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11/06/2023

GIDEON LEVY
Un père met son petit enfant dans la voiture, puis est forcé de lui faire ses adieux
Scènes de la vie quotidienne à Nabi Saleh, en Cisjordanie occupée

 Gideon Levy et Alex Levac (photos) Haaretz, 8/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Source J-Media
Un sniper israélien a abattu Mohammed Tamimi, âgé de deux ans et demi, d’une balle dans la tête, puis son père d’une balle dans la poitrine, alors qu’ils se rendaient à une fête d’anniversaire. L’enfant est mort quatre jours plus tard. Il s’agit du 150e Palestinien tué cette année

Haytham Tamimi, le père endeuillé, à droite, et son frère Hassan. “Un soldat qui tire sur un bébé de cette façon est un soldat qui a déjà fait ça par le passé”, dit leur cousin Sameh. “C’est un malade mental”.

Une famille se rend à l’anniversaire d’une tante, dans le village voisin. En rentrant du travail, le père s’était arrêté chez la tante pour déposer un gâteau d’anniversaire de la pâtisserie où il travaille. De retour à la maison, il prend son fils Mohammed dans les bras, l’installe sur le siège arrière de sa Skoda, puis fait le tour de la voiture pour s’asseoir à la place du conducteur.

Soudain, une volée de coups de feu. D’après ce que le père a raconté cette semaine à d’autres membres de sa famille, une balle l’a atteint avant même qu’il ne parvienne à entrer dans le véhicule. L’armée a affirmé que le père était déjà à l’intérieur lorsque le soldat a tiré sur la voiture. Quoi qu’il en soit, il a réussi à monter dans la voiture malgré sa blessure. Il a rapidement fermé la portière pour protéger son fils, puis a jeté un coup d’œil sur la banquette arrière.

Le spectacle qui s’offre à lui est effroyable. Le petit Mohammed est affaissé, inconscient, respirant à peine, avec un trou béant dans la tempe droite. Son sang a taché le siège. S’enfuyant pour sauver sa vie, le père horrifié a réussi à parcourir une courte distance. Au total, cinq balles ont atteint la voiture. Celle qui a frappé la tête du bambin a explosé et fait des ravages à l’intérieur, tandis que la balle qui a touché Haytham, le père, l’a atteint à la poitrine et est ressortie par l’épaule droite. Il a également été touché par des éclats de plus gros projectiles.

Lundi dernier, Haytham Tamimi se trouvait dans la maison de son père lorsqu’il a appris la mort de Mohammed. Nous étions là précisément à ce moment-là. Tamimi était naturellement bouleversé, à peine capable de prononcer un mot. De temps en temps, il éclatait en sanglots et son frère, Hassan, essuyait ses larmes. À l’hôpital pour enfants Safra, qui fait partie du centre médical Sheba à Ramat Gan, Marwa, la mère de l’enfant, était à ses côtés lorsqu’il a rendu son dernier soupir.

Le couple a encore un enfant, un fils, Osama, âgé de huit ans, qui errait lundi dans la maison de son grand-père, perplexe, ne comprenant apparemment pas pourquoi tout ce remue-ménage. Haytham, qui a lui-même été hospitalisé pendant deux jours à Ramallah, a rendu visite à son fils mourant la veille de sa mort, mais n’a pas pu rester en raison de son état de santé ; il a embrassé la tête bandée du garçon avant de partir. Le lundi après-midi, tout était fini. La nouvelle de la mort de Mohammed a déclenché un torrent de chagrin dans la maison, insupportable à voir.

