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12/03/2023

GIDEON LEVY
Sameh Aqtash était un travailleur humanitaire qui avait des amis colons. Cela ne l’a pas sauvé du pogrom

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 11/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Sameh Aqtash, travailleur humanitaire, venait de rentrer de Turquie dans son petit village de Cisjordanie après avoir organisé des transports de nourriture par camion pour les survivants du tremblement de terre. Il a été abattu au passage de colons pogromistes qui se dirigeaient vers la ville de Huwara.

Sameh Aqtash à Bursa. Photo Yeni Safak

 Voici Rim, à qui Sameh donne du lait au biberon. Dans cette vidéo familiale, on voit également une main douce et caressante qui la caresse doucement. Rim est une gazelle que Sameh Aqtash a trouvée dans la nature et qu’il a adoptée. Rim est le mot arabe qui désigne cette délicate créature, et c’est aussi le nom de la fille de Sameh, âgée de 8 mois. Aujourd’hui, il ne pourra plus s’occuper d’aucune d’entre elles : un Israélien armé - peut-être un colon, mais peut-être aussi un soldat - a abattu Sameh, 37 ans, la semaine dernière. Le mot “meurtre” est la meilleure façon de définir cet acte horrible.


Sameh donnant le biberon à un bébé gazelle. Photo : famille Aqtash

C’était la nuit où des colons se sont déchaînés dans la ville de Huwara, le 26 février, un jour après que deux colons israéliens ont été tués à proximité par des Palestiniens. Certains des membres de la foule déchaînée, empêchés de se joindre au pogrom par les barrages routiers de l’armée érigés avec un certain retard, ont décidé de déverser leur rage sur les habitants du minuscule et tranquille village voisin de Za’atara. Lorsque les villageois ont tenté de se protéger et de protéger leurs biens contre les émeutiers qui étaient sur le point d’envahir Za’atara, sous les auspices des Forces de défense israéliennes, quelqu’un a tiré sur Sameh et l’a tué.

C’était un individu singulier, un musulman pieux qui voyageait dans le monde entier et se portait volontaire pour aider les personnes dans le besoin. Quatre jours avant son assassinat, il était revenu d’un séjour de dix jours en Turquie, où il avait aidé les survivants du récent tremblement de terre. Il y a quelques années, il avait parcouru l’Asie et l’Afrique, aidant à construire des mosquées et à creuser des puits au Bangladesh et en Ouganda. Aujourd’hui, il est mort. Et sa mort risque de rester impunie.

09/03/2023

AVNER GVARYAHU
À Huwara, nous avons vu notre vrai visage

Avner Gvaryahu, Haaretz, 6/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Avner Gvaryahu est le co-directeur exécutif de Shovrim Shtika/ Breaking the Silence (Briser le silence), une ONG de vétérans de l’armée israélienne ayant servi dans les territoires occupés depuis 1967. Né de parents sionistes religieux à Rehovot, il a un diplôme en travail social de ‘l’Université de Tel-Aviv et une maîtrise en droits humains de l’Université Columbia (USA). Il a fait son service militaire de 2004 à 2007, dans les parachutistes (comme son père), comme sergent d’une unité d’opérations spéciales de snipers, principalement autour de Naplouse et de Jénine, après quoi il a rejoint Breaking the Silence, constatant que « le problème n’était pas le soldat individuel mais l’ensemble du système d’occupation ». Le groupe fasciste étudiant Im Tirtzu l’a qualifié d’“agent étranger”. @AGvaryahu FB

Il y a une semaine, quelque 400 colons sont entrés dans le village de Huwara, en Cisjordanie, ont mis le feu à des maisons avec leurs occupants à l’intérieur, ont tiré sur des journalistes et ont apparemment abattu un Palestinien de 37 ans. David Ben-Gourion a dit un jour que lorsque nous aurons un voleur juif, une prostituée juive et un meurtrier juif, nous saurons que nous avons un pays.

 Soldats et colons à ‘Huwara le lendemain du pogrom, la semaine dernière. Photo : Moti Milrod

Et voilà. Nous avons même des pogromchiks* juifs, et ils bénéficient du soutien total des députés, des ministres, des maires et des journalistes. Personne ne paie le prix - ni les auteurs, ni ceux qui les soutiennent. Avant que vous ne vous en rendiez compte, nous n’en parlerons plus. Nous parlerons d’une déclaration d’un politicien quelconque. Comment le sais-je ? Parce que c’est arrivé tant de fois auparavant.

 

Amog Cohen, désormais député de Force juive, a un passé très lourd : membre de l’unité Yoav de la police "anti-émeutes" qui terrorise les Bédouins du Néguev, il se vante ouvertement de ses méfaits, comme ci-dessous, contre la famille Al Touri, qui a porté plainte (sans suite). Il a aussi créé une milice armée pour « pour sauver le Néguev israélien », financée par une collecte organisée par le même groupe qui a recueilli des fonds pour soutenir les frais de justice de Netanyahou


Vous vous souvenez du député d’Otzma Yehudit, Almog Cohen ? Il venait à peine de déclarer que le député de Yesh Atid, Merav Ben-Ari, avait une voix de femme de ménage et qu’il fallait parler aux Arabes comme on parle à des moutons, et il a été oublié à cause de la loi interdisant les aliments au levain dans les hôpitaux pendant la Pâque. Il s’est cependant excusé. Mais seulement à Ben-Ari, parce qu’avec les Arabes, c’est le « langage qu’ils comprennent parfaitement », a-t-il dit, mais ne chipotons pas.

