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24/08/2025

Alors qu’Israël se prépare à déplacer un million de Gazaouis, un nouveau danger apparaît
Petite plongée dans la pensée profonde des stratèges génocidaires

Des sources militaires avertissent que l’évacuation des civils de la ville de Gaza pourrait piéger Israël dans un rôle de gouvernance militaire indésirable, tandis que le Hamas pourrait utiliser la population comme bouclier humain dans son dernier bastion.

Itay Ilnai, Israel Hayom, 21/8/2025

Traduit par Tlaxcala


Itay Ilnai (1981) est un journaliste israélien spécialisé dans les questions militaires et de renseignement qui écrit pour le quotidien gratuit de droite Israel Hayom, propriété des héritiers du milliardaire Sheldon Adelson.

 

La première fois, ça n’a pas fonctionné parfaitement.

Le 13 octobre 2023, une semaine seulement après l’attaque surprise du Hamas, l’armée israélienne a dispersé des tracts dans le nord de la bande de Gaza. « Habitants de Gaza, dirigez-vous vers le sud pour votre sécurité et celle de vos familles. Éloignez-vous des terroristes du Hamas qui vous utilisent comme boucliers humains », pouvait-on y lire. Le Hamas a tenté d’empêcher la population d’évacuer les zones déclarées par l’armée israélienne, notamment certaines parties de la ville de Gaza, mais en vain. Des centaines de milliers d’habitants paniqués ont rapidement rassemblé leurs affaires et ont fui vers une zone qui est depuis devenue synonyme d’espace humanitaire : al-Mawassi.


Des images de convois palestiniens marchant avec leurs biens le long de la côte et sur l’axe Salah al-Din ont été publiées dans le monde entier et ont fait la une des médias palestiniens sous le titre « deuxième Nakba », mais l’armée israélienne était satisfaite. Il semblait que l’opération d’évacuation de la population, première étape vers le début d’une manœuvre terrestre à grande échelle, avait été couronnée de succès.

Mais le Commandement Sud a agi trop précipitamment. « Nous avons fermé leur voie de sortie trop tôt », explique une source qui était alors impliquée dans la gestion des combats. « Les forces ont manœuvré de manière à empêcher un quart de million de personnes de se déplacer vers le sud, et celles-ci sont restées piégées. » En conséquence, des dizaines de milliers de Gazaouis piégés dans le nord de la bande de Gaza au cours des premiers mois de la guerre se sont déplacés « d’un côté à l’autre », selon les termes de cette source, à chaque fois que l’armée israélienne avançait vers une nouvelle ville ou un nouveau quartier. « C’était notre erreur », admet-il.

Depuis lors, des leçons ont été tirées et l’armée israélienne, en particulier le Commandement sud, est devenue plus efficace dans tout ce qui touche à la pratique officiellement définie comme « déplacement de la population civile à des fins de protection ». Au cours des mois suivants, des zones étendues et densément peuplées comme Rafah et Khan Younès ont été presque entièrement vidées de leurs habitants de manière délibérée, ce qui a permis aux divisions de l’armée israélienne de manœuvrer plus facilement tout en réduisant les risques pour les forces combattantes et les non-combattants. À l’inverse, cette pratique a soulevé des questions d’ordre moral et juridique.

À présent, avant la prise de contrôle (ou la conquête, selon les points de vue) attendue de la ville de Gaza, le Commandement Sud doit relever un nouveau défi. Dans les prochains jours, nous devrions assister au début de l’une des plus importantes opérations de déplacement de population depuis le début de la guerre, qui constituera une étape préliminaire à l’entrée des troupes à Gaza. Près d’un million de personnes devront évacuer la ville et se diriger vers le sud, au-delà du corridor de Netzarim, qui constituera la ligne de front au-delà de laquelle les combats se dérouleront.