Nabi Saleh, encore Nabi Saleh, le petit village militant, courageux et déterminé près de Ramallah, dont tous les habitants appartiennent à la famille Tamimi et dont la plupart participent activement à la lutte non violente contre l’occupation, la barrière de séparation et la colonie de Halamish, qui est adjacente au village. Nous étions ici il y a environ un an et demi, lorsque Qusai Tamimi a été tué par des soldats pour avoir mis le feu à un pneu. C’est également ici que Mustafa Tamimi a été tué en 2011 lorsqu’une grenade lacrymogène tirée par un soldat s’est écrasée sur son visage, et c’est ici qu’Ahed Tamimi a giflé un soldat en 2017, et qu’elle a été emprisonnée pendant huit mois. Son cousin de 15 ans, un autre Mohammed Tamimi, a reçu une balle dans la tête peu avant l’incident avec Ahed, ce qui lui a déformé le crâne et le visage. Un autre Mohammed Tamimi, âgé de 17 ans, a été tué par un soldat qui lui a tiré dessus depuis l’intérieur d’une jeep blindée.

C’est maintenant au tour du troisième Mohammed Tamimi d’être abattu ici, à l’âge de 2 ans et demi, la plus jeune personne du village à être tuée. Selon l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, il s’agit du 150e  Palestinien tué cette année, qui n’a même pas encore atteint son milieu.

Ce jeudi soir 1er juin, Faraj Tamimi a conduit en toute hâte son cousin Haytham et Mohammed, alors à peine vivant, hors du village. Il s’est arrêté en face de Halamish, où des équipes médicales de Magen David Adom, le service d’ambulance d’urgence, et des Forces de défense israéliennes ont tenté de réanimer le bambin. Faraj a ensuite emmené le père de l’enfant à l’hôpital arabe Istishari de Ramallah.

Haytham et Hassan Tamimi

Un silence pesant règne désormais dans la maison du grand-père, seulement brisé par des cris d’angoisse. Un visiteur des USA, l’oncle Sameh Tamimi, 34 ans, cyber-ingénieur et natif du village, qui a émigré à San Francisco, est le seul capable de parler de ce qui s’est passé en ce moment atroce. Il a accompagné Haytham dimanche pour voir son fils pour la dernière fois à l’hôpital. Il se demande à voix haute si le soldat qui a tiré une balle dans la tête de l’enfant n’est pas un psychopathe.

“Parce que quel autre soldat pourrait faire une telle chose ?” demande-t-il, alors que les médias israéliens ont déjà décidé, dans un réflexe effrayant, que le bambin avait été tué “par erreur”. Sameh exige une enquête, il veut savoir quel type de munitions a été utilisé pour tuer son petit neveu, après avoir appris que la balle a explosé à l’intérieur du minuscule crâne de Mohammed et détruit 80 % de son cerveau. « Un soldat qui tire sur un bébé de cette façon est un soldat qui a déjà fait ça dans le passé. C’est un malade mental. Il a tiré sur un bébé sans ménagement, dans le but de tuer. Il est susceptible de recommencer ».

Selon Sameh, la voiture a essuyé des tirs provenant de deux directions, un peu après 20 heures : d’en haut - de la tour de guet qui domine le village - et du côté droit, où Mohammed était assis. En d’autres termes, il pense que plus d’un soldat a tiré sur le père et le fils.

La maison de la famille est la plus proche de la tour menaçante de Nabi Saleh. Les seuls mots cohérents qu’Haytham a réussi à prononcer lors de notre visite, après l’annonce de la terrible nouvelle, sont qu’un ordre de démolition est en cours contre la structure depuis 2013. Le meurtre de son fils pourrait en fait accélérer le processus, tout comme il a incité l’armée à organiser un raid à grande échelle sur le village peu après que ses troupes ont abattu Mohammed et son père, et à revenir pour une deuxième série de raids le samedi soir.

L’unité du porte-parole des FDI, qui a regretté cette semaine que des non-combattants aient été blessés, a répondu comme suit à une question posée par Haaretz sur les raisons pour lesquelles les forces ont continué à envahir le village qui pleurait la mort de l’enfant : « Dans la nuit du 1er juin, des terroristes ont tiré en direction de la colonie de Neve Tzuf. Les forces des FDI qui assuraient la sécurité du poste militaire adjacent à la communauté ont répondu en tirant plusieurs balles.

