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09/07/2025

HAGAR SHEZAF
Malnutrition, maladie et mort : la routine pour les prisonniers palestiniens à la prison israélienne de Megiddo
Haaretz dénonce

Hagar Shezaf, Haaretz, 6/7/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Correspondante de Haaretz en Cisjordanie, Hagar Shezaf a reçu en mai 2024 le prix de l’Institut de presse israélien pour « avoir révélé les attaques systématiques perpétrées par les jeunes colons et les soldats dans les territoires palestiniens occupés, ainsi que les conditions de détention des Palestiniens dans les prisons israéliennes ».

Ibrahim, un Palestinien de 16 ans, a été détenu à la prison de Megiddo pendant huit mois jusqu’à ce que la commission de libération conditionnelle déclare que son état s’était détérioré au point de mettre sa vie en danger. Il parle d’infections récurrentes par la gale, de maladies intestinales, de coups et de négligence - et une enquête de Haaretz révèle que c’est l’expérience de beaucoup d’autres, dont certains n’ont pas survécu.


Ibrahim, 16 ans, chez lui le mois dernier. Photo Nidal Shtayyeh

Dans le salon d’un appartement parfaitement agréable de Naplouse, un jeune homme mince est assis sur un canapé marron délavé et fume une cigarette. Ses cheveux sont coupés court, ses mains sont minces et osseuses, et sous ses grands yeux, des taches sombres laissent deviner ce qu’il y a en dessous. Ses jambes sont couvertes de marques rouges-grises, denses et de diérentes tailles, qui témoignent d’infections récurrentes par la gale. Ces dernières font partie de son quotidien depuis quelques mois, au même titre que d’autres maladies.

Voici Ibrahim (nom non divulgué car il est mineur), 16 ans, récemment libéré de la prison de Megiddo. La commission de libération conditionnelle de la prison a noté que son apparence était « diicile à regarder et source de grande inquiétude ». Pour compléter le tableau, il faut écouter ce que lui et sa mère disent. « Lorsqu’il a été libéré, il ressemblait à une momie, comme si ce n’était pas vraiment lui », raconte-t-elle. « Nous ne l’avons pas reconnu ». Elle est assise à ses côtés et ne le quitte pas des yeux. 

Sur une photo prise lors de sa libération, il y a environ un mois, montrée par sa mère, Ibrahim avait l’air bien plus mal en point. Aujourd’hui encore, ses mains trahissent sa maigreur, à peine plus que de la peau et des os. Outre la gale, il a souert de violences et de symptômes aigus de maladies intestinales, y compris des évanouissements. 



Ses documents médicaux et juridiques, ainsi que son témoignage, ne constituent qu’une petite partie d’un ensemble bien plus important de preuves émanant de prisonniers - adultes et mineurs - qui ont souert de la même manière à Megiddo. L’un d’entre eux, Waleed Ahmad, 17 ans, y est décédé en mars. D’après les multiples témoignages recueillis par Haaretz, la négligence médicale et la mauvaise alimentation ne sont que deux des nombreux problèmes liés aux conditions de détention.


Prison de Megiddo. La gale n’est qu’une des maladies qui y sévissent. Photo Amir Cohen/Reuters

Un adolescent en bonne santé, autrefois

Ibrahim a été arrêté en octobre 2024. Dans le cadre d’un accord de plaidoyer, il a été reconnu coupable d’avoir jeté des pierres (qui n’ont causé aucun dommage) et condamné à huit mois de détention à Megiddo, un établissement géré par l’administration pénitentiaire israélienne. À son entrée dans la prison, il pesait 65 kilos, comme l’a montré un examen médical. En quelques mois, son poids est tombé à 46 kilos. Mais Ibrahim airme que son dossier médical ne reétait pas entièrement la gravité de son état. Parfois, il pesait même moins que ça, dit-il. Selon la commission des libérations conditionnelles, un avis médical rédigé par un pédiatre (au nom de Physicians for Human Rights) faisait état d’une « situation médicale grave, caractérisée par la malnutrition et une insuisance pondérale mettant en jeu le pronostic vital ». Son indice de masse corporelle (IMC) était de 15,2 (la norme minimale commence à 18,5). Des tests de laboratoire ont également montré qu’il sourait d’anémie.

L’avocate Mona Abo Alyounes Khatib, qui représentait Ibrahim au nom du Bureau du  défenseur public, a présenté l’avis médical à la commission de libération conditionnelle. La commission a estimé que l’état de santé d’Ibrahim était “inhabituel et grave” et a noté que l’agent de l’administration pénitentiaire responsable du bien-être des prisonniers n’avait pas détaillé son état de santé dans les lettres qu’elle avait adressées à Abo Alyounes. L’agent a seulement  entionné que les autorités pénitentiaires étaient au courant de son état de santé et qu’il était traité. La commission, après avoir réduit sa peine de 11 jours, a noté que « les conditions d’emprisonnement diiciles que le prisonnier a endurées ne peuvent être ignorées ». Mais Ibrahim n’est pas “inhabituel”. Haaretz a obtenu des déclarations sous serment de quatre autres détenus de Megiddo qui ont signalé des problèmes médicaux similaires au cours des derniers mois. Physicians for Human Rights a traité cinq autres cas de prisonniers ayant des problèmes similaires. D’autres déclarations sous serment obtenues par Haaretz font état des quantités dérisoires de nourriture servies aux prisonniers et de la gale endémique, une maladie de peau diicile à éviter pour quiconque purge une peine à Megiddo. Il y a aussi l’histoire de Waleed Ahmad. En mars, il s’est eondré dans la cour de la prison et est décédé. Un médecin qui a assisté à l’autopsie pour le compte de la famille a rapporté qu’Ahmad n’avait presque plus de tissu adipeux, qu’il sourait d’une inammation du côlon et qu’il était infecté par la gale.



