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11/07/2025

GIDEON LEVY
Les raids à domicile et les violences s’intensifient : à Al Khalil/Hébron, le transfert “volontaire ” des Palestiniens bat son plein

Alors que la guerre fait rage, les invasions des maisons palestiniennes dans la vieille ville d’Hébron/Al Khalil par les colons et les soldats israéliens deviennent de plus en plus fréquentes et violentes.

Gideon Levy  & Alex Levac (photos), Haaretz , 11/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Naramin al-Hadad avec ses petits-enfants. Il y a quelques semaines, des soldats sont venus chez elle, lui ont montré une photo de son fils Nasim, âgé de 7 ans, puis l’ont emmené avec eux. Ils l’ont relâché une demi-heure plus tard, terrifié.

La place du marché est déserte, comme le dit la chanson emblématique d’une autre vieille ville, celle de Jérusalem [Jerusalem of Gold - Yerushalayim shel Zahav, Naomi Shemer, 1967]. Le principal marché de Hébron est presque entièrement désert depuis des années. Pour comprendre pourquoi, il suffit de lever les yeux : suspendus aux grilles métalliques installées par les Palestiniens au-dessus des étals pour les protéger des colons, des sacs poubelles remplis d’ordures et d’excréments que ces derniers jettent sur les visiteurs.

Les maisons des colons du quartier juif d’Hébron surplombent le marché désert et jouxtent celui-ci. De l’autre côté du poste de contrôle, dans ce quartier, il ne reste plus un seul magasin ou étal palestinien. Plus loin, la partie encore ouverte du marché était également à moitié déserte cette semaine. Les produits sont abondants et les étals colorés sont ouverts, mais il y a peu de clients.

Les Palestiniens n’ont pas d’argent, dans une ville qui était autrefois le centre économique de la Cisjordanie jusqu’à ce que la guerre éclate dans la bande de Gaza. Vous voulez savoir pourquoi ? Regardez sa porte d’entrée principale. Elle a été cadenassée cette semaine. Une ville de 250 000 habitants est fermée. Quelqu’un peut-il trouver quelque chose de comparable sur la planète ?

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Des soldats israéliens surveillent l’entrée principale d’Hébron. Parfois, ils ouvrent le portail, parfois non. On ne sait jamais quand il sera déverrouillé. Lundi dernier, lorsque nous nous y sommes rendus, ils ne l’ont pas ouvert. Il existe des itinéraires alternatifs, certains sinueux et vallonnés, mais il est impossible de vivre ainsi. C’est précisément pour cette raison que le portail est fermé : parce qu’il est impossible de vivre ainsi. Il n’y a aucune autre raison que la volonté des Forces de défense israéliennes de maltraiter les habitants, ce qu’elles font de manière encore plus violente depuis le 7 octobre, afin de les pousser au désespoir – et peut-être même à la fuite. Définitivement.

En effet, peut-être qu’un petit nombre choisira finalement de partir, réalisant ainsi le rêve de certains de leurs voisins juifs. Pour sa part, l’armée israélienne coopère activement à ces plans diaboliques, travaillant main dans la main avec les colons pour parvenir au transfert de population tant souhaité. Sous le couvert de la guerre dans la bande de Gaza, les exactions se sont également multipliées et sont désormais presque totalement incontrôlées.

Cela n’est nulle part plus évident que dans la zone H2, qui est sous contrôle israélien et comprend la colonie juive de la ville, ainsi que les quartiers anciens qui l’entourent. Ici, le transfert n’est pas progressif, il est galopant. Les seuls Palestiniens encore visibles ici sont ceux qui n’ont pas les moyens de quitter cette vie infernale, sous la terreur des colons et de l’armée, dans l’un des centres de l’apartheid en Cisjordanie. On trouve ici d’anciens bâtiments en pierre, ornés d’arcades, dans un quartier qui pourrait être un trésor culturel, un site patrimonial, mais qui est abandonné, à moitié en ruine, jonché des ordures des colons et de leurs graffitis ultranationalistes haineux.



Les maisons des colons dans la vieille ville d’Hébron surplombent le marché

Après nous être garés – il y a désormais beaucoup de place dans ce marché désert – nous entrons dans une cage d’escalier étroite et sombre. À travers les fenêtres grillagées, on aperçoit des tas d’ordures ; derrière, les institutions des colons : Beit Hadassah, le centre d’études religieuses Yona Menachem Rennart et le bâtiment du Fonds Joseph Safra. Les maisons des colons sont à portée de main. Il suffit de tendre le bras.