04/03/2023

GIDEON LEVY
Choc, rage et désespoir à Huwara au lendemain du pogrom des colons


Gideon Levy,Haaretz; 4/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Une ville verrouillée, des rues désertes, des habitants enfermés chez eux - effrayés et furieux. Des colons à l’affût dans leurs voitures, des soldats à chaque coin de rue, des bâtiments brûlés et des carcasses noircies de voitures.

 Le camion-citerne d’épuration de Youssef Damaidi, lundi à Huwara. Des morceaux de métal et de verre en tombent après chaque coup de l’enfant Photo : Moti Milrod

Lundi matin, la tête décapitée d’une vache était suspendue à un crochet à l’entrée d’une boucherie de la rue principale de Huwara. C’était la seule chose suspendue à l’extérieur de la longue rangée de magasins, tous fermés, donnant à la ville de Cisjordanie l’apparence d’être sous couvre-feu. L’armée avait en effet interdit aux Palestiniens de circuler dans les rues ou d’ouvrir leurs commerces. La présence d’une troupe de reporters et de photographes portant des gilets pare-balles, des masques à gaz et des casques, évoquait des scènes de guerre.

Mais le choc, la rage et le désespoir du lendemain matin dominaient tout dans ces rues tranquilles. Tous ces sentiments étaient palpables malgré les fenêtres à barreaux de chaque maison, à travers lesquelles des femmes et des enfants effrayés jetaient un coup d’œil. Tous ces sentiments se reflétaient sur les visages des quelques habitants qui s’aventuraient à l’extérieur pour évaluer les dégâts, et émanaient également des fçades muettes de dizaines de bâtiments calcinés et de centaines de voitures brûlées, certaines réduites à une pulpe métallique gris terne.

Lendemains d’un pogrom

Les soldats israéliens sont toujours postés sur les toits des immeubles, ces mêmes soldats qui n’ont rien fait la veille pour empêcher des centaines de colons de se déchaîner dans la ville de Huwara, située aux environs de Naplouse. Le gouverneur palestinien de cette ville était arrivé un peu plus tôt pour examiner la scène, suivi par une visite du ministre israélien de la Défense. Pour le gouverneur, il s’agissait d’une visite de courtoisie sans importance ; après tout, il est impuissant à protéger ses sujets, leurs biens ou leur dignité.


Les conséquences du saccage des colons à Hawara, cette semaine.Photo : Moti Milrod

“Ibrahim Aluminum”, ”Peace Construction Materials” et ”Naji Air Conditioners” - des panneaux en hébreu sont accrochés à l’extérieur des petites boutiques. “Des vêtements pour toute la famille, des prix incroyables”, dit un autre panneau, également en hébreu. Toutes ces enseignes sont des monuments aux anciens clients, qui peuvent revenir ou pas.

La formidable route de contournement de Huwara, actuellement en construction, sera bientôt achevée, et les colons n’auront plus besoin de traverser la ville en voiture - sauf pour perpétrer des pogroms. Huwara est une cible commode pour les colonies violentes implantées sur la montagne qui la surplombe : de temps en temps, les colons descendent, brûlent, détruisent, parfois tuent - et repartent. Les maisons situées dans la partie nord de la ville, près des routes menant aux colonies d’Itamar et de Yitzhar, sont les plus susceptibles d’être attaquées.

Dimanche dernier, des colons se sont déchaînés ici pendant cinq heures d’affilée, n’hésitant pas à vandaliser les maisons et les commerces des habitants. Lorsque l’on se trouve à Huwara le lendemain matin, il est impossible de ne pas se demander comment 400 colons ont pu prendre d’assaut la ville pendant autant d’heures sans que personne ne les arrête ou ne protège les habitants - à moins que l’armée n’ait voulu que ce saccage ait lieu. Lorsque vous êtes à Huwara le lendemain matin, il est également impossible de ne pas imaginer ce qui se serait passé si 400 Palestiniens avaient attaqué les colonies de Yitzhar, en haut de la montagne, ou de Givat Ronen, Har Bracha et Itamar, incendiant les maisons et les voitures de leurs habitants par vengeance. Après tout, le sang bouillonne aussi à Huwara, tout comme il bouillonne à Har Bracha depuis l’attaque terroriste de dimanche dernier qui a tué deux frères de cette colonie, alors qu’ils traversaient en voiture la ville palestinienne voisine.

