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05/12/2025

Quand l’armée se fait prédicatrice : les dangers de la campagne israélienne “Pour la Judée”

Gideon Levy, Haaretz, 4-12-2025
Traduit par Tlaxcala

Alors que le camp libéral se bat jusqu’à la dernière goutte de sang sur la question de l’enrôlement des Haredim [ultra-orthodoxes] dans les Forces de défense israéliennes, l’armée elle-même s’est transformée en armée de Dieu, même si elle ne compte pas beaucoup de recrues ultra-orthodoxes. Parallèlement à la fermeture de la radio militaire, l’armée a créé une agence de voyage confessionnelle, IDF Tours, qui propose une sélection de visites à Dieu et à la Terre promise.

Une conférence de colons au Tombeau des Patriarches (Sanctuaire d’Ibrahim) à Hébron/Al Khalil en septembre. La campagne présente des contenus proposés par des officiers, des soldats, des guides touristiques civils et des archéologues, ainsi que par des personnalités politiques issues des colonies. Photo Itai Ron

La radio militaire était-elle une anomalie ? Attendez de découvrir l’agence de voyage de l’armée. Avec le lancement de la campagne « Pour la Judée », menée par la Brigade de Judée, il ne fait plus aucun doute que l’armée israélienne n’est pas seulement l’armée du peuple, mais aussi l’armée de Dieu.

Et qu’en est-il de ceux qui ne sont pas pour le Seigneur ? Seront-ils également tenus de s’enrôler dans l’armée de Dieu ? Que feront les jeunes hommes et femmes laïques qui ne croient pas aux contes religieux ? Comment serviront-ils en Cisjordanie ?

Ces questions se posent désormais après la révélation par Noa Shpigel et Nir Hasson sur la nouvelle campagne touristique de l’armée israélienne (Haaretz, 2 décembre). Non seulement cette campagne invite les soldats et les civils à visiter la Cisjordanie occupée et pillée, ignorant de manière flagrante la majorité des personnes qui y vivent et à qui elle appartient, mais elle invoque également des explications pour justifier la présence de l’armée dans cette région que seuls ceux qui souffrent d’un délire messianique pourraient croire.

La prochaine fois qu’un pogrom aura lieu en Cisjordanie et que des soldats y participeront, sachez qu’ils ont subi un lavage de cerveau par cette campagne et d’autres similaires. Et ce ne sont pas seulement les colons militants qui leur font subir un lavage de cerveau, mais aussi leurs commandants et leurs adjoints.

« L’objectif est de répondre à une question apparemment simple mais très importante, à savoir : pourquoi ? Pourquoi sommes-nous ici ? », déclare le colonel Shahar Barkai, commandant de la brigade de Judée, comme s’il prononçait son discours de bar-mitsva. « Pourquoi sommes-nous ici, dans la campagne samaritaine ? », demande son collègue Ariel Gonen, commandant de la brigade de Samarie.

Le lavage de cerveau est opéré. « Maintenant que j’ai fait le tour, je vois à quel point les liens sont étroits, et ma capacité à mener à bien la mission est renforcée par une compréhension globale de ce qu’est cet endroit », déclare le lieutenant Avishag Yonah, commandant de l’unité d’information de Judée-Samarie. Les soldats sont plus efficaces pour maltraiter les Palestiniens aux postes de contrôle, encore plus efficaces pour enlever des parents de leur lit devant leurs enfants et encore plus cruels envers les habitants. Après tout, c’est leur mission.


Des soldats israéliens arrêtent des suspects lors d’un raid à Jénine, en Cisjordanie, jeudi. Photo AFP/ZAIN JAAFAR

Les textes semblent avoir été rédigés pour les officiers par des colons militants, et c’est peut-être le cas. Quoi qu’il en soit, la vérité qui en ressort est frappante : si les soldats croient aux contes de fées qui leur sont présentés – que Nabal le Carmélite a pataugé dans le magnifique réservoir du village palestinien d’al-Karmil, et que par conséquent, celui-ci nous appartient ; que l’histoire du miracle d’Abraham, notre ancêtre, venu compléter le minian dans une synagogue au cœur d’Hébron il y a des centaines d’années, est vraie – ils seront de meilleurs soldats. Il y a même des endroits recommandés pour emmener votre petite amie. Qu’en dites-vous ? Passons une soirée dans les 56 sources palestiniennes que les colons ont prises de force ?

Le message est simple. L’armée israélienne est là parce que Nabal le Carmélite était là. Les soldats peuvent tuer parce que le patriarche Abraham a erré dans ces lieux. Peut-être que la plupart du public n’accepte pas cela, mais une armée populaire qui a été transformée en armée du Seigneur ne s’intéresse pas aux majorités ou aux minorités, à la vérité ou à la fiction. Elle va endoctriner les jeunes hommes et femmes qui s’engagent.