Nous sommes dans la rue Shalalah, qui est en partie sous contrôle palestinien. Le vieux bâtiment en pierre dans lequel nous sommes entrés a été rénové ces dernières années par le Comité palestinien pour la réhabilitation d’Al Khalil, et il est impossible de ne pas admirer sa beauté, malgré les conditions déprimantes qui l’entourent. Situé à quelques dizaines de mètres du poste de contrôle menant au quartier juif, il s’agit d’une structure étroite de trois étages qui abrite cinq familles. La famille élargie Abou Haya – parents, enfants et petits-enfants, dont 15 jeunes et tout-petits – reste ici en raison du loyer modique.

Après avoir croisé une foule d’enfants, nous montons au troisième étage, dans l’appartement de Mahmoud Abou Haya et de sa femme, Naramin al-Hadad. Mahmoud a 46 ans, Naramin 42, et ils ont cinq enfants, dont certains ont déjà fondé leur propre famille. Naramin avait 15 ans lorsqu’elle s’est mariée, raconte-t-elle avec le sourire.

Le père de famille, qui travaillait autrefois dans le bâtiment à Ashkelon, est au chômage depuis le début de la guerre, le 7 octobre 2023. Naramin cuisine à la maison et vend ses plats aux habitants du quartier. C’est actuellement la seule source de revenus de la famille. Avant la guerre, elle était également bénévole au sein de l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem. Avec une caméra fournie par l’ONG dans le cadre de son projet « Camera Project », elle documentait ce qui se passait dans la région. Mais Naramin n’ose plus participer au projet. Il est beaucoup trop dangereux d’avoir une caméra ici. La dernière fois qu’elle l’a utilisée, la seule fois depuis le début de la guerre, c’était il y a environ cinq mois, lorsqu’elle a filmé un incendie allumé par des colons sur le toit du marché. Il y a environ un mois et demi, des soldats sont venus à l’appartement, ont montré à Naramin une photo de son fils Nasim, âgé de 7 ans, puis sont repartis avec lui. Ils l’ont relâché, terrifié, environ une demi-heure plus tard.

Les raids nocturnes contre les habitations palestiniennes se sont multipliés au cours des 21 derniers mois. D’une fréquence moyenne d’une fois par mois, l’armée fait désormais irruption dans leurs maisons au moins une fois par semaine, selon Naramin, presque toujours au cœur de la nuit.

Aucun Israélien ne connaît une réalité dans laquelle, pendant des années, à tout moment, il ou elle se réveille en sursaut à la vue et au bruit de dizaines de soldats armés et masqués qui envahissent son domicile, parfois accompagnés de chiens, puis poussent tous les occupants hébétés, y compris les enfants terrifiés, dans une seule pièce. Dans certains cas, les envahisseurs procèdent à des passages à tabac et à des fouilles violentes des lieux, laissant derrière eux une traînée de destruction ; dans tous les cas, ils profèrent des insultes et des humiliations.

Dans le passé, ces incursions semblaient avoir un objectif précis : l’arrestation d’un suspect, la recherche de matériel de combat. Mais depuis le début de la guerre, on a l’impression que ces raids ont pour seul but de semer la peur et la panique, et d’empoisonner la vie des Palestiniens. Ils ne semblent avoir aucune autre raison d’être.



Maher Abou Haya sur la terrasse de sa maison, avec Beit Hadassah en arrière-plan, cette semaine. Des caméras de sécurité l’ont filmé se tenant dans la rue, lorsque soudainement des soldats sont apparus et ont fait irruption dans la maison.

Le dernier incident impliquant la famille Abou Haya s’est produit il y a une semaine. Jeudi dernier, aux premières heures du jour, Maher, le fils de Naramin, âgé de 24 ans, marié à Aisha, 18 ans, et père de deux jeunes enfants, a quitté le domicile familial, mais est revenu après avoir vu des soldats s’approcher de la porte d’entrée.

Les caméras de sécurité installées par la famille à l’entrée montrent Maher debout innocemment dans la rue et les soldats apparaissant soudainement. Ils lui ont ordonné de les faire entrer et de les guider à travers le bâtiment. Maher les a conduits à l’autre entrée, qui mène à l’appartement de son frère, Maharan, 23 ans, marié et père d’un bébé de 6 semaines, afin de ne pas réveiller tous les autres enfants du bâtiment, qui sont nombreux.

Mais Maher a reçu l’ordre de réveiller tout le monde et de rassembler tous les occupants de chaque étage dans une seule pièce. Les soldats n’ont donné aucune explication sur les raisons de cette opération. Maharan venait juste d’essayer d’endormir sa petite fille lorsque les soldats ont fait irruption. Maher a frappé à la porte de l’appartement de ses parents et les a réveillés. Son oncle, Hamed, 35 ans, a été tiré hors du lit ; bien qu’on ait expliqué aux soldats qu’il se remettait d’une opération du dos, il a été saisi à la gorge et traîné hors de son appartement.

