المقالات بلغتها الأصلية Originaux Originals Originales

Affichage des articles dont le libellé est Ahmed Hussein al-Charaa/Abou Mohammed al-Joulani. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Ahmed Hussein al-Charaa/Abou Mohammed al-Joulani. Afficher tous les articles

24/07/2025

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Que se passe-t-il en Syrie… et en Asie occidentale ?

   Sergio Rodríguez Gelfenstein, 24/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

À Carlos Pereyra Mele, professeur et maître.

L’un des plus aigus et brillants analystes en géopolitique
qui nous a quittés hier, trop tôt.
Adieu, Maestro !

Comme cela devient habituel, , les médias transnationaux à but lucratif, censés informer, se consacrent paradoxalement à la désinformation. On peut le constater de manière particulièrement aberrante lorsqu’il s’agit des événements en Asie occidentale. Bien que la déformation des faits soit une pratique quotidienne, la situation est aujourd’hui atroce lorsqu’on tente de reconstruire les péripéties et les actions qui se déroulent dans cette région depuis deux ans et demi.

Ces derniers jours, ce sont les faits en Syrie dominent l’actualité régionale. Comme si le génocide en Palestine, l’agression permanente contre le Liban et la rhétorique belliciste contre les voisins s’étaient arrêtés, la falsification des faits cache la véritable toile de fond de l’affaire.


La situation géographique de la Syrie, située au carrefour des peuples et des civilisations, en a fait, tout au long de l’histoire, un joyau inestimable pour ceux qui aspiraient à contrôler la région. La présence de peuples différenciés dans certaines zones du pays a créé des aires d’influence traditionnelles d’idéologies, de leaders et de tribus ayant leur propre identité, culture et histoire. Par exemple, les Kurdes se trouvent au nord, les Druzes au sud-est, les Alaouites sur la côte méditerranéenne, et les Sunnites dans la zone centrale.

Cette situation, stabilisée sans grands conflits [sic] sous le gouvernement de Bachar Al Assad, a été détruite par une intervention étrangère qui, en attisant les différences sectaires et religieuses à son avantage, a engendré la division et la disparition de la sécurité fondée sur l’équilibre.

Au-delà de la dynamique interne syrienne, trois puissances étrangères ont joué un rôle déterminant dans la situation actuelle : Israël, les USA (avec la France en appendice), et la Turquie.

Comme je l’ai écrit à d’autres occasions, il est presque impossible aujourd’hui d’analyser un scénario de manière isolée. De même, tout événement international doit être compris dans ses trois dimensions — locale, régionale et globale — si l’on veut réellement en cerner les fondements et les implications.

Ce texte tente donc d’analyser ce scénario complexe sous une vision holistique, seule capable de fournir des pistes pour sa compréhension. Malgré l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Liban conclu en novembre dernier, l’entité sioniste l’a violé à de multiples reprises. Les USA et la France, garants de cet accord, ont trahi leur engagement en permettant que l’agression — qui a déjà causé la mort de près de 400 Libanais — se poursuive en toute impunité.



Cet accord était censé prolonger la résolution 1701 de 2006 du Conseil de sécurité de l’ONU, signée après 34 jours de guerre suite à l’invasion du Liban par Israël. L’accord établissait un cessez-le-feu total et le retrait des troupes israéliennes. Israël n’avait pas atteint ses objectifs à l’époque : détruire le mouvement chiite libanais Hezbollah et « démilitariser » le Liban.

Ce non-respect de la résolution 1701 reste une épée de Damoclès suspendue au-dessus de toute tentative de stabilisation. Dans le contexte actuel, Thomas Barrack, envoyé spécial du président Donald Trump pour la Syrie, a insisté sur l’obligation du gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah, menaçant Beyrouth de détruire le Liban pour l’annexer à la Syrie si cela n’était pas fait. En réalité, si cet ultimatum était mis à exécution, il signifierait la fin des Accords Sykes-Picot de 1916, qui avaient organisé le contrôle de la région selon les intérêts européens sous le couvert d’une stabilité jamais atteinte.

L’instabilité nécessaire au maintien des intérêts occidentaux s’est poursuivie ces dernières années. De la première guerre du Golfe (1990–1991), à celle d’Irak (2003–2011), en passant par l’Afghanistan (2001–2021), le prétendu Printemps arabe débuté en 2011, la guerre au Yémen commencée en 2015, le génocide permanent contre le peuple palestinien, les attaques israéliennes intermittentes contre le Liban, l’intervention turque en Syrie, ou encore les guerres contre le terrorisme d’Al-Qaïda et de Daech en Irak et Syrie, toutes ont pour objectif le maintien de l’instabilité, pour affaiblir, fragmenter, dominer et contrôler la région.

Pour les USA, la priorité stratégique est d’assurer leur sécurité énergétique. Les centres de production pétrolière sont donc constamment dans leur viseur, ce qui explique leur présence active en Asie occidentale — région possédant les plus grandes réserves mondiales. Cela explique aussi leur implication dans le conflit ukrainien. Dans ce cadre, le Venezuela est également concerné, mais en tant que pays d’Amérique latine — « l’arrière-cour » de Washington — sa dynamique est différente et ne sera pas abordée ici.

Rassemblant tous ces éléments, on peut commencer à répondre à la question : Pourquoi la Syrie ? Bien avant le conflit actuel, même avant la guerre du Golfe, des projets de construction d’oléoducs existaient déjà. L’un devait partir du Golfe Persique, traverser l’Irak et la Syrie jusqu’à la Turquie pour approvisionner l’Europe. Le second a motivé le coup d’État de 1953 en Iran contre le Premier ministre Mossadegh, après qu’il eut nationalisé le pétrole [jusque-là “british”]. Ce projet fut définitivement écarté après la révolution islamique de 1979. Aujourd’hui, plusieurs projets d’oléogazoducs partant du Golfe Arabo-Persique vers l’Europe passent par la Syrie.

C’est dans la continuité de ces projets que, presque en même temps que le Printemps arabe de 2011, une grande conspiration occidentale a vu le jour pour affaiblir la région et s’emparer de ses ressources. Les USA et l’OTAN ont ainsi conçu, financé et mis en œuvre un coup d’État en Ukraine pour atteindre le même but : éliminer la Russie comme fournisseur énergétique de l’Europe. Il s’agissait de faire venir l’énergie du Golfe Arabo-Persique, région dominée par des monarchies conservatrices aisément contrôlables.

