Gideon
Levy, Haaretz,
22/6/2022
Traduit
par Fausto
Giudice, Tlaxcala
On pourrait raconter une histoire différente. L'histoire d'un homme politique qui n'abandonne pas et ne se rend pas, alors que n'importe qui d'autre à sa place aurait abandonné depuis longtemps ; un homme politique dont la peau est plus épaisse que celle d'un éléphant, qui a subi et subit encore une série d'humiliations, de condamnations, de discours alarmistes, d’appels à la haine que peu de gens ont connus, y compris une bataille juridique bâclée dont la conclusion n'est toujours pas claire.
On pourrait raconter l'histoire d'un homme politique qui n'a pas craqué, malgré tout ce qu'il a traversé ; cela susciterait une immense admiration dans un contexte différent. On pourrait également raconter l'histoire d'un homme qui protège sa famille, qui soutient sa femme contre vents et marées et qui paie un prix public élevé pour cela, ce qui susciterait également l'admiration dans un contexte différent.
On pourrait parler d'un homme politique qui est aimé par un grand pourcentage d'Israéliens, que cela nous plaise ou non. On pourrait parler du camp de ses ennemis, qui est creux, rempli uniquement de sa haine pour lui. On pourrait dire que le gouvernement qui a remplacé le sien ne lui était en rien supérieur, sauf en matière de politesse et de bonnes manières.
En Israël, quiconque est impressionné par la politesse et les manières, et uniquement par elles, est également considéré comme éclairé et libéral. On pourrait parler d'un homme politique qui, en dépit de toutes ces choses, reçoit une majorité décisive dans chaque sondage sur l'aptitude à occuper le poste de premier ministre.
L'étonnante histoire de Benjamin Netanyahou peut également être racontée de cette façon. Mais celui qui raconte l'histoire différemment de ce qui est habituel est, bien sûr, un bibiiste qui est voué au pilori dans le camp de la lumière, l'opposé du camp des ténèbres. La seule lumière est celle de quiconque s'oppose à Netanyahou.
En quoi Netanyahou est-il plus sombre que ses rivaux ? En quoi ses rivaux sont-ils plus éclairés que lui ? En Israël, il n'y a plus besoin d'expliquer. Il suffit de dire Netanyahou, Ben-Gvir et Smotrich. Ce triumvirat va détruire la démocratie israélienne. L'un des régimes les plus éclairés en matière de liberté et d'égalité, deuxième après la démocratie en Islande, est sur le point d'être détruit à cause des trois ténors.
Bezalel Smotrich, d'ailleurs, était déjà ministre, et je ne me souviens pas que le ciel nous soit tombé sur la tête. Mais attendez Itamar Ben-Gvir au ministère de la Sécurité intérieure. Il ordonnera déjà à la police de donner des coups de pied aux porteurs du cercueil d'une grande journaliste palestinienne, qui a apparemment été tuée par des soldats de Tsahal. Il ordonnera déjà à la police d'attaquer les Palestiniens de Jérusalem et enverra la police des frontières tuer les travailleurs arabes qui osent toucher la barrière qui les emprisonne. Lorsque tout cela se produira, à cause de Netanyahou, bien sûr, la démocratie israélienne sera définitivement détruite. C'est l'histoire que les Israéliens éclairés se racontent.
Maintenant, tout cela va revenir, et avec encore plus de force. Israël n'est divisé que sur une seule chose : entre ceux qui veulent une direction qui leur adoucisse la tyrannie totalitaire dans les territoires occupés, et ceux qui la présentent telle qu’elle est, mauvaise et criminelle.
Avec Netanyahou et Ben-Gvir, nous ne nous sentirons pas bien dans notre peau. Avec Yair Lapid et Omer Bar-Lev, oh, comme nous sommes beaux. Maintenant, tout cela n'est plus théorique et n'est plus un rêve. Nous avons déjà essayé le gouvernement de la lumière qui a régné ici pendant un an. Ses membres mangeaient la bouche fermée et parlaient gentiment ; Miri Regev, David Biton et David Amsalem disparaissaient de l'écran de télévision, comme c'est bien, mais après leur remplacement par Merav Michaeli, Nitzan Horowitz et Mansour Abbas, membres du gouvernement de rêve, les crimes se sont accumulés encore plus qu'avant leur arrivée.
Il n'y a jamais eu de pogroms aussi fréquents ici par les colons, sans que personne ne les arrête ou n'essaie de protéger leurs victimes. Jamais les soldats de Tsahal n'ont tué aussi facilement que sous ce gouvernement du changement. Et ils nous font peur avec Netanyahou. Il va détruire le système judiciaire.
Lequel exactement ? Celui qui est devenu depuis longtemps un méprisable chèque en blanc pour l'occupation ? Qui a besoin d'un système judiciaire indépendant, si sur la question la plus cruciale pour le caractère légal du pays, c'est un système honteux de collaborateurs ? Nous pourrions continuer à dire qu'Israël deviendra antidémocratique si Netanyahou est élu. Cela aide beaucoup de croire que sans lui, Israël, l'occupant et le tyran, est une démocratie. Et c'est tout ce que le camp des détracteurs de Bibi veut ressentir.