« L’enquête initiale, menée immédiatement après l’événement, a révélé que lorsque deux terroristes ont tiré des coups de feu pendant plusieurs minutes sur la colonie, les forces de l’armée israélienne ont répondu par des tirs. Il s’avère qu’à la suite de ces tirs, deux Palestiniens ont été blessés. Les FDI regrettent que des non-combattants aient été blessés et s’efforcent d’éviter de tels incidents.

« Plus tard dans la nuit, les forces de sécurité sont intervenues dans le village de Nabi Saleh pour enquêter sur l’attaque. Au cours de cette action [d’enquête], des troubles violents ont éclaté, avec la participation de dizaines de Palestiniens qui ont jeté des pierres et des pneus enflammés et ont improvisé des grenades lacrymogènes [sic] contre les forces de l’ordre. Les forces ont pris des mesures pour dissiper les troubles et ont répondu avec des moyens destinés à disperser les manifestations. En outre, les forces ont examiné la zone le lendemain, dans le cadre de l’enquête sur l’événement. L’événement fait l’objet d’une enquête approfondie. À l’issue de l’enquête, et compte tenu de ses conclusions, une décision sera prise quant à l’ouverture d’une enquête [formelle] ».

Quelques centaines de mètres séparent la maison de la famille de la tour où était apparemment perché le soldat armé. Il n’était évidemment pas en danger dans la tour fortifiée, même si l’on accepte l’affirmation de l’armée selon laquelle son tir a été précédé d’un tir sur la colonie adjacente de Halamish. Personne à Nabi Saleh n’a entendu ces tirs. Le fait est que Haytam, qui réside dans une zone dangereuse, en face de la tour, n’a eu aucun scrupule à emmener son fils à l’extérieur pour se rendre à une fête d’anniversaire. Il ne l’aurait jamais fait s’il avait entendu des tirs.

Bilal Tamimi, 56 ans, qui travaille au département des médias du ministère palestinien de l’Éducation et qui est également bénévole à B’Tselem, a clairement entendu le bruit des coups de feu. Ce jeudi soir, il rendait visite à un cousin qui habite près de chez lui lorsqu’il a soudain entendu des coups de feu - probablement ceux qui ont tué Mohammed et blessé Haytham. Il est rentré chez lui en courant pour enfiler son gilet “presse” et son casque de protection, puis il est monté sur le toit avec des membres de sa famille pour observer et documenter le déroulement des événements avec la caméra de son téléphone. C’est un habitué. Dans la maison de Bilal, qui abrite une exposition permanente de différents types de douilles de munitions laissées par les soldats, il raconte ce qu’il a entendu et vu ce soir-là, après les tirs sur Haytham et Mohammed.

Wissam (à dr.) a été blessé à la tête

Lorsque nous avons rencontré Bilal, il revenait de l’hôpital Istishari où il était allé chercher son neveu Wissam, âgé de 17 ans, qui sortait de l’hôpital après avoir été soigné pour une blessure à la tête subie lors de cette terrible soirée dans le village. Wissam, qui a eu besoin de neuf points de suture, a été blessé par une balle métallique à pointe éponge, et non par une balle réelle, comme le petit Mohammed. Il a été hospitalisé pendant trois jours. Bilal a également été blessé par une balle en métal-éponge ; son bras droit est plâtré et maintenu par une écharpe.

Bilal Tamimi sur la terrasse  de sa maison à Nabi Saleh, cette semaine. Sa main a été cassée par une balle métallique à pointe éponge

Les deux hommes ont été abattus alors qu’ils observaient la scène depuis le toit. Des soldats sont entrés dans le village à bord de plusieurs jeeps et ont pris position sur les toits des maisons, y compris sur le toit opposé à celui où se trouvaient Bilal et les autres. Bilal raconte qu’il n’avait jamais vu de soldats aussi agressifs et ayant la gâchette aussi facile. Le correspondant militaire de Channel 11 News, Itay Blumenthal, a rapporté cette semaine que les soldats appartenaient au bataillon Duchifat de la brigade Kfir, qui est déployée en permanence en Cisjordanie, et qu’ils étaient arrivés dans le village ce matin-là pour la première fois. C’est peut-être pour cette raison qu’ils ont ouvert le feu avec autant d’enthousiasme.