Les trois familles du troisième étage étaient regroupées dans le petit salon où nous avons été reçus cette semaine. Naramin se souvient qu’elle s’inquiétait de ce qui se passait aux étages inférieurs. Ils entendaient Maher crier, comme s’il était en train d’être battu.



La maison de la famille après le départ des soldats. Photo de la famille.

Un soldat a déchiré le rideau à l’entrée du salon de Naramin, puis ses camarades ont brisé les objets en verre dans le buffet. Sans raison. Les enfants se sont mis à pleurer. Naramin a voulu ouvrir une fenêtre, car on étouffait à l’intérieur, mais un soldat, plus jeune que la plupart de ses fils, l’en a empêchée.

Le lendemain, Manal al-Ja’bri, chercheuse de terrain pour B’Tselem, a recueilli le témoignage de la femme de Maharan. Elle a raconté que son bébé pleurait et qu’elle voulait l’allaiter, mais que les soldats l’en empêchaient. Les demandes d’eau ont également été refusées.

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Au bout d’environ une heure, les soldats ont ordonné à Naramin et aux autres membres de sa famille de se rendre dans un autre appartement du même immeuble. Le sol était jonché d’éclats de verre et elle avait peur pour ses enfants qui étaient pieds nus. Elle a ensuite entendu des bruits de vaisselle qu’on brisait dans son appartement. Les soldats ont également jeté le ventilateur par terre et l’ont cassé.

Ja’bri affirme avoir déjà recensé une dizaine de cas similaires de destruction gratuite dans la même zone, peuplée de Palestiniens défavorisés sur le plan économique.

Quel était l’objectif du raid de la semaine dernière ? Voici la réponse donnée cette semaine par le porte-parole de l’armée israélienne : « Le 2 juillet 2025, l’armée israélienne a mené une opération dans la ville de Hébron, qui est [sous la supervision de] la brigade de Judée, à la suite d’informations fournies par les services de renseignement. L’opération s’est déroulée sans incident particulier et nous n’avons pas connaissance d’allégations de destruction de biens. »



Le marché fermé d’Hébron. Les Palestiniens qui y restent n’ont pas les moyens de quitter cette vie infernale, dans l’un des centres de l’apartheid de Cisjordanie.

Vers 2 heures du matin, le silence s’est abattu sur l’immeuble. Naramin a osé jeter un œil dehors pour voir si les soldats étaient partis ; ils étaient partis sans prévenir les occupants. Qui s’en souciait ? Les Palestiniens pouvaient rester où ils étaient jusqu’au matin. Maher était couvert de bleus, mais il n’a pas voulu dire à sa mère ce que les soldats lui avaient fait. Les trois voitures de la famille avaient été forcées ; les clés ont été retrouvées dans la benne à ordures.

Alors qu’on nous servait le café, la famille a découvert que le verre qui recouvrait la table était également fissuré. Ont-ils l’intention de partir ? Naramrin bondit comme si elle avait été mordue par un serpent et répond par un « Non » court et définitif.

La semaine dernière, quatre familles ont quitté le quartier voisin de Tel Rumeida. Elles n’en pouvaient plus. Au total, Ja’bri, la chercheuse, estime qu’au moins dix familles ont quitté le quartier depuis le début de la guerre. La semaine dernière, selon les habitants, il n’y avait apparemment aucun problème de sécurité sur lequel enquêter, et à Tel Rumeida – où les Palestiniens ne sont autorisés à entrer avec aucun type de véhicule, pas même une ambulance – un véhicule commercial a été autorisé à entrer afin d’évacuer les biens des familles qui sont parties. Certaines fins justifient apparemment tous les moyens.

Nous sommes ensuite montés sur la terrasse pour admirer la vue. Des bâtiments anciens en pierre étaient construits à flanc de colline. Mais la terrasse était étouffée de toutes parts par les constructions des colons.

09/06/2025

GIDEON LEVY
Un soldat israélien a tué un Palestinien qui dormait dans son lit. Ses camarades lui ont demandé : “Tu es fou ?”

Gideon Levy & Alex Levac (photos), Haaretz, 6/6/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Des soldats israéliens ont fait irruption dans une maison d’un village de Cisjordanie. Un soldat a tiré quatre coups de feu sur un jeune homme qui dormait dans son lit. Les soldats ont emporté le corps et ont fait sortir le tireur, et le frère de la victime les a entendus demander à leur camarade : « Pourquoi tu as tiré ? »

Ibrahim al-Sidda montre comment son fils Jassem était allongé sur son lit lorsqu’il a été abattu chez eux, dans le village de Jit, il y a dix jours.

« Pourquoi tu as tiré ? », a-t-on entendu les soldats demander à leur camarade, qui venait de tirer quatre balles dans une chambre obscure sur un jeune homme de 20 ans qui n’avait probablement même pas eu le temps de se réveiller.