L’entité responsable de cette opération d’évacuation complexe est l’« Unité de relocalisation de la population » du Commandement Sud, dont l’existence même est révélée ici pour la première fois. « Cette unité est devenue l’organisme national de référence pour tout ce qui touche au déplacement de populations », explique un officier de réserve haut gradé.

Chuchotements à l’oreille

La pratique du déplacement de population a commencé lors de la première guerre du Liban (opération « Paix pour la Galilée » en 1982) et a été renforcée lors des deux opérations menées dans le sud du Liban dans les années 1990, « Reddition de comptes » et « Raisins de la colère ». Dans un article publié pendant l’opération «Raisins de la colère», un officier israélien avait déclaré qu’en seulement deux jours, environ 200 000 habitants avaient été évacués des villages chiites du sud du Liban, après que l’armée israélienne les eut contactés par le biais de stations de radio locales et de tracts largués depuis des avions. Par la suite, l’armée a adopté un discours plus agressif.

« Nous avons tiré des obus fumigènes dont le but était de marquer, de leur rappeler, de leur « chuchoter » à l’oreille », a expliqué l’officier. Dans un premier temps, les obus ont atterri à environ 100 mètres de la maison la plus éloignée de chaque village. Dans un deuxième temps, la distance a été réduite à seulement 20 mètres.

En 2003, les USAméricains ont également eu recours à la pratique du déplacement de population lors de l’invasion de l’Irak, notamment lorsqu’ils ont évacué environ 200 000 personnes de la ville de Falloujah. Selon les données de l’ONU, la plupart des habitants sont retournés chez eux après la fin des combats, mais des dizaines de milliers d’entre eux sont restés réfugiés, car ils n’avaient pas les moyens économiques de reconstruire leurs maisons détruites.

Mais avec tout le respect que nous devons à la Cisjordanie, au Liban et à l’Irak, Gaza est un tout autre opéra. « Il n’y a aucune comparaison possible », affirme une source militaire. « Au Liban et en Cisjordanie, les gens peuvent quitter la zone des combats et trouver une solution temporaire, par exemple chez des proches. À Gaza, des familles entières se déplacent avec des tentes. »

Le message, c’est l’explosion

L’entité responsable des opérations de déplacement à Gaza est, comme mentionné, l’« Unité de relocalisation de la population », qui opère au quartier général du Commandement sud et est dirigée par un officier de carrière (une unité similaire existe également au Commandement nord). Dans le passé, cet organisme opérait sous l’égide du « Complexe d’influence », mais après le développement du domaine ces dernières années, il est devenu un organisme indépendant. « Au fil du temps, la question du déplacement de population a fait l’objet d’une attention croissante et s’est institutionnalisée », explique une ancienne source de l’armée israélienne.

 
Udi Ben-Moha en 2010, alors qu’il était colonel commandant de la Brigade d’Hébron

Les origines remontent à 2013, lorsque le général de brigade Udi Ben-Moha a été nommé chef d’état-major du Commandement sud. Ben-Moha a commencé à affiner la doctrine du déplacement de population dans le cadre des plans opérationnels pour les futures manœuvres terrestres dans la bande de Gaza. « Il a pris cette pratique et l’a transformée en un art de la guerre », explique le général de brigade (Rés.) Erez Weiner, qui a servi pendant la guerre actuelle en tant que commandant de l’équipe de planification opérationnelle du Commandement sud.

Erez Weiner, un général de réserve qui a beaucoup de casseroles [lire ici]

Les méthodes développées dans cette unité ont d’abord été testées partiellement lors de l’opération « Bordure protectrice » en 2014, avant de devenir partie intégrante de la méthode de combat utilisée lors de l’opération « Gardien des murs » en 2021. Elles prévoyaient la division de la bande de Gaza en blocs, dont les limites étaient définies selon la logique des Gazaouis et non imposées de l’extérieur. « Ce n’est pas une division imaginée par un officier britannique », comme le dit Weiner. « Les contours des blocs correspondent aux quartiers, aux clans, aux ruelles. »

Ce sont des membres de l’unité 504 de la Direction du renseignement militaire, spécialisée dans l’interrogatoire des prisonniers et le recrutement d’agents, qui ont rédigé le contenu des tracts. Le personnel de cette unité était également chargé d’une autre opération de communication avec la population, qui comprenait l’envoi de milliers de SMS et d’appels téléphoniques personnalisés, dont le contenu était adapté à chaque destinataire.