Des soldats et des colons israéliens à Huwara cette semaine.Photo : Moti Milrod

À l’entrée de la salle d’exposition du magasin de Raad et Hadi, qui vend des pièces détachées pour véhicules de luxe, une telle voiture était exposée : Il ne restait que la coquille nue et noircie de l’Audi qui avait été incendiée, ou peut-être était-ce une Skoda.

Huwara est en fait une rue principale qui a une ville. L’autoroute 60 la traverse sur toute sa longueur, comme elle traverse toute la Cisjordanie. Mais ce n’est qu’ici que cette artère principale passe par une localité palestinienne, du moins jusqu’à l’achèvement de la route de contournement - qui, avec un système ramifié de routes de contournement construites ces dernières années, déterminera l’avenir du projet de colonisation de manière bien plus décisive qu’une autre centaine d’avant-postes de colons qui y poussent. Construites sur des terres palestiniennes, bien sûr, ces routes servent à rapprocher encore davantage les colonies d’Israël, à faciliter leur intégration dans le pays et, d’une manière générale, à faciliter la vie de leurs résidents.

En attendant, il y a la carcasse calcinée de l’Audi et des centaines d’autres voitures qui ont connu le même sort dans toute la région de Hawara, leurs pneus ayant fondu en une bouillie noire. Certains de ces véhicules avaient été utilisés, d’autres étaient garés dans des décharges où les propriétaires espéraient les vendre pour leurs pièces détachées. L’un de ces parcs, le plus grand d’entre eux, ressemblait cette semaine à un cimetière de victimes d’un brasier.



Conséquences du saccage des colons à Hawara, cette semaine. Photo : Moti Milrod

L’odeur de la fumée flottait encore dans l’air lundi ; de la fumée s’échappait encore de quelques véhicules incendiés. Le silence momentané a été soudainement rompu par une vieille VW Golf verte arborant un drapeau israélien qui a dévalé l’autoroute 60. Comme tous ceux qui sont passés par ici ce jour-là, ses passagers ont chahuté les habitants en criant et en faisant des gestes. Une pierre a été jetée, la Golf s’est arrêtée. Les soldats se sont précipités pour intervenir, tout semblait sur le point d’éclater à nouveau en violence.

« Qui a jeté cette pierre ? », a crié un officier de l’armée, hystérique. « Sortez vos chiens d’ici », a rétorqué courageusement un homme de la région. Seule la présence de la presse locale et étrangère lui a apparemment épargné un passage à tabac ou une arrestation.

« Rédempteurs de la terre »- tel est le slogan collé sur la vieille Golf. Elle a été rejointe par quelques autres voitures de colons qui sont arrivées à toute vitesse, les passagers sortant avec empressement, apparemment prêts à se battre ou à jeter un coup d’œil aux dégâts qu’ils ont causés la veille. Le vintage semble être leur truc : au moins deux des véhicules des envahisseurs portaient les plaques d’immatriculation spéciales des voitures de collection.


Un bâtiment incendié pendant le pogrom de Huwara. Photo : Majdi Mohammed/AP

Ils sont là, les colons : des hooligans religieux costauds, grossiers et vulgaires, se promenant comme des seigneurs et affichant un comportement arrogant vis-à-vis des Palestiniens et des soldats. Bottes quasi-militaires, pantalons rentrés dans les bottes, T-shirts portant des inscriptions provocantes. Le conducteur de la Golf était masqué, peut-être dans le but de paraître plus menaçant. Tous ces gens savent qu’ils n’ont rien à craindre ici. Un soldat a posé doucement une main sur l’épaule de l’un d’entre eux et l’a escorté vers une voiture. Les colons que nous avons vus étaient presque certainement ici le dimanche.

« Je vous ai tous à l’œil, faites gaffe », a sifflé l’officier aux nombreux reporters et photographes palestiniens, qui essayaient d’obtenir un cliché des colons et des soldats, frères d’armes. « Eitan, dis à Sagi d’appeler Shapira », a-t-il hurlé.

Toutes les quelques minutes, un bus blindé presque vide passait, empruntant les routes habituelles desservant les colons. Les transports publics semblent être meilleurs ici qu’à Tel Aviv. L’entrée d’une grande villa brune au bord d’une route est carbonisée ; les restes des pneus qui l’ont incendiée gisent sur le chemin, un jeu de cartes est éparpillé sous quelques oliviers et un grill de barbecue se dresse désespérément. La maison est vide, ses occupants ont peur de revenir. Des poteaux de clôture se trouvent le long du chemin menant à la maison. Leur but est clair, mais une barrière aussi peu solide n’arrêtera probablement pas les pogromistes de la montagne.

Conséquences du saccage des colons à Hawara, cette semaine. Photo : Moti Milrod

Le mur extérieur d’une autre grande maison de la ville est noirci sur toute sa longueur - quatre étages de suie et de climatiseurs liquéfiés. Il est peu probable que cette structure, l’une des plus hautes de Huwara, soit habitable. Quelqu’un a déjà boulonné des tôles aux fenêtres du rez-de-chaussée, pour empêcher les pillages. Les dégâts économiques sont particulièrement visibles dans la rue principale. Les pots de fleurs brisés que les saccageurs ont jetés sur leur passage ajoutent une dimension apocalyptique à la scène.