« Pourquoi a-t-il tiré ? », demande le père du défunt. Le père dormait, mais il s’est réveillé en sursaut en entendant les soldats faire irruption dans la maison, immédiatement suivis par les coups de feu dans la chambre de son fils. Les soldats ne l’ont pas laissé s’approcher, mais il dit avoir vu son fils allongé sur le dos, le sang jaillissant de son épaule et de sa poitrine.

Pourquoi le soldat a-t-il tiré sur un jeune homme innocent dans son lit ? Cette question a également été posée cette semaine au porte-parole de l’armée israélienne. La réponse : « L’incident fait l’objet d’une enquête. » L’exécution de sang-froid d’un jeune homme dans son lit – et « l’incident fait l’objet d’une enquête » ? Bien sûr, nous n’entendrons rien sur les résultats de l’enquête dans un avenir proche, si tant est qu’il y en ait. Mais aux premières heures du mercredi 28 mai, un soldat a pris la vie d’une personne de son âge sans raison apparente. Juste comme ça, comme si ce n’était rien.

Les soldats ont enfoncé la porte métallique de la maison – les dégâts sont encore visibles. Pourquoi, pour commencer, ont-ils fait irruption dans cette maison et réveillé tout le monde en pleine nuit ? Personne dans la famille élargie qui vit dans cette maison à deux étages n’était « recherché ». De plus, la victime, Jassem al-Sidda, n’avait jamais été arrêtée. Le village de Jit, dans le nord de la Cisjordanie, est connu pour le fait que beaucoup de ses habitants, dont Jassem, travaillent dans les colonies – mais cela n’a bien sûr pas empêché les colons de se déchaîner là-bas en août dernier, perpétrant un pogrom au cours duquel un villageois a été tué.


La maison des al-Sidda cette semaine

Jit est situé dans le district de Qalqilyah, à l’est de la colonie de Kedumim. La maison des al-Sidda témoigne de la pauvreté : quatre familles s’entassent sur les deux étages de ce bâtiment ; il y a une petite cour où du linge est suspendu du linge et du bois de chauffage empilé. Jassem, le plus jeune de cinq enfants – quatre frères et une sœur – vivait avec ses parents au rez-de-chaussée dans un appartement de deux pièces. Un de ses frères vit dans l’appartement voisin avec sa femme et ses enfants ; à l’étage supérieur, deux autres frères vivent avec leurs familles.

Avec sa couverture colorée, ses draps et sa taie d’oreiller, le lit simple de Jassem, placé sous une armoire où sont exposés des bibelots en porcelaine bon marché, était encore entièrement recouvert de sang lorsque nous nous sommes rendus sur place cette semaine. Des taches de sang séché marquent l’endroit où gisait son corps.

Ibrahim al-Sidda, le père endeuillé, dormait dans une petite pièce adjacente et a entendu les coups de feu, qui ont été tirés sur Jassem à bout portant. Ibrahim, un homme de petite taille âgé de 63 ans, barbu et édenté, fait des petits boulots ; il est marié à Haifa, de trois ans sa cadette. Haifa n’était pas à la maison lors de cette terrible nuit de la semaine dernière. Elle avait dormi chez un autre de ses fils, ailleurs dans le village, et a ainsi été épargnée par cette scène horrible.

Jassem a été scolarisé jusqu’en cinquième, avant d’abandonner l’école pour aider sa famille. Jusqu’à il y a deux mois, il travaillait dans un atelier de menuiserie dans la zone industrielle de Bar-On, près de Kedumim, puis, après la fermeture de l’entreprise, il a fait des petits boulots dans les villages voisins. Mardi dernier, il travaillait à Laqif, non loin de Jit. Il est rentré chez lui vers le soir et a passé la soirée avec sa famille dans la cour jusqu’à 23h30, avant d’aller se coucher.


Jassem al-Sidda

Tout s’est passé très vite. Ibrahim se souvient avoir d’abord entendu la porte d’entrée être enfoncée. Il était 1 h 45 du matin. Presque instinctivement, il a cherché sa carte d’identité, qu’il garde toujours sous son matelas la nuit, afin d’être prêt à toute éventualité. En effet, les Palestiniens vivant dans les territoires ne peuvent pas vivre sans avoir à portée de main, à tout moment, la carte d’identité israélienne délivrée par leurs occupants.

Ibrahim a été choqué de voir deux soldats entrer dans sa chambre. Un instant plus tard, il a entendu des coups de feu provenant de l’autre pièce du petit appartement exigu.

Jassem avait 20 ans et une semaine le jour de sa mort.