Prison de Megiddo. : « Ils nous ont menottés et leurs chiens marchaient devant nous en aboyant, tandis qu’ils nous donnaient des coups de pied », raconte Ibrahim.

Haaretz a demandé au ministère de la santé, qui supervise l’Institut national de médecine légale, si l’autopsie avait donné lieu à des mesures. Le ministère a refusé de fournir des détails, notant seulement que « comme l’exige la loi, les résultats inhabituels sont transmis aux autorités compétentes ». L’unité nationale d’enquête sur les gardiens de prison de la police continue d’enquêter sur le décès.

La prison de Megiddo, située sur la route 65 entre Umm al-Fahm et Afula, est peut-être un cas extrême, mais au moins certains des problèmes qui y existent touchent d’autres établissements pénitentiaires accueillant des détenus et des prisonniers palestiniens.

Selon Physicians for Human Rights [Médecins pour les droits humains], depuis le mois dernier, la gale sévit dans les prisons de Ketziot, Ganot et Ayalon. En outre, une pétition concernant la réduction des rations alimentaires pour les prisonniers de sécurité (terme israélien désignant la plupart des prisonniers palestiniens) comprend des déclarations sous serment de détenus témoignant d’une grave perte de poids dans plusieurs établissements. Les avocats airment que Megiddo est le “pire des pires"” dans presque toutes les catégories.

En ce qui concerne les décès derrière les barreaux, Megiddo se classe deuxième après Ketziot. Cinq personnes sont mortes à Megiddo - Waleed Ahmad et quatre adultes -contre sept à Ketziot. Mais tous ces chires font partie d’une statistique plus large : selon le Club des prisonniers palestiniens, au cours des 20 derniers mois, 73 prisonniers et détenus identiables sont morts dans les prisons de l’armée et de l’administration pénitentiaire. En ce qui concerne Megiddo, dans deux cas, les autopsies ont révélé des signes de violence possible.

Le premier cas est celui d’Abd al-Rahman Mar’i, un habitant de Qarawat Bani Hassan, dans le centre de la Cisjordanie, décédé en novembre 2023. Son corps portait des traces de traumatisme, notamment des côtes cassées et un sternum brisé. Un prisonnier qui était avec lui à l’époque et qui a été libéré depuis, a déclaré à Physicians for Human Rights que Mar’i avait été sévèrement battu à la tête avant sa mort.

Le deuxième cas est celui d’Abd al-Rahman Bassem al-Bahsh, un habitant de Naplouse décédé à Megiddo en janvier de l’année dernière. Son corps portait des ecchymoses sur la poitrine et l’abdomen, ainsi que des côtes cassées, une rate endommagée et une grave inammation des deux poumons. Les enquêtes sur ces deux décès sont en cours et restent sous le sceau du secret. Ce que l’on sait, c’est que ces deux aaires ne font pas l’objet d’une enquête de la part de l’Unité nationale d’enquête sur les gardiens de prison, ce qui signie que les gardiens de prison ne sont pas suspectés.



Les allégations de violence de la part des gardiens de prison ne surprennent pas Ibrahim, qui airme qu’il s’agit d’une pratique courante à l’intérieur des murs de la prison. « Ils nous faisaient nous agenouiller au fond de la pièce, nous disaient de mettre nos mains sur la tête, puis entraient, nous aspergeaient de gaz au visage et nous frappaient avec des matraques sur tout le corps », raconte-t-il. « Une fois, ils sont entrés et m’ont frappé à la tête et à la bouche avec un pistolet, me disloquant la mâchoire. Une autre fois, raconte-t-il, l’une des unités de l’administration pénitentiaire est entrée et a battu les prisonniers, les a aspergés de gaz, puis les a traînés dans la cour de la prison, où ils sont restés allongés pendant près d’une heure sous la pluie.

« Ils nous ont menottés et leurs chiens marchaient devant nous en aboyant pendant qu’ils nous donnaient des coups de pied », se souvient-il. Il y a eu d’autres cas, dit-il. Lors d’un incident, il a été battu si violemment avec un gourdin que celui-ci s’est brisé sur son corps. D’autres exemples ont été cités dans un rapport de Josh Breiner publié par Haaretz en septembre dernier.

D’autres preuves d’abus apparaissent dans une plainte déposée en septembre par le Centre Hamoked pour la défense de l’individu, au nom d’un autre prisonnier mineur de Megiddo, auprès de l’unité d’enquête de la police sur les gardiens de prison. « La violence est telle que les prisonniers de la cellule ont  constamment peur de ce qui va se passer », indique la plainte. Les gardiens pénètrent dans les cellules pendant l’appel et agressent les détenus à coups de poing ou de bâton. Le prisonnier mineur a indiqué qu’il avait été frappé une fois dans l’estomac - où il avait subi une intervention chirurgicale - jusqu’à ce qu’il perde connaissance.

Les prisonniers parlent peu, voire pas du tout, de la violence, de peur que les gardiens ne l’entendent - directement ou par l’intermédiaire d’autres détenus - et ne se vengent. « Un jour, quelqu’un a parlé des gardiens au tribunal et ils l’ont battu », raconte Ibrahim. Après la mort d’Ahmad, ajoute-t-il, la violence a diminué mais n’a pas cessé.

Ces récits ne se limitent pas à une période spécique ; ils se sont produits à la fois au cours des premiers mois de la guerre de Gaza, lorsque le commissaire adjoint Muweed Sbeiti dirigeait la prison, et au cours des mois suivants, sous le commandement du commissaire adjoint Yaakov Oshri.