Sur la route menant à Huwara se tient un groupe de femmes colons portant des drapeaux israéliens, gardés par des soldats dans un véhicule blindé. Ces jours-ci, à Huwara, il n’est permis d’arborer que le drapeau israélien - ostensiblement le symbole national des habitants de la ville. Le fait que seules les voitures des colons aient été autorisées à traverser la ville lundi était également une forme de justice poétique : la récompense allait aux pogromistes et la punition à leurs victimes, comme après le massacre perpétré contre les Palestiniens par le colon Baruch Goldstein en un autre temps et lieu.

La cabine du conducteur et le moteur du camion-citerne d’eaux usées appartenant à Yusuf Damaidi, 37 ans, ont été ravagés par les flammes dimanche. La citerne elle-même n’a pas été touchée. Le lendemain, de la fumée s’élevait encore de la partie avant et des eaux usées s’écoulaient de l’arrière. Le jeune fils de Damaidi frappe la cabine du conducteur avec un bâton, et des éclats de métal et de verre tombent sur le sol.


Une maison visée par le déchaînement des colons à Huwara, cette semaine.
Photo : AMMAR AWAD/Reuters

Un complexe appartenant à une autre famille (mais sans lien de parenté) nommée Damaidi, à l’est de Huwara, possède deux bâtiments de deux étages, revêtus de pierre et carrelés de marbre, une cour bien entretenue et une luxueuse résidence d’hôtes au milieu. Mais la maison d’hôtes, dont la construction a été achevée il y a tout juste quatre mois, nous a dit Radwan Damaidi, a été totalement ravagée par le feu dimanche - ce qui évoque pour nous des images de l’incident de 2015 dans le village de Douma, où une famille et sa maison ont été incendiées.

Radwan, son père et son frère possèdent un magasin qui vend de l’or à Naplouse et ils ont quelques voitures de luxe sur leur parking. L’une d’elles a été incendiée et la lunette arrière d’un 4X4 a été brisée par des colons. Au départ, raconte Radwan, ils étaient environ 25, qui ont sauté par-dessus le mur de pierre qui entoure le complexe ;. Ils sont ensuite partis, pour revenir avec des dizaines de hooligans en renfort. C’est alors qu’ils ont mis le feu à la maison d’hôtes et au beau coin salon dans la cour.

Le panier de za’atar frais qui était sur la table n’est plus qu’une bouillie de suie. Le vélo d’appartement de la maison d’hôtes n’est plus qu’une carcasse brûlée. Certaines des fenêtres des étages supérieurs de l’enceinte ont été brisées par des pierres lancées par les colons, et une partie d’un escalier en marbre a été fracassée. Quatre soldats se tenaient à l’entrée du complexe alors que le pogrom faisait rage et n’ont rien fait, dit Radwan. Ils pensaient peut-être que leur tâche était de protéger les colons. Fatma, la grand-mère de Radwan, s’est évanouie lorsque les colons ont fait irruption dans la cour de sa maison. Chez un voisin, une voiture a été carbonisée.

« C’est l’heure de Ben-Gvir », disait un autocollant sur l’une des voitures qui passaient en trombe dans la rue principale.

 

03/03/2023

AMIRA HASS
À Huwara, l’[In]Autorité palestinienne a brillé par son absence

Amira Hass, Haaretz , 2/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Si les forces de sécurité de l’[In]Autorité palestinienne, bien entraînées, n’ont pas trouvé le moyen de protéger leurs compatriotes contre les attaques des colons, elles sont toujours là pour les réprimer.

Des soldats israéliens se tiennent devant un bâtiment incendié lors d’une attaque de colons à Huwara, en Cisjordanie, lundi dernier.

 Les cinq heures pendant lesquelles des centaines de Juifs se sont déchaînés dans Huwara, attaquant des personnes et des biens et allumant des incendies, ont résumé des décennies d’encouragement à la violence des colons et le mépris et l’indulgence calculés de la part de l’armée, de la police, des procureurs, des tribunaux et des gouvernements successifs israéliens. Mais ces cinq heures ont également prouvé une fois de plus à quel point l’[In]Autorité palestinienne se conforme à la division artificielle de la Cisjordanie en zones A, B et C, établie par les accords d’Oslo - une division qui était censée être temporaire et expirer en 1999.

C’est une raison de plus pour laquelle le public palestinien méprise et déteste les dirigeants de l’[In]Autorité palestinienne. Alors que ses forces de sécurité, qui ont été formées dans des pays arabes et occidentaux, n’ont pas trouvé le moyen de protéger leurs compatriotes contre les attaques des colons, elles sont toujours là pour les réprimer.

L’Initiative 14 millions, qui tente de revitaliser l’Organisation de libération de la Palestine et d’appeler à des élections pour un conseil national et une assemblée législative entièrement palestiniens, avait prévu une conférence de presse en direct du studio de Watan TV mercredi. Traitant le mot « élection » comme une menace nucléaire, les forces de sécurité de l’[I]AP ont assiégé le bâtiment abritant le studio et ont pénétré dans les bureaux afin de faire échouer la conférence de presse. Ce n’était pas la première fois que cela se produisait ; les forces de sécurité ont perturbé une autre tentative de l’initiative en novembre.