Dans un premier temps, après la chute de l’URSS et devant la faiblesse de la Russie sous Eltsine, l’Occident a tenté d’exciter les minorités nationales et religieuses russes. Cette tentative ayant échoué, il a reporté leurs efforts sur l’Asie occidentale.

Bachar Al Assad a été pressé par l’Occident d’approuver les projets d’oléoducs. Il a toujours refusé. C’est ce qui explique pourquoi, après avoir renversé Kadhafi en Libye, le Printemps arabe a « atterri » en Syrie. Ce refus d’Al Assad est l’une des raisons du coup d’État en Ukraine en 2014, et de l’implication directe de la Russie : Moscou avait compris que la cible stratégique de cette guerre était la Russie, pas la Syrie.

Aujourd’hui, après la chute de Bachar Al Assad et le génocide à Gaza, le plan des oléoducs a été relancé. Le terroriste Ahmed Al Charaa alias Al Joulani, devenu président de la Syrie, agit comme instrument des USA et d’Israël. Sur leurs ordres, il a attaqué la province de Soueïda, peuplée majoritairement de Druzes. Bien qu’ils ne représentent que 3 % de la population, les Druzes ne sont pas monolithiques et sont divisés politiquement — ce qui « facilite » l’action des terroristes devenus gouvernement. Une faction soutient Al Joulani, une autre Israël, menée par Hikmat al Hijri, né au Venezuela comme beaucoup d’habitants de Soueïda [surnommé « le peitit Venezuela », ce dernier étant appelé « Venesueida », NdT]. Une troisième est nationaliste et avait de bonnes relations avec Al Assad.

MBS, Trump et Al Charaa, mai 2025

Al Joulani ne gouverne pas vraiment. Sa coalition est pleine de contradictions ethniques, religieuses, et politiques. Il se maintient au pouvoir grâce aux USA, à Israël et à la Turquie, et se consacre au massacre des minorités : d’abord les Kurdes au nord, puis les Alaouites sur la côte, et maintenant les Druzes au sud.

Pour attaquer Soueïda, Al Joulani utilise des sunnites de Daraa (frontalière avec la Jordanie), des tribus bédouines locales, et une armée composée à 40 % de terroristes étrangers (principalement ouïghours de Chine et du Pakistan, mais aussi Afghans, Tchétchènes, Daguestanais…), 40 % de terroristes syriens loyaux à Al Joulani, et 20 % de membres de diverses tribus et courants musulmans. Ensemble, ils forment une force de 60 000 hommes.

Les attaques visent à justifier l’intervention israélienne en Syrie sous prétexte que les tribus bédouines menacent la sécurité du pays. Mais en réalité, c’est Al Joulani qui orchestre cette instabilité sur ordre de Washington et Tel-Aviv. Le gouvernement syrien actuel n’a pris aucune mesure contre l’intervention militaire sioniste.

Al-Charaa, vu par Kamal Sharaf, Yémen

Soueïda est devenue la pierre angulaire des intérêts internationaux. Israël veut y créer un “Corridor de David” sécurisant le territoire syrien qu’il occupe [le Golan]. Les USA visent les gisements pétroliers. La Turquie veut des oléogazoducs qui traverseraient son territoire, ce qui lui rapporterait d’énormes revenus.



Mais les ambitions vont plus loin : les USA et Israël veulent démembrer la Syrie en quatre micro-États ethnico-confessionnels, pour justifier l'existence raciste de l'entité sioniste. Ces mini-États, dirigés par des marionnettes comme Al Joulani, permettraient la réalisation du plan du “Grand Israël” et la création d’un nouveau Moyen-Orient.

Ainsi, la Syrie serait divisée en :

  • un secteur kurde au nord sous influence turque,
  • une région alaouite sur la côte (Lattaquié et Tartous),
  • un émirat islamique contrôlé par Al Joulani au centre,
  • un corridor israélo-druze au sud-est, aux frontières jordanienne et irakienne.

Si ce plan est mis en œuvre, toute la région serait morcelée, permettant à l’Occident de s’approprier les ressources énergétiques et d’écarter la Russie du marché européen. Le Golfe Arabo-Persique, via la Syrie et la Turquie, deviendrait le nouveau fournisseur.

Erdoğan le marionettiste, par Adnan Al Mahakri,Yémen

La Turquie cherche à devenir ce pont énergétique vers l’Europe. Cela explique son rôle dans la chute d’Al Assad. Le projet des Frères musulmans, dont Erdogan est issu, vise à devenir le porte-parole des musulmans du monde. Mais cela nécessite un Iran affaibli, ce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir.

Les événements de Soueïda doivent donc être compris dans une perspective plus large :

  • Les USA veulent nuire à la Russie et s’approprier le pétrole.
  • Israël veut construire son corridor pour fragmenter davantage le monde arabe.
  • La Turquie veut des bénéfices énergétiques et un rôle de leader.

Ce plan n’a pas abouti à cause de la résistance de l’Iran et de ses alliés (Irak, Liban, Yémen…). Les prochaines cibles pourraient être la Jordanie et surtout l’Égypte, qui possède une des plus grandes armées du monde et un fort sentiment national. Un rapprochement Iran-Égypte serait un obstacle majeur aux projets impérialistes.

Le journaliste égyptien Mohamed Hassanein Heikal (sunnite et panarabiste) affirmait que seule une alliance stratégique Iran-Égypte pouvait sauver le monde arabe. C’est la plus grande peur de l’Occident.

Des erreurs égyptiennes ont empiré les choses : la cession des îles de Tiran et Sanafir à l’Arabie saoudite en 2017, puis leur probable transformation en bases militaires usaméricaines, a provoqué une vive opposition au sein de l’armée égyptienne.

De même, les pressions usaméricaines sur les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) pour réduire leur aide à l’Égypte après qu’elle les eut pourtant défendus, ont été mal vues.

