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Sergio Rodríguez Gelfenstein
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25/10/2023

AZMI BISHARA
Briser la cage de Gaza : pourquoi l’attaque du 7 octobre n’est pas le 11 septembre d’Israël et sa victoire n’est pas garantie

Azmi Bishara, The New Arab, 12/10/2023

Alors qu’Israël affiche ouvertement son intention d’intensifier ses bombardements brutaux sur Gaza et d’affamer la population pour se venger de l’opération militaire du Hamas, le Dr Azmi Bishara insiste sur la nécessité de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l’empêcher de se livrer à un véritable génocide.


Gaza est assiégée depuis près de vingt ans. Dessin d’Emad Hajjaj

La diffusion par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, relayé par le président usaméricain Joe Biden, d’affabulations et de désinformations sur les événements du 7 octobre à Gaza n’est pas une bavure mais un acte délibéré de propagande. Elle vise à justifier une guerre israélienne barbare et totale, sans retenue, pour faire payer un prix insupportable à la population palestinienne de Gaza, l’objectif principal de cette guerre.

En d’autres termes, justifier l’usage illégal de la violence et de l’intimidation contre les civils palestiniens dans la poursuite d’objectifs politiques. N’est-ce pas là la définition même du terrorisme ?

Le contre-objectif devrait donc être de limiter leur capacité à bombarder Gaza sans retenue, en dénonçant et en protestant contre les crimes de la guerre israélienne et en soutenant la solidarité avec les Palestiniens de Gaza. Pendant deux décennies, les Gazaouis n’ont pas connu de quartier, vivant sous un siège paralysant et de fréquents assauts israéliens ; et aujourd’hui, ils sont soumis à une cruauté qu’aucun humain n’est capable de tolérer.

La stupeur et l’émotion combinées depuis les événements chocs du 7 octobre, qui ont remis en question l’arrogance israélienne et les frustrations arabes, font qu’il est difficile d’écrire sans passion sur l’opération “Déluge d’Al-Aqsa” et l’assaut qui s’en est suivi contre Gaza. Il ne fait aucun doute que la jeune génération se souviendra de cette journée et qu’elle modifiera sa perception de la suprématie de l’occupant et de la dignité des victimes de l’occupation, ainsi que des possibilités de résistance à l’occupation.

Quelques jours plus tard, alors même que l’occupation peine à se remettre de cette attaque choc, les responsables israéliens se sont empressés d’annoncer les crimes de guerre qu’ils ont perpétrés à Gaza, déclarant ouvertement leur intention d’en commettre d’autres. L’administration israélienne a ignoré de manière flagrante la déclaration du secrétaire général des Nations unies selon laquelle l’imposition d’un siège total, y compris la coupure de l’eau et de l’électricité, constituerait une violation du droit humanitaire international. Empêcher l’accès à l’eau, aux médicaments et à la nourriture est reconnu comme une arme de guerre inacceptable depuis le Moyen-Âge, mais Israël a pris l’habitude et le droit d’agir au-dessus de la loi.

L’attaque menée par les Brigades Al-Qassam le 7 octobre contre les bases militaires et les villes situées dans ce que l’on appelle “l’enveloppe de Gaza” représente un tournant dans les relations entre la résistance palestinienne et Israël. La planification, la mise en œuvre et la puissance (réelle et projetée) qui la sous-tendent occuperont les analystes pendant des années. Ce matin-là, non seulement les fortifications en béton le long de la frontière ont été détruites, mais aussi les forteresses mentales construites sur des idées fausses et des stéréotypes.

Les Israéliens se sont laissé aller à la complaisance, malgré les souffrances qu’ils ont infligées à un peuple indigène qui étouffe sous deux décennies d’un blocus inhumain et illégal et malgré la complicité croissante du gouvernement d’extrême droite dans les attaques contre la mosquée Al-Aqsa, au point que des plans ont été élaborés pour diviser le site d’Al-Aqsa et attribuer des heures de prière distinctes aux musulmans et aux juifs. Ils se sont reposés sur leurs lauriers alors même qu’ils permettaient l’escalade des attaques de colons contre les Palestiniens et leurs biens et que le gouvernement annonçait son intention d’annexer de vastes pans de la Cisjordanie.

Que l’on soit israélien ou non, personne ne devrait être choqué par la réaction palestinienne. L’autocensure israélienne a commencé et sera un processus continu, mais elle ne conduira pas à des conclusions correctes sur la relation de l’occupant avec la réalité vécue par ceux qui vivent sous l’occupation. Au lieu de cela, il cherchera des réponses internes et incomplètes aux questions relatives au maintien de l’occupation, telles que : « Qui est responsable de l’échec des services de renseignement ? Pourquoi n’y avait-il pas assez de soldats ? Pourquoi ont-ils réagi si tardivement ? »

La véritable surprise pour les Israéliens, les Palestiniens et les Arabes est venue de la capacité de la résistance gazaouie à produire et à faire entrer en contrebande l’équipement militaire nécessaire malgré un siège étouffant dans une bande de terre exposée et plate, sans montagnes ni vallées. Les seules personnes qui n’ont pas été prises au dépourvu sont celles qui sont au courant. La plupart des gens qui ont dépassé l’image romantique des parapentes survolant les frontières ont commencé à s’interroger sur la manière dont la fabrication et l’entraînement nécessaires ont été réalisés et sur le nombre de tunnels existants.