Bilal se souvient qu’il a d’abord vu une jeep se précipiter sur une voiture palestinienne, jusqu’à ce que le véhicule disparaisse. La jeep s’est alors arrêtée à côté de la station-service à l’entrée de Nabi Saleh. Quelques jeunes ont attendu jusqu’à ce que la jeep se mette en route, puis ils ont commencé à lui jeter des pierres, leur réaction habituelle après l’invasion du village par l’armée. Entre-temps, deux autres jeeps sont arrivées. Les soldats ont tiré des grenades lacrymogènes et des balles métalliques enrobées de caoutchouc sur la poignée de jeunes qui leur jetaient des pierres. Les soldats sont montés sur le toit d’un magasin et, de là, ont fait pleuvoir des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sur tout ce qui bougeait, raconte Bilal. Les troupes sont restées dans le village jusqu’aux premières lueurs du jour, tandis qu’à l’hôpital de Safra, les médecins tentaient de sauver la vie de Mohammed. 

Une grenade assourdissante et des balles en métal à pointe éponge

Bilal, sa femme, son fils, son frère et son neveu sont restés sur le toit jusqu’à ce que Wissam soit blessé. Manal, la femme de Bilal, âgée de 50 ans, l’a conduit pour qu’il reçoive des soins médicaux. N’aviez-vous pas peur de traverser les positions des soldats ? « J’avais peur qu’ils ne me laissent pas passer, mais quand j’ai vu le sang sur la tête de Wissam, j’ai oublié toutes mes craintes », raconte-t-elle. Près de la ville nouvelle palestinienne de Rawabi, une ambulance du Croissant-Rouge les a recueillis et a transporté Wissam jusqu’à l’hôpital. Il est en onzième année et a manqué le dernier de ses examens de fin d’année, en langue arabe, à cause de sa blessure. Il dit qu’il demandera une seconde session. Il a également manqué la fête de fin d’année de l’école.

Les soldats sont revenus à Nabi Saleh dans la nuit de samedi à dimanche. Cette fois, ils ont pris possession de la terrasse de la maison de Manal et Bilal. Lundi, nous sommes montés sur la terrasse, une ascension difficile et dangereuse. Des douilles jonchent encore le sol. En contrebas, tout le village se déploie. Ici, c’est la maison d’Ahed Tamimi, là-bas ce sont les maisons du premier Mohammed Tamimi qui a été tué, du deuxième Mohammed Tamimi et du troisième, qui a été enterré mardi dernier.

La maison dans laquelle vivait le petit Mohammed était vide cette semaine. La famille a préféré se recueillir dans la maison du grand-père, plus éloignée de la tour militaire. C’est de cette maison que provenaient les pleurs.

Les funérailles de Mohammed à Nabi Saleh le mardi 6 juin Photo: AHMAD GHARABLI/AFP



Comparaison d'un trajet similaire entre Nabi Saleh et Ramallah pour une voiture palestinienne (à gauche) et entre les colonies israéliennes de Halamish et Psagot pour une voiture israélienne (la durée pour la voiture palestinienne suppose que les postes de contrôle militaires ne sont pas opérationnels à ce moment-là).  Source : Léopold Lambert, The Funambulist, 2018

08/06/2023

GIDEON LEVY
Un bébé palestinien assassiné par un soldat, ça n’est pas une info pour les médias israéliens

Gideon Levy, Haaretz, 7/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Lundi, un enfant en bas âge, Mohammed Tamimi, est mort des suites des blessures infligées par un soldat israélien qui lui avait tiré une balle dans la tête, sous les yeux de son père. Le soldat a tiré une deuxième balle dans la poitrine du père. Mohammed, âgé de deux ans et demi, est décédé à l’hôpital pour enfants Safra du centre médical Sheba, à Tel Hashomer, quatre jours après que la balle a explosé dans sa tête.