Une alliance Iran-Égypte créerait un bloc de 200 millions d’habitants et une armée de plus de 2,5 millions de soldats, contrôlant le détroit d’Ormuz, le canal de Suez et Bab el-Mandeb — les trois nœuds clés de la circulation énergétique mondiale.

Dans ce contexte, la désintégration de la Syrie et de l’Asie occidentale, et la construction d’oléogazoducs passant par ces territoires, devient un enjeu stratégique majeur.

Voici les acteurs en jeu. Le reste — même l’Arabie saoudite — compte peu. Les monarchies médiévales ne cherchent qu’à conserver leur richesse, maintenir leur pouvoir, et apaiser leur population au strict minimum. La cause palestinienne, arabe ou musulmane ne les intéresse que si elle ne menace pas le statu quo ni ne dérange les puissances occidentales qui garantissent leur contrôle sur leurs peuples.

15/07/2025

ZVI BAR’EL
Les conflits sectaires permettent à Israël de “cogérer” la Syrie

Selon l’interprétation syrienne des événements, Israël prévoit d’exploiter les conflits internes dans le pays, en particulier dans le district druze, afin de s’imposer comme une « force de police » capable d’empêcher le gouvernement d’établir son contrôle sur l’ensemble du pays.

Zvi Barel, Haaretz, 15/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala  

Alors qu’Israël examine attentivement les possibilités d’une normalisation – ou tout au moins d’un accord de sécurité, voire d’une simple entente – avec le nouveau gouvernement syrien, le pays du président Ahmed al-Charaa est en feu, au sens propre comme au figuré. La Syrie reste un État sans gouvernement, puisque son gouvernement central ne contrôle que 60 à 70 % de son territoire.


Al-Charaa, vu par Kamal Sharaf, Yémen

Les Israéliens ont déjà oublié le massacre des Alaouites dans le district de Lattaquié, en Syrie, en mars, qui a fait 1 700 morts. Il en va de même pour les violents affrontements qui ont opposé en avril les membres de la communauté druze et les forces gouvernementales ou les forces alliées au gouvernement. L’attaque du 22 juin contre l’église Mar Elias, qui a fait au moins 25 morts, n’a pas non plus beaucoup impressionné Israël.

Mais dimanche, une autre flambée de violence dangereuse s’est produite, qui pourrait dégénérer en un nouvel affrontement entre les Druzes et le gouvernement. Et dans ce conflit, Israël est déjà profondément impliqué.

En apparence, tout a commencé par un incident banal. Un jeune marchand de légumes druze a été victime d’un vol commis par un gang de Bédouins alors qu’il conduisait son camion de légumes sur la route principale entre Soueïda et Damas. Les vols ne sont pas rares dans le district sud de Soueïda et font depuis longtemps partie intégrante de l’« économie » de la région.

Mais cette fois-ci, le vol a dégénéré en affrontements généralisés. En réponse à cela, et après que des Bédouins ont enlevé plusieurs membres de la communauté druze, des Druzes armés ont capturé certains membres de la tribu bédouine qui vit dans la ville de Soueïda.

Les otages ont ensuite été libérés, mais les affrontements, qui ont donné lieu à des tirs de mortier, à l’utilisation de drones et de mitrailleuses, ont fait 40 morts et une centaine blessés. Depuis lors, le nombre de morts est passé à 90 et les affrontements se poursuivent au moment où nous écrivons ces lignes.

Le gouvernement syrien a rapidement annoncé lundi qu’il intervenait pour rétablir le calme et a commencé à déployer des forces de police et des chars vers le lieu des affrontements. À la suite d’informations faisant état de frappes israéliennes dans cette ville à majorité druze, le ministre syrien de la Défense a annoncé un cessez-le-feu, mettant officiellement fin à toute lutte intestine dans la région.

La réponse du régime syrien est celle que prendrait n’importe quel pays qui souhaite mettre fin aux affrontements armés et empêcher leur propagation à d’autres régions du pays. Mais à Soueïda, ville druze, la situation est pour le moins un peu plus compliquée.

Militialand

En mai, les dirigeants druzes de Soueïda ont signé un accord avec le gouvernement visant à apaiser les violences qui avaient éclaté précédemment. En vertu de cet accord, les milices druzes – qui sont plusieurs – sont censées remettre leurs armes à l’armée syrienne et, à une date ultérieure, être intégrées à celle-ci. Un accord similaire a été conclu avec les forces kurdes opérant sous l’égide des Forces démocratiques syriennes, qui contrôlent le nord du pays.

L’accord avec les Druzes stipule également que les forces de sécurité syriennes seront chargées d’assurer la sécurité sur la route principale entre Damas et Soueïda, celle-là même où le marchand de légumes a été agressé, déclenchant les derniers affrontements.

En vertu de cet accord, les forces de sécurité syriennes sont censées assurer la sécurité de l’ensemble du district. Mais ici, elles se heurtent à l’opposition de certaines milices druzes, dont les loyautés sont partagées entre les trois chefs spirituels de la communauté.

Certaines milices ont déclaré être disposées à coopérer avec l’armée. Mais l’une d’entre elles, fidèle au chef spirituel Hikmat al-Hijri, a déclaré qu’elle ne déposerait pas les armes tant qu’une armée nationale syrienne n’aurait pas été mise en place. Une autre a déclaré qu’elle ne faisait pas confiance à la promesse du gouvernement syrien de protéger les Druzes, ajoutant que si la milice finit par être intégrée à l’armée, cela ne se fera que si les forces druzes constituent une unité distincte chargée de protéger leur district d’origine.

En conséquence, l’armée et la police syriennes n’ont jusqu’à présent pas été en mesure d’entrer dans le district. Et selon les Druzes, elles n’ont pas non plus protégé la route principale entre Soueïda et Damas.

L’ironie, c’est que les milices, les dirigeants druzes et le gouvernement s’accordent tous à dire que le problème est dû à l’absence du gouvernement tant dans le district que sur la route principale. Le régime fait valoir, avec beaucoup de raison, que son échec est dû à l’opposition des Druzes à l’entrée de ses forces dans la région. Les Druzes, en revanche, affirment qu’il s’agit d’un échec délibéré visant à compromettre leur sécurité.