 

Le commissaire adjoint Yaakov Oshri. Photo NWS News/YouTube

 

Un plat, 10 personnes

L’entretien avec Ibrahim a eu lieu le jour de son retour à l’école après sa sortie de prison. Cet élève de 11e année, qui a passé la majeure partie de l’année écoulée à apprendre principalement comment rester en vie, résume son expérience en prison en un mot : “torture”. Ce mot ne rend que partiellement compte de son apparence maladive et des souvenirs qu’il aimerait pouvoir eacer. Il s’agit peut-être d’un cas extrême, mais tout au long de l’entretien, il répète que d’autres prisonniers ont enduré les mêmes choses - certains plus, d’autres moins.

« Personne n’avait l’estomac plein en prison, et pas seulement moi », dit-il. « Ils apportaient une assiette de riz pour dix personnes. C’était suisant pour une personne, mais nous le partagions tous ».

Il s’agissait d’un plat typique du repas de midi, explique-t-il. Les autres repas n’étaient guère meilleurs. Les petits-déjeuners, par exemple, se composaient d’une seule assiette de labneh (fromage crémeux), de conture, de pain et d’un légume - non pas pour une personne, mais pour 10. « Et il n’y avait pas assez de labneh pour couvrir le pain », raconte-t-il. En raison de la pénurie constante de nourriture, les prisonniers combinaient tout, mélangeaient et partageaient. Il y en avait un peu pour tout le monde et il n’y avait pas de restes. « Je demandais aux gardiens plus de nourriture, mais ça ne servait à rien », ajoute-t-il, précisant qu’il s’endormait tous les soirs le ventre vide.

La seule chose qui rivalisait avec la maigreur des portions était leur mauvaise qualité : parfois, les légumes de la salade étaient pourris, le riz à moitié cru. Des descriptions similaires sont apparues dans les témoignages de deux autres mineurs détenus à Megiddo. Ils ont déclaré à leur avocat que chaque plat des repas représentait environ deux à trois cuillères à soupe.


Dans une certaine mesure, ces témoignages étaient prévisibles : ils résultent de la politique du ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, qui, après le 7 octobre, a introduit des changements radicaux dans les conditions de vie des prisonniers palestiniens en Israël. Entre autres mesures, l'accès aux cantines des  prisons leur a été interdit, la vaisselle et le matériel de cuisine ont été retirés de leurs cellules et une directive visant à réduire leurs portions alimentaires au minimum légal a été émise.

En août dernier, après que l'Association pour les droits civils en Israël a déposé une pétition contre les changements de politique, l'administration pénitentiaire a airmé qu'elle avait augmenté la taille des portions. La réponse était accompagnée d'un menu actualisé comparant la nourriture fournie aux prisonniers de sécurité à celle des détenus de droit commun. L'examen des deux montre que les prisonniers palestiniens reçoivent deux fois moins de viande, pas de fruits et pas de sucreries à l'exception de la conture, contrairement à leurs homologues criminels. La diérence entre les deux menus soumis à la Cour par l'administration pénitentiaire s'élève à 1 300 calories par semaine et par personne.

Dans leur réponse, les pétitionnaires ont fait valoir que la loi n'autorisait pas une telle diérence entre les deux groupes. (L'aaire est actuellement examinée par la Haute Cour.) Cependant, le témoignage de deux mineurs de la prison de Megiddo indique qu'au début de cette année, même le maigre menu présenté par l'administration pénitentiaire n'était pas fourni. Plus important encore - comme le montrent clairement les témoignages des prisonniers - ils avaient toujours faim.

Et il y a un autre problème. Jusqu'à ce que la guerre éclate, chaque aile de jeunes dans les prisons de sécurité avait un prisonnier adulte chargé de distribuer la nourriture. Mais un autre changement de politique de Ben-Gvir a éliminé cet arrangement, transférant la responsabilité de la distribution de la nourriture aux mineurs. Selon Ibrahim, ces jeunes prisonniers avaient tendance à voler une partie de la nourriture pour eux-mêmes, ce qui réduisait d'autant le peu qui restait pour les autres.

Ibrahim. À un moment donné, il a été transféré dans une cellule réservée aux détenus qui avaient perdu beaucoup de poids. Photo Nidal Shtayyeh

Mais les maigres portions et la mauvaise qualité de la nourriture ne sont pas le plus important de l'histoire. Les maladies dont sourait Ibrahim n'étaient pas moins graves, c'est le moins que l'on puisse dire. Outre la gale qu'il a contractée à plusieurs reprises, il sourait d'une maladie intestinale contractée en prison. « Je suis resté allongé sur le lit, incapable de me lever », raconte-t-il en décrivant son état en mars dernier, environ deux semaines après le début du ramadan. « J'ai mangé du pain et, une heure plus tard, je n'ai pas pu me retenir - je me suis souillé. Je voulais me lever pour aller aux toilettes, mais je n’avais pas la force. J'ai dormi tout le temps et je n'ai rien mangé ».

Cinq de ses neuf compagnons de cellule souraient des mêmes symptômes. « Les médecins venaient dans notre aile, regardaient par la fenêtre, nous donnaient de l'Acamol [paracétamol] et nous disaient : mangez du pain et du riz ordinaire », raconte-t-il pour décrire les “soins médicaux” prodigués les premiers jours. D'autres prisonniers ont fait des descriptions similaires dans leurs témoignages. Au cours des mois de guerre, l'Acamol est devenu la réponse par défaut à la plupart des plaintes, tandis que les transferts à l'hôpital étaient rarement pris en considération.

Une exception apparente est le cas de Zaher Shushtari, 61 ans, qui a été placé en détention administrative - détention sans procès - en raison de son appartenance au Front populaire de libération de la Palestine. Shushtari, qui est atteint de sclérose en plaques et de diabète, a souert d'une grave insuisance pondérale au cours de sa détention et a nalement été transféré au centre médical de l'administrationpénitentiaire. Mais ça ne s'est pas produit uniquement en raison de ses problèmes de santé chroniques. Ce n'est qu'après que Haaretz a révélé en mai qu'il n'avait pas reçu le traitement nécessaire - et qu'il n'avait pas été emmené à l’infirmerie alors qu'il sourait de la gale - que l'administration pénitentiaire a changé de cap.