Des proches de Mohammed Haitham Al Tamimi, âgé de deux ans et demi, pleurent pendant ses funérailles dans le village de Nabi Saleh, mardi. Photo : AHMAD GHARABLI/AFP

Un soldat israélien a tué un enfant de deux ans et demi, et les médias israéliens ont décidé, presque à l’unisson, que ce n’était pas intéressant, pas important, ou les deux. En d’autres termes, ce n’est pas un sujet. Channel 12 News [Canal 12, en hébr. Kephet 12], Israel Hayom et Maariv ont complètement fait disparaître l’histoire des yeux de leurs consommateurs d’informations. Elle n’a tout simplement jamais eu lieu. Les autres grands médias, à l’exception de Haaretz, l’ont reléguée dans les dernières pages, littéralement ou virtuellement. Ils l’ont également adoucie, l’ont rendue plus facile à avaler pour les consommateurs sensibles : après tout, ce n’est pas si joli que ça qu’un soldat israélien tue un enfant en bas âge.

Le site de la télévision publique Kan 11 : « On a annoncé la mort du petit Palestinien de 3 ans qui a été touché par une force de Tsahal qui a tiré sur les terroristes ». On a annoncé la mort d’un Palestinien de 3 ans et, surtout, la force a tiré sur des terroristes, pas sur le bambin et son père. Tout a déjà fait l’objet d’une enquête et tout est connu, la vérité comme vous la voulez. Le site d’information Walla a été encore plus prudent et patriotique : « La mort a été déclarée pour le Palestinien de 3 ans qui a apparemment été touché par des tirs des Forces de défense israéliennes ». Apparemment. Ce n’est pas certain. Peut-être qu’il s’est tiré dessus, peut-être que son père l’a tué, peut-être que ce sont les terroristes brutaux de Nabi Saleh qui l’ont tué : Qui sait, lecteurs de Walla. Pourvu que vous passiez une bonne nuit de sommeil et que vous nous rendiez visite à nouveau.

Le site d’information Ynet a également marché sur des œufs : « On a annoncé la mort de l’enfant de 3 ans qui a été abattu par erreur par une force de Tsahal qui a riposté à des terroristes ». Le porte-parole de Tsahal est devenu superflu. La gigantesque unité du porte-parole peut être démantelée. Elle n’aurait pas pu écrire une meilleure propagande. Tirs par erreur, tirs sur des terroristes. Aucun des messages d’alerte n’a nommé l’enfant, un Palestinien sans nom. Ils se sont tous contentés de l’expression froide “la mort a été annoncée”, comme s’il s’agissait d’une question bureaucratique. Les préposés se sont assis et ont annoncé le décès. Les soldats des FDI n’ont rien eu à voir avec cela.

Canal 12 News mérite un traitement spécial : c’est le feu de camp tribal. Ils savaient que l’enfant était mort et ont néanmoins décidé que ce n’était ni intéressant ni important. Qu’est-ce qui est passé par la tête du PDG Avi Weiss et de son équipe éditoriale ? À quoi pensait la présentatrice Yonit Levy, aux opinions bien arrêtées, lorsqu’ils ont décidé de cacher au public la mort d’un enfant en bas âge, tué d’une balle dans la tête par un soldat des forces de défense israéliennes ? Ils ont aussi des enfants, n’est-ce pas ? Ont-ils vu la photo de Mohammed saignant du trou béant dans sa tempe ? Ont-ils imaginé un enfant israélien dans son état ? Pouvez-vous imaginer l’enfer qu’ils auraient déclenché à l’antenne ?