La campagne ne fait aucune mention des Palestiniens, les habitants de cette terre. Pour l’armée israélienne, et cette fois-ci officiellement, ils n’existent pas. Ils sont comme de l’air, on peut donc les maltraiter, les torturer et les tuer. Et ainsi, génération après génération, les Israéliens envoient leurs enfants tuer et se faire tuer dans la bande de Gaza et leur laver le cerveau en Cisjordanie.

Barkai, vous voulez savoir pourquoi nous sommes là-bas ? Parce que nous avons conquis cette terre par la force. Parce que nous étions avides de territoire, parce que nous sommes avides de vengeance contre les Palestiniens, parce que nous croyons aux absurdités de la campagne que vous avez lancée. Voilà pourquoi nous sommes là-bas.

NdT
La campagne « pour la Judée » a, d’après une rapide enquête, une portée très limitée : sa page Instagram a 149 followers, son compte Telegram en a 70 et son groupe WhatsApp 573. Bref, pas de quoi fouetter trois chats de rabbin.

29/11/2025

Le 12 novembre 2025, Aysam Jihan Ma’alla est mort en Cisjordanie. Il avait 13 ans
Témoignage d’une volontaire sur la récolte des olives en Cisjordanie

Anna Haunimat, 17/11/2025

Aysam, dans le coma depuis un mois, est mort des suites de l’attaque de colons israéliens et de l’intervention de l’armée israélienne à coups de gaz lacrymogènes à Beita. Aysam Jihad Ma’alla avait 13 ans, il participait à la récolte des olives avec sa famille aux côtés d’autres familles d’agriculteurs-trices. Il n’était pas à Gaza. Il était en zone B en Cisjordanie. Cette zone,  qui devait être rendue totalement aux Palestinien.ne.s 5 ans après les accords d’Oslo (1993), se trouve sous contrôle civil de l’Autorité palestinienne et contrôle militaire des forces d’occupation.

« La géographie est un destin »

Ibn Khaldoun

Je suis partie début octobre 2025 en Cisjordanie, participer à la campagne Harvest Zeytoun avec l’UAWC (Union des Comités du Travail Agricole). L’UAWC, dont le siège est situé à Ramallah, est une organisation d’aide aux agriculteurs en Cisjordanie. Elle existe depuis 1986. Elle est affiliée à la Via Campesina.

Ce programme Harvest Campaign est renouvelé depuis

plusieurs années et vise à permettre aux familles palestiniennes d’assurer leurs récoltes d’olives grâce à la présence de volontaires internationaux face aux agressions continues des colons israéliens. « BAQA » (بقاء) — mot arabe signifiant « rester » — symbolisant la fermeté, l'enracinement et la résistance face à l'occupation et à la violence des colons, est le nom donné à cette campagne.

Ces attaques visent d’abord à terroriser les familles palestiniennes d’agriculteurs.trices afin de les empêcher de procéder à la récolte des olives et de les pousser à abandonner leurs terres. Une « loi israélienne » stipule qu’une terre non cultivée depuis deux ans, revient aux forces d’occupation (+ de 5200 hectares confisqués par Israël entre le 8/10/2023 et le 08/08/2025). Il s’agit aussi de rendre inutilisables ces terres, ici dans ce cas, les oliveraies. Des oliviers centenaires ou replantés sont arrachés, brûlés par les colons.



Les attaques violentes et quotidiennes des colons contre les familles palestiniennes se sont intensifiées depuis 3 ans (3041 dont 150 mortelles du 8/10/2023 au 8/08/2025). 52 300 oliviers ont été détruits à Gaza et en Cisjordanie depuis le 7 octobre 2023. Le 16/11/2025, selon l’agence officielle palestinienne WAFA, Ibrahim al-Hamed, directeur général de l’Agriculture à Salfit, a précisé que 135 oliviers, âgés d’au moins sept ans et appartenant à trois agriculteurs  ont été arrachés dans la vallée de Qana, au sein de la localité de Deir Istiya. Au cours des huit premiers mois de 2025, l’armée israélienne a émis des ordres pour couper des arbres sur une superficie de 681 hectares dans les territoires palestiniens occupés. Le rapport d’octobre du Conseil sur les violations israéliennes indique que, avec le soutien de l’armée israélienne, les colons ont arraché ou endommagé 1 200 oliviers sur les terres palestiniennes. [source]

La destruction quasi-systématique des oliviers par les colons, prive les Palestinienn.e.s d’une de leurs ressources essentielles. Mais contribue aussi, depuis l’établissement du projet sioniste en Palestine, à l’affabulation d’une terre sans peuple, d’une terre vide. C’est une constante depuis 1948 que d’effacer toute trace d’une présence antérieure à l’arrivée des colons. (Près de 500 villages ont été rasés en 1948, 780.000 personnes expulsées de leurs terres, sans droit au retour).

