Le 11 mai 1943, désespéré par la passivité des Alliés face à l’extermination des Juifs en Pologne, le socialiste polonais juif Shmuel Zygielbojm, représentant du Bund au parlement polonais en exil, se donne la mort à Londres.
Nathan Weinstock, avocat et enseignant belge, traducteur de
yiddish, a reconstitué l’histoire tragique de
Shmuel Zygielbojm dans une série de documents publiés en 1996 et
1997, que nous avons regroupés pour les rendre accessibles aux jeunes (et moins
jeunes) générations qui assistent avec effroi et colère à la réédition de
l’annihilation du Ghetto de Varsovie et de l’exterminations des Juifs de
Pologne qui se déroule sous les yeux du monde à Gaza et dans le reste de la
Palestine occupée, commis par ceux qui se prétendent les héritiers des victimes
du nazisme tout en utilisant ses méthodes, et que nous appellerons les sionihilistes.
Le prix de vente de cet e-book est de 11,80€, dont 4€ iront au Croissant
rouge palestinien et 4€ à la Maison de la culture yiddish à Paris
Shmuel Zygielbojm était né dans une famille ouvrière en 1895 à
Borowica, dans la voïvodie de Lublin, à 250 km au sud-est de Varsovie), en
1895. Élu en 1924 au comité central du Bund, Union générale des travailleurs
juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie (Algemeyner
Yidisher Arbeter Bund in Lite, Poyln un Rusland), un parti
socialiste créé en 1897, il parvient à fuir la Pologne en traversant
clandestinement l’Allemagne nazie en janvier 1940. De Belgique, il fuit en
France après l’occupation puis arrive à New York. En mars 1942, il va à
Londres, où il devient membre du Conseil national, le parlement polonais en
exil. Comme à New York, tous ses efforts pour mobiliser les Alliés contre
l’extermination en cours des Juifs en Pologne s’avèrent inutiles : le 11
mai 1943, il se donne la mort.
Dans une lettre au président et au Premier ministre polonais en exil, il écrivait :
La responsabilité du crime d’extermination totale des populations juives de Pologne incombe en premier lieu aux fauteurs du massacre, mais elle pèse indirectement sur l’humanité entière, sur les peuples et les gouvernements des nations alliées qui n’ont, jusqu’ici, entrepris aucune action concrète pour arrêter ce crime ; Je ne peux ni me taire ni vivre lorsque les derniers vestiges du peuple juif, que je représente, sont tués. Mes camarades du ghetto de Varsovie sont tombés les armes à la main, dans leur dernière lutte héroïque. Je n'ai pas eu la chance de mourir comme eux, avec eux. Mais ma place est avec eux, dans leurs fosses communes. Par ma mort, je souhaite exprimer ma plus profonde protestation contre l'inaction avec laquelle le monde observe et permet la destruction du peuple juif. Je suis conscient du peu de valeur de la vie humaine, surtout aujourd'hui. Mais puisque je n'ai pas pu y parvenir de mon vivant, peut-être que ma mort sortira de leur léthargie ceux qui peuvent et qui doivent agir maintenant, afin de sauver, au dernier moment possible, cette poignée de Juifs polonais qui sont encore en vie.
*
« ... Zygielbojm était accablé par l'immense
responsabilité que son organisation lui avait fait endosser et souffrait le
martyr en raison de l'inaction du monde libre à une époque où une réaction
immédiate était impérieuse. Il se trouvait en proie aux mêmes sentiments
tragiques que ceux que nous avons éprouvés au cours de la révolte
des 63 jours à Varsovie,
« Lorsque le ghetto s'est insurgé, les
derniers espoirs de Zygielbojm se sont évanouis avec les flammes qui ont
consumé le "quartier juif". Zygielbojm m'a dit que les leaders juifs devraient aller à Downing Street et
se suicider ensemble devant la résidence du Premier ministre britannique pour
attirer l'attention du monde sur la destruction des Juifs polonais. Il émettait
cette idée de manière tout à fait sérieuse, mais il s'est rapidement rendu
compte qu'il serait resté seul. Alors il a limité le projet à son propre
suicide. Il m'en a parlé. J'ai tenté de le calmer et de le convaincre que même
si les Juifs de Pologne étaient détruits par les assassins nazis, il n'en
subsisterait pas moins un mouvement des travailleurs polonais (le PPS). Je lui
ai dit : "Vous y aurez une place ; vous serez plus qu'un
camarade, vous serez un frère !".
"Oui, je le sais.”, déclara Zygielbojm,
"mais ce ne sera pas la même chose". J'ai tenté ensuite de le
convaincre qu'il existait encore un mouvement ouvrier juif en Amérique qui
était proche du Bund et qu'il y trouverait sa place. "Oui, je le sais”,
répondit à nouveau Zygielbojm, "mais ce ne serait pas la même chose".
Il pouvait uniquement imaginer sa vie en Pologne, parmi les travailleurs juifs
de Pologne : c'était un Juif, mais un Juif polonais. La Pologne était sa
patrie. Il ne voulait pas vivre à l'extérieur de la Pologne, en dehors de son
milieu juif polonais et des luttes et des espoirs du Bund. »
Adam Ciolkosz, leader du Parti Socialiste
Polonais, 1963