La semaine dernière, les forces de sécurité palestiniennes ont installé des barrages routiers à la sortie de plusieurs villes de Cisjordanie, afin d’empêcher les enseignants des écoles publiques, en grève depuis le 5 février, de se rendre à un rassemblement central à Ramallah. L’[I]AP et le syndicat des enseignants des écoles publiques avaient signé des accords sur une modeste augmentation de salaire de 15 % et sur la tenue d’une élection libre et démocratique du syndicat en mai 2022. Cet accord faisait suite à une initiative menée par plusieurs associations éducatives à but non lucratif, des groupes de parents et la Commission indépendante des droits de l’homme (un organisme quasi-gouvernemental).

Une élection n’a jamais eu lieu, comme prévu. Début février, les enseignants ont appris qu’en dépit de l’accord, les salaires de janvier n’incluaient pas l’augmentation sur laquelle ils s’étaient mis d’accord ; ils sont même restés à 80 % des niveaux de salaire normaux, comme auparavant. Cela a conduit à la grève, qui en est maintenant à sa quatrième semaine, à laquelle 50 000 enseignants se sont joints et qui a retenu un million d’élèves à la maison. Les leaders de la grève gardent un profil bas par peur d’être arrêtés, comme cela s’est produit lors de précédentes manifestations d’enseignants.

Un Palestinien tire en l’air pendant les funérailles de Montaser Shawwa, 16 ans, dans le camp de réfugiés de Balata, à Naplouse, en Cisjordanie, le mois dernier.

Même si leurs enfants sont à la maison, les associations de parents soutiennent les revendications des enseignants. La crise financière est réelle : Israël continue de retenir chaque année des centaines de millions de shekels appartenant à l’[I]AP, soit l’équivalent des allocations que l’[I]AP verse aux familles des prisonniers détenus par Israël, mais le public ne croit pas qu’il n’y a pas d’argent pour payer des salaires décents aux enseignants.

Le message de l’[I]AP est donc clair : elle continue à respecter ses accords avec Israël (y compris la coordination de la sécurité) mais pas son accord avec les enseignants, l’un des secteurs les plus importants qui garantissent le bien-être commun.

Huwara  (et la route encombrée qui la traverse) a été classée il y a plus de 25 ans en zone B, dans laquelle il est interdit aux policiers palestiniens d’opérer et de séjourner lorsqu’ils sont armés ou en uniforme. Cependant, les FDI et la police aux frontières, lourdement armées, sont présentes en permanence - près des garages et des magasins de proximité, des stations-service et des stands de falafels. Tout le monde sait qui ils sont censés protéger. Les colonies de la région sont réputées pour leur violence : Yitzhar et ses avant-postes, qui poussent fébrilement comme des champignons après la pluie ; Itamar et ses propres avant-postes en expansion ; l’avant-poste de Givat Ronen, près de la colonie de Har Bracha.

Les villages palestiniens de Burin, Madama, Einabus, Urif, Aqraba, Beita, Yanun et d’autres vivent sous la menace de la terreur que font peser ces intrus depuis plusieurs décennies. Les arbres abattus, les récoltes d’olives volées, les incendies criminels, les tirs sur les agriculteurs, les Palestiniens agressés chez eux, les sources d’eau du village captées - ce ne sont pas des actes de « vengeance » commis après une attaque contre des Juifs. Il s’agit d’un plan concerté pour s’approprier davantage de terres palestiniennes par la violence et l’intimidation. Tout, à l’époque comme aujourd’hui, a été et est fait sous les auspices du monopole exercé par les FDI sur la sécurité.

De toute évidence, aucune agence de sécurité palestinienne n’a tenté de remettre en cause cette situation afin de protéger les habitants de leurs assaillants récidivistes. Au lieu de remercier l’[In]Autorité palestinienne pour son obéissance et sa loyauté, le gouvernement Netanyahou-Smotrich-Ben-Gvir la rend responsable de chaque décès israélien dans une zone sous contrôle israélien total, à savoir l’ensemble de la Cisjordanie et Israël proprement dit. Dans le même temps, Israël exige que l’[In]Autorité palestinienne discipline les jeunes Palestiniens désespérés et maladroits qui se sont armés en Cisjordanie. Il n’est pas étonnant que le public palestinien aime et admire ces jeunes hommes armés, même s’ils ne sont pas capables, formés ou préparés à le protéger physiquement contre les attaques des colons ou à déjouer le vol de leurs terres.

La nuit où les Juifs ont saccagé Huwara, nombre de ses habitants qui se trouvaient à l’extérieur de la ville n’ont pas pu rentrer chez eux. Grâce aux médias sociaux, les habitants de Naplouse leur ont offert l’hospitalité. Ils ont été rejoints par l’appareil de sécurité nationale palestinien, qui leur a ouvert son quartier général. Les réponses ont été acerbes, a raconté un habitant de Naplouse à Haaretz. « Vous êtes quoi, une organisation caritative ? », ont demandé des gens furieux, sur un ton sarcastique.