L'avis médical soumis dans le cas de Shushtari indiquait qu'il sourait également des symptômes d'une maladie digestive - comme ceux décrits par Ibrahim - dont la diarrhée et la perte de poids (d'autres personnes présentaient également des symptômes tels que des vertiges et des évanouissements). Derrière les barreaux, dit Ibrahim, ils l'appelaient “l'amibe”. Le professeur Amos Adler, médecin spécialisé en microbiologie clinique, n'a pas cité de maladie spécique, mais, sur la base des informations dont il disposait, il a conclu qu'il y avait une forte probabilité d'apparition d'une maladie intestinale contagieuse. Dans un appel adressé à l'administration pénitentiaire par Médecins pour les droits humains - Israël, il a écrit que les documents indiquaient que la promiscuité, une alimentation inadéquate et une mauvaise hygiène avaient pu contribuer au problème.

Le témoignage d'Ibrahim confirme cela. Selon lui, avant même la maladie intestinale et la perte de poids drastique, il y avait la gale. La propagation de cette maladie cutanée contagieuse dans les prisons israéliennes n'est pas un secret ; n 2024, l'administration pénitentiaire a reconnu, en réponse à une pétition, qu'environ 2 800 prisonniers palestiniens avaient contracté la maladie. Les prisonniers constituent une population à haut risque pour la gale en raison de la promiscuité dans les cellules. La plupart des gens contractent la maladie par contact avec une personne infectée ou en partageant des objets avec une personne infectée dans des conditions d'hygiène insuisantes.

L'administration pénitentiaire a estimé que de nombreux détenus avaient déjà contracté la maladie en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza. Quoi qu'il en soit, les conditions dans lesquelles ils ont été détenus en Israël, comme l'attestent de nombreux témoignages et documents, n'ont rien arrangé.

Ibrahim raconte qu'il a contracté la gale presque immédiatement après son entrée dans la prison de Megiddo. « Les démangeaisons ont commencé dès la première semaine. D'abord sur mes mains, puis sur le reste de mon corps. Ça gratte et ça fait mal comme la mort. Un prisonnier avait la gale sur les mains et cela lui faisait tellement mal qu'il ne pouvait même pas tenir un mouchoir en papier ».

Prison de Megiddo. Un détenu de 17 ans raconte qu'il n'a été examiné par un médecin qu'après la mort d'un autre jeune prisonnier. Photo Alon Ron

Il raconte que la plupart du temps, il y avait 10 prisonniers dans la cellule, mais seulement huit couchettes - donc à tout moment, deux devaient dormir sur un matelas à même le sol. Ceux qui parvenaient à obtenir un lit n'avaient généralement pas de drap et devaient dormir sur le matelas nu. Ibrahim, lui, avait un drap, mais ce n'était pas beaucoup plus hygiénique. « Ils ne lavaient jamais le drap », dit-il. « Jamais ».

Il a bien reçu un traitement - des pilules et des bandages avec une pommade, et une fois une crème dans un gobelet en plastique - mais l'eicacité a été de courte durée. Les mauvaises conditions sanitaires et la propagation rampante de la maladie parmi les prisonniers ont fait qu'il a été infecté, dit-il, une deuxième et une troisième fois.

Les descriptions d'Ibrahim, ainsi que celles d'autres prisonniers, suggèrent que la gale et les maladies intestinales se sont propagées simultanément dans la prison, de nombreux prisonniers sourant des deux à la fois. « Waleed [Ahmad] avait aussi l'amibe.

C'est de ça qu'il est mort », suppose Ibrahim. « Je l'ai vu. Il est sorti par la porte de la cellule et il était très, très maigre. Nous nous sommes salués. Il marchait dans la cour, il est tombé sur le visage et du sang a commencé à couler de sa bouche. Les médecins sont arrivés et l'ont emmené sur une civière et il n'est pas revenu ».

Selon Ibrahim, avant d'être atteint de cette maladie intestinale, Ahmad était en bonne santé, hormis la gale. Sa mort a provoqué une onde de choc dans la prison. Soudain, dit Ibrahim, on s'est intéressé à ceux qui avaient “l'amibe”. Deux prisonniers ont été emmenés au centre médical Emek d'Afula (« Nous pensions qu'ils étaient morts », dit Ibrahim, « mais nalement ils sont revenus »). Lui-même a d'abord été vu par un médecin, puis envoyé à plusieurs reprises à l'inrmerie de la prison, où il a subi des analyses de sang et des transfusions de liquides. À aucun moment, il n'a été conduit à l'hôpital.

Il a toutefois été transféré dans une cellule spécialement conçue pour les personnes ayant perdu beaucoup de poids. Ils étaient dix dans cette cellule également, dit-il, mais ils devaient manger sous la surveillance des gardiens, chacun dans une assiette individuelle. Pourtant, dit-il, la quantité de nourriture est restée la même, de même que sa qualité.

Une épidémie non traitée

Les noms des intervenants changent, les dates dièrent, mais les descriptions restent étonnamment similaires. L'avocate Riham Nassra, qui représente régulièrement des Palestiniens devant les tribunaux militaires, a visité la prison de Megiddo tout au long de cette période. L'une de ses dernières visites a eu lieu en avril, lorsqu'elle a rencontré Nidal Hamayel, un détenu administratif de 55 ans qui y était incarcéré depuis septembre dernier.

Son apparence en disait long. « J'ai été choquée lorsque je l'ai vu entrer dans la salle de visite », raconte Nassra. Deux mois auparavant, raconte-t-elle, il s'était plaint des maigres portions et d'avoir constamment faim, mais son état de santé semblait globalement correct. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

« Il avait perdu beaucoup de poids et était pâle, émacié, faible et maigre, d'une manière maladive », décrit-elle. « Il pouvait à peine marcher et portait des vêtements sales ».