« Les causes de cette escalade sont claires et récurrentes », a déclaré dans un communiqué la milice des Hommes de la dignité, la plus importante des milices druzes, dirigée par Laith al-Balous. « Elles commencent par l’absence délibérée des forces de l’État sur l’artère vitale qui relie Damas à Soueïda et se poursuivent par les attaques répétées contre des civils sur cette route, que le gouvernement ignore depuis des mois. »

Comme lors des affrontements d’avril, les dirigeants druzes ont cette fois encore demandé à la communauté internationale d’intervenir pour « protéger la minorité druze de l’anéantissement ». Cela a ébranlé le gouvernement d’Al-Charaa, car cela le présente comme incapable de protéger ses citoyens et comme laissant les milices et les gangs sévir et attaquer les civils, parfois les Alaouites, parfois les Druzes.

Le gouvernement n’a même pas été en mesure d’empêcher l’attaque contre l’église Mar Elias, qui a été attribué à l’État islamique, mais qui pourrait avoir été perpétré par d’anciens membres mécontents de la milice d’Al-Charaa, Hayat Tahrir al-Cham. Tout cela se passe alors qu’Al-Charaa visite les capitales du monde entier, essayant de montrer qu’il contrôle totalement la situation et promettant qu’il peut protéger tous les Syriens afin de mobiliser les énormes investissements dont la Syrie aura besoin pour sa reconstruction.

Mais le problème ne s’arrête pas là. Israël s’est imposé comme un acteur clé dans le sud de la Syrie et sur le plateau du Golan syrien, non seulement en tant que partie contrôlant de vastes territoires sur lesquels il a construit des bases militaires, mais aussi en tant que garant de la sécurité de la communauté druze.

Par conséquent, lorsque les dirigeants druzes font appel à la communauté internationale, la Syrie interprète cela comme un appel à l’intervention israélienne. Et en effet, Israël est intervenu. Lundi, lorsque l’armée syrienne a tenté d’envoyer des chars dans le quartier en proie à des troubles, elle a été attaquée par des avions israéliens qui ont bloqué leur avancée.

L’explication officielle d’Israël est que l’attaque visait à empêcher les chars d’entrer dans le district. « La présence de tels véhicules dans le sud de la Syrie pourrait constituer une menace pour Israël. Les Forces de défense israéliennes ne permettront pas l’existence d’une menace militaire dans le sud de la Syrie et s’efforceront de l’empêcher. »

Selon cette explication, l’attaque de l’armée israélienne visait à empêcher la Syrie de violer la « ligne de contrôle » établie par Israël, qui fait désormais l’objet de négociations entre Israël et la Syrie.

Mais cette explication n’a pas vraiment convaincu le gouvernement syrien, qui considère cette attaque comme une violation de la souveraineté syrienne et une ingérence israélienne dans les affaires intérieures du pays. De plus, alors que les médias israéliens s’empressent de rapporter les accords et la coordination avec le gouvernement syrien ainsi que les progrès de la Syrie sur la voie de la normalisation avec Israël, l’intervention militaire israélienne montre qu’aucun accord de sécurité n’a encore été conclu.

Selon l’interprétation des événements par la Syrie, Israël prévoit d’exploiter les conflits internes dans le pays, en particulier dans le district druze, afin de s’imposer comme une « force de police » capable d’empêcher le gouvernement d’établir son contrôle sur l’ensemble du pays. Dans la pratique, le contrôle géographique du territoire syrien par Israël a ainsi fait de ce dernier un partenaire dans la gestion du pays.

La connexion turque

Cette évolution dangereuse se produit alors même que les USA s’efforcent d’aider le gouvernement d’Al-Charaa à stabiliser son pouvoir dans tout le pays.

Copains comme cochons: Ryad, 25 mai 2025

Depuis que le président Donald Trump a serré la main d’Al-Charaa. lors de sa visite en Arabie saoudite, où il a levé les sanctions contre la Syrie, ouvrant ainsi grand la porte à la coopération internationale avec le nouveau gouvernement syrien, l’ambassadeur usaméricain en Turquie et envoyé spécial en Syrie et au Liban, Tom Barrack, a exercé de fortes pressions sur les Kurdes pour qu’ils mettent en œuvre l’accord qu’ils ont signé avec Al-Charaa et rejoignent l’armée nationale.

On ne sait toujours pas comment Washington va gérer la question druze, l’implication d’Israël dans ce dossier et le territoire contrôlé par Israël. Il est toutefois important de rappeler que la Turquie est également impliquée dans toutes ces questions. Ankara est devenu le protecteur d’Al-Charaa, avec la bénédiction de Washington et de Riyad.

Al-Charaa reçu par Ilham Aliyev, Monsieur BOAI (Bons offices auprès d'Israël)

La Turquie et Israël ont mis en place un mécanisme de coordination grâce à la médiation de l’Azerbaïdjan. Samedi, Bakou a également accueilli Al-Charaa, et « en marge » de cette visite, de hauts responsables syriens, dont le ministre des Affaires étrangères Asaad al-Shibani, ont rencontré des responsables israéliens. Néanmoins, le mécanisme de coordination vise uniquement à prévenir les affrontements « involontaires » entre les Forces de défense israéliennes (FDI) et les forces turques, et non à traiter les activités des FDI dans le sud de la Syrie.

La Turquie estime qu’Israël doit se retirer de tout le territoire syrien et revenir aux lignes établies dans l’accord de séparation des forces de 1974. Elle tente actuellement de convaincre l’administration usaméricaine d’adopter cette position et de persuader Al-Charaa de subordonner tout accord avec Israël à cette condition.

 

 

07/06/2025

ZVI BAR’EL
Trump blanchit les djihadistes alors que le président syrien s’efforce de constituer une armée nationale

Le nouveau président syrien doit manœuvrer entre le monde occidental, le monde arabe et ses alliés miliciens étrangers qui se sentent marginalisés. Le consentement de Trump à l’intégration des combattants étrangers dans l’armée syrienne sert les intérêts des deux présidents.

Zvi Bar’el, Haaretz, 6/6/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

L’une des conditions posées par Donald Trump au président syrien Ahmad al-Charaa pour obtenir la pleine reconnaissance de son pays et la levée des sanctions était le démantèlement de toutes les milices étrangères en Syrie et l’expulsion des combattants. Une fois de plus, Trump n’a pas déçu.