« Vous avez tué mon fils ! » a crié Ibrahim aux soldats, sans savoir avec certitude à ce moment-là si son fils était mort. Les soldats n’ont rien dit, mais l’ont empêché d’entrer dans la chambre de son fils. En regardant derrière eux, Ibrahim a vu Jassem allongé sur le dos, saignant abondamment. Il a crié et les soldats lui ont ordonné d’aller dans l’appartement voisin, celui de son fils Ihab, 38 ans, père de quatre enfants.


Ibrahim al-Sidda, le père endeuillé, dormait dans une petite pièce adjacente et a entendu les coups de feu, qui ont été tirés sur Jassem à bout portant.

Alors qu’Ibrahim passait devant les soldats, il dit les avoir entendus crier « Fou, fou ! » au tireur. Un autre fils, Darwish, 37 ans, qui vit à l’étage avec sa famille, dit avoir entendu les soldats dire : « Pourquoi tu as tiré ? Quoi, tu es fou ? Pourquoi ? »

Un soldat a demandé au tireur : « À qui appartient ce corps ? » Le soldat a répondu qu’il ne savait pas. « Tu tires sur quelqu’un sans savoir qui c’est ? » lui a demandé son camarade. Selon Darwish, les soldats ont poussé le tireur dans une jeep avant même que le corps de leur victime ait été retiré.

Ibrahim a supplié les soldats de le laisser voir son fils, mais le corps avait été emporté par les soldats. Personne ne l’a informé de la mort de Jassem, mais Ibrahim dit qu’il en était presque certain. Il a demandé à aller aux toilettes, mais les soldats lui ont dit de faire ses besoins dans la cour.

Les soldats ont fait une descente dans trois des quatre appartements de l’immeuble cette nuit-là et ont procédé à des fouilles. Ils n’ont rien trouvé et n’ont arrêté personne. Ces raids nocturnes et ces invasions violentes et terrifiantes ne sont souvent qu’un exercice d’entraînement pour les soldats et un moyen de terroriser les habitants.

Les soldats ont conduit la jeep avec le corps de Jassem vers la sortie du village, puis ont transféré le corps dans une ambulance palestinienne. Le rapport médical du Dr Ibrahim Daoud de l’hôpital Darwish Nazzal, à Qalqilyah, où Jassem a été transporté, indique qu’il était mort à son arrivée.

Les médecins ont constaté trois entrées et deux sorties de balles dans la poitrine et l’estomac. Le jeune homme n’avait aucune chance de survivre après avoir reçu trois balles tirées à bout portant. Des éclats d’une quatrième balle ont touché sa tête et le médecin a également constaté des fractures au bras gauche de Jassem.


Des membres de la famille al-Sidda devant leur immeuble, où une affiche commémorative en hommage à Jassem est accrochée

C’est à 3 h 30 du matin que l’armée israélienne a informé le Bureau de coordination et de liaison du district palestinien du décès de Jassem et a demandé qu’une ambulance soit envoyée pour récupérer le corps. Une heure s’est écoulée avant que le dernier soldat ne quitte le village et que les habitants puissent enfin sortir de chez eux.

Quant aux al-Sidda, ils se sont précipités à l’hôpital de Qalqilyah pour voir le corps de Jassem, qui se trouvait déjà à la morgue. Des photos de lui ont été accrochées aux murs de l’appartement.

Abd al-Karim Sa’adi, chercheur de terrain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, est arrivé à l’aube à la maison, après avoir fait le trajet depuis son village, Attil, dans le district de Toulkarem, situé à une certaine distance.

Sa’adi raconte avoir vu du sang sur le mur de la chambre de Jassem et sur les draps. D’après son examen des taches de sang dans la pièce, il ne fait aucun doute pour lui que Jassem a été abattu alors qu’il était couché dans son lit. Le fait que personne dans la maison n’ait entendu Jassem dire quoi que ce soit semble indiquer qu’il ne s’est jamais réveillé et qu’il a bien été exécuté dans son sommeil.

Plus tard dans la matinée du même mercredi, Jassem a été enterré dans le cimetière de Jit.

30/05/2025

GIDEON LEVY
La ville palestinienne de Bruqin subit un double saccage à la suite d’une attaque terroriste

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 30/5/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Après le meurtre terroriste de Tzeela Gez, dont le bébé est mort jeudi après avoir été mis au monde dans un état grave, les colons se sont déchaînés sur la ville palestinienne de Bruqin, où l’armée a effectué une attaque peu de temps après. L’armée israélienne a arrêté et tué un suspect. Selon des indices, il a été exécuté alors qu’il était menotté

Un Dieu de vengeance est le Seigneur, et une armée de vengeance est l’armée d’Israël. Les colons aussi ont soif de vengeance – et personne ne les en empêche. La ville palestinienne de Bruqin, située face à la colonie de Brukhin en Cisjordanie, l’a appris à ses dépens ces derniers jours. Ses habitants sont encore sous le choc de la campagne punitive qu’ils ont subie.