Peut-être était-ce une question d’espace. Ce soir-là, les journaux télévisés ont présenté un homme acquitté d’accusations de viol. Les parents de la femme soldat tuée à la frontière égyptienne deux jours auparavant ont suivi, puis un reportage sur “la terreur tranquille”. J’ai pensé qu’il s’agissait à la fois d’une terreur et d’une tranquillité. C’est la terreur avec laquelle les soldats de Tsahal ont tué 24 enfants depuis le début de l’année, selon B’Tselem. Trouveront-ils le temps de parler du 24ème, Mohammed Tamimi ? Ne faites pas rire Weiss, Levy et les rédacteurs en chef. La “terreur tranquille”, c’est bien sûr la terreur contre les colons : pierres, bombes incendiaires. Nous n’en entendons pas assez parler. Nous avons suffisamment entendu parler des soldats qui tuent des enfants.

Canal 12 est la chaîne modérée/centriste d’Israël. Sur Canal 14, les téléspectateurs savent ce qu’ils obtiennent. Canal 12 est la voix de la vérité, de la sagesse, du professionnalisme et de la décence. Et cette voix nous dit chaque soir que la vie d’un bambin palestinien ne vaut rien, n’est pas intéressante et n’est pas importante. Continuons à protester, continuons à nous complaire dans le mégaphone arraché par le député Simcha Rothman à un proetstataire à New York et la croisière en Grèce du député Nissim Vaturi, continuons à nous battre pour la démocratie avec Canal12.

Seule l’histoire jugera des dégâts qu’elle a causés, de sa dissimulation systématique de l’occupation et de ses crimes, de son blanchiment et de sa légitimation à tout prix. Channel 12 est la véritable chaîne de propagande d’Israël.

Carlos Latuff

Rassemblement de soutien au village palestinien de Nabi Saleh

Officiellement jumelé depuis plusieurs mois maintenant avec L'Île-Saint-Denis (93), le village palestinien de Nabi Saleh a été le théâtre de nouvelles violences ces derniers jours, menant notamment à la mort d'un enfant de 2 ans et demi sous les balles de l'armée israélienne. Face à cette situation, un rassemblement de soutien est prévu vendredi 9 juin, à partir de 18h30 sur le parvis de l'Hôtel de Ville (1 rue Méchin). Les drapeaux de l’Hôtel de ville sont mis en berne. Une collecte solidaire sera notamment mise en place pour aider financièrement les familles à assurer les coûts des funérailles et des soins pour les autres habitants de Nabi Saleh blessés. Ne nous résignons jamais à accepter inhumanité et barbarie à l’égard du peuple palestinien.

Comment aller à Mairie de l'Île-Saint-Denis à L'Ile-Saint-Denis en Bus, Métro, Train, Tram ou RER ?

 

 

04/06/2023

GIDEON LEVY
Peu de gens ont entendu parler du bébé Mohammed. Ceux qui entendront parler de ses assassins seront encore moins nombreux

ACTUALISATION

Le petit Mohammed Tamimi est mort ce lundi 5 juin 2023

 Gideon Levy, Haaretz, 4/6/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

À l’âge de deux ans et demi, les enfants peuvent déjà parler un peu. Ils ne sont pas encore sevrés. À deux ans et demi, ils ont encore besoin d’un coup de main pour monter les escaliers. À deux ans et demi, ils n’ont pas encore peur, c’est pourquoi vous ne pouvez pas les quitter des yeux une minute. À deux ans et demi, ils commencent à se souvenir. À deux ans et demi, ils ne peuvent pas encore utiliser de siège d’appoint. La loi stipule qu’ils doivent utiliser un siège auto pour bébé jusqu’à l’âge de trois ans.

Mohammed Tamimi n’a que deux ans et demi, et il se peut qu’il n’atteigne jamais l’âge de trois ans. Vendredi après-midi, il était allongé dans un état critique à l’unité de soins intensifs de l’hôpital pour enfants Safra du centre médical de Sheba, ses médecins attendant que son état s’améliore pour pouvoir l’opérer. Les soldats israéliens lui avaient tiré une balle dans la tête, blessant également son père.