L’expérience nous enseigne que les soldats des FDI et les policiers aux frontières auraient tiré et même tué tout Palestinien qui aurait tenté de dissuader les agresseurs et de défendre sa famille, ses voisins ou ses biens, avec une arme à feu, un gourdin ou un couteau. Ou bien il aurait été arrêté et reconnu coupable par un tribunal militaire avant d’être condamné à de nombreuses années de prison pour avoir possédé une arme illégale, tiré et mis en danger la vie des Juifs.

Même si des policiers de l’[In]Autorité palestinienne avaient pu arriver rapidement à Huwara  pour protéger leurs compatriotes des assaillants juifs, l’armée les aurait bloqués, voire tués ou emprisonnés, les juges militaires les condamnant à de longues peines de prison sans tenir compte des explications de leurs avocats. Toute tentative locale de se défendre par les armes se serait soldée par un bain de sang, principalement du côté palestinien, et par une escalade incontrôlable. On comprend donc pourquoi une telle intervention est pour l’instant improbable.

Mais au-delà des déclarations, des condamnations et des demandes de protection internationale par les Nations unies, depuis des années, les hauts responsables palestiniens se sont abstenus de se soulever, de dénoncer un accord ou de fixer des conditions claires et bien définies pour la poursuite de la coordination sécuritaire avec Israël, en réponse à la violence des colons.

Au lieu d’envoyer ses forces de sécurité pour déjouer les conférences de presse et les manifestations qui appellent à la démocratisation, et au lieu d’espionner son propre peuple, l’[In]AP aurait pu poster en permanence ces forces - non armées et en civil, mais formées au contrôle des émeutes - dans les villages fréquemment attaqués par les colons. Elle aurait pu informer Israël qu’elle agit ainsi parce que l’armée et la police israéliennes ne remplissent pas leurs fonctions, comme l’exigent le droit international et même les accords d’Oslo. Elle aurait pu envoyer ses plus hauts commandants en tournée régulière dans ces villages, pour participer au labourage et à la cueillette des olives, garder les moutons avec les villageois tout en expliquant aux officiers israéliens qu’ils n’étaient pas disponibles pour les réunions de coordination avec les FDI, le Shin Bet et l’administration “civile”, puisqu’ils étaient occupés à protéger leur peuple.

La conclusion évidente est que les agences de sécurité palestiniennes et leur commandant suprême Mahmoud Abbas tiennent pour sacrées non seulement la coordination de la sécurité avec Israël, mais aussi les frontières des bantoustans créés par les divisions temporaires-permanentes en zones A, B et C. C’est ainsi que les intérêts personnels et économiques étroits du groupe dirigeant, si déconnecté de son peuple, peuvent être préservés.

 

02/03/2023

GIDEON LEVY
Nos cœurs sont avec les survivants du pogrom de Huwara

 Gideon Levy, Haaretz, 2/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Lorsque vous vous trouvez dans la rue principale de Huwara, aujourd’hui soumise à une sorte de couvre-feu – les colons voyous passent, ne s’arrêtant que pour provoquer les habitants, et les visages alarmés et effrayés des femmes et des enfants apparaissent derrière les fenêtres grillagées - votre cœur sait exactement avec qui vous êtes. Il n’y a pas de dilemme. Dans votre cœur, votre âme et vos valeurs, vous êtes avec les victimes.

Vous n’avez rien en commun avec les voyous qui sortent de leurs voitures avec leur démarche seigneuriale et leurs énormes kippas, sifflant des remarques diaboliques à une poignée d’habitants qui ont peur de ne serait-ce que respirer près d’eux après cette nuit. L’hébreu est la seule chose qui reste en commun entre un Israélien juif avec un reste de compassion et de conscience et ceux qui ont organisé un pogrom dans la ville la nuit précédente. Vous n’avez rien en commun non plus avec les femmes portant d’énormes coiffes qui se tiennent à l’entrée d’une ville qui n’est pas la leur, brandissant des drapeaux israéliens - les seuls autorisés ici, gardés par un véhicule militaire. Que sont-elles pour moi, ou que suis-je, moi, pour elles ?

Le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh inspecte les dégâts lors de sa visite après le saccage des colons israéliens à Huwara, en Cisjordanie occupée par Israël, le 1er mars 2023. Photo : Raneen Sawafta / REUTERS

 C’est ce qui se passe dans les territoires occupés. Votre dos aux manifestants, votre visage aux soldats : les soldats sont les amis de vos fils et les fils de vos amis, et votre cœur est avec ceux qui se tiennent derrière vous. Ils sont les victimes et ils ont raison. Noir et blanc. Les USAméricains disent, « Où vous vous tenez dépend d’où vous êtes assis ». Mais à Huwara, c’est l’inverse : l’endroit où tu t’assieds dépend de l’endroit où tu te tiens. Vous êtes à Huwara, ou dans n’importe quelle ville ou village palestinien occupé, parce que votre cœur vous le dit.