Drapeaux israéliens placés sur une maison palestinienne détruite par l’armée israélienne à Bruqin, en Cisjordanie.

Le chef du conseil régional de Shomron (Samarie), Yossi Dagan, a appelé à raser toute la ville et à expulser tous ses habitants. « Que le sort de Bruqin soit le même que celui du camp de réfugiés de Jénine », a affirmé le fonctionnaire des colons, qui a été contraint de cesser de parler lors des funérailles de Tzeela Gez, de Brukhin, victime de l’attaque terroriste de la mi-mai, dans le sillage de laquelle cette folle campagne de vengeance et de vengeance a été lancée.

Bruqin et Brukhin sont situés sur des crêtes des deux côtés de l’autoroute 446, à l’ouest d’Ariel. La route de l’autoroute à Brukhin est directe et courte ; la route jusqu’à Bruqin, une ville de 5 000 habitants, est longue et sinueuse. Une barrière métallique jaune bloque la route qui menait à la ville, et la déviation serpente entre les villages de la région, faisant mille tours, afin d’aggraver le calvaire des habitants – c’est la même chose pour pratiquement toutes les  communautés palestiniennes de Cisjordanie depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza.


La ville palestinienne de Bruqin en Cisjordanie, et des drapeaux israéliens placés sur une maison palestinienne détruite par l’armée israélienne

Les signes des récents déchaînements de l’armée et des colons sont évidents sous la forme de maisons incendiées et de squelettes de voitures brûlées, dans la démolition d’un immeuble de trois étages à la périphérie de la ville, et surtout dans les monstrueux travaux de terrassement actuellement effectués par les bulldozers aux abords de la ville, apparemment dans le but d’isoler encore plus la ville. Les colons y ont déjà installé une cabane et ont creusé un chemin de terre parallèle à la 446 – prélude à un avant-poste punitif.

Les soldats ont également fait irruption dans le bâtiment du conseil municipal, l’endommageant. Dans son bureau, le chef du conseil, Faed Sabra, 52 ans, et ses assistants rédigent un rapport détaillé sur tous les dégâts causés par l’armée et les colons sous son patronage. Les soldats ont envahi 740 maisons, que ce soit pour effectuer des perquisitions ou pour harceler et intimider les habitants. Ils ont pris le contrôle de 23 maisons, expulsé les habitants et y sont restés pendant toute la durée du couvre-feu de neuf jours. Les colons ont incendié huit voitures, une maison de trois étages a été démolie et cinq autres maisons partiellement endommagées, et le camion à ordures du conseil a été mis en fourrière (sur la base de l’incroyable allégation selon laquelle il avait ramassé des ordures dans la zone C, les sections de la Cisjordanie sous contrôle israélien total).

Et pendant ce temps, les bulldozers de Tsahal sont à l’œuvre sur la crête à l’extrémité de la ville, au nord-ouest, sans que personne, pas même le chef du conseil, n’ait la moindre idée de ce que prépare l’armée. La section creusée est également ornée de dizaines de drapeaux israéliens, qui ont été placés là après l’attaque terroriste, comme si Bruqin avait été annexé à Israël et faisait maintenant partie de son territoire souverain. Provocation, les drapeaux sont aussi une sorte de punition.

Et surtout, les soupçons abondent sur les circonstances dans lesquelles Nael Samara, soupçonné d’avoir perpétré l’assassinat de Tzeela Gez. Les témoignages suggèrent qu’il était menotté au moment où il a été abattu par les mêmes soldats qui l’avaient arrêté plusieurs heures plus tôt.


Yaffi Barakat se tient près de la porte d’entrée de sa maison détruite à Bruqin.

Gez, une mère de trois enfants qui se rendait à la salle d’accouchement pour donner naissance à son quatrième, a été tuée le 14 mai dans une fusillade sur la route près de Brukhin, où elle vivait. L’armée a fait une descente dans le village de Bruqin, a pris le contrôle de dizaines de maisons, a expulsé leurs habitants et a transformé les structures en centres d’interrogatoire pour de nombreux hommes de la ville. Les interrogatoires ont été violents, raconte le chef du conseil, Sabra. Il souligne que même les malades et les personnes âgées n’ont pas été autorisés à quitter leur domicile pendant la durée du couvre-feu, y compris trois patients dialysés qui ont été contraints d’attendre cinq jours avant d’être autorisés à se faire soigner.

Alors que l’armée menait des interrogatoires, les colons déversaient leur fureur sur les villageois et vandalisaient leurs biens. Le déchaînement a duré des jours après l’attaque terroriste ; pas plus tard que jeudi dernier, plus d’une semaine après le meurtre de Gez, des maisons étaient encore incendiées.

