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02/06/2025

PATRICIA CHAINA
“Il n’y a pas de capitalisme possible sans racisme” : Mireille Fanon avec les Mapuches en Patagonie

La présidente de la Fondation Frantz-Fanon explique la relation de la discrimination raciale et de l’expulsion territoriale avec le développement du système capitaliste. Les cas des Mapuches et du peuple palestinien.

Patricia Chaina, Página/12, 2/6/2025


Journaliste argentine du journal Página/12 et professeure de communication sociale à l’Université de Buenos Aires. Meta

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

« Nous devons comprendre que, dans le monde, le système colonial a installé la question raciale et qu’il n’y a pas de possibilité de réaliser le système capitaliste sans racisme. Inversement, il ne peut y avoir de racisme sans capitalisme », a déclaré Mireille Fanon Mendès-France, célèbre militante des droits humains et présidente de la Fondation internationale Frantz- Fanon, devant un public enthousiaste dans la ville d’El Bolsón, dans le Rio Negro. Elle a ainsi expliqué la discrimination raciale, l’expulsion territoriale et la criminalisation du peuple mapuche. Et elle établit le paradigme de la colonisation comme origine des conflits territoriaux, que ce soit ici, au Moyen-Orient ou en Afrique. Une définition qu’elle a répétée dans chacune des récentes conférences qu’elle a données en Patagonie. Une définition qu’elle reprendra en détail dans une interview accordée à Página/12 à la fin de sa visite.

« Les colonisateurs ont commis un génocide, si l’on regarde l’histoire du système colonial dans les Caraïbes, en Amérique du Nord et du Sud, ou en Afrique, on peut le dire. Cela ne fait aucun doute », définit la fille de l’emblématique philosophe antillais Frantz Fanon lors de son passage dans la Comté des Andes. « Et le génocide se poursuit », affirme-t-elle, « non seulement en Palestine, mais aussi en République démocratique du Congo, au Yémen et dans d’autres pays d’Afrique, en utilisant d’autres méthodes pour éliminer les personnes qui dérangent. Ici, il s’agit du peuple mapuche ».

« Un peuple millénaire en lutte constante pour ses terres, même si elles sont protégées par la convention 169 de l’OIT », a-t-elle déclaré avant de se rendre en Patagonie, à Neuquén, Río Negro et Chubut. « Il est incompréhensible que non seulement on les empêche de vivre sur leurs terres, mais que s’ils résistent, ils soient criminalisés », dit-elle.

Maintenant qu’elle était là, avec eux, et avec son approche humaniste, Fanon a parlé aux communautés. Elle raconte des histoires de lutte et de résistance pour montrer que l’état actuel des conflits découle du génocide perpétré depuis « la soi-disant découverte ». Elle situe l’origine de l’asservissement des damnés de la terre « dans le génocide qui a commencé après 1492 ici, en Amérique du Nord, dans les Caraïbes ou en Afrique ».


Le droit d’être souverain

En cette froide après-midi d’automne qui l’accueillait à El Bolsón, Fanon, la prestigieuse juriste internationale, a déclaré qu’elle voyait « une situation parallèle entre le premier moment de la colonisation des peuples indigènes et africains, et entre les pays encore colonisés et le peuple mapuche qui est encore sous mandat colonial ». En même temps, elle a relevé des différences : « Le peuple mapuche a droit à sa souveraineté et reconnaît la nécessité de s’organiser en communautés, de préserver son patrimoine culturel et de s’opposer au racisme de l’État argentin ».

Fanon a également fait une distinction avec ce qui se passe « sur mon île », la colonie française de la Martinique. Là, « les Afrodescendants aliénés par la suprématie blanche ne peuvent s’unir en tant que peuple à travers un héritage culturel partagé. Et comme ici, en l’absence de titres fonciers, la revendication territoriale est complexe ».

En utilisant d’autres méthodes, le modèle se perpétue dans des endroits comme la Palestine. « Même si les Palestiniens ont des titres de propriété », explique-t-elle, « Israël ne les reconnaît pas et l’expulsion des Palestiniens aboutit à la situation de massacre dans laquelle nous nous trouvons actuellement ».

Le génocide peut être une tuerie massive, disproportionnée et intentionnelle, mais c’est aussi le fait de forcer violemment des personnes à quitter leur territoire. Ce qui arrive au peuple mapuche a été appliqué en Palestine pendant la première et la deuxième Intifada et aujourd’hui c’est devenu un massacre, devant le monde entier.