En janvier 2024, l’armée israélienne a annoncé que pendant la guerre, plus de 7 millions de tracts avaient été distribués, plus de 13 millions de SMS envoyés et plus de 15 millions d’appels téléphoniques passés (la plupart avec des messages enregistrés). Les combattants de l’unité 504 ont même appelé les habitants à évacuer quelques instants avant l’entrée des forces de manœuvre, à l’aide de haut-parleurs placés sur des véhicules de l’armée israélienne qui circulaient dans les quartiers. Même dans ce cas, les messages étaient adaptés à chaque quartier, en fonction du clan qui y résidait.

Au cours de la phase suivante, les bombardements d’artillerie qui ont précédé l’entrée des troupes terrestres et qui visaient principalement à dissuader la population civile, ont transmis le message le plus clair possible : évacuez les lieux. « L’armée israélienne a utilisé à Gaza une puissance de feu sans précédent, en tout cas jamais utilisée contre une population civile », a déclaré un officier chargé de l’histoire. « C’est probablement le meilleur moyen de persuasion, plus efficace que n’importe quel tract. »

« Au final, les gens ne se précipitent pas pour abandonner leur foyer, donc le principal moyen de persuasion est la peur », explique un ancien haut gradé de l’armée israélienne spécialisé dans la guerre psychologique, une branche dont sont issues les méthodes opérationnelles de déplacement de population. « Lorsque les bombes tombent en masse, même les plus riches quittent leur maison. De plus, vous pouvez couper la radio, la télévision et enfin la lumière. Tous ces outils font partie de l’arsenal. »

Trouver un visage parmi un million de personnes

L’Unité de relocalisation de la population est chargée de recenser la population et de recueillir des renseignements à son sujet à l’avance, ainsi que de coordonner les opérations visant à la déplacer. À cette fin, elle met en relation un grand nombre d’éléments, notamment les services de renseignement, le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires, l’artillerie, l’armée de l’air, les forces terrestres, etc. Le personnel du parquet militaire joue un rôle central, car il veille à ce que les mesures prises sur le terrain soient conformes au droit international (nous y reviendrons) [sic].

L’unité utilise également des outils pour surveiller les mouvements de population, dès leur début. « Dans la guerre actuelle, l’unité était déjà préparée au niveau de la microgestion de l’opération », explique Weiner. « Quel est le processus de notification, qui informe, quand et comment, et comment suivre et vérifier qu’il y a bien une réponse de l’autre côté et que la population se déplace ? Car en fin de compte, il faut pouvoir indiquer quel pourcentage de résidents a quitté les lieux, afin que certaines zones puissent être ouvertes au feu. »

Quel est ce pourcentage ? Zéro ? « Je ne pense pas qu’il soit judicieux d’entrer dans ce détail, car cela donnerait des armes à l’ennemi. Mais la méthode consiste à activer des systèmes de surveillance, de contrôle et de suivi des mouvements de population, à établir une image de la situation, afin que l’unité chargée de la relocalisation de la population soit en mesure, à tout moment, de dire quel pourcentage de la population se trouve dans chaque zone. »

Les postes de contrôle, situés le long des voies d’évacuation, constituent un autre élément des opérations de déplacement de population. L’armée israélienne installe des moyens technologiques de reconnaissance faciale à ces postes de contrôle afin de repérer, parmi les civils – qui peuvent être plusieurs centaines de milliers par jour –, les terroristes déguisés en innocents, voire en otages.