Cela ressemble à son revirement lorsqu’il a annoncé son « accord de cessez-le-feu » avec les Houthis au Yémen et a troqué ses menaces d’ouvrir les portes de l’enfer sur l’Iran contre une diplomatie visant à un nouvel accord nucléaire.


Le président Donald Trump, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président par intérim syrien Ahmad al-Charaa, à droite, posent pour une photo à Riyad, en Arabie saoudite, le 14 mai 2025. Sana via AP

De la même manière, il a radicalement changé sa position sur la Syrie. Cette semaine, il a autorisé al-Charaa à intégrer des combattants étrangers dans la nouvelle armée syrienne.

Dans ces trois développements, Trump a balayé les réserves d’Israël et l’a laissé manœuvrer seul sa nouvelle carte géopolitique. La raison de ce revirement en Syrie pourrait résider dans l’avertissement sévère que le secrétaire d’État Marco Rubio a adressé au Comité des relations étrangères du Sénat le mois dernier.

« En fait, nous estimons franchement que, compte tenu des défis auxquels elle est confrontée, l’autorité de transition est peut-être à quelques semaines, et non à plusieurs mois, d’un effondrement potentiel et d’une guerre civile à grande échelle aux proportions épiques, qui conduirait essentiellement à la division du pays », a déclaré Rubio.

Un avertissement similaire a été lancé par les amis de Trump, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et l’émir qatari Tamim ben Hamad al-Thani, lors de la visite de Trump dans la région le mois dernier. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a exprimé des idées similaires.

Ils sont tous les nouveaux protecteurs d’al-Charaa et ont promis de l’aider à forger une nouvelle Syrie, à reconstruire son armée et à garantir que le nouvel avatar sera pro-occidental et pacifique, et qu’il combattra l’État islamique.

Mais comme tout le monde l’a dit à Trump, sans la levée des sanctions, la Syrie n’aurait aucune chance de se reconstruire et pourrait même s’effondrer, mettant en danger toute la région.

Trump s’intéressait à une autre question. Il n’a pas exigé que la Syrie devienne un pays démocratique laïc où les droits de l’homme seraient le principe directeur. Trump voulait savoir comment et quand il pourrait ramener les troupes usaméricaines et quitter ce pays qu’il avait décrit en 2019, lorsqu’il avait annoncé pour la première fois son intention de retirer les forces usaméricaines, comme un endroit où il y avait « beaucoup de sable ».

Ainsi, si le départ des USAméricains nécessite un renforcement d’al-Charaa et si la condition est un “arrangement”  avec les milices étrangères, alors les considérations idéologiques ou morales ne feraient que perturber les plans de Trump.

Ces milices sont estimées à quelques milliers de combattants provenant d’une douzaine de pays, dont la Tchétchénie, la Chine, la Turquie, la Jordanie et l’Égypte. Elles constituaient l’épine dorsale d’al-Charaa lorsqu’il dirigeait les rebelles du Hayat Tahrir al-Cham dans la province d’Idlib, et en décembre dernier, lorsqu’il a lancé sa campagne éclair pour prendre Damas et renverser le régime d’Assad.

Mais il ne s’agit pas de mercenaires d’al-Charaa qui, une fois leur mission accomplie, peuvent être payés et renvoyés chez eux. Les combattants ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine, où la plupart d’entre eux sont considérés comme des terroristes. Et sans une solution qui garantisse leur sécurité en Syrie, le danger est qu’ils retournent leurs armes contre le nouveau gouvernement.

Comme l’a déclaré l’un de ces combattants à un site ouèbe en langue arabe : « Après toutes ces souffrances, après le changement de politique et le changement de drapeau » – du drapeau du parti Baas à l’ancien drapeau syrien – « j’ai l’impression d’être à découvert, comme si nous avions été oubliés, comme si les immigrés qui ont tout sacrifié étaient devenus un fardeau ». Al-Charaa est conscient que le chemin vers la lutte armée pourrait être court.

Les combattants étrangers sont arrivés en Syrie en 2012, environ un an après le début de la guerre civile. Depuis, ils se sont intégrés, ont fondé des familles et créé des entreprises et, si vous leur demandez, sont devenus partie intégrante de la société.

Beaucoup étaient motivés par les idéologies religieuses d’Ayman al-Zawahiri, le chef d’Al-Qaida, et d’Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État islamique. Certains ont combattu pour l’État islamique avant de rejoindre al-Charaa, qui utilisait alors le nom de guerre Abou Mohammed al-Joulani. D’autres ont créé des milices qui ont offert leurs services à al-Charaa, puis, après sa rupture avec Al-Qaida en 2016, ont soit continué avec Al-Qaida, soit aidé l’État islamique.

À l’époque, al-Charaa devait lutter à la fois contre l’armée du régime d’Assad et les milices rivales, jusqu’à ce qu’il forme Hayat Tahrir al-Cham, une coalition de milices. En cours de route, il n’a pas hésité à tuer ses rivaux, y compris certains qui faisaient partie de son cercle restreint, lorsqu’il a découvert, ou cru découvrir, qu’ils cherchaient à le renverser ou qu’ils étaient en désaccord avec ses politiques et sa vision du monde.

Le passage de la direction d’un ensemble de milices à celle d’un pays a obligé al-Charaa à se démener pour empêcher cet ensemble de se désagréger. Il a dû former une grande force nationale loyale opérant dans tout le pays, mais il s’est heurté à un champ de mines constitué de groupes ethniques et de milices armées.

Parmi ceux-ci figurent les Druzes, les Kurdes et les Alaouites (la secte de la famille Assad) ; les deux premiers au moins sont lourdement armés et réclament l’autonomie. En outre, des dizaines de milices composées de Syriens et d’étrangers sont réticentes à abandonner les zones qu’elles contrôlent, qui financent leurs opérations et leur mode de vie.

Al-Charaa a également dû trouver des financements pour l’État syrien, afin de mettre en place les institutions gouvernementales, les forces de l’ordre, la justice et les services civils détruits sous le régime d’Assad.