Nous autres volontaires parti.e.s pour tenter d’enrayer la machine infernale de destruction, nous partions tous les matins par petits groupes pour aider les familles à la récolte. Les cueillettes sans intervention des colons pour nous forcer à abandonner les oliveraies étaient peu nombreuses. Mais lorsque cela a été possible, c’était une fête ! Terminer la cueillette, manger ensemble, parfois même danser.


Mais souvent aussi, il fallait faire vite, en silence, comme autant de petites fourmis à l’œuvre pour tromper la vigilance des colons, terminer avant leurs attaques. Le jeudi 16 novembre, partis sur une oliveraie près de Huwara en présence d’une conseillère municipale, nous avons de nouveau été agressé.e.s et chassé.e.s par les colons et l’armée. Nous sommes allé.e.s dans une autre oliveraie à l’entrée de Burin, située juste en bordure de la route, en face de la maison du propriétaire. Très vite l’armée est arrivée et nous a sommé.e.s de partir, ce que nous avons fait et nous sommes allé.e.s chez l’agriculteur qui nous a invité.e.s dans sa maison à boire un café, un thé et nous a servi des petits gâteaux. L’armée a pénétré dans sa cour, prétextant une violation d’une zone militaire de notre part.

Au bout d‘une heure l’armée est revenue avec une carte, indiquant que cette oliveraie, maison de l’agriculteur inclue, avait été déclarée zone militaire le matin même. Comme le montre cette carte présentée au bout d’un petit moment. C’est ainsi qu’avance à bas bruit la colonisation. Déclaration de terres comme zones militaires, confiscation, spoliation puis établissement de colons sur ces mêmes terres.


Durant les discussions lunaires avec l’armée, j’ai discuté avec le propriétaire, avec sa femme. En voyant son bandeau brodé et comme je m’extasiais sur la beauté de ce bandeau, elle a appelé ses filles. Elles sont arrivées avec de magnifiques robes brodées, une ceinture brodée avec les noms des villes de Palestine, nous montrant le site de sa boutique remplie de merveilleuses tenues brodées. 



Nous parlions chiffons en quelque sorte, pendant que l’armée nous nassait dans leur cour, et elle expliquait : « pour nous c’est tous les jours, ils entrent, ils fouillent la maison au prétexte que nous sommes des terroristes, parfois nous arrêtent. Nous, nous pouvons vivre avec tout le monde, les chrétiens, les juifs, les musulmans, mais eux, non, ils ne veulent pas. Ils veulent être seuls sur nos terres c’est pour cela qu’ils nous pourchassent ». Puis la police est arrivée, nous avons été embarqué.e.s après avoir été dûment filmé.e.s par un colon, par l’armée et la police. J’ai serré très fort dans mes bras ces femmes brodeuses de leur histoire. Dans le bus une soldate expliquera que cette femme est une terroriste, que j’avais serré dans mes bras une terroriste, que toute sa famille l’est, y compris le petit garçon qui nous servait du café, du thé et prenait soin de nous. Puis j’ai rejoint mes camarades dans le bus, le propriétaire et un autre agriculteur ont été embarqués eux aussi. Ce bus qui finirait par nous conduire après 3 interrogatoires, des prises d’empreintes, de photos, un aller à la frontière jordanienne, un passage à la police des frontières, pour finir dans la prison de Givon. Prison de laquelle, nous ne sortirions que le mardi 21 octobre au matin sous l’accusation de violation de zone militaire, de participation à un groupe terroriste et de trouble à l’ordre public. Nous avons appris que les deux agriculteurs avaient été eux aussi libérés le même jour, sans que jamais nous ne sachions où ils étaient enfermés.


S’il s’agit donc bien d’un enjeu économique visant à l’asphyxie de l’économie palestinienne en Cisjordanie, il s’agit tout autant d’alimenter le mensonge historique forgé par le sionisme et ses alliés occidentaux depuis son arrivée en Palestine, « la Palestine était un désert nous en avons fait un verger ». La réalité est tout autre et en fait de verger, ils en ont fait un enfer.


Les paysages lumineux, les vergers, les cultures en terrasses aux murs de pierres sèches, parsèment les collines, les vallées, leurs habitant.e.s. Dans la vallée de la Qana, par exemple, on accède aux oliveraies par un chemin caillouteux (car la route est interdite par les colons), en traversant des champs d’orangers, citronniers, grenadiers, de ruches, là où quelques troupeaux de chèvres passent encore.



Un paysan du parti communiste palestinien que nous aidons à ramasser les olives,  désigne sur le versant opposé de la colline, l’ancienne maison en pierre où il a vécu  avant 1967, date de l’invasion des forces d’occupation israélienne. Il nous explique qu’avant l’invasion, il possédait une carte d’identité jordanienne, car ce territoire était sous protectorat jordanien. Elle lui a été confisquée par les forces d’occupation, le jour de l’invasion. La Jordanie a combattu une journée, nous dit-il, puis ils sont  partis et nous ont laissés sous les bombardements israéliens. Depuis, les colonies se  sont multipliées et nous vivons sous la menace permanente des colons, dit-il en montrant les constructions qui couvrent les hauts des collines telles des taches qui s’étendent comme une gangrène impossible à éliminer.