Une autre source proche du travail de cette unité explique que le déplacement de la population se fait au détriment de l’effet de surprise. « Imaginez que lorsque vous ordonnez à la population d’évacuer, vous révélez à l’ennemi où vous comptez manœuvrer », dit-il. « Néanmoins, l’armée israélienne comprend l’importance de la question. L’objectif ici n’est pas de remplir une obligation et de dire aux habitants « nous vous avons prévenus, maintenant c’est votre problème », puis d’attaquer. Il y a vraiment une volonté de permettre à la population de partir. »

Le ministre de la Défense Israel Katz avec les hauts responsables de l’armée israélienne approuvant le plan pour Gaza. Photo Ariel Hermoni / Ministère de la Défense

Malgré cela, plusieurs incidents ont eu lieu au cours desquels des civils qui n’avaient pas évacué leurs maisons ont été blessés pendant les combats. L’incident le plus connu s’est produit à Khan Younès en mai dernier. Neuf des dix enfants du Dr Alaa al-Najjar, médecin à l’hôpital Nasser, ont été tués lors d’une frappe de l’armée israélienne dans une zone qui était censée être évacuée. Son mari et son fils de 11 ans ont été grièvement blessés.

Ce tragique incident a fait la une des journaux du monde entier. L’armée israélienne a alors affirmé que la frappe avait été menée depuis un avion contre une maison où se trouvaient des suspects opérant à proximité d’une force terrestre, et a promis d’enquêter sur cet incident.

Néanmoins, l’armée israélienne considère le déplacement de population comme l’un des succès de la guerre actuelle. « ça a très bien fonctionné tout au long de la guerre, malgré les prévisions contraires de sources diverses, allant de membres de l’état-major général à des sources internationales, en passant par des militaires usaméricains et toutes sortes d’anciens responsables », affirme Weiner. « Au début de la campagne, nous avons évacué environ un million de personnes du nord de la bande de Gaza et de la ville de Gaza vers le sud, en peu de temps. Ensuite, nous avons évacué 300 000 personnes de Khan Younès en très peu de temps, puis nous sommes arrivés à la question de Rafah. »

Des sources impliquées dans les opérations qui ont précédé l’entrée à Rafah définissent la question de l’évacuation de la population comme la principale « mine » contre l’administration usaméricaine, alors dirigée par Biden, qui s’opposait fermement à l’entrée israélienne dans la ville. « Ils nous ont dit que les habitants de Rafah avaient déjà été déracinés de leurs maisons, donc ils ne seraient pas évacués une nouvelle fois », explique Weiner. « Mais au sein du commandement, nous avons élaboré un plan qui prévoyait deux semaines de préparation et deux semaines supplémentaires pour l’évacuation complète. Rétrospectivement, ça a pris dix jours au total. » Pendant cette période, environ un million de personnes ont été évacuées de Rafah.

Ce qui nous ramène à la ville de Gaza. Après le retrait israélien du corridor de Netzarim au début de l’année, à la suite du deuxième échange d’otages, des centaines de milliers de Gazaouis qui avaient évacué la ville au début de la guerre ont pu y retourner. Au cours de l’opération « Les chars de Gédéon », qui a débuté en mai 2025, d’importants déplacements de population supplémentaires ont été effectués, dont une partie a également été évacuée vers la ville de Gaza. Aujourd’hui, avec la zone d’al-Mawassi et les camps centraux, la ville est devenue le lieu où se concentre la majeure partie de la population civile de la bande de Gaza.

Selon les données de l’ONU, environ 82 % des habitants de la bande de Gaza vivaient avant la guerre dans des zones définies par l’armée israélienne comme « zones d’évacuation ». L’aide apportée aux millions de personnes déplacées fait partie intégrante du principe de déplacement de population. Comme l’explique le Dr Ron Schleifer, maître de conférences à l’université d’Ariel, directeur du Centre de recherche sur la défense et la communication d’Ariel et expert en guerre psychologique, « personne n’aime quitter son foyer, il faut donc convaincre les gens que l’alternative au maintien sur place est pire que le départ vers l’inconnu ».