Hamayel lui a dit que depuis le mois de mars, lui et d'autres détenus avaient commencé à sourir de graves douleurs abdominales, de diarrhée, de perte d'appétit et d'évanouissements. « Je suis erayé par l'aspect de mon corps lorsque je me douche », lui a-t-il dit, selon la déclaration qu'elle a rédigée à la n de la visite.

Bien que Hamayel ait été examiné par un médecin à plusieurs reprises, il n'a pas été orienté vers des examens complémentaires et s'est vu prescrire uniquement une transfusion de liquides et des analgésiques. Comme Ibrahim, il a subi une perte de poids considérable. Au moment de son arrestation, il pesait 86 kg, comme l'indique son dossier médical, mais en février, il n'en pesait plus que 60. L'administration pénitentiaire airme que son poids n'a pratiquement pas changé entre février et avril, mais Nassra pense qu'il a nettement maigri pendant cette période.

Dans une requête qu'elle a déposée auprès du tribunal de district de Nazareth concernant le cas de Hamayel, Nassra a indiqué qu'elle avait également rendu visite à deux autres prisonniers à Megiddo qui souraient de symptômes similaires, n'avaient pas reçu de traitement et s'étaient vu dire de boire de l'eau par l'inrmier. La pétition a également relevé d'autres aspects des conditions de détention de Hamayel. Par exemple, selon lui, il n'avait qu'une seule paire de sous-vêtements, qu'il portait continuellement depuis septembre, et un seul ensemble de vêtements d'hiver. En outre, il n'avait ni brosse à dents, ni dentifrice, ni serviette.

Aucune décision n'a encore été rendue dans cette aaire, mais le tribunal a ordonné à l'administration pénitentiaire de faire examiner Hamayel par un médecin. En mai, Nassra a appris que son client s'était remis de la maladie intestinale, bien qu'il n'ait reçu aucun traitement.  « Il dit toujours qu'il est épuisé et qu'il a des vertiges », dit-elle, « et qu'il est tout le temps fatigué ».

« Tous les soins médicaux sont fournis sur la base d'un avis médical professionnel », déclare l'administration pénitentiaire israélienne. Photo Nidal Shtayyeh

Une autre visite de Nassra à Megiddo est décrite dans une déclaration récemment soumise au tribunal dans le cadre d'une pétition de l'Association pour les droits civils, qui demande que des quantités suisantes de nourriture soient fournies aux prisonniers. « Le détenu est resté assis pendant toute la durée de la visite, grelottant de froid. Il avait l'air extrêmement maigre et malade, et il a dit qu'il avait très faim », a écrit Nassra à propos d'un détenu administratif qu'elle a rencontré en février. Elle n'a pas été surprise lorsqu'il lui a dit qu'il pesait 48 kg.

Un an plus tôt, il avait déjà déposé une plainte par l'intermédiaire de Hamoked - au sujet de l'insuisance de la nourriture et de sa mauvaise qualité, parfois même insuisamment cuisinée. Dans sa réponse à l'époque, l'administration pénitentiaire avait indiqué qu'il recevait trois repas par jour, mais n'avait donné aucune précision sur le contenu des repas ni sur l'identité du diététicien chargé de les superviser.

En mai, le nombre croissant de cas de maladies intestinales et la perte de poids drastique à la prison de Megiddo ont incité Physicians for Human Rights à envoyer une lettre virulente. Celle-ci a été envoyée au conseiller juridique de l'administration pénitentiaire, Eran Nahon, et à son médecin-chef, le Dr Liav Goldstein. Dans cette lettre, l'avocat Tamir Blank demande à l'administration pénitentiaire de prendre des mesures pour empêcher la propagation de la maladie, dont les symptômes « sont communs à des dizaines de détenus ». Dans sa réponse, le Dr Goldstein a écrit que les allégations étaient connues, décrivant "un certain nombre d'incidents concentrés dans un établissement pénitentiaire il y a plusieurs mois ». Il a déclaré que l'administration pénitentiaire avait mis en œuvre toutes les mesures nécessaires, que le nombre d'incidents avait diminué de manière signicative et qu'il n'y avait pas de nouveaux cas à l'heure actuelle.

Cependant, deux semaines auparavant, lorsque l'avocate Nadia Dacca a rendu visite à deux mineurs à la prison de Megiddo, leurs récits indiquaient que peu de choses avaient changé. Tous deux ont déclaré qu'ils étaient tombés malades, qu'ils n'avaient pas été soignés et qu'ils s'étaient rétablis d'eux-mêmes. « Je n'ai reçu aucun médicament de la part des autorités pénitentiaires. Certains prisonniers avaient de l'Acamol [un analgésique] dans leur cellule, alors j'en ai pris », a déclaré l'un d'eux à l'avocate. « Je me suis rétabli après avoir souert pendant longtemps et sans avoir reçu de soins médicaux, tout en sachant qu'un prisonnier de mon quartier en était mort », a-t-il ajouté, faisant référence à Waleed Ahmad.

Le prisonnier a estimé qu'il pesait 62 kilogrammes au moment de son arrestation et qu'au moment où il s'est entretenu avec l'avocate, son poids était tombé à 53 kilos. Il a indiqué qu'il avait deux pantalons, deux caleçons et une chemise à manches courtes à porter. « J'ai un matelas sans housse, ce qui aggrave ma maladie, car je touche le matelas directement et je ne peux pas le laver », a-t-il déclaré.