Lorsque nous sommes arrivés au bâtiment du conseil, des ouvriers déchargeaient des extincteurs rouges d’une voiture. C’est le seul moyen dont disposent les habitants de la ville pour se protéger et protéger leurs biens contre les incendies criminels. Sous les auspices du couvre-feu, l’armée a également démoli le bâtiment de trois étages mentionné plus haut, affirmant qu’il avait été construit illégalement. Le chef du conseil, Sabra, a déclaré que 245 dunams (24,5 ha) des terres de la ville ont été expropriés pour les besoins de l’armée après la fusillade. C’est dans cette zone que les bulldozers sont maintenant à l’œuvre. Sabra estime qu’entre 200 et 300 colons ont attaqué la ville dans les jours qui ont suivi l’attaque terroriste.

 


Des employés municipaux déchargent des extincteurs d’une voiture.

Et il y a aussi eu le meurtre de Nael Samara, plâtrier de métier, âgé de 37 ans, marié et père de trois enfants. Il a été arrêté par l’armée samedi matin, trois jours après la fusillade. L’image qui ressort des témoignages recueillis par Salma a-Deb’i, chercheuse de terrain pour l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, de la veuve de Samara, de son père et de son oncle, est celle d’une exécution.

La veuve, Athadel, a raconté que ce matin-là, entre 7 et 8 heures, son mari l’a réveillée et lui a dit que l’armée était à l’extérieur de la maison. Ils s’attendaient à l’arrivée de soldats, a-t-elle dit, car ils avaient visité la plupart des maisons de la ville. Le couple a ouvert la porte et les soldats ont ordonné à Nael de sortir et lui ont dit de lui remettre sa carte d’identité et son téléphone. Les enfants dormaient. Suivant la pratique habituelle, les soldats ont menotté Nael et lui ont bandé les yeux avec un chiffon avant de l’emmener. Quelques soldats sont restés dans la maison et ont ordonné à Athadel de s’asseoir sur une chaise à l’entrée.

Quand les enfants se sont réveillés, elle a dit qu’elle voulait leur donner à manger. Les soldats lui ont permis d’aller à la cuisine. Ensuite, elle est retournée à la chaise près de la porte d’entrée et y est restée jusqu’à 14 h 30 ou 15 h, lorsqu’elle a entendu une voix crier « Allahu akbar » (« Dieu est grand ») depuis l’arrière-cour. Elle a reconnu la voix de son mari. Cela a été suivi d’une rafale de coups de feu, qui a également été entendue dans toute la ville. Elle a essayé de se lever pour voir ce qui se passait, mais les soldats lui ont dit de ne pas bouger.

Un grand nombre de soldats sont arrivés, et après environ 15 minutes, ils sont tous partis. Athadel est allée chez sa belle-famille sans savoir ce qui était arrivé à son mari, alors même que des rumeurs se répandaient dans la ville selon lesquelles Nael avait été tué par les soldats. Quelques heures plus tard, Athadel a été contactée par l’Administration de coordination et de liaison du district palestinien. Les autorités israéliennes, lui a-t-on dit, les avaient informés que Nael avait été tué.


Fahad Barakat se tient dans son escalier, après que ses vitres ont été brisées, à Bruqin, ce mois-ci.

Un voisin, Knaan Samara, 21 ans, qui a assisté aux événements depuis son balcon, a ensuite été battu par des soldats. Selon les témoignages recueillis par a-Deb’i, il s’est rendu à la clinique médicale pour faire panser ses blessures – il avait une profonde entaille à la tête et une autre à une jambe – mais une unité de l’armée est arrivée à la clinique et l’a placé en détention. Les soldats ont dit au personnel de la clinique, qui voulait envoyer le blessé à l’hôpital : « Nous ferons ce qui doit être fait. » Depuis, Knaan Samara est en détention, ainsi que son frère, Abidian, 40 ans.

Avant d’être arrêté, Knaan a raconté à ses parents qu’il avait vu des soldats tirer sur Nael alors qu’il était menotté et les yeux bandés. Le père de Knaan, Sami Samara, 62 ans, a déclaré qu’il avait vu des soldats ramener Nael chez lui, menotté et les yeux bandés. La chercheuse de terrain de B’Tselem dit qu’elle a vu des photos de l’endroit, à l’arrière de la maison, où Nael a été abattu, dans lesquelles des taches de sang étaient visibles, mais que lorsqu’elle s’y est rendue quelques jours plus tard, il n’y avait aucun signe de sang ou des douilles de cartouches qui étaient également apparues sur les photos. La famille de Naël affirme que quelques heures après l’incident, deux véhicules de police sont arrivés sur les lieux.