 

De la fumée s’élève après une explosion à Gaza, vue depuis le côté israélien de la frontière entre Israël et Gaza, le 22 juillet 2025 Photo Reuters/Amir Cohen

Une partie intégrante du déplacement de population consiste à tenir la promesse faite aux personnes évacuées qu’elles recevront un abri, de la nourriture et des services de santé. « Vous leur expliquez clairement qu’il existe un passage sûr par lequel ils peuvent se déplacer et qu’à leur arrivée, ils auront de quoi se nourrir et s’abriter. Vous utilisez à la fois la carotte et le bâton », explique un ancien haut responsable du domaine de la guerre psychologique au sein de l’armée israélienne.

Si les tentes viennent à manquer

Jusqu’à présent, Israël a insisté pour que la carotte – c’est-à-dire l’aide humanitaire à la bande de Gaza – soit fournie et gérée par l’ONU et des organisations internationales, telles que la fondation usaméricaine GHF, en partie pour des raisons juridiques. Mais les espaces humanitaires délimités par l’armée israélienne n’ont pas toujours fait leurs preuves. Les difficultés liées au transfert et à la distribution de l’aide ont entraîné le chaos et des plaintes pour famine à Gaza, auxquelles Israël a récemment eu du mal à faire face. De plus, l’armée israélienne a continué ses attaques à al-Mawassi, notamment lorsqu’elle a éliminé des hauts responsables du Hamas qui utilisaient cet espace pour se cacher, dont Mohammed Deif. Il en résulte que l’on craint désormais que les habitants de la ville de Gaza préfèrent rester chez eux, même au péril de leur vie, et ne fassent pas confiance à l’alternative que leur propose l’armée israélienne.

L’armée israélienne reconnaît que l’opération d’évacuation de Gaza nécessitera la mise en place de refuges humanitaires et de points supplémentaires pour la distribution de nourriture. Elle reconnaît également que le système humanitaire international à Gaza est épuisé, ce qui rend difficile la gestion de la situation à venir.

L’entité qui a déjà commencé à agir concernant « la carotte » pour les évacués de la ville de Gaza est le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires. Ces derniers jours, elle s’efforce d’aider autant que possible les organisations internationales à préparer les infrastructures destinées à accueillir des centaines de milliers de nouveaux évacués. « On ne peut pas bouger avant de s’assurer que les infrastructures humanitaires – nourriture, eau, médicaments, assainissement – répondent aux exigences du droit international », explique une source bien informée sur le sujet.

Par exemple, dès la fin du mois de juillet, le coordinateur a approuvé, sur instruction du niveau politique, de faire avancer l’initiative émiratie visant à relier une conduite d’eau depuis l’usine de dessalement en Égypte jusqu’à al-Mawassi. Parallèlement, une ligne électrique a été raccordée depuis Israël à l’usine de dessalement située dans le sud de Gaza, ce qui permettra de multiplier par dix l’approvisionnement en eau potable dans le sud de la bande de Gaza. Cette semaine, Israël a même approuvé, pour la première fois depuis le cessez-le-feu de mars 2025, l’acheminement de tentes et de matériel d’hébergement dans la bande de Gaza. « On ne peut pas commencer à déplacer des populations et ensuite dire “oups, il n’y a pas assez de tentes” », explique cette source. « Israël prépare donc déjà les infrastructures nécessaires à l’évacuation. »

Récemment, l’ambassadeur usaméricain en Israël, Mike Huckabee, a également publié une déclaration indiquant l’intention d’étendre les activités de la fondation usaméricaine d’aide humanitaire GHF, qui gère actuellement quatre centres de distribution dans la bande de Gaza, et d’ajouter 12 centres supplémentaires. Derrière cette décision se cachent des discussions entre l’administration usaméricaine, l’ONU et Israël sur une éventuelle coopération entre l’ONU et la fondation usaméricaine afin d’intensifier l’effort humanitaire à Gaza.