Le deuxième jeune à qui Dacca a rendu visite, un détenu administratif de 17 ans, a décrit les mêmes symptômes trop familiers. Il a également indiqué qu'il n'avait été examiné par un médecin qu'après la mort d'Ahmad, environ un mois après avoir contracté la maladie. « Mon corps était très faible et je ne pouvais pas marcher », a-t-il déclaré. Lors de l'audience visant à approuver sa détention administrative, il a déclaré qu'il souffrait de la gale et qu'il avait perdu 30 kilos. Le juge a ordonné aux autorités de soumettre son cas au personnel médical de la prison pour s'assurer de son état. Il a ensuite décrit des conditions similaires : un matelas sans drap, un manque de vêtements et des pilules qui ne l'ont pas aidé. « Ils ne prennent toujours pas la gale au sérieux », a expliqué le jeune homme. « Le médecin se moque de moi ».

L'administration pénitentiaire a répondu en déclarant qu'elle « agit conformément aux lois et aux procédures, tout en préservant le bien-être, la sécurité et les droits de tous les détenus de l'établissement - y compris les mineurs. Tous les soins médicaux sont fournis sur la base d'un avis médical professionnel, conformément aux règlements du ministère de la santé et sous la supervision de médecins et de professionnels agissant au sein des établissements et à l'extérieur de ceux-ci. Dans la mesure où une plainte pour traitement défectueux est déposée, elle est examinée par le personnel habilité à le faire ».

Le rapport précise également que « dans tous les cas de décès d'un détenu, l'administration pénitentiaire le signale immédiatement aux autorités d'enquête compétentes - en fonction des circonstances de l'événement. Parallèlement, une enquête interne est lancée pour déterminer les  circonstances de l'aaire, conformément aux procédures. L'administration pénitentiaire continuera à agir de manière responsable et conformément à la loi, tout en préservant la dignité humaine, la sécurité publique et l'application de la loi ».

Bref, ils prennent les enfants du bon Dieu pour moins que des canards sauvages [NdT]


14/01/2025

JONATHAN POLLAK
“I saw that the floor was covered with blood. I felt fear run like electricity through my body. I knew exactly what was about to come”
Testimonies from the Zionist gulag

Rape. Starvation. Fatal beatings. Mistreatment. Something fundamental has changed in Israeli prisons. None of my Palestinian friends who have recently been released are the same people they used to be

Jonathan Pollak, Haaretz  , 9/1/2025
Translated by Shofty Shmaha, Tlaxcala

Tlaxcala's Note: Haaretz finally translated this article from Hebrew into English, allaying our fears that they wouldn't. You can read their version here 

Jonathan Pollak (1982) was one of the founders of the Israeli group Anarchists Against the Wall in 2003. Wounded and imprisoned on several occasions, he contributes to the daily Haaretz. In particular, he refused to appear before a civilian court, demanding to be tried by a military tribunal, like a common Palestinian, which he was obviously refused.

 

Jonathan Pollak facing an Israeli soldier during a protest against the closure of the main road in the Palestinian village of Beit Dajan, near Nablus, occupied West Bank, Friday, March 9, 2012. (Anne Paq/Activestills)



Jonathan Pollak at the Jerusalem Magistrate's Court, arrested as part of an unprecedented legal campaign by the Zionist organization Ad Kan, January 15, 2020. (Yonatan Sindel/Flash90)



Activists hold up posters in support of Jonathan Pollak during the weekly demonstration in the Palestinian town of Beita, in the occupied West Bank, February 3, 2023. (Wahaj Banimoufleh)


Jonathan Pollak alongside his lawyer Riham Nasra at the Petah Tikva court during his trial for throwing stones during a demonstration against the Jewish settler outpost of Eviatar in Beita, occupied West Bank, September 28, 2023. (Oren Ziv)

When I returned to the territories [occupied since 1967] after a long detention following a demonstration in the village of Beita, the West Bank was very different from what I knew. Here too, Israel has lost its nerve. Murders of civilians, attacks by settlers acting with the army, mass arrests. Fear and terror around every corner. And this silence, a crushing silence. Even before my release, it was clear that something fundamental had changed. A few days after October 7, Ibrahim Alwadi, a friend from the village of Qusra, was killed along with his son Ahmad. They were shot as they accompanied four Palestinians who had been shot the day before - three by settlers who had invaded the village, the fourth by soldiers who were accompanying them.

After my release, I realized that something very bad was happening in the prisons. Over the past year, as I regained my freedom, thousands of Palestinians - including many friends and acquaintances - were arrested en masse by Israel. As they began to be released, their testimonies painted a systematic picture of torture. Fatal beatings are a recurring motif in every account. It happens in prisoner counts, during cell searches, at every movement from one place to another. The situation is so serious that some inmates ask their lawyers to hold hearings without their presence, because the path from the cell to the room where the camera is installed is a path of pain and humiliation.

I hesitated for a long time about how to share the testimonies I heard from my friends who had returned from detention. After all, I'm not revealing any new details here. Everything, down to the smallest detail, already fills volume upon volume in the reports of human rights organizations. But for me, these are not the stories of faraway people. These are people I have known and who have survived hell. None of them is the same person they once were. I seek to tell what I’ve heard from my friends, an experience shared by countless others, even while changing their names and obscuring identifiable details. After all, the fear of reprisals recurred in every conversation.

Blows and blood

I visited Malek a few days after his release. A yellow gate and guard tower blocked the path that once led to the village from the main road. Most of the other roads passing through the neighboring villages were all blocked. Only one winding road, near the Byzantine church that Israel blew up in 2002, remained open. For years, this village had been like a second home to me, and this is the first time I’ve been back there since my release. 

Malek was detained for 18 days. He was interrogated three times, and during all the interrogations, he was asked trivial questions. He was therefore convinced that he would be transferred to administrative detention - that is, without trial and without evidence, without being charged with anything, under a veneer of secret suspicion and with no time limit. This is indeed the fate of most Palestinian detainees now. 

