italienne Data Flow est un bon exemple de cette tendance. Elle s’occupe directement des exploitations de failles (et non des logiciels espions) et a récemment décidé d’ouvrir une boutique aux USA, signe de la nouvelle centralité du marché usaméricain. L’entreprise, qui, selon son site ouèbe, recrute actuellement un chercheur en exploitation de failles pour iPhone et Android, compte également un Israélien senior qui a quitté un poste similaire dans une entreprise israélienne l’année dernière.

Ce n’est pas la première fois que de grosses sommes d’argent tentent d’attirer les talents israéliens. Toutefois, selon certaines sources, lorsque la société Dark Matter, soutenue par les Émirats arabes unis, a tenté d’attirer des pirates informatiques israéliens et usaméricains en leur offrant des salaires mirobolants (jusqu’à 1 million de dollars par an, selon les rumeurs), les établissements de défense usaméricains et israéliens ont pu tirer la sonnette d’alarme. Lorsque des entreprises usaméricaines et européennes font de même, Israël est impuissant. En effet, pendant des années, Israël a évité d’appliquer ses lois sur les exportations de défense aux personnes et aux capacités techniques, se contentant de réglementer la vente de technologies défensives ou militaires.

« Nous ne sommes pas en Corée du Nord, vous ne pouvez pas dire aux gens où ils doivent vivre et avec qui ils doivent travailler », déclare un haut fonctionnaire du secteur qui a perdu du personnel au cours des derniers mois. « Si quelqu’un préfère vivre et travailler à Washington ou en Espagne, c’est son droit ».

Les sources des différentes entreprises indiquent qu’avec la crise - et le climat politique en Israël qui pousse de nombreux Israéliens à envisager de quitter le pays - elles ont du mal à retenir les talents. Outre la menace usaméricaine, elles notent également que les entreprises israéliennes qui opèrent depuis longtemps en dehors d’Israël en récoltent également les fruits, et pas seulement en termes de talents.

À titre d’exemple, ils citent la société Intellexa, détenue et dirigée par deux anciens hauts responsables des services de renseignement israéliens, qui a été impliquée dans une série de controverses au cours de l’année écoulée. Elle a remporté un certain nombre de contrats lucratifs que des entreprises israéliennes ont été contraintes de refuser pour des raisons de réglementation et de respect des droits humains. Ils notent également l’existence de deux nouvelles cyber-entreprises à Singapour, liées à Rami Ben Efraim, ancien haut commandant de l’armée de l’air israélienne, qui a été attaché militaire dans ce pays d’Asie du Sud-Est et qui travaille désormais dans le secteur privé.

« Israël et les entreprises israéliennes ont toujours pu concurrencer celles qui essayaient d’opérer dans le dos du ministère israélien de la Défense et en dehors de son champ de compétence réglementaire », a déclaré une source. « Mais c’était à l’époque où l’industrie locale était vivante et dynamique, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui ».

Defense Prime et le ministère de la Défense israélien, sollicités, n’ont pas répondu à cet article.


Seth - Hacker Rat, par TheLivingShadow