J’étais dans les oliveraies à Beita le 10 octobre, aux côtés de familles palestiniennes avec des dizaines d’autres volontaires internationaux pour ramasser des olives. J’étais présente lors d’une de ces attaques. Alors j’écris comme une urgence pour que la mort d’Aysam à 13 ans ne soit pas un nombre supplémentaire ajouté à une liste sans fin. Ce ne sera pas la dernière, je le sais, d’autres sont déjà mort.e.s depuis. D’autres Palestinien.ne.s mourront encore sous les attaques des colons et les interventions des forces armées d’occupation. Et d’autres Palestinien.ne.s resteront sur leurs terres comme iels le font depuis des millénaires.


Lors de ces attaques, pendant une accalmie, j’ai continué à aider une famille palestinienne à ramasser les olives, à les mettre en sacs, tout en discutant avec une femme. Je lui demandais dans un anglais rudimentaire, ce qu’elle pensait du cessez-le-feu à Gaza. Après m’avoir répondu en riant « your english is broken ! », elle m’a dit tranquillement en continuant à ramasser les olives : «  ils n’ont jamais respecté un seul accord, ils ne respecteront pas celui-là ». Puis l’attaque des colons a repris. Cette fois-ci, plus nombreux, plus violents. Ils dévalaient les collines en hurlant, caillassant, tirant, brûlant les voitures. Les enfants criaient « Allahou Akbar !» et leurs voix rebondissaient de colline en colline comme si leurs cris pouvaient repousser cette sauvagerie dans laquelle ils sont nés.

Des cris contre des massacres, des cris pour protéger leurs terres, leurs frères, leurs sœurs, leurs mères, leurs pères. Des cris pour se défendre d’une barbarie qui depuis 1948, emporte leurs familles, leurs maisons, leurs récoltes, engloutit leurs terres, vomit la mort, sous l’œil indifférent, parfois faussement gêné, quand il n’est pas accusateur, sous tous ces yeux occidentaux leur intimant l’ordre de se taire, de disparaître, sans bruit, en silence surtout.

Dès que les colons ont commencé à dévaler les collines, l’armée qui s’était placée entre les colons et nous, nous ordonnant de partir, nous a tout de suite arrosé.e.s de gaz lacrymogènes.


Aysam a respiré un de ces gaz, il en est mort.

Les Palestinien.ne.s, pour nous protéger, nous ont demandé de nous retirer. Ramassant à la hâte quelques dernières olives et remplissant encore quelques sacs, nous avons commencé à nous retirer, à contre-cœur, mais nous l’avons fait, nous sommes parti.e.s, et tandis qu’un camarade volontaire me disait : « nous, nous partons, elleux restent », des voitures brinquebalantes remplies de Palestiniens arrivaient pour tenter de freiner les attaques des colons déchaînés.

Ce jour-là, les colons ont brûlé une dizaine de voitures, retourné une ambulance, fait plus de 35 blessés dont un photojournaliste palestinien correspondant de l’AFP. [Jaafar Ashtiyeh

Alors je me décide à écrire, raconter un peu de ce que j’ai vu, après tant d’autres certes, car oui, même si tout ça ne sert à rien, « il va bien falloir faire quelque chose »*

Aysam avait 13 ans. Il n’est déjà plus le dernier mort des atrocités commises par un État criminel conçu par des États nés de génocides et ou complices de ceux-ci depuis des siècles. Mais il sera aussi celui d’une longue liste de visages, de vies qui ne cèdent pas, qui refusent de se rendre, qui ne se vendent pas, qui continuent de crier à la face du monde, qu’iels vivront. Que les oliviers refleuriront, que la récolte sera belle et l’huile verte et brillante comme la terre qui l’a produite.

Que ces mots soient autant de taches indélébiles, rouge sang, tatouées sur les fronts méprisants, encore hautains et inhumains des génocidaires et de leurs complices du monde entier.
Eric Vuillard in « Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie, 17 écrivains pour la Palestine », Ed. Seuil, oct. 2025

 

09/11/2025

Jaafar Ashtiyeh : ce photojournaliste palestinien a longtemps documenté la violence israélienne. Cette fois, elle a failli le tuer


 Ashtiyeh : « Je suis le photographe le plus actif et le plus ancien de Cisjordanie, et je n’ai jamais affronté de dangers comme ceux-ci. » Photo Alex Levac

Jaafar Ashtiyeh, photographe de presse renommé en Cisjordanie, a été blessé à de nombreuses reprises au cours de son travail. Mais rien ne l’avait préparé à ce que les colons lui ont fait subir.