Une fois de plus, il a dû suivre deux voies : établir des relations avec des pays arabes et occidentaux méfiants en prouvant sa volonté d’adopter des politiques pro-occidentales, y compris une éventuelle volonté de reconnaître Israël, tout en apaisant ses frères d’armes, les commandants des milices radicales qui éveillent les soupçons des pays qu’il courtise.

Al-Charaa a rapidement nommé certains des commandants étrangers à des postes élevés dans l’armée et les services de sécurité syriens, faisant de certains d’entre eux des généraux.

Il a également conclu un accord temporaire avec les Kurdes, qui ont annoncé leur volonté de rejoindre l’armée syrienne à condition de pouvoir créer une unité kurde qui n’opérerait que dans les zones kurdes, une condition à laquelle al-Charaa s’oppose. Al-Charaa a également conclu un accord partiel avec les Druzes, soutenu par plusieurs grandes milices druzes, même si d’autres attendent de voir où va la Syrie.

Quant aux petites milices, dont certaines ne comptent que quelques dizaines ou centaines de combattants, il leur a ordonné de déposer les armes et de rejoindre l’armée avant le 27 mai.

La semaine dernière, le ministre syrien de la Défense, Murhaf Abu Qasra, a déclaré que jusqu’à présent, plus de 130 miliciens avaient rejoint l’armée et formeraient une brigade distincte.

Ce compromis visait à obtenir le consentement des USAméricains pour l’enrôlement des combattants étrangers au lieu de leur expulsion. L’hypothèse est que s’ils font partie d’une unité spéciale, ils peuvent être déployés dans des missions moins sensibles et être étroitement surveillés.

Mais cela ne résout pas le problème de l’endoctrinement religieux radical dont ont fait l’objet la plupart de ces combattants, qui les a poussés à venir en Syrie. Cela pourrait avoir des conséquences concrètes.

Par exemple, l’armée syrienne est censée gérer les grands complexes pénitentiaires où sont détenus des dizaines de milliers de combattants de l’État islamique et leurs familles, principalement dans le nord du pays.

Ces installations sont sous contrôle kurde. La crainte est que si ces complexes sont transférés à l’armée syrienne, certains soldats redécouvrent leurs « frères perdus » de l’État islamique et les aident à s’échapper, ou pire, collaborent avec eux contre le régime.

Cette crainte devrait être prise en compte par la Turquie, qui a proposé de combattre l’État islamique à la place des USAméricains, qui se retireraient alors de Syrie. Dans le passé, Washington a rejeté cette idée, mais elle semble désormais constituer une solution acceptable qui permettrait à Trump de réfuter les accusations selon lesquelles le retrait des troupes usaméricaines équivaut à abandonner les Kurdes et la lutte contre l’État islamique.

L’accord concernant les milices étrangères est loin de suffire à imposer l’autorité de l’État sur les forces armées. Les accords avec les Kurdes et les Druzes n’existent encore que sur le papier. Les Alaouites, qui vivent sur la côte, sont une source de friction, tout comme les vestiges du régime Assad, qui sont armés et envisagent une contre-révolution.

Pour l’instant, al-Charaa bénéficie d’un large soutien arabe et occidental. Mais il devra bientôt prouver aux Syriens que sa révolution est plus que quelques slogans accrocheurs.


Cravate sanglante, par Hassan Bleibel, mars 2025

 

05/05/2025

HAYTHAM MANNA
Syrie : la loi de la jungle

 Haytham Manna , 4/5/2025
Original : شريعة الغاب

Traduit par Tlaxcala

Ci-dessous le chapitre 3 du livre « Manifeste contre le fascisme djihadiste », à paraître prochainement. [chapitre 1 chapitre 2]

Lorsque nous lisons un « message sur le jugement de la musique » du nouveau ministre de l’Intérieur de Damas, Anas Khattab, nous réalisons que notre problème en Syrie aujourd’hui n’est pas de revenir à « la loi de Dieu », mais de revenir « triomphalement » à la loi de la jungle. En effet, chez le créateur des termes « djihad sunnite » et « culte du djihad », nous lisons :

« Les instruments de musique sont la cause du tremblement de terre, de la transformation et des secousses... Ce consensus a été rapporté par Al-Qurtubi, Ibn Rajab, Ibn Salah, Ibn Hajar al-Haytami et d’autres"... Et le Cheikh de l’Islam Ibn Taymiyya, que Dieu lui accorde sa miséricorde, a dit : “Quiconque pratique ces amusements dans un but religieux et pour se rapprocher de Dieu, il n’y a aucun doute sur son égarement et son ignorance”. "Quant à celui qui le fait pour le plaisir et le divertissement, les écoles des quatre imams s’accordent à dire que tous les instruments de musique sont interdits, car il a été établi dans Sahih al-Bukhari et ailleurs que le Prophète, paix soit sur lui, a informé qu’il y aurait parmi sa communauté ceux qui rendraient licites la soie, l’alcool et les instruments de musique, et il a mentionné qu’ils seraient transformés en singes et en porcs. "Les instruments de musique sont les amusements, comme l’ont mentionné les gens de la langue, le pluriel d’instrument (ma’azifah) est l’outil avec lequel on joue : c’est-à-dire avec lequel on fait du bruit, et aucun des suiveurs des imams n’a contesté l’interdiction des instruments de musique »[1]...

Je remercie Dieu que ma mère croyante, qui veillait à prier, jeûner, faire le pèlerinage et donner la zakat, jouait du luth pour nous lorsque nous rentrions de la visite à  mon père emprisonné* , pour alléger notre chagrin, et qu’elle a enseigné les mathématiques et les sciences naturelles à plus d’une génération. Elle nous a quittés avant de voir et d’entendre ce que nous voyons et lisons aujourd’hui, venant de ceux que Hassan Aboud, le fondateur du mouvement Ahrar al Sham en Syrie, a qualifiés de « nouveaux venus, enfants de la jeunesse, dépourvus de sagesse, sans connaissance en matière de religion ni en politique légitime »


Urgent - Nettoyage en cours” : al-Jazeera, machine de blanchiment d’al-Joulani
Dessin d’Adnan Al Mahakri, Yémen

Le problème des takfiristes ne se limite pas à leur rejet de la musique, de la pensée et de la poésie, ni à leur considération de tout désaccord culturel comme un danger pour ahl alssuna, « les gens de la sunna ».  Cela va au-delà, touchant leur vision globale de l’homme, de l’islam, des systèmes politiques et des groupes humains. Ils répètent, de manière odieuse, un vers célèbre attribué à l’imam Al-Shafi’i :

« Tout savoir en dehors du Coran est une distraction... Sauf l’enseignement des hadiths et la jurisprudence religieuse ».