After the first interrogation, he was taken to the Garden of Torment. During the day, the guards would remove mattresses and blankets from the cells and return them in the evening when they were barely dry, and sometimes still wet. Malek describes the cold of winter nights in Jerusalem as arrows penetrating flesh to the bones. He tells how they beat him and the other inmates at every opportunity. At every count, every search, every movement from one place to another, everything was an opportunity to hit and humiliate.

“Once, during the morning count,” he told me, ”we were all on our knees, our faces turned towards the beds. One of the guards grabbed me from behind, handcuffed my hands and feet, and said in Hebrew, 'Come on, move'. He lifted me up by the handcuffs, behind my back, and led me bent over across the courtyard next to the cells. To get out, there's a sort of small room you must go through, between two doors with a small window”. I know exactly which little room he’s talking about, I’ve passed through it dozens of times. It's a security passage where, at a given moment, only one of the doors can be opened. “So we got there,” Malek continues, “and they slammed me against the door, my face against the window. I looked inside and saw that the floor was covered in clotted blood. I felt fear run through my body like electricity. I knew exactly what was going to happen. They opened the door, one came in and stood by the window at the back, blocked it, and the other threw me inside onto the floor. They kicked me. I tried to protect my head, but my hands were handcuffed, so I didn’t really have any way of doing that. They were murderous blows. I really thought they might kill me. I don’t know how long it lasted. At some point, I remembered that the night before, someone had said to me, “When they hit you, scream at the top of your lungs. What do you care? It can’t get any worse, and maybe someone will hear and come.” So I started shouting really loud, and indeed, someone did come. I don't understand Hebrew, but there was some shouting between him and them. Then they left and he took me away. I had blood coming out of my mouth and nose”.

Khaled, one of my closest friends, also suffered from the violence of the guards. When he was released from prison after eight months’ administrative detention, his son didn’t recognize him from afar. He ran the distance between Ofer prison and his home in Beitunia. Later, he said that he hadn’t been told that the administrative detention was over, and he was afraid that there had been a mistake and that they would soon arrest him again. This had already happened to someone who was with him in the cell. In the photo his son sent me a few minutes after their meeting, he looks like a human shadow. All over his body - his shoulders, arms, back, face, legs - were signs of violence. When I came to visit him, he stood up to kiss me, but when I took him in my arms, he groaned in pain. A few days later, examinations showed edema around the spine and a rib that had healed.
In the Megiddo prison

Every action is an opportunity to hit and humiliate

Another testimony I heard from Nizar, who was already in administrative detention before October 7, and has since been transferred to several prisons, including Megiddo. One evening, the guards entered the cell next door and he could hear the blows and cries of pain from his cell. After a while, the guards picked up an inmate and threw him alone into the isolation cell. During the night and the following day, he moaned in pain and never stopped shouting “my belly” and calling for help. No one came. This continued the following night. Towards morning, the cries stopped. The next day, when a nurse came to take a look around the ward, they understood from the tumult and the screams of the guards that the inmate was dead. To this day, Nizar doesn't know who it was. It was forbidden to speak between cells, and he doesn't know what day it was. 

After his release, he realized that during the time he was detained, this detainee had not been the only one to die in Megiddo. Tawfik, who was released in winter from Gilboa prison, told me that during a check of the area by prison officers, one of the inmates complained that he wasn’t allowed out into the yard. In response, one of the officers said to him: “You want the yard? Say thank you for not being in the Hamas tunnels in Gaza”. Then, for two weeks, every day during the noon count, they took them out into the yard and ordered them to lie on the cold ground for two hours. Even in the rain. While they lay there, the guards walked around the yard with dogs. Sometimes the dogs would pass between them, and sometimes they’d actually step on the inmates lying down; they’d walk all over them.

According to Tawfik, every time an inmate met a lawyer, it came at a price. “I knew every time that the way back, between the visiting room and the ward, would add at least three more volleys of blows. But I never refused to go. You were in a five-star prison. You don’t understand what it’s like to be 12 people in a cell where even six are cramped. It’s like living in a closed circle. I didn’t mind at all what they were going to do to me. Just seeing someone else talking to you like a human being, maybe seeing something in the corridor on the way, that was worth everything to me”.

Munther Amira   - the only one here to appear under his real name - was released from prison by surprise before the end of his period of administrative detention. Even today, no one knows why. Unlike many others who have been warned and fear reprisals, Amira told the cameras about the catastrophe in the prisons, calling them cemeteries for the living. He told me that one night, a Kt’ar unit burst into their cell at Ofer prison, accompanied by two dogs. They ordered the inmates to strip down to their underwear and lie on the floor, then ordered the dogs to sniff their bodies and faces. Then they ordered the prisoners to get dressed, led them to the showers and rinsed them with cold water while clothed. On another occasion, he tried to call a nurse for help after an inmate attempted suicide. The punishment for calling for help was another raid by the Kt’ar unit. This time, they ordered the inmates to lie on top of each other and beat them with truncheons. At one point, one of the guards spread their legs and hit them in the testicles with a truncheon. 