Gideon Levy & Jaafar Ashtiyeh / AFP (photos), Haaretz, 8/11/2025
Traduit par Tlaxcala

 

Jaafar Ashtiyeh a vu et photographié les dernières expressions d’innombrables personnes rendant leur dernier souffle. Il ne les oubliera jamais. En près de trente ans de travail comme photographe pour l’agence de presse française AFP en Cisjordanie, il a saisi des milliers d’images de tristesse, de souffrance humaine, de mort, de paix, d’espoir, de victoire, voire de bonheur.

Il lui est difficile de choisir laquelle résume le mieux sa vie professionnelle. Mais lorsqu’on le presse, il finit par en désigner une : celle d’une vieille femme étreignant le tronc d’un olivier, prise en 2006, devenue depuis iconique.


 

Ce photographe de guerre vétéran a documenté pratiquement tout ce qui s’est produit en Cisjordanie occupée et asphyxiée au cours des dernières décennies. Il y a environ un mois, alors qu’il photographiait des Palestiniens récoltant leurs olives, il a été attaqué par une bande de colons violents. Ils ont incendié sa voiture sous ses yeux et, s’il n’avait pas pris la fuite, il est convaincu qu’ils l’auraient tué.

Nous l’avons rencontré la semaine dernière dans un café de la ville de Huwara, près de Naplouse, non loin du lieu de l’agression : des oliveraies appartenant aux habitants du village de Beita. Ashtiyeh n’a pas encore de nouvelle voiture et a à peine repris le travail depuis l’attaque. Les signes de choc, les séquelles de l’agression et, surtout, le sentiment d’impuissance qu’il éprouve restent visibles, même sur ce vétéran aguerri.


La voiture de Jaafar Ashtiyeh brûle dans le village de Beita le 10 octobre. « Je ne suis pour ni contre personne », dit-il. Son travail, explique-t-il, a toujours consisté simplement à prendre des photos. « Certains soldats le comprenaient ; d’autres nous traitaient de terroristes. »

 

Il est né il y a 57 ans dans le village de Salem, près de Naplouse, où il vit toujours avec sa famille. Pendant quelques années, il a été vice-président du conseil local à titre bénévole. Depuis sa majorité, il n’a jamais été arrêté ni eu de démêlés avec les forces de sécurité israéliennes. En tant que photographe pour une agence internationale, il affirme maintenir la neutralité.

Ashtiyeh n’a jamais étudié la photographie – il a fait des études d’économie dans un collège de Naplouse –, mais en 1996, il a commencé à travailler pour l’AFP. Il avait loué un appareil photo et pris des clichés au tombeau de Joseph. L’agence prestigieuse les a publiés et l’a engagé depuis. La BBC a même choisi une de ses photos comme « photographie de l’année ».

26/10/2025

Il n’est plus possible d’être Palestinien en Cisjordanie

Gideon Levy, Haaretz, 26/10/2025
Traduit par
Tlaxcala


Tandis que Trump donne sa parole aux pays arabes que l’annexion israélienne « n’aura pas lieu », il tourne le dos à la destruction, à la dépossession, à la pauvreté, à la violence des colons et aux abus militaires en Cisjordanie, permettant au tourment de se poursuivre : il n’y a pas de cessez-le-feu.

Des Palestiniens se tiennent à côté d’une route détruite après une opération militaire israélienne dans la ville cisjordanienne de Tubas, la semaine dernière.
Photo Majdi Mohammed / AP

En Cisjordanie, personne n’a entendu parler du cessez-le-feu à Gaza : ni l’armée, ni les colons, ni l’Administration civile, et bien sûr pas les trois millions de Palestiniens vivant sous leur tyrannie. Ils ne sentent en rien la fin de la guerre.

De Jénine à Hébron, aucun cessez-le-feu n’est en vue. Depuis deux ans, la Cisjordanie vit sous un régime de terreur, à l’abri de la guerre dans la bande de Gaza, qui sert de prétexte douteux et de rideau de fumée, et rien n’indique que cela soit près de se terminer.

Tous les décrets draconiens imposés aux Palestiniens le 7 octobre demeurent en vigueur ; certains ont même été durcis. La violence des colons se poursuit, tout comme l’implication de l’armée et de la police dans les pogroms. À Gaza, moins de personnes sont tuées et déplacées, mais en Cisjordanie tout continue comme s’il n’y avait aucun cessez-le-feu.

L’administration Trump, si active et résolue à Gaza, ferme les yeux sur la Cisjordanie et se ment à elle-même sur la situation là-bas. Empêcher l’annexion lui suffit. « Cela n’arrivera pas, j’ai donné ma parole aux pays arabes », a déclaré le président Donald Trump la semaine dernière, tandis que, dans son dos, Israël fait tout pour détruire, spolier, maltraiter et empêcher toute possibilité de vie en Cisjordanie.


Des colons israéliens jettent des pierres en direction de villageois palestiniens lors d’une attaque contre le village cisjordanien de Turmus Ayya, en juin.
Photo Ilia Yefimovich / dpa

Il semble parfois que le chef du Commandement central de Tsahal, Avi Bluth, fidèle et obéissant à son supérieur — le ministre des Finances Bezalel Smotrich, également ministre au sein du ministère de la Défense — mène une expérience humaine, de concert avec les colons et la police : voyons jusqu’où nous pouvons les tourmenter avant qu’ils n’explosent.