« Le savoir est ce qui contient le récit “Nous avons entendu”... Tout le reste n’est que suggestions des démons ».

En ce qui concerne les systèmes politiques, on trouve constamment des critiques des réformateurs musulmans du type :

« Nous les avons vus autoriser la démocratie au nom de la consultation... Ils mentent !

Avant cela, ils ont permis le socialisme...

Et ils ont autorisé la législation en dehors d’Allah et la création de partis politiques sous prétexte d’appliquer la charia... Ils prétendent!

Et ils ont permis à une femme et à un chrétien de gouverner les musulmans...

Et ils ont interdit de se rebeller contre le dirigeant sans ce qu’Allah a fait descendre...

Et ils ont considéré les laïques, les communistes, les libéraux, les socialistes et d’autres comme des musulmans croyants !

Et ils ont considéré les chrétiens comme des frères des musulmans...

Et ils ont permis l’occupation américaine de l’Afghanistan !!!

Et certains d’entre eux ont permis d’assister à la messe des chrétiens infidèles et de les féliciter pour la nomination de leurs papes !!

Et certains d’entre eux ont permis aux hommes de se raser la barbe...

Et certains d’entre eux ont permis aux femmes de porter le pantalon...

Et d’autres innovations et égarements qu’ils ont répandus parmi les musulmans comme étant des certitudes dans la religion de l’islam... Et Allah nous suffit, et Il est notre meilleur protecteur » [2].

Qu’est-ce que le djihad sunnite ?

Anas Khattab répond : « Le djihad, en plus d’être un acte d’adoration, est également l’une des activités de l’individu dans sa vie. L’histoire de l’humanité et sa réalité contemporaine témoignent que l’être humain doit combattre les autres, quelle que soit la raison ou la motivation de ce combat... ! L’islam est venu pour orienter ce combat et le classer parmi les actes d’adoration ».

Pour les takfiristes, la destinée de l’homme est de combattre les autres, et cet “autre” peut être fabriqué selon les besoins. Il est nommé “nusayri” en Syrie, “chrétien” ou “chiite” dans d’autres pays, et “sectes égarées” ailleurs. Le concept s’élargit et se resserre selon les besoins, et il suffit d’un caricaturiste européen ou d’un enregistrement falsifié soigneusement préparé d’une personne dite appartenant à la secte des Druzes unitariens pour déclencher la guerre. Le peuple est facilement mobilisé, et les historiens en ont souvent assez de mentionner les précédents. Ceux dont les droits à la connaissance, au travail et à la culture ont été bafoués se mobilisent pour défendre « la religion », « le Prophète » et « le dogme ». Ils se dirigent comme des loups vers leurs semblables pour se libérer de ceux que leurs griffes peuvent atteindre, en soutenant Dieu et Son Prophète.

Cela nous rappelle l’histoire racontée par Yaqout al-Hamawi dans son “Dictionnaire des villes” : « Les habitants de la ville étaient trois groupes: les chafi’ites, qui étaient les moins nombreux, les hanafites, qui étaient les plus nombreux, et les chiites, qui constituaient la majorité... La rivalité entre les sunnites et les chiites s’est intensifiée, et les hanafites et les chafi’ites se sont unis contre eux. Des guerres ont éclaté, toutes victorieuses pour les chafi’ites, malgré leur petit nombre. Mais Dieu les a soutenus. Les habitants de Rustaq, qui étaient hanafites, venaient à la ville avec des armes et soutenaient leurs coreligionnaires, mais cela ne leur a rien apporté, jusqu’à ce qu’ils soient exterminés. Ces lieux en ruines que vous voyez sont les lieux des chiites et des hanafites, tandis que ce quartier connu pour les chafi’ites demeure. Et il ne reste des chiites et des hanafites que ceux qui cachent leur doctrine ».[4]


Erdo
ğ
an le marionettiste
Adnan Al Mahakri

Depuis la naissance de « Jabhat al-Nusra » sous le commandement d’Abou Bakr al-Baghdadi, les slogans principaux qu’ils ont exprimés sont : "La démocratie est un péché et une mécréance", "Les chrétiens doivent être  pourchassés a Beyrouth, et les nusayris aux cercueils". Le djihad en Syrie et pour la Syrie est "contre les nusayris et leurs alliés", "contre le régime nusayri et les milices chiites", et en soutien aux gens de la sunna. Des fonds ont afflué de tous les pays du Golfe vers ce groupe, atteignant "le gaspillage" d’un milliard de dollars au cours de sa troisième année, selon Abou Mohammed al-Joulani. Cela a également été une opportunité pour les pays du Golfe de se débarrasser de ceux qu’ils n’ont pas réussi à réhabiliter parmi les détenus de Guantanamo et les prisonniers d’Al-Qaïda, le directeur des renseignements saoudiens Bandar bin Sultan s’étant chargé de les éliminer dans le brasier syrien. Cela a également été une occasion d’envoyer des salafistes du Maghreb vers l’Est ! Cependant, Recep Tayyip Erdoğan et le directeur du MIT [services de renseignement turcs, NdT] à l’époque, Hakan Fidan, ont considéré cela comme une opportunité de diriger "l’islam sunnite" et de s’emparer des fonds du Golfe. Le résultat a été que ce qu’ils avaient imaginé comme une promenade d’un an ou deux s’est transformé en cauchemar avec l’arrivée de la plus grande masse de réfugiés syriens sur son territoire. Malgré cela, le gouvernement turc a réussi à investir massivement sur le plan économique et géopolitique dans la tragédie syrienne, et cela se poursuit.


