Featured articles en vedette Artículos Artigos destacados Ausgewählte Artikel Articoli in evidenza

Sergio Rodríguez Gelfenstein
¿Qué hará Marcos Rubio? 

Affichage des articles dont le libellé est Aida Alami. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Aida Alami. Afficher tous les articles

23/08/2024

AIDA ALAMI
Somali·es et USAméricain·es : portrait d’une communauté du Minnesota

Le Minnesota compte la plus grande communauté de personnes originaires de Somalie aux USA : elles étaient 86 610 en 2023, dont 37 048 nées en Somalie. La plus célèbre est sans doute Ilhan Omar, élue au Congrès pour le 5ème district en 2018 et qui vient de remporter les primaires démocrates pour les prochaines élections face à Don Samuels, soutenu et financé par le lobby israélien. Née à Mogadiscio en 1982, Ilhan fait partie du noyau initial de “The Squad”, “l’équipe” des 4 députées progressistes de choc démocrates, avec la Palestinienne Rashida Tlaib, la Latina Alexandria Ocasio-Cortez et l’Afro-Usaméricaine Ayanna Pressley, rejointes par 5 autres membres du Congrès. Ilhan a été la première congressiste d’origine somalienne et la première porteuse de hijab élue au Congrès (l’interdiction qui y prévalait a été abrogée en son honneur). Elle dénonce le génocide en cours à Gaza et est une partisane résolue du mouvement de boycott d’Israël. Ci-dessous un portrait de la communauté somalienne du Minnesota, dont le gouverneur est le candidat à la vice-présidence Tim Waltz. Ce reportage a été réalisé avec le soutien du programme Round Earth Media de l’International Women’s Media Foundation.-FG

Aida Alami, The New York Review of Books, 2/7/2019
Photos Paul Middlestaedt
Traduit par 
Fausto GiudiceTlaxcala

Aida Alami est née à Fès, a grandi à Marrakech et a émigré à New York à l’âge de 18 ans. Elle est journaliste marocaine indépendante et collabore régulièrement, entre autres, à la New York Review of Books, au New York Times et à la BBC.
Elle a contribué à l’anthologie Our Women on the Ground : Essays by Arab Women Reporting from the Arab World. Elle est professeure invitée à l’École de journalisme de Columbia (New York), où elle a obtenu son diplôme @AidaAlami

Fondée par des colons européens au XIXe siècle, cette ville était autrefois appelée « White Cloud » (nuage blanc). Mais aujourd’hui, cette ville de 68 000 habitants a vu arriver un nombre croissant de réfugiés somaliens au cours des deux dernières décennies, pour travailler dans les usines de viande ou fréquenter le campus local de l’université d’État.


Fosia Omar, 20 ans, profite d’une conversation avec des amis en attendant le coucher du soleil pour rompre le jeûne de la journée, le 25 mai 2018. Cette habitante de Waite Park est étudiante à l’université d’État de St. Cloud et prévoit de se spécialiser en psychologie.

Les réfugiés disent souvent que la guerre ressemble à une vague de violence qui les submerge, laissant derrière elle mort et destruction. Ce sentiment n’a pas été différent pour Katra Ali Hethar, qui a fui la Somalie déchirée par la guerre en 1991 avec ses neuf jeunes enfants.

Être responsable de tant de vies était un cauchemar logistique. Mais même dans les moments d’urgence, lorsqu’elle avait la possibilité de monter dans un camion ou une voiture, elle refusait d’en laisser un seul derrière elle. Elle a décidé qu’ils survivraient ou périraient tous ensemble, choisissant de les porter à tour de rôle sur son dos. Finalement, ils ont réussi à traverser la rivière Shebelle, jusqu’à la sécurité d’un camp de réfugiés au Kenya.

Deux ans plus tard, toute la famille, y compris son mari, qui avait été victime d’une attaque cérébrale mineure nécessitant des soins médicaux immédiats et qui a quitté la Somalie séparément, a trouvé refuge aux USA. Après avoir vécu brièvement à New York, puis quelques années à Atlanta, la famille s’est installée dans le centre du Minnesota en 2006. Depuis près de trente ans, la mère qui a survécu à la guerre et à ce voyage périlleux a soutenu tous ses enfants, dont trois sont nés depuis son arrivée, jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge adulte. Les USA leur ont offert un foyer et la sécurité.