L’espoir que leur soif d’abus se calmerait en même temps que les combats à Gaza a été anéanti. La guerre dans la bande n’était qu’un prétexte. Quand les médias évitent la Cisjordanie et que la plupart des Israéliens — et des USAméricains — se désintéressent de ce qui s’y passe, le supplice peut continuer.

Le 7 octobre a bel et bien constitué une occasion historique pour les colons et leurs collaborateurs de faire ce qu’ils n’avaient pas osé faire depuis des années.


La famille Zaer Al Amour, dans les collines du sud d’Hébron — une région souvent soumise à la violence des colons et de l’armée — monte la garde à tour de rôle du soir jusqu’au matin pour protéger ses terres.
Photo Wisam Hashlamoun / Anadolu via AFP

Il n’est plus possible d’être Palestinien en Cisjordanie. Elle n’a pas été détruite comme Gaza, des dizaines de milliers de personnes n’y sont pas mortes, mais la vie y est devenue impossible. Il est difficile d’imaginer que la poigne de fer d’Israël puisse durer encore longtemps sans explosion de violence — cette fois, justifiée.

Entre 150 000 et 200 000 Palestiniens de Cisjordanie qui travaillaient en Israël sont au chômage depuis deux ans. Deux ans sans le moindre shekel de revenu. Les salaires de dizaines de milliers de fonctionnaires de l’Autorité palestinienne ont également été fortement réduits à cause de la rétention par Israël des recettes fiscales qu’il collecte pour elle.

La pauvreté et la détresse sont omniprésentes. Les barrages routiers et les checkpoints aussi ; jamais il n’y en a eu autant, et pour une période aussi longue. Ils se comptent maintenant par centaines.

Chaque colonie possède des portails de fer fermés, ou qui s’ouvrent et se referment tour à tour. Impossible de savoir ce qui est ouvert ou fermé — et, plus important encore, quand. Tout est arbitraire. Tout se fait sous la pression des colons, qui ont fait de l’armée israélienne leur servante soumise. Voilà ce que c’est, quand Smotrich est le ministre de la Cisjordanie.


Une maison incendiée lors des émeutes de 2023 dans le village de Hawara. Smotrich parlait déjà en 2021 d’un « Plan décisif ».
Photo Amir Levi

Environ 120 nouveaux avant-postes de colonisation, presque tous violents, ont été établis depuis le maudit 7 octobre, couvrant des dizaines de milliers d’hectares, tous avec le soutien de l’État. Pas une semaine ne passe sans de nouveaux avant-postes ; tout aussi inédite est l’ampleur du nettoyage ethnique qu’ils visent : Hagar Shezaf rapportait vendredi que, durant la guerre de Gaza, les habitants de 80 villages palestiniens de Cisjordanie ont fui pour sauver leur vie, par peur des colons qui se sont emparés de leurs terres.

Le visage de la Cisjordanie change chaque jour. Je le vois de mes propres yeux stupéfaits. Trump peut se vanter d’avoir stoppé l’annexion, mais celle-ci est plus enracinée que jamais.

Depuis le centre de commandement que l’armée usaméricaine a établi à Kiryat Gat, on peut peut-être voir Gaza, mais on ne voit pas Kiryat Arba, la colonie située près d’Hébron.

La Cisjordanie crie à l’aide d’une intervention internationale urgente, tout autant que la bande de Gaza. Des soldats — usaméricains, européens, émiratis ou même turcs — quelqu’un doit protéger ses habitants sans défense. Quelqu’un doit les délivrer des griffes de Tsahal et des colons.

Imaginez un soldat étranger à un checkpoint stoppant des nervis colons en route pour un pogrom. Un rêve.

Lynchages, incendies, massacres de troupeaux : la Cisjordanie face à une violence israélienne sans précédent

Jonathan Pollak, Haaretz, 25/10/2025
Traduit par Tlaxcala

 Des milices de colons israéliens, appuyées par des soldats, ravagent des communautés palestiniennes : passages à tabac, incendies de cultures, destruction de véhicules, abattage d’animaux.
Jonathan Pollak, qui accompagne les agriculteurs palestiniens pendant la récolte des olives, raconte ce qu’il a vu — et comment il a failli y laisser la vie.

Les arbres du Sud portent un fruit étrange,
Du sang sur les feuilles et du sang à la racine,
Des corps noirs suspendus dans la brise du Sud,
Un fruit étrange pend aux peupliers.

Scène pastorale du vaillant Sud,
Les yeux exorbités et la bouche tordue,
Le parfum des magnolias, doux et frais,
Puis soudain, l’odeur de chair brûlée.

