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20/04/2023

ABDEL BARI ATWAN
La guerre par procuration au Soudan

Abdel Bari Atwan, Rai Al Youm, 18/4/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Une nouvelle calamité montée de toutes pièces par les USA et Israël avec la complicité des régimes arabes

Dagalo, à g., et Al Burhan

Alors que la guerre au Yémen s’achève ou commence à s’achever, une nouvelle guerre est déclenchée au Soudan. Ces deux conflits, qui se déroulent de part et d’autre de la mer Rouge, ont en commun d’être en grande partie des guerres par procuration, dans lesquelles l’intervention extérieure (en particulier celle des pétromonarchies du Golfe) joue un rôle majeur.

C’est vers l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis que le secrétaire d’État usaméricain Anthony Blinken s’est tourné pour les exhorter à redoubler d’efforts afin de rétablir le calme et de mettre un terme à la guerre qui a éclaté samedi entre les deux grands alliés : Le général Abdelfattah Al Burhan et son adjoint le général Mohamed Hamdan Dagalo (alias Hemedti, “Petit Mohamed”). Ce dernier a atteint son grade élevé sans avoir fréquenté aucune académie militaire ou civile, mais grâce à sa direction des Forces de soutien rapide (FSR, milice), fortes de 100 000 hommes - notoirement connues pour leurs meurtres et leur répression (au Darfour) - et à l’acquisition de vastes quantités d’or volé.


Tjeerd Royaards

Plusieurs indices ont mis en évidence les allégeances des parties qui se battent pour le pouvoir au Soudan et l’identité de leurs soutiens extérieurs.

Tout d’abord, l’attaque par les FSR du personnel égyptien stationné à la base militaire de Merowe, dont beaucoup ont été capturés, implique que l’Égypte est accusée de soutenir Burhan et l’armée régulière qu’il commande.

Deuxièmement, les liens étroits entre Hemedti, qui contrôle le commerce de l’or et les mines du Soudan, et le groupe russe Wagner. Les USA ont fait pression sur Burhan pour qu’il expulse le groupe au motif qu’il est un partenaire dans l’extraction et la vente de cet or et qu’il utilise les recettes pour financer la guerre de la Russie en Ukraine, qu’il est le fer de lance de l’influence russe en Afrique et qu’il prépare le terrain pour l’établissement d’une base militaire russe au Soudan.

Direction les Émirats - Omar Dafalla
 
Troisièmement, les Émirats arabes unis sont devenus le plus gros investisseur extérieur au Soudan. Il y a quelques jours, ils ont acheté pour 1,5 milliard de dollars d’or soudanais, que Hemedti contrôle, ainsi que des millions d’hectares de terres agricoles. Les deux parties sont manifestement très proches. Le FSR de Hemedti a combattu aux côtés des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite dans la guerre au Yémen, en y envoyant des milliers de ses combattants.

Quatrièmement, la position saoudienne reste floue et hésite entre les deux parties. Le fait que les liens de l’Arabie saoudite soient tendus avec l’Égypte et les Émirats arabes unis, qui sont les principaux soutiens des deux camps rivaux, complique la situation. Les Émirats arabes unis ont envoyé un conseiller présidentiel, plutôt que leur ministre des Affaires étrangères, à la récente conférence ministérielle de Djeddah sur la Syrie, convoquée par le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salman. Les relations avec l’Égypte ne sont pas non plus au beau fixe. Le président Abdelfattah Al Sissi n’a pas réussi, lors de sa brève visite de Ramadan à Djeddah, à obtenir le paquet rapide d’aide financière qu’il recherchait. Faisant preuve d’une neutralité affichée, l’Arabie saoudite a exhorté Hemedti et Burhan à se rencontrer à Riyad pour négocier la fin de leur guerre.



Hemedti (le serpent) face à Burhan avec son projet de "Damj" (la fusion des FSR dans l'armée officielle) -Omar Dafalla

Sur le papier, l’armée régulière soudanaise se classe au 75e rang mondial, avec 205 000 hommes, 191 avions de guerre (vieillissants) et 170 chars d’assaut. En théorie, cela signifie qu’elle a le dessus et qu’elle a plus de chances de vaincre les forces rebelles de Hemedti. Mais cela est loin d’être acquis, compte tenu de l’intervention extérieure croissante.

Cette guerre ne peut se terminer que si l’une des parties bat et écrase l’autre, et non par une médiation ou des appels éloquents à un arrêt immédiat. Tout indique qu’elle pourrait se prolonger et se transformer en une guerre civile ou interrégionale qui entraînerait une anarchie armée dans le pays.

Si la guerre du Yémen, qui devait être réglée en trois mois, a duré huit ans, et la guerre civile libanaise quinze ans, combien de temps pourrait durer une guerre civile soudanaise si elle était déclenchée ?

Ce serait une perspective terrible. Les combats ont déjà fait 200 morts et des centaines de blessés, dont de nombreux civils. Il faut espérer qu’un cessez-le-feu sera rapidement conclu*. Mais l’inquiétude et le pessimisme sont justifiés par l’ingérence des acteurs extérieurs qui ont contribué à déclencher cette guerre et qui continuent à jeter de l’huile sur le feu, ainsi que par l’aggravation des querelles entre eux.

Le seul point positif parmi les rapports contradictoires sur le déroulement de la guerre est que le bon peuple soudanais ne soutient aucun des deux camps. Ils les tiennent tous deux pour responsables de l’effondrement économique, de l’insécurité, de la faim croissante (un tiers des Soudanais se trouvent sous le seuil de la faim selon le Programme alimentaire mondial) et, surtout, de l’échec de l’accord visant à transférer le pouvoir aux groupes civils qui ont mené à bien la révolution contre le régime militaire et ses coups d’État en série.