La maison d’un Palestinien détruite par l’armée israélienne à Bruqin

La famille a également noté qu’il y a trois mois, Nael s’était cassé une jambe dans un accident de travail. Il avait du mal à marcher et a cessé de travailler. L’affirmation de l’armée selon laquelle il était en train de courir lorsqu’il a fui la scène de l’attaque terroriste n’a aucun sens, disent-ils, étant donné l’état de sa jambe. Était-il le terroriste qui a perpétré l’attaque ? A-t-il été exécuté de sang-froid par des soldats alors qu’il était menotté ?

L’unité du porte-parole de Tsahal a renvoyé Haaretz cette semaine au long communiqué publié le lendemain du meurtre. Après avoir déclaré que l’attaque terroriste avait été résolue et que l’auteur avait été éliminé, le communiqué poursuit : « Au cours d’une poursuite et de recherches ciblées par des combattants de Tsahal de la brigade Ephraïm, guidés par le Shin Bet [service de sécurité], un terroriste a été repéré en train de courir vers les forces, tenant un sac soupçonné d’être piégé, et les appelant. Face à une menace immédiate, les combattants ont éliminé le terroriste. Nos forces n’ont pas eu de pertes.

À la suite d’une enquête menée par le Shin Bet, l’armée israélienne et le district de police de Shai [Samarie et Judée], il a été découvert que Nael Samara, le terroriste éliminé, avait perpétré l’attaque près de la colonie de Brukhin, au cours de laquelle Tzeela Gez, de mémoire bénie, a été assassinée. Le terroriste Samara a purgé une peine de prison pour son activité au sein de l’organisation terroriste Hamas, a été libéré en 2010 et a été emprisonné à nouveau pendant plusieurs jours en 2019 pour incitation à la haine sur Internet. Le sac qu’il portait contenait un fusil M-16 et d’autres moyens de combat, qui ont été utilisés pour perpétrer l’attaque ».


Le chef du conseil municipal, Faed Sabra

« Dans le cadre de l’enquête du Shin Bet, l’armée israélienne a arrêté un certain nombre d’autres suspects soupçonnés d’avoir perpétré l’attaque, y compris le chef de l’escouade, qui est soupçonné d’être impliqué dans la perpétration de l’attaque. »

Cette semaine, j’ai demandé aux responsables de Tsahal comment ce récit concordait avec le témoignage de la femme de Samara, qui a raconté que son mari avait déjà été arrêté par des soldats ce matin-là et ramené à la maison menotté. Des sources militaires ont reconnu qu’il avait effectivement été arrêté dans la matinée et amené à la maison à midi, mais qu’il avait ensuite tenté d’attaquer les soldats en criant « Allahou akbar ».

Les soldats ont-ils enlevé les menottes de Nel, une fois arrivés à  la maison ? Très peu probable. Une personne menottée, enchaînée et ayant les yeux bandés pourrait-elle constituer un danger pour les soldats ? Très peu probable. L’unité du porte-parole de Tsahal a refusé cette semaine de se prononcer sur la question de savoir s’il était menotté lorsqu’il a été abattu, et s’est contentée d’une référence au communiqué. Le soupçon qu’il ait été abattu alors qu’il était menotté reste plus fort que toute autre version.

Drapeaux israéliens à Bruqin, en Cisjordanie

Jeudi dernier, le 22 mai, l’armée israélienne a quitté la ville et la vie est censée être revenue à la normale. Seulement censée. Les habitants calculent les dégâts causés, d’autres font des réparations, et tout le monde a peur du prochain pogrom.

Yaffi Barakat, 30 ans, marié et père de cinq enfants, vit à la périphérie de la ville, dans une maison de deux étages relativement neuve qu’il a construite pendant les sept années où il a travaillé en Israël. Il avait déjà remplacé les fenêtres de la maison qui avaient été brisées immédiatement après l’attaque terroriste. Jeudi soir dernier, les colons sont revenus et cette fois-ci ont mis le feu à une partie de la maison, brisé à nouveau les fenêtres et laissé une inscription peu claire maculée de bleu et accompagnée d’une étoile de David sur le sol de son porche. Les lits des enfants, au deuxième étage, sont recouverts de pierres que les colons ont jetées sur la maison, qui, heureusement – par peur des colons – était vide à l’époque.

Le balcon de la maison offre une vue sur le nouveau quartier de maisons en cours de construction à Brukhin sur la colline d’en face. Les sols de la maison, sur les deux niveaux, sont encore recouverts de verre brisé, il faut donc marcher prudemment. Yaffi a entassé les canapés et autres meubles dans une pièce intérieure de la maison, afin qu’ils ne prennent pas feu lors du prochain incendie criminel. Entre-temps, Yaffi, dont le visage reflète peur et désespoir, ne vit plus ici.