Voici un fruit pour les corbeaux,
Pour la pluie, le vent et le soleil,
Jusqu’à ce que les arbres le laissent tomber,
Voici une étrange et amère récolte.

« Strange Fruit », d’Abel Meeropol


Un pogromiste israélien masqué lançant des projectiles avec une fronde contre des cueilleurs dans le village de Beita, plus tôt ce mois-ci. Pour beaucoup de cultivateurs, l’incitation économique à mener la récolte à son terme a presque disparu, tandis que le danger mortel augmente sans cesse.
Photo : Jaafar Ashtiyeh / AFP

Une violence sans frein

Les deux dernières années ont été une période de violence israélienne déchaînée. Dans la bande de Gaza, cette violence a pris des proportions monstrueuses ; mais en Cisjordanie aussi, les Palestiniens en subissent leur part.
Chaque lieu a sa propre forme de violence. Ici, en Cisjordanie, elle est exercée conjointement par toutes les forces israéliennes présentes : armée, police, police des frontières, service de sécurité intérieure (Shin Bet), administration pénitentiaire, coordinateurs de sécurité des colonies — et bien sûr, des civils israéliens.
Souvent, ces civils portent des bâtons, des barres de fer ou des pierres, d’autres des armes à feu. Des milices opérant hors la loi mais dans son giron.
Parfois, les civils prennent l’initiative et les forces officielles les couvrent ; parfois, c’est l’inverse. Le résultat, lui, ne change pas.

Depuis le début de la récolte des olives, la violence israélienne en Cisjordanie — planifiée, orchestrée — atteint des niveaux inédits. Elle s’est abattue sur Duma, Silwad, Nour Shams, Mu’arrajat, Kafr Malik et Mughayyir a-Deir avant même que la récolte ne commence. C’est le sort des communautés rurales palestiniennes livrées à elles-mêmes face aux bastions israéliens de la frontière.

Des morts et des pogroms

Mohammed al-Shalabi a couru pour sauver sa vie — sans savoir qu’il courait vers la mort. Une camionnette grise remplie d’Israéliens armés le poursuivait avec dix autres hommes. Son corps a été retrouvé quelques heures plus tard : il avait été abattu dans le dos et portait les marques d’une violence brutale.
Même destin pour Saifedddine Musallet, attaqué, parvenant à fuir un temps avant de s’effondrer. Il gisait inconscient, mourant, des heures durant, tandis que soldats et civils israéliens parcouraient les collines à la recherche d’une proie. C’était le 11 juillet 2025, lors du pogrom de Jabal al-Baten, à l’est de Ramallah.

Je ne savais pas encore qu’ils étaient morts, mais je connaissais la peur de la mort. Quelques heures plus tôt, une nuée d’Israéliens avait envahi al-Baten ; un groupe de jeunes Palestiniens des villages voisins, Sinjil et al-Mazra’a ash-Sharqiya, avait tenté de les repousser. Au début, ils avaient l’avantage, puis une camionnette grise arriva, chargée d’hommes armés.

Des civils israéliens s'en prennent à des agriculteurs, à leurs terres et à leurs véhicules lors de l'attaque contre Beita, le 10 octobre. Vingt personnes ont été blessées, dont une par balle. Photo Jaafar Ashtiyeh/AFP

La camionnette fonça sur les Palestiniens et en renversa un. Tandis que j’aidais à évacuer le blessé, nous avons dû fuir — car les jours précédents avaient montré ce qui arrivait à ceux qui restaient en arrière.
Nous n’avons pas réussi. Un groupe d’Israéliens masqués, armés de matraques de police, nous a rattrapés. Les coups pleuvaient, sur le visage, les côtes, le dos. Poings, pieds, poussière. Longs moments de violence déchaînée. Le visage tuméfié, les côtes meurtries, nous avons été — sans surprise — les seuls arrêtés lorsque les soldats sont arrivés.

Pendant que nous attendions d’être emmenés, la camionnette repartit vers Sinjil, où se trouvaient une ambulance et une voiture civile. C’était le début du lynchage, avec toutes les composantes de la violence israélienne : forces officielles et milices privées, chacune à son poste.

La récolte profanée

Pendant des générations, la cueillette des olives n’était pas seulement une activité économique, mais un pilier de la culture palestinienne : familles réunies sous les arbres, chants populaires, cuisson de qalayet bandora — tomates, oignons, piments — sur un feu de bois.
Transformer cette fête en une entreprise de vigilance et de peur relève d’un projet plus profond que la simple dépossession : c’est une guerre contre le lien affectif à la terre, un processus d’effacement culturel, d’anéantissement identitaire — tel que le décrit le droit international lorsqu’il parle de destruction d’un peuple.