Le Soudan est victime d’une grande machination qui peut déboucher sur n’importe quelle issue, y compris la partition ou la guerre civile. L’establishment militaire est sans conteste le principal responsable de cette calamité. Les luttes de pouvoir entre les généraux et les commandants sont motivées par des raisons purement égoïstes, sans tenir compte de l’unité territoriale du pays ni des intérêts et du bien-être de sa population.


La "tatbia" (normalisation des relations avec Israël) - Omar Dafalla

C’est ce qui résulte de la normalisation et de la grande escroquerie usaméricaine qui a promis au peuple soudanais la prospérité et la générosité si Burhan serrait la main de Benjamin Netanyahou et si Hemedti se prosternait devant Tel-Aviv et considérait Israël comme un État ami qui résoudra tous les problèmes du Soudan.

En bref, nous assistons à un nouveau désastre majeur concocté par les USA et Israël avec la complicité, volontaire ou involontaire, des régimes arabes.

 NdT

*Un cessez-le-feu humanitaire de 24 heures du 19 au 20 avril, conclu sous les auspices du Triple Mécanisme (ONU-UA-IGAD) n'a tenu que quelques heures. Antonio Guterres vient d'appeler les parties au conflit à un cessez-le-feu de 3 jours à l'occasion de l'Aïd El Fitr.

18/10/2022

CAITLIN JOHNSTONE
Ukraine : une guerre hollywoodienne

 Caitlin Johnstone, 10/10/2022
Traduit par
lecridespeuples.fr

Caitlin Johnstone (1974) est une Australienne avec une licence de journalisme qui se définit comme « journaliste voyoute, socialiste bogan [plouc/beauf en argot australien et néo-zélandais], anarcho-psychonaute, poétesse guérillera, préposée à l'utopie ». Mère de deux enfants, elle publie sur divers supports des articles, écrits à partir de conversations avec son mari Tim Foley. @caitoz

Une guerre par procuration bonne et juste n’aurait pas besoin d’une communication aussi caricaturale

La mégastar de Star Wars, Mark Hamill, a récemment été nommé ambassadeur de United24, la plateforme de collecte de fonds du gouvernement ukrainien, où, selon le Times, son attention sera centrée sur « l’acquisition, la réparation et le remplacement des drones ainsi que la formation des pilotes. »


D’après le Times :

« Dans ce combat long et inégal, l’Ukraine a besoin d’un soutien supplémentaire continu. C’est pourquoi j’ai été honoré que le Président Zelensky me demande de devenir ambassadeur de l’Armée des drones », a déclaré dans un communiqué M. Hamill, qui jouait Luke Skywalker. « Je sais avec certitude que les Ukrainiens ont besoin de drones pour protéger leur terre, leur liberté et les valeurs de l’ensemble du monde démocratique. C’est maintenant le meilleur moment pour que tout le monde s’unisse et aide l’Ukraine à se dresser dans cette guerre contre l’empire du mal. »

Dans une déclaration remerciant Hamill pour son soutien, Zelensky a déclaré : « La lumière vaincra les ténèbres. J’y crois, notre peuple y croit. Merci d’avoir accepté cette mission difficile d’être le premier ambassadeur à aider l’Ukraine à collecter des fonds pour l’Armée des drones afin de soutenir nos défenseurs. C’est vraiment important ! »

Hamill, 71 ans, fait partie d’une liste croissante de célébrités qui ont apporté leur soutien à United24, que Zelensky a lancé en mai. Le site Web aurait recueilli près de 188 millions de dollars de dons, dont une récente contribution de 5 millions de dollars de la Fondation Pfizer pour répondre aux besoins médicaux de l’Ukraine.

La semaine dernière, l’actrice Barbra Streisand a annoncé qu’elle serait également ambassadrice, saluant la « capacité et le courage » du peuple ukrainien comme une « inspiration pour tous ceux qui, dans le monde entier, promeuvent la démocratie et combattent l’autoritarisme ».

Donc, si vous pensiez que cette guerre par procuration ne pouvait pas être plus « Disneyfiée », vous aviez tort.

Hamill a célébré son nouveau poste en tweetant une illustration montrant un vaisseau spatial Star Wars portant les couleurs du drapeau ukrainien, que l’acteur a légendé en polonais parce que Hollywood est un poison pour le cerveau.

Parmi les autres manigances récentes de Twitter concernant cette guerre par procuration, on peut citer le compte du gouvernement ukrainien qui parle à son compte « Crimée » dans l’imitation la plus crasse de tweets de marques virales que l’on puisse imaginer.

Le compte ukrainien a tweeté « hey @Crimea quoi d’neuf ? » en minuscules, comme le font les jeunes cool.

« @Ukraine je me libère de mes chaînes, je suis sur le chemin du retour à la maison », a répondu le compte « Crimée » tenu par le gouvernement ukrainien.

Ces deux comptes sont bien sûr gérés par la même personne, qui a été engagée spécifiquement pour sa compréhension des réseaux sociaux, des mèmes Internet et du marketing. Car il s’agit de la guerre par procuration la plus bidon et la plus intensive en relations publiques de tous les temps.

Le visage de cette guerre est après tout Volodymyr Zelensky, un acteur ukrainien bien connu, qui a obtenu le soutien de l’Occident pour cette guerre en posant pour Vogue, en faisant des apparitions vidéo pour les Grammy Awards, le Festival de Cannes, le Festival de Venise, la Bourse de New York, le Forum économique mondial et probablement aussi le groupe Bilderberg, et en rencontrant des célébrités comme Ben Stiller, Sean Penn, Bono et Edge de U2.

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