Comme la plupart des histoires de migration, la sienne est empreinte à la fois de tristesse et d’espoir. L’adaptation à la vie dans un nouveau pays a eu son lot de difficultés. Déménager à St.Cloud, puis à Waite Park, une petite ville qui est pratiquement une banlieue de sa grande voisine, a été un autre type de voyage pour une femme qui n’a jamais travaillé en dehors de la maison, mais qui a consacré sa vie à ses enfants et à sa communauté.

Lors d’une des premières soirées chaudes du printemps tardif de cette année, je me suis retrouvée dans l’appartement d’Ali Hethar pour un événement très spécial. Elle avait invité un groupe de personnes rencontrées dans un centre pour personnes âgées à St. Cloud, une ville dont près de 80 % de la population est blanche et non musulmane, à partager un repas pour rompre le jeûne du ramadan et apprendre à mieux connaître les membres de différentes communautés. La plupart des invités à son Iftar étaient ses voisins habituels, des USAméricains blancs d’un certain âge.

Les femmes et les hommes ont enlevé leurs chaussures et se sont assis par terre sur une moquette bleue agréablement douce, portant des badges avec leurs noms et échangeant quelques mots. Ils conversaient avec leurs hôtes somaliens pendant que, sur un téléviseur muet, les Bucks de Milwaukee affrontaient les Raptors de Toronto dans le cadre des séries éliminatoires de la NBA. Au coucher du soleil, ils ont mangé des dattes, bu de l’eau, puis dégusté un repas somalien composé de sambusas à la viande, de chèvre cuite au four et de riz, avec des malawax (crêpes sucrées) en guise de dessert.


Katra Ali Hethar, avec Hanni App et d’autres invités, lors d’un dîner d’Iftar, Waite Park, Minnesota, 25 mai 2019.

Née à Djibouti, un petit pays d’Afrique de l’Est situé à la frontière nord de la Somalie, Ali Hethar n’est pas sûre de son âge. Son passeport indique qu’elle est née en 1946, mais elle pense qu’elle est née bien plus tard, en 1958 - le dernier jour du ramadan, en fait. Elle n’a jamais appris l’anglais, mais pendant que je la regardais, elle saluait, embrassait et souriait à ses invités, communiquant verbalement grâce à la traduction de l’une de ses filles.

Malgré son atmosphère décontractée, cette réunion sociale n’avait rien d’anodin. Le Minnesota, un État à tendance bleue [Démocrates], est à bien des égards exceptionnellement accueillant pour les immigrés ; il compte la deuxième plus grande population de Hmong d’Indochine du pays et abrite plus de Somaliens que n’importe quel autre État du pays. Mais le Minnesota central, où se trouve St. Cloud, à environ une heure à l’ouest de Minneapolis, n’est pas un endroit où il est si facile pour les étrangers de s’installer. Il est marqué par une forte tradition catholique et compte un grand nombre d’électeurs partisans d’une question unique, à savoir [la prohibition de ] l’avortement. Plus de 60 % des électeurs ont voté pour Trump en 2016.

Cette année-là, cependant, une jeune Somalienne-USAméricaine du nom d’Ilhan Omar a battu un élu démocrate de longue date pour un siège à la Chambre d’État ; deux ans plus tard, elle a été élue au Congrès des USA pour représenter le cinquième district du Minnesota (qui est centré sur Minneapolis). Son élection témoigne de l’engagement politique de la communauté somalienne. Alors qu’Omar a acquis une grande notoriété sur la scène nationale - à la fois comme l’un des démocrates de 2018 de l’aile fortement progressiste du parti, et pour la controverse suscitée par certaines de ses déclarations les plus combatives - deux autres Somaliens-USAméricains siègent à l’Assemblée législative du Minnesota, et d’autres aux conseils municipaux de Minneapolis et de Saint-Paul.