La suprématie colonialiste

Fanon explique l’ambition capitaliste pour les territoires et les ressources naturelles : « En Palestine, il y a de l’eau et du gaz, c’est pourquoi nous sommes arrivés à la situation actuelle, comme ici avec le peuple mapuche, où les droits élémentaires sont violés, parce que leur refuser l’eau est une façon de les expulser de leur terre et de leur vie ».

Lors de son intervention à El Bolsón, Fanon a été catégorique : »La volonté de l’Occident d’étendre sa modernité n’a pas de limites, bien qu’il existe une ONU qui prévient les guerres, préserve la paix et garantit le respect entre tous les États, petits et grands, il y a quelque chose de commun depuis le début du processus, c’est pourquoi nous devons revenir à l’histoire de la colonisation ».

Elle a rappelé que quelques décennies avant « ce qu’ils appellent la découverte », un pape avait émis un décret - la bulle de 1452 - autorisant le roi du Portugal « à conquérir et à coloniser tous les païens et les croyants non chrétiens ». Et une autre bulle, 20 ans plus tard, destine ces territoires aux colonisateurs ». La modernité européenne blanche, souligne-t-elle, l’a très bien compris et a appris qu’elle avait « le devoir de christianiser le monde ».

« Il n’y a pas de loi ou de droit international pour cela », dit-elle, « le droit international humanitaire est totalement délégitimé, c’est pourquoi ils peuvent tuer des gens dans nos pays ». Elle souligne : « Aujourd’hui, on a le droit de tuer des Mapuches. Et quand ça arrive, il n’y a pas de justice. En France, des Noirs ou des Arabes sont tués par la police, il y a de plus en plus de cas. Nous ne sommes pas comme les USA, mais quand des jeunes sont tués par la police, on déclare que la police a fait un usage excessif de la force pour se protéger ».

Quand tout a commencé

Interrogée par Página/12 sur l’état d’exception auquel est soumis le peuple mapuche, Fanon estime qu’il ne s’agit pas d’une conséquence du génocide perpétré lors de la Conquête du Désert : « Les peuples indigènes, comme les Africains et les Afrodescendants, sont en tout cas victimes des conséquences de la colonisation qui a commencé en 1492. Celle-ci a été systématisée. Et elle s’est radicalisée au 19ème siècle. Mais la doctrine de la découverte a introduit l’esclavage, c’est ainsi que tout a commencé ».

Dans le contexte de l’actuel gouvernement national argentin aligné sur la droite internationale, comment évaluez-vous le processus de revendication identitaire et territoriale du peuple mapuche en Argentine ?

Le gouvernement de Milei poursuit la politique mise en place depuis le XVe siècle, avec des pics tragiques dans les différents génocides, l’accaparement des terres et le pillage des ressources naturelles. Ces événements jalonnent l’histoire des peuples indigènes, notamment celle des Mapuches en Argentine et au Chili. Mais cela s’est produit et se produit encore en Afrique. Ce moment inaugure cette politique basée sur le racisme et soutient la guerre institutionnalisée et permanente contre les personnes qui dérangent. Nous le voyons aujourd’hui contre les personnes qui résistent ou dénoncent les politiques d’exploitation, de criminalisation ou de répression, partout dans le monde.

Sur le processus de récupération de l’identité du peuple mapuche, Fanon met en garde : « Si nous voulons parvenir à la récupération de l’identité et du territoire, nous nous épuisons si nous le faisons chacun de notre côté. Nous nous fatiguons les uns les autres, à demander, à exiger réparation pour que les crimes contre l’humanité soient condamnés pour ce qu’ils sont, nous nous épuisons à le faire ainsi, de manire isolée ».

Que suggérez-vous alors ?

Je me demande si ceux d’entre nous qui partagent cette histoire tragique ne devraient pas unir leurs luttes. Exiger la réparation, la revendication et la restitution de tous les territoires volés par les colonisateurs, qui représentent aujourd’hui l’Etat des colonisateurs. Les luttes isolées menées uniquement par les peuples concernés, compte tenu du bulldozer qu’est le système capitaliste libéral et de la militarisation que ces gouvernements utilisent aujourd’hui, sont vouées d’une certaine manière à l’échec.