Les deux ont quitté leur maison dans le village de Nabi Saleh jeudi soir, alors qu’ils se rendaient à une visite familiale. Ils sont montés dans leur voiture, Bilal le père a allumé les phares et les soldats ont immédiatement tiré quatre ou cinq balles dans leur direction.

L’armée a confirmé que les soldats avaient tiré sur le bébé, et elle n’en a pas honte. Le porte-parole militaire s’est contenté de dire qu’il “regrettait” l’incident - ce mot retenu, avare, à glacer le sang, forcé, gardé précisément pour de telles occasions. L’armée “regrette” toujours que des personnes “non impliquées” soient blessées. L’enfant Mohammed n’était pas impliqué. L’affaire fera l’objet d’une “enquête”.

Les photos du militant contre la réforme judiciaire Moshe Redman, légèrement blessé lors d’une manifestation à Césarée, à l’hôpital, ont davantage choqué en Israël au cours du week-end que celles du bébé Mohammed, les yeux couverts, la tête bandée, des tubes enfoncés dans la bouche et dans le corps.

Sur une autre photo, prise quelques minutes après qu’il avait été touché, on voit un nourrisson aux cheveux clairs et bouclés, avec un visage de bébé et une profonde blessure par balle à la tempe droite, le sang coulant sur le trottoir. Son père se trouvait toujours à l’hôpital al-Istishari de Ramallah vendredi, avec une blessure par balle à la poitrine et des éclats de projectile dans le cou. Sa mère et son oncle étaient à côté du bébé. L’armée a exprimé ses “regrets”.

Juste après que le bébé et son père ont été abattus, le village de Nabi Saleh, vétéran de la protestation, était naturellement en ébullition. Et qu’a fait l’armée ? Elle a décidé que la seule chose logique à faire était de prendre le village par la force pour lui donner une leçon, blesser d’autres villageois et peut-être en tuer quelques-uns. Deux villageois ont été blessés sur le toit de leur maison.


Mohammed et son père Bilal

La dernière fois que j’ai visité Nabi Saleh, c’était juste après l’assassinat de Qusay Tamimi, 19 ans. Dans la maison d’un autre Mohammed portant le même nom que l’enfant blessé, un apiculteur de 83 ans, j’ai appris que les soldats avaient tué Qusay parce qu’il avait mis le feu à un pneu.

Le vieux Mohammed Tamimi et le nourrisson éponyme vivent dans des maisons proches de la tour de guet. Nabi Saleh est un village emprisonné, dont l’entrée est gardée par une tour fortifiée. De temps en temps, des jeunes se rebellent et lancent des pierres ou tirent sur la tour humiliante et exaspérante qui assiège leur village depuis 15 ans. Les soldats de la tour ouvrent alors le feu, blessant et tuant des gens. C’est la routine sous l’occupation, qui fêtera son 56e  anniversaire mardi.

Il est peu probable que Mohammed soit la dernière victime d’ici là. De longues heures nous attendent, et il n’y a que peu de jours sans victimes sous cette occupation. Il est peu probable qu’il se remette de sa grave blessure : les balles des soldats ont atteint sa petite tête.

Mohammed n’est pas Shalhevet Pass, le bébé tué par balle à Hébron en 2001, et peu de gens ont entendu parler de lui. Et encore moins de gens entendront parler de ses assassins. Les Palestiniens qui ont tué Pass ont été décrits comme des terroristes cruels, assoiffés de sang, des animaux humains, des tueurs de bébés. Le soldat qui a tiré une balle dans la tête du petit Mohammed est un soldat d’une armée morale, la plus morale du monde, une armée dont le seul but est de défendre son faible pays qui est attaqué.

Le soldat n’avait pas l’intention de tuer le nourrisson, mais seulement de tirer à l’aveuglette sur la voiture de son père qui était garée devant leur maison. Après ça, que serà serà. L’IDF a exprimé ses “regrets” comme aucune autre armée ne le fait. Salut au soldat qui a tiré une balle dans la tête de Mohammed Tamimi. C’est un héros israélien.