Indépendamment des différences d’attitudes et d’origines, voire des hostilités entre eux, les Palestiniens, et les Arabes en général, ont le droit de ressentir un certain regain de confiance face à la persévérance, l’assiduité, la détermination et l’imagination dont la résistance a fait preuve dans des conditions impossibles.

Israël a maintenant lancé une guerre contre Gaza, il ne s’agit donc plus d’une opération militaire isolée. Israël a déclaré publiquement qu’il continuerait à commettre des crimes contre l’humanité, dont l’ampleur et la gravité ne feront que croître. Il rase des quartiers entiers de la bande de Gaza, la zone la plus densément peuplée du monde, le plus grand camp de réfugiés et la plus grande prison à ciel ouvert. Il tente d’effacer le souvenir des images vidéo diffusées à grande échelle par la résistance et, en semant la mort et la destruction à Gaza, de restaurer son prestige aux yeux de son peuple et son image intimidante aux yeux des Arabes, à la fois ses ennemis et les régimes qui poursuivent la normalisation.

Mais il y a d’autres éléments à prendre en compte dans ses actions. L’acharnement et la poursuite des bombardements après l’épuisement de toutes les cibles sont l’expression de la confusion et de l’hésitation quant à la marche à suivre, et constituent une tactique qui masque l’absence d’un plan et d’une stratégie. En outre, le feu vert de Washington et des gouvernements européens a encouragé Israël à agir sans calcul sérieux.

Les bombardements intensifs visent à creuser un fossé entre l’idée de résistance et la population en augmentant de manière prohibitive le coût de la résistance et les sacrifices consentis par les habitants de Gaza, dans l’espoir que les souffrances continues qui leur sont imposées les mobiliseront non pas contre l’occupation, mais contre le Hamas.

19/08/2021

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Répercussions régionales et mondiales de la défaite usaméricaine en Afghanistan

Sergio Rodriguez Gelfenstein, 18/8/2021
Traduit par Fausto Giudice
English version

L'arrivée au pouvoir des talibans en Afghanistan marque non seulement la défaite des USA dans la plus longue guerre de leur histoire, mais surtout, elle met officiellement fin à la tentative usaméricaine d'établir un système international unipolaire après les attentats terroristes perpétrés dans ce pays le 11 septembre 2001.

 

Afghanistan, cimetière des empires

 Cela a incité l'administration usaméricaine à déclarer la guerre au terrorisme et à tous les pays abritant des terroristes dans le cadre de ce qu'elle a appelé l' « opération Liberté immuable », désignant Oussama ben Laden comme le principal suspect des attentats et le gouvernement taliban en Afghanistan comme son protecteur. Une telle décision a créé le risque que l'agression usaméricaine s'étende (comme elle l'a fait) à d'autres pays d'Asie centrale, d'Asie occidentale et même d'Afrique du Nord en utilisant le subterfuge du « terrorisme islamique » comme outil.


Une telle décision a entraîné des changements profonds dans le système international. En arrière-plan, Washington tentait de définir en sa faveur le compromis entre un monde multipolaire et unipolaire, qui a été résolu en faveur de ce dernier. Les USA sont apparus comme la seule puissance mondiale bénéficiant du soutien de tous pour lutter contre le nouveau "communisme" , appelé désormais "terrorisme". Les déclarations de Bush des 11 et 12 septembre 2001 et surtout celle du 20 septembre 2001 sont - comme la Déclaration Monroe et la Destinée Manifeste au 19ème siècle et les 14 étapes de Wilson au 20ème siècle - l'élément ordonnateur et de principe de la politique étrangère usaméricaine pour le siècle actuel.


Ce que l'on pourrait appeler la Doctrine Bush de politique étrangère usaméricaine se caractérise, entre autres, par les définitions suivantes : l'utilisation de toutes les armes de guerre nécessaires ; la prolongation dans le temps des opérations militaires ; l'obligation pour les pays de prendre position face à la décision usaméricaine qui ne laisse aucune place à des positions alternatives : « Toute nation, où qu'elle soit, doit maintenant faire un choix : soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec le terrorisme », avait déclaré Bush. C'était la définition d'un monde faussement bipolaire. Les nouveaux pôles seraient les USA et le terrorisme. Face à l'impossibilité d'être avec le terrorisme, ce qu'il a fait, c'est imposer un monde unipolaire pour la première fois dans l'histoire.