 Hunger and disease

Munther lost 33 kilos during his detention. I don't know how many kilos Khaled lost, having always been a slim man, but in the photo sent to me, I saw a human skeleton. In the living room of his house, the light from the lamp then revealed two deep depressions where his cheeks used to be. His eyes were surrounded by a red outline, that of someone who hadn't slept in weeks. On his skinny arms hung loose skin that looked as if it had been artificially attached, like plastic wrap. Blood tests on both showed severe deficiencies. Everyone I spoke to, regardless of the prison they passed through, repeated almost exactly the same menu, which is sometimes updated, or rather reduced. The last version I heard, from Ofer prison, was: for breakfast, one and a half boxes of cheese for a cell of 12 people, three slices of bread per person, 2 or 3 vegetables, usually a cucumber or a tomato, for the whole cell. Once every four days, 250 grams of jam for the whole cell. For lunch, one disposable plastic cup with rice per person, two spoonfuls of lentils, a few vegetables, three slices of bread. At dinner, two spoonfuls (coffee, not soup spoons) of hummus and tahini per person, a few vegetables, three slices of bread per person. Sometimes another cup of rice, sometimes a falafel ball (just one!) or an egg, which is usually a bit spoiled, sometimes with red dots, sometimes blue. And that’s it. Nazar told me: “It’s not just the quantity. Even what's already been brought in isn’t edible. The rice is barely cooked, almost everything is spoiled. And you know, there are even real children there, the ones who have never been in prison. We've tried to take care of them, to give them our rotten food. But if you give a little of your food away, it's like committing suicide. In the prison there is now a famine (maja'a مَجَاعَة), and it's not a natural disaster, it’s the policy of the prison service.”

Recently, hunger has even increased. Because of the cramped conditions, the prison service is finding ways to make the cells even tighter. Public areas, canteens - every place has become an extra cell. The number of prisoners in the cells, which were already overcrowded before, has increased still further. There are sections where 50 extra prisoners have been added, but the amount of food has remained the same. Not surprisingly, prisoners are losing a third or more of their body weight in just a few months.

Food is not the only thing lacking in prison, and inmates are in fact not allowed to own anything other than a single set of clothes. A shirt, a pair of underwear, a pair of socks, a pair of pants, a sweatshirt. That's it. For the duration of their detention. I remember once, when Munther's lawyer Riham Nasra visited him, he came into the visiting room barefoot. It was winter and freezing cold in Ofer. When she asked him why, he simply said: “There aren't any”. A quarter of all Palestinian prisoners suffer from scabies, according to a statement by the prison service itself in court. Nizar was released when his skin was healing. The lesions on his skin no longer bled, but scabs still covered large parts of his body. “The smell in the cell was something you can't even describe. Like decomposition, we were there and we were decomposing, our skin, our flesh. We’re not human beings there, we’re decomposing flesh,” he says. “Now, how could we not be? Most of the time there's no water at all, often only an hour a day, and sometimes we had no hot water for days. There were whole weeks when I didn't have a shower. It took me over a month to get soap. And there we are, in the same clothes, because nobody has a change of clothes, and they’re full of blood and pus and there’s a stench, not of dirt, but of death. Our clothes were soaked with our decomposing bodies”.

Tawfik recounted that “there was only running water for an hour a day. Not just for showers, but in general, even for toilets. So, during that hour, 12 people in the cell had to do everything that required water, including natural needs. Obviously, this was unbearable. And also, because most of the food was spoiled, we all had digestive problems almost all the time. You can't imagine how bad our cell stank”.

In such conditions, the health of the prisoners obviously deteriorates. Such rapid weight loss, for example, forces the body to consume its own muscle tissue. When Munther was released, he told his wife Sana, who is a nurse, that he was so dirty that his sweat had dyed his clothes orange. She looked at him and asked, “What about the urine?” He replied, “Yes, I peed blood too.” “You idiot,” she yelled at him, ”that wasn't dirt, that was your body rejecting the muscles it had eaten”.

Blood tests on almost everyone I knew showed that they suffered from malnutrition and severe deficiencies of iron, essential minerals and vitamins. But even medical care is a luxury. We don't know what goes on in the prison infirmaries, but for the prisoners, they don’t exist. Regular treatment has simply ceased. From time to time, a nurse makes a tour of the cells, but no treatment is administered, and the “examination” amounts to a conversation through the cell door. The medical response, at best, is paracetamol and, more often, something along the lines of “drink some water”. Needless to say, there's not enough water in the cells, as there's no running water most of the time. Sometimes a week or more goes by without even the nurse visiting the block.

And if there’s little talk of rape, there’s no need to mention sexual humiliation - videos of prisoners being led around completely naked by the prison service have been posted on social networks. These acts could not have been documented other than by the guards themselves, who sought to brag about their actions. The use of the search as an opportunity for sexual assault, often by hitting the groin with the hand or metal detector, is an almost constant experience, regularly described by prisoners who have been in different prisons.

I didn’t hear about assaults on women first hand, obviously. What I have heard, and not once, is the lack of hygienic material during menstruation and its use to humiliate. After the first beating on the day of her arrest, Mounira was taken to Sharon prison. On entering the prison, everyone goes through a body search, but a strip search is not the norm and requires reasonable cause to suspect that the inmate is hiding a prohibited object. A strip search also requires the approval of the officer in charge. During the search, no officer was there for Mounira, and certainly no organized procedure to verify reasonable suspicion. Mounira was pushed by two female guards into a small search room, where they forced her to remove all her clothes, including her underwear and bra, and get down on her knees. After leaving her alone for a few minutes, one of the guards came back, hit her and left. In the end, her clothes were returned to her, and she was allowed to get dressed. The next day was the first day of her period. She was given a sanitary pad and had to make do with it for the whole of her period. And it was the same for all of them. By the time she was released, she was suffering from an infection and severe inflammation of the urinary tract.

Epilogue

Sde Teiman was the most terrible place of detention, and this is supposedly why they closed it down. Indeed, it’s hard to think of the descriptions of horror and atrocity that came out of this torture camp without thinking of the place as one of the circles of hell. But it was not without reason that the state agreed to transfer those held there to other locations - principally Nitzan and Ofer. Sde Teiman or not, Israel is holding thousands of people in torture camps, and at least 68 of them have lost their lives. Since the beginning of December alone, the deaths of four more detainees have been reported. One of them, Mahmad Walid Ali, 45, from the Nour Shams camp near Tulkarm, died just one week after his arrest. Torture in all its forms - hunger, humiliation, sexual assault, promiscuity, beatings and death - does not happen by chance. Together, they constitute Israeli policy. This is the reality.