L’attaque qui coûta la vie à Mohammed et Saif n’était qu’un épisode de plus dans une série de pogroms. J’ai perdu le compte des funérailles auxquelles j’ai assisté ces derniers mois.
Et comme si cela ne suffisait pas, la crise climatique aggrave encore les choses : après une année fertile vient une année maigre. Celle-ci l’est doublement — peu de pluie l’hiver dernier, canicules au printemps. Les arbres se dessèchent, les fruits tombent avant maturité.
Des vergers entiers sont stériles avant même qu’on ne tienne compte des arbres déracinés. Le profit de la récolte s’effondre ; le danger de mort, lui, explose.

Des agriculteurs et des militants palestiniens récoltent des olives près du village de Turmus Ayya ce mois-ci. Une large coalition s'est mobilisée pour soutenir les agriculteurs. Photo Hazem Bader / AFP 

Résister malgré tout : la campagne Zeitoun 2025

Malgré la répression, malgré la prison, la campagne Zeitoun 2025 (« Olivier 2025 ») a vu le jour : une large coalition, de la gauche palestinienne aux diverses factions du Fatah, pour organiser la récolte et soutenir les agriculteurs.
Les militants ont cartographié les zones de risque et les besoins des villages. Mais la nuit précédant la récolte, l’armée a arrêté l’un de ses principaux coordinateurs, Rabia Abu Naim, placé en détention administrative — c’est-à-dire sans procès.
Originaire d’al-Mughayyir, fief de la violence coloniale, Rabia a vu son village perdre 8 500 arbres déracinés par l’armée, et des centaines d’autres vandalisés par des colons.

Certains prétendent encore qu’il y a violence « des deux côtés », que la police enquête, que la détention de Rabia est justifiée. Libre à eux de croire aux contes de fées.

La saison des pogroms

Le premier jour de la récolte, il y a deux semaines, la violence s’est abattue comme une pluie torrentielle.
À Jurish, des Israéliens ont attaqué les cueilleurs à coups de bâton. À Duma, là même où la famille Dawabsheh fut brûlée vive en 2015, les soldats ont interdit l’accès aux champs sous prétexte de « coordination sécuritaire ».
À Kafr Thulth, des colons ont massacré des chèvres. À Far’ata, ils ont tiré à balles réelles sur des paysans — les soldats se tenant à leurs côtés sans bouger.
À Kobar, le village de Marwan Barghouti, les paysans ont été arrêtés pour avoir travaillé leurs propres terres.

Rabia Abu Naim photographié par un soldat. À la veille de la récolte des olives, l'armée a fait une descente à son domicile et l'a placé en détention administrative. Photo: Avishay Mohar / Activestills

Mais le paroxysme eut lieu à Beita, près de Naplouse. Ce 10 octobre, environ 150 cueilleurs se sont rendus dans les oliveraies proches d’un nouvel avant-poste de colons. Ils furent attaqués à grande échelle par des soldats et des civils : coups, tirs, incendies.
Vingt blessés, dont un par balle. Des voitures et une ambulance incendiées. Trois journalistes attaqués : Jaafar Ashtiya, dont la voiture a brûlé ; Wahaj Bani Moufleh, la jambe fracturée ; et Sajah al-Alami.

L’armée et les colons main dans la main

Les jours suivants ont vu des dizaines d’attaques similaires : à Burqa, à al-Mughayyir, à Lubban al-Sharqiya, à Turmus Ayya.
L’armée ne se contente pas d’assister : elle participe, ferme les yeux ou frappe elle-même. À Burin, elle a même déclaré le village « zone militaire fermée », interdisant toute présence, y compris celle des habitants.
Trente-deux militants solidaires ont été arrêtés pour avoir simplement partagé le thé dans une maison.

Le 17 octobre, à Silwad, les attaques ont duré des heures : ambulances vandalisées, véhicules volés, arbres abattus.
Une camionnette grise — toujours la même — est arrivée, pleine de jeunes armés, se faisant passer pour des soldats. Puis les véritables militaires ont chassé les paysans… mais pas les assaillants.
J’étais là.
En repartant, notre voiture a été prise en chasse sur une route de falaise par une autre voiture israélienne. Les images du pogrom de Jabal al-Baten me revenaient en tête. Nous avons échappé de peu à la mort.


Des Palestiniens du village de Kobar, près de Ramallah, en route pour la récolte des olives. Des habitants travaillant sur leurs propres terres ont été arrêtés par l'armée israélienne. Photo Hazem Bader / AFP 

Et ça continue

Des centaines d’incidents, grands et petits, se succèdent.
À Turmus Ayya, des hommes masqués ont frappé une femme âgée à la tête ; elle souffre d’une hémorragie cérébrale. Deux militants blessés, cinq voitures brûlées.
Et la récolte n’est pas terminée, à peine entamée.

Mais cette histoire n’est pas seulement celle de la violence et de la dépossession. C’est aussi celle de la résistance palestinienne, de leur attachement à la terre, de leur refus de céder.
Rabia, depuis sa cellule, l’avait dit avant d’être arrêté :

« Si les oliviers du village disparaissent, nous récolterons les chênes. Et s’il ne reste plus de glands, nous récolterons les feuilles. »