Comment renforcer la lutte pour ces revendications ?

Dans un processus de rapport de force inégal, si nous ne changeons pas cela, nous ne pourrons jamais faire entendre nos droits. Plutôt que d’analyser les demandes du peuple mapuche de manière individuelle, nous devrions penser à quelque chose qui est à la fois local, mais aussi international, global, avec d’autres peuples impliqués dans ces processus.

Pourquoi pensez-vous que le système judiciaire argentin, en général, ne tient pas compte de la voix du peuple mapuche lorsqu’il applique la jurisprudence sur les conflits territoriaux qui l’impliquent, ou qu’il fait des déclarations erronées, trompeuses ou mensongères lorsqu’il expose les cas qui deviennent publics ?

Le rapport de force n’est pas en faveur du peuple mapuche. Quand il y a une jurisprudence qui n’est pas respectée, la jurisprudence ne sert à rien. On l’oublie parce que la répression est institutionnalisée. La voix du peuple mapuche est la plupart du temps entendue à partir d’une position qui le sous-estime. Le problème est que les Argentins sont, à l’égard du peuple mapuche, le plus souvent et au mieux, paternalistes, mais à partir d’une supériorité coloniale. Sinon, ils sont racistes. Comment, dès lors, un peuple ancestral peut-il se faire entendre si la suprématie blanche domine à tous les niveaux, qu’ils soient juridiques ou culturels ?

Fanon précise : « Dans le meilleur des cas, les Mapuches deviennent une attraction touristique et dans le pire des cas, un peuple à éliminer, à criminaliser, à emprisonner ou à tuer. Il s’agit d’un sociocide, d’un ethnocide et, en fait, d’un terricide. Car qui dit peuple mapuche dit terres ancestrales, et ce sont ces terres qui intéressent le plus les transnationales, le gouvernement et les grands propriétaires terriens ».

La racine du mal

À El Bolsón, expliquant que le problème a une racine commune « et vient de la colonisation », Fanon pointe « la question raciale » mise en place par le capitalisme pour soutenir son existence. « Inversement, il n’y a pas de racisme sans capitalisme », affirme-t-elle.

Pour le confirmer , elle évoque son père : « Fanon - qui était psychiatre - a essayé de faire comprendre que, dans le domaine de la santé mentale, il n’est pas seulement nécessaire de traiter la personne. Si vous ne traitez pas le contexte social, la personne n’ira pas mieux. Il faut d’abord comprendre comment fonctionne le contexte politique et social et identifier les lieux de dysfonctionnement ».

Où ces dysfonctionnements peuvent-ils être identifiés aujourd’hui ?

Dans les différents types de violence auxquels nous sommes confrontés. En particulier dans le déni de justice. C’est le cas du peuple mapuche, du peuple palestinien et d’autres peuples encore colonisés. Nous devons identifier le type d’aliénation auquel nous sommes soumis et ne pas avoir peur d’essayer de résister à cette aliénation. Nous n’avons rien à perdre à résister car le système essaie de nous tuer. Les Mapuches, les Noirs ou les Palestiniens, partout dans le monde, des personnes racisées, pauvres, marginalisées.

Pour Fanon, le système cherche à « avoir des gens qui ne valent rien », qui ne tiennent pas compte de leur propre existence. « Si nous ne mettons pas le génocide sur la table, le système continuera à l’utiliser pour nous contrôler, pour susciter la peur. Mais si nous le mettons sur la table, nous devons demander des réparations. Et pour nous, à la Fondation Frantz- Fanon, il ne s’agit pas d’une compensation monétaire individuelle, mais d’un processus collectif de décolonisation ».

La colonisation a brisé « la perception de l’altérité », d’un autre, de l’intersubjectivité collective de l’humanité, a rappelé la juriste alors que la nuit tombait sur la région andine. « C’est pourquoi la réparation cherche à reconstruire ce sens de l’humanité et de l’altérité. Et comme hypothèse de résolution, elle n’a évoqué qu’une seule option : “Lutter et résister”. Et même si les autorités refusent l’application de la justice : « Utiliser la justice pour que le droit positiviste soit acculé et que nous jouions avec ce que nous pouvons tordre dans le système judiciaire pour avancer ».

Pensez-vous qu’il soit possible qu’un État plurinational voie le jour, en pensant à des processus comme celui de la Bolivie ?