Il ne sert plus à rien de feindre des sentiments. Il ne sert à rien de diffuser des slogans contre « la violence de tous les côtés ». La violence dans les territoires n’est pas symétrique, la justice non plus. Tout comme les colons et leurs collaborateurs ne ressentent aucune compassion envers leurs victimes lorsqu’ils les expulsent, les pillent ou commettent des pogroms à leur encontre, il est impossible de ressentir de la compassion ou de la solidarité envers les victimes et leurs actes. Même lorsque leur sacrifice est difficile à supporter, on ne peut oublier qui est la véritable victime et de quel côté se trouve la justice.

Parfois, il est également difficile de sympathiser avec les soldats. Vous ne pouvez pas sympathiser avec le stormtrooper, même s’il fait partie de votre peuple. La nationalité, l’héritage, la langue et la culture communs perdent leur sens au vu de certaines de leurs actions. L’uniforme et l’armée que vous avez vénérés dans votre enfance ont été complètement souillés. Même les actes de courage dont on vous a parlé dans votre enfance ne sont plus les leurs. Les combattants palestiniens qui leur font face sont plus courageux et plus prêts au sacrifice qu’eux. Quiconque est prêt à mourir sous la “cocotte-minute” israélienne, à affronter des comportements plus barbares, est une personne courageuse prête à tout sacrifier. Comment ne pas l’admirer, même lorsqu’elle est dirigée contre vous et votre peuple ?

La droite a attaqué ceux qui ont organisé des dons pour les victimes du pogrom de Huwara. La gauche sioniste, étant la gauche sioniste, a immédiatement scellé le noble geste par une tentative méprisable de faire examiner par les retraités du Shin Bet le “dossier de sécurité” de ceux qui recevaient les dons. Peu importe. L’acte reste noble, malgré le grotesque de la gauche sioniste.

Comment peut-on s’opposer aux dons aux survivants d’un pogrom perpétré par son propre peuple ? Israël, qui a envoyé des délégations d’aide aux survivants d’un tremblement de terre en Turquie, n’est pas disposé à envoyer une aide, même minime, aux victimes de ses propres émeutiers, qui ont reçu les louanges implicites et explicites de toute la droite du spectre ? Pas même un bulldozer pour évacuer les centaines de carcasses de voitures calcinées ? Pas même une compensation pour ceux qui sont devenus des sans-abris à cause des yeux délibérément fermés de l’armée, qui pense que son travail consiste à protéger les émeutiers ?

Face aux victimes de l’occupation, il n’y a pas de doute moral. Le choix entre Haroun Abou Aram et le soldat qui lui a tiré dans le cou, le paralysant pour le reste de sa courte vie parce qu’il a essayé de sauver un générateur, est absolument clair. Votre cœur est avec Haroun, qui entre-temps est mort.

 

 

28/02/2023

GIDEON LEVY
Le pogrom mené par des colons israéliens à Huwara était une préfiguration d’un Sabra et Chatila 2

Gideon LevyHaaretz, 28/2/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

En 1982, l’armée israélienne n’a pas empêché les phalangistes de massacrer 600* hommes, femmes et enfants dans un camp de réfugiés palestiniens au Liban ; cette semaine, en Cisjordanie, personne n’a arrêté les colons phalangistes à Huwara.

Des soldats de Tsahal et des colons israéliens à  Huwara lundi. Photo : Moti Milrod

 

Dimanche après-midi, le jeune Radwan Dameidi a emmené sa femme et son enfant en bas âge de leur maison dans la ville de Huwara, en Cisjordanie, à la maison de la famille de sa femme à Naplouse. Dameidi possède un magasin d’or à Naplouse et vit dans une maison spacieuse à Huwara. Immédiatement après l’attaque terroriste de dimanche à  Huwara, au cours de laquelle deux Israéliens ont été tués, il a appris par les médias sociaux que les colons préparaient un acte de vengeance majeur dans la ville, il a donc rapidement transféré sa femme et son bébé dans un endroit sûr.

 

La journaliste de Haaretz, Hagar Shezaf, savait que les colons organisaient une marche de vengeance. Elle en avait entendu parler le dimanche après-midi alors qu’elle était à Paris. De Huwara à Paris, quiconque le souhaitait savait qu’une grande opération de vengeance était sur le point de secouer  Huwara. Il n’y avait qu’un seul acteur qui ne savait pas, ne voyait pas et n’entendait pas - ou peut-être entendait-il, savait mais l’ignorait : l’establishment militaire israélien.

 

Les forces de défense israéliennes, la police aux frontières et le service de sécurité Shin Bet ne se sont pas préparés à un quelconque pogrom et n’ont rien fait pour l’empêcher, soit par apathie et complaisance, soit parce qu’ils ont délibérément fermé les yeux. Selon une estimation de l’armée, au moins 400 voyous colons, dont certains étaient masqués et armés et d’autres munis de gourdins, de chaînes en fer et de jerricans ‘essence ont fait irruption à Huwara. Personne ne les a arrêtés, et personne n’a sérieusement essayé de le faire.

