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11/02/2023

GIDEON LEVY
Ce manifestant palestinien ne mettait personne en danger : la police israélienne l'a abattu
Youssef Muhaisen a vécu chik chak, et il est mort chik chak

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 11/2/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Youssef Muhaisen a été tué deux jours avant son 23e  anniversaire lors d'une manifestation près de Jérusalem.

Yahya Muhaisen, le père endeuillé, avec sa petite-fille cette semaine.

 Le clip vidéo : un groupe d'une douzaine de jeunes portant des sweats à capuche noirs est éparpillé dans la rue, la plupart s'abritant derrière une benne à ordures calcinée sur laquelle ils ont placé un lanceur improvisé de pétards. Des lumières clignotantes et des bruits d'explosifs. Trois autres jeunes hommes se tiennent sur le côté, lançant des pierres. À distance, et hors du cadre, se trouve un autre groupe de jeunes gens d'à peu près le même âge - des agents de la police des frontières, au nombre d'une dizaine, armés et blindés de la tête aux pieds. Ils tirent des balles réelles sur le premier groupe ; on peut entendre les coups de feu.

Amer Aruri, chercheur sur le terrain pour l'organisation israélienne de défense des droits humains B'Tselem, a mesuré la distance entre les policiers et les jeunes Palestiniens : 90 mètres. Aucun pétard n'a touché les policiers, ni aucune pierre, dit-il. Selon l'enquête d'Aruri, les jeunes hommes ont tiré 14 pétards et les officiers ont tiré sept balles réelles sur eux. Pétards contre balles : c'est toute l'histoire.

Quelques heures à peine après le massacre de Jénine, le 26 janvier, au cours duquel dix Palestiniens, dont une femme de 60 ans, ont été tués par les forces de sécurité israéliennes, toute la Cisjordanie est en ébullition. Des jeunes d'A-Ram, situé entre Jérusalem et Ramallah, sont également venus protester, à l'entrée de leur ville. Ils ont traîné la benne à ordures sur place, l'utilisant comme une barricade, près d'un magasin appelé le Royaume du tabac.


Une vidéo montrant Youssef Muhaisen en train d'être abattu

Une unité de la police aux frontières, dépêchée depuis une base voisine, leur fait face, à des dizaines de mètres de distance, et ouvre le feu : d'abord avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc, puis avec des balles réelles. Soudain, l'un des lanceurs de pierres s'est effondré près de la benne à ordures, apparemment touché à l'abdomen par la balle d'un policier. Le groupe a battu en retraite, portant le blessé jusqu'à une voiture garée à proximité. Puis une deuxième personne est tombée au sol. Youssef Muhaisen. En criant, le groupe s'est précipité pour le ramasser lui aussi et l'a transporté dans la même voiture, qui est partie en trombe.

Muhaisen a succombé à ses blessures ; l'autre homme était toujours soigné à l'hôpital du gouvernement palestinien à Ramallah, en début de semaine.

A-Ram est l'un des endroits qui a le plus souffert de la construction de la maudite barrière de séparation, qui a commencé il y a une vingtaine d'années. L'immense mur de ciment a coupé la ville en deux, laissant une partie de celle-ci à Jérusalem et le reste en Cisjordanie. Même la rue principale de la ville a été coupée en deux. Le résultat : d'une banlieue de Jérusalem, A-Ram est devenu un bidonville dont la misère crie vers le ciel à chaque coin de rue. Du haut de la petite montagne sur laquelle il est implanté, on peut voir une partie de la barrière de séparation qui serpente dans la vallée en contrebas. Une vue particulièrement bizarre est celle d'une habitation abandonnée près du mur, devenue une maison hantée - abandonnée comme toute la vallée escarpée et spectaculaire où les gens faisaient autrefois des randonnées. Personne n'ose plus s'en approcher.


Le Mur d’apartheid, serpentant à travers la ville d'A-Ram, laissant une partie de celle-ci à Jérusalem et le reste en Cisjordanie.