Je ne connais pas suffisamment l’État plurinational bolivien. Mais dans l’état actuel du capitalisme, je ne pense pas qu’il soit possible de parler d’un État plurinational parce que la politique capitaliste est basée sur la domination des autres peuples. Le plurinationalisme n’est pas compatible avec le capitalisme. Si vous regardez les accords de 1967 sur la Palestine, vous voyez qu’aujourd’hui il n’y a même pas d’État palestinien parce que l’État israélien veut génocider tout le peuple palestinien pour éliminer le problème.

« Dans l’état actuel du monde », poursuit Fanon, « avec les rapports de force qui se dessinent, avec la façade du monde, je me demande ce que signifie un État plurinational. C’est une question philosophique, philopolitique. Même si le capitalisme cessait d’exister, un Etat plurinational ne serait pas la fin de la domination. Car la plurinationalité est un fait pensé par les Blancs dominants comme une “interculturalité”. Ils intègrent des mandats qui masquent les désirs coloniaux de s’approprier les processus culturels des peuples qui résistent ».

Son engagement est « pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. À leur souveraineté. Et y réfléchir ensemble, c'est possible. À une autre définition de ce que pourrait être l’humanité, l’humain, dans un cadre de rupture totale avec le capitalisme et la modernité eurocentrique. On pourrait ainsi penser à une structure plurinationale, ontologique et épistémologique. Il s’agit pour l’instant d’inductions paradoxales du monde blanc, avec lesquelles le monde blanc sait jouer parfaitement ».


02/02/2025

CHRIS HEDGES
Le génocide, en mode occidental

Chris HedgesThe Chris Hedges Report, 1/2/2025
 Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Le génocide à Gaza laisse présager l’émergence d’un monde dystopique où la violence industrialisée du Nord global est utilisée pour soutenir son accaparement de ressources et de richesses en diminution.


Mr. Fish

Gaza est un terrain vague de 50 millions de tonnes de décombres et de débris. Les rats et les chiens fouillent les ruines et les mares fétides d’eaux usées non traitées. La puanteur pestilentielle et la contamination des cadavres en décomposition s’élèvent de sous les montagnes de béton brisé. Il n’y a pas d’eau potable. Peu de nourriture. Les services médicaux font cruellement défaut et il n’y a pratiquement pas d’abris habitables. Les Palestiniens risquent d’être tués par des munitions non explosées, laissées derrière eux après plus de 15 mois de frappes aériennes, de barrages d’artillerie, de tirs de missiles et d’explosions d’obus de chars, ainsi que par toute une série de substances toxiques, dont des mares d’eaux usées brutes et de l‘amiante.

L’hépatite A, causée par la consommation d’eau contaminée, est endémique, tout comme les affections respiratoires, la gale, la malnutrition, la famine et les nausées et vomissements généralisés causés par l’ingestion d’aliments rancis. Les personnes vulnérables, notamment les nourrissons et les personnes âgées, ainsi que les malades, sont condamnés à mort. Quelque 1,9 million de personnes ont été déplacées, représentant 90 % de la population. Elles vivent sous des tentes de fortune, campées au milieu de dalles de béton ou en plein air. Nombre d’entre elles ont été contraintes de déménager plus d’une douzaine de fois. Neuf maisons sur dix ont été détruites ou endommagées. Des immeubles d’habitation, des écoles, des hôpitaux, des boulangeries, des mosquées, des universités - Israël a fait exploser l’université Israa dans la ville de Gaza lors d’une démolition contrôlée -, des cimetières, des magasins et des bureaux ont été anéantis. Le taux de chômage est de 80 % et le produit intérieur brut a été réduit de près de 85 %, selon un rapport d’octobre 2024 publié par l’Organisation internationale du travail.

L’interdiction par Israël de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) - qui estime qu’il faudra 15 ans pour débarrasser Gaza des décombres laissés sur place - garantit que les Palestiniens de Gaza n’auront jamais accès aux fournitures humanitaires de base, à une alimentation et à des services adéquats.

Le programme des Nations unies pour le développement estime que la reconstruction de Gaza coûtera entre 40 et 50 milliards de dollars et prendra, si les fonds sont disponibles, jusqu’en 2040. Il s’agirait du plus grand effort de reconstruction d’après-guerre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.