 

Radwan Dameidi dans sa maison à Huwara, lundi, après que des colons israéliens ont incendié la ville dans la nuit de dimanche à lundi : Moti Milrod

Lundi, la police aux frontières a déclaré que ses forces avaient en fait empêché les émeutiers juifs d’entrer dans Huwara et que les émeutiers avaient envahi la ville depuis un endroit qui relevait de la responsabilité de l’armée. Les journalistes militaires ont également expliqué que les soldats avaient tenté d’empêcher les colons d’entrer sur les routes de la ville et qu’ils étaient donc descendus des collines. D’une manière ou d’une autre, des centaines d’émeutiers ont envahi la ville dans le but de semer la destruction. Personne ne les a arrêtés et personne n’en a assumé la responsabilité.

 

Cela a montré une fois de plus à quel point les Palestiniens sont impuissants et qu’aucune entité sur terre ne protège leurs vies et leurs biens. Dimanche, on a également soupçonné que le fait que l’armée ferme les yeux n’était pas le fruit du hasard. Peut-être que les responsables des FDI voulaient en fait que les colons fassent leur travail pour eux, en punissant les Palestiniens et en obtenant un effet dissuasif avec un pogrom, comme l’avait demandé Zvi Fogel, député d’Otzma Yehudit [Force juive, dirigé par Itamar Ben Gvir, NdT].

"Je veux voir  Huwara fermé et brûlé"
 

Fermer les yeux de cette manière rappelle des souvenirs oubliés. En 1982, les FDI ont également fermé les yeux sur les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila au Liban, permettant ainsi aux milices phalangistes libanaises de commettre les terribles massacres qui y ont eu lieu. Il n’y a pas eu de massacre à Huwara, pas encore, mais personne ne pouvait savoir à l’avance comment les choses allaient se passer. Si les émeutiers avaient aussi voulu massacrer la population, personne ne se serait mis en travers de leur chemin dimanche. Personne n’a arrêté les phalangistes à Sabra et personne n’a arrêté les phalangistes à Huwara.

 

Dimanche, ils se sont contentés de semer la destruction. Mais attendez leur prochain acte de vengeance, surtout si personne n’est traduit en justice et puni pour le pogrom de dimanche. Sabra et Chatila 2 est en route et personne ne fait rien pour l’arrêter.

 

De la fumée et des flammes s’élèvent après que des colons israéliens se sont déchaînés dans la ville de  Huwara, en Cisjordanie, incendiant plusieurs maisons et voitures et blessant des dizaines de Palestiniens dimanche soir.Photo : HISHAM K. K. ABU SHAQRA / Anadol

Huwara ressemblait lundi à une ville fantôme, une ville assiégée en temps de guerre. C’était Kherson à Huwara. Les reporters étaient déjà en tenue de combat. Tous les magasins étaient fermés et les rues vides. Les habitants se sont blottis chez eux et rares sont ceux qui ont jeté un coup d’œil à travers les barreaux que presque toutes les fenêtres de la ville possèdent en raison des pogroms précédents.

 

Les visages de la poignée d’habitants dans la rue reflétaient leur colère et leur désespoir. Seuls les colons ont été autorisés à circuler dans les rues de la ville lundi, un autre signe évident d’apartheid, et la plupart d’entre eux l’ont fait de manière provocante et grossière - klaxons de victoire, doigt d’honneur et chants tels que “mort aux Arabes”, ”salopes” et autres épithètes.

 

Voitures brûlées à  Huwara lundi, après que des colons israéliens ont mis le feu à la ville palestinienne dimanche soir. Photo : Moti Milrod

 

D’autres se sont arrêtés, sont sortis de leur voiture sous les auspices des soldats et ont commencé à railler les habitants de près, à l’entrée de leurs maisons incendiées et de leurs voitures fumantes. Les habitants débordaient de rage mais n’osaient pas dire un mot. La main qu’un soldat armé a posé délicatement sur l’épaule de l’un des voyous a résumé la situation mieux que ne le feraient des milliers de mots.

 

Dimanche soir, lorsque Radwan Dameidi est rentré de Naplouse, où il avait laissé sa femme et son enfant à l’abri pour la nuit, il a été stupéfait de voir des dizaines de colons armés se déchaîner dans sa cour. Ils ont cassé des fenêtres et brûlé l’opulente maison d’hôtes de la famille, qui venait d’être achevée il y a quatre mois. Cette racaille a pillé sa Smart TV et mis le feu à son vélo d’exercice.

 

Quatre soldats se tenaient près de la maison et n’ont pas levé le petit doigt.

 

*Le rôle de l’armée israélienne et de son commandant Ariel Sharon dans le massacre de Sabra et Chatila (16-18 septembre 1982) reste controversé : il va de l’observation passive à la direction opérationnelle. Selon les sources, le nombre de victimes du massacre varie de 460 à 3 500, le chiffre de 2 000 étant souvent retenu. [NdT]