Hakan Fidan et Ahmed al-Charaa à Damas le 24 décembre 2025

L’ouverture des frontières turques aux dizaines de milliers de combattants non syriens pour le djihad a complètement modifié la carte des forces opposées au régime dictatorial syrien. Les voix démocratiques ont été marginalisées, et parler du slogan de la révolution syrienne "Le peuple syrien est un" est devenu un blasphème et une hérésie jusqu’à ce que des mots comme "peuple", "liberté", "souveraineté" et "État national" soient désormais combattus et provoquent des attaques de factions armées de l’opposition. Avec la prise de contrôle de Hay’at Tahrir al-Sham sur une partie importante de la province d’Idlib, le travail a sérieusement commencé à "nettoyer" la ville de quiconque différait de "Jabhat al-Nusra" dans son mode de vie et de ses habitudes... Des sanctions ont été appliquées contre "les déviants et les violations", ce qui a conduit à l’exil d’un tiers de la population. Dans certains villages, des complexes djihadistes ont été établis selon le pays d’origine des combattants, comme pour les Ouïghours, les Tchétchènes et les Marocains... Même des Français se sont installés là où ceux qui ont été expulsés ou contraints à fuir se trouvaient. Il est ironique que ceux qui fuyaient les réformes sociales en Arabie Saoudite aient apporté avec eux les souvenirs de la "Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice" à Idlib, avec un financement généreux d’organisations "caritatives" wahhabites au Qatar et en Arabie Saoudite, pour propager le port du niqab, interdire le mélange dans les restaurants et les bureaux, et empêcher la présence de femmes non accompagnées dans les magasins. En outre, il était également interdit de vendre des vêtements féminins aux hommes et de surveiller les salles de mariage et les événements festifs pour interdire "les comportements immoraux", ainsi que la consommation publique de chicha dans les rues, les magasins et les restaurants. Ils ont aussi interdit les coupes de cheveux exagérées et les comportements "inappropriés", en surveillant les jeunes filles et les garçons dans les instituts d’enseignement et les moyens du transports.

Après que les "juristes" et les "djihadistes" ont commencé à porter des cravates, l’euphorie a atteint un certain nombre de déçus qui pensaient que les gens les avaient oubliés, mais ils se sont mis à parler de "l’oppression sunnite" et à chercher les mérites de ceux qui "ont libéré et décidé"... Ils ont oublié que le changement de peau d’un serpent n’enlève pas le venin de ses morsures. L’attaque contre la zone côtière a révélé la nature instinctive de ceux qui sont devenus le nouveau pouvoir à Damas. Nawar Jabour décrit la tragédie du nettoyage sectaire en disant : « Les massacres qui ont eu lieu sur la côte ont ajouté une dimension où les Alaouites sont devenus un ennemi explicite, tués et filmés morts, leurs magasins et leurs terres incendiés, et ils sont pourchassés même lorsqu’ils fuient vers les forêts ou les vallées. Mais ce qui était encore plus cruel, c’était le meurtre ritualisé ou le meurtre inspiré, où les tueurs veillaient à exécuter les massacres conformément à ce qui avait été prescrit religieusement contre les ‘nusayris’, ce qui a consacré le caractère religieux de la violence, de sorte que le message n’était pas seulement destiné aux victimes, mais leur corps même est devenu un message politique et religieux. Le meurtre n’était pas seulement un acte de violence gratuit, mais des vidéos ont circulé documentant des meurtres célébratoires, où l’objectif n’était pas seulement d’éliminer physiquement les victimes, mais de se vanter de détruire leurs biens et de les voler. Une vantardise ouverte sur le pillage des maisons des tués, des combattants brandissant les biens des habitants comme des butins, illustrant la fierté du vol, tout comme les Syriens l’avaient précédemment observé avec les soldats du régime déchu et les milices de défense nationale. Les victimes tuées sont devenues des symboles de la victoire de la foi, où le devoir sacré de purification se manifeste sur les corps tués et abandonnés à la vue de tous, consolidant une image à long terme selon laquelle ils sont politiquement, religieusement et spirituellement rejetés ». [7]

Jusqu’à aujourd’hui, l’autorité d’Ahmad al-Charaa n’a émis aucune décision claire pour mettre fin aux agressions qui touchent les terres, les biens et le droit à la sécurité des Alaouites en tant que tels !

Il est difficile de savoir qui a fabriqué un enregistrement audio et l’a attribué à un Syrien de la communauté druze, mais il est facile de suivre les réactions parmi ceux qui sont maintenant officiellement définis comme "les éléments et factions non disciplinés". Par un coup de génie et au nom de la défense du Prophète Mohamed, le verset coranique "Nul ne porte le fardeau d’un autre" a été modifié dans l’esprit des foules (sans le "non"), et le Parti de la mobilisation et de la haine s’est dirigé vers la Syrie miniature (Jaramana) pour se venger de ses habitants dans une affaire qui ne les concernait pas. Le nombre de victimes dans cette folie collective a dépassé la centaine, avec des dizaines de détenus et de disparus.

N’est-ce pas le parti des trois “T”  (altakfir waltahrim waltafjir, التكفير والتحريم والتفجير) qui détient réellement le pouvoir sur les autorités sécuritaires et militaires aujourd’hui ? Ahmad Al-Charaa peut-il adresser des critiques ou des plaintes à ceux qu’il a nommés au Conseil de sécurité nationale, une autorité au-dessus de tout ? Y a-t-il quelqu’un parmi eux, y compris le nouveau chef des renseignements, dont les mains ne soient pas tachées du sang des Syriens ?

Une personne raisonnable peut-elle croire aujourd’hui que “l’autorité de transition” à Damas veut construire une Syrie pour tous les Syriens et Syriennes ?

NdT
* Yousef Aloudat, avocat, a été emprisonné pendant 18 ans sous le régime Assad [NdT]
Notes

[1] https://t.ly/NoHFs 

[2] Anas Khattab, ibid, bien que ce passage soit plagié à partir de plusieurs autres textes sans mentionner les autres sources.

[3] https://t.ly/8g1_F   (Le djihad sunnite et les voies de la déviation).

[4] Voir Yaqut al-Hamawi, Lexique des pays, 3/117, voir aussi : Le phénomène du fanatisme à travers l’histoire islamique, Muhammad Amjad Abdul Razzaq al-Bayat, 2018, Dar al-Maymana, Médine.

[5]  https://t.ly/v4Lgr 

[6]  https://t.ly/rNEt1 

[7] https://t.ly/_i1Bg  https://t.ly/rPfmR