La dernière forteresse

Les questions opérationnelles et humanitaires auxquelles sont actuellement confrontées les FDI s’accompagnent de questions juridiques et morales soulevées par le déplacement de populations. Le droit international reconnaît la nécessité d’évacuer les habitants d’une zone de guerre, mais stipule que cette évacuation peut être considérée comme légale à condition qu’elle soit temporaire.

Dès le début de la guerre, des accusations virulentes ont été formulées, selon lesquelles le déplacement de la population constituait une première étape visant à contraindre les habitants de Gaza à émigrer définitivement hors de leurs frontières. Au cours de l’opération « Les chars de Gédéon », trois combattants de réserve ont même déposé une requête auprès de la Haute Cour de justice, dans laquelle ils affirmaient que l’ordre d’opération violait le droit international car il imposait l’expulsion de la population.

L’armée israélienne a toujours affirmé que le déplacement de la population était temporaire et ne visait pas à encourager l’émigration, l’exil ou l’expulsion. Selon les données du coordinateur, depuis le début de la guerre, seuls environ 38 000 Palestiniens ont quitté Gaza pour un pays tiers, tous titulaires d’une double nationalité, ayant obtenu un permis de séjour dans un autre pays ou ayant reçu l’autorisation d’évacuer pour raisons médicales. Des sources officielles ont admis cette semaine que, jusqu’à présent, les tentatives visant à trouver un pays tiers susceptible d’accueillir les réfugiés palestiniens ont échoué.

Quoi qu’il en soit, à mesure que la guerre progresse, la marge de manœuvre juridique dont dispose l’armée israélienne en matière de déplacement de population devient de plus en plus étroite. Selon plusieurs sources que nous avons consultées, l’évacuation de la ville de Gaza et sa prise de contrôle par l’armée pourraient finalement faire basculer la situation.

Selon le Dr Schleifer, après l’évacuation de la ville de Gaza, « nous devons garantir une distribution alimentaire juste et équitable, dans la mesure du possible, sans profiteurs ni implication du Hamas ». Selon lui, l’expérience passée prouve que tout cela ne peut être réalisé par des acteurs internationaux. « Nous devrons installer des camps de tentes et prendre soin de la population civile, mettre en place un système éducatif, etc., et nous organiser dans tous les domaines nécessaires au maintien de la société. Pour ce faire, l’État d’Israël doit rétablir une branche militaire qui a été étranglée et abandonnée : le gouvernement militaire. »

Mais l’objectif du gouvernement israélien, du moins officiellement, est qu’il n’y ait pas de gouvernement militaire. « Nous aboutirons à un gouvernement militaire, que nous le voulions ou non. Nous nous racontons toutes sortes d’histoires, mais il est clair que nous devrons contrôler Gaza, ou superviser d’une manière ou d’une autre ce qui se passe dans la bande de Gaza. À mon avis, il n’y a pas d’autre solution. »

L’armée israélienne peut mater le Hamas à Gaza [resic]. Selon plusieurs anciennes sources de l’armée israélienne qui se sont penchées sur la question, déplacer un nombre aussi important de civils vers une zone aussi restreinte – environ 25 % de la superficie totale de la bande de Gaza – obligera l’armée israélienne à fournir elle-même aux personnes évacuées des solutions en matière de logement, d’alimentation et de santé, et la contraindra pratiquement à instaurer un gouvernement militaire à Gaza, ce que les hauts responsables de l’armée israélienne ont évité jusqu’à présent. « L’armée israélienne est en quelque sorte poussée à agir, et c’est pourquoi elle s’y oppose tant », explique l’un d’entre eux. « Les implications d’une telle décision sont énormes et pourraient entraîner des sanctions internationales, voire un mouvement de refus. Au-delà de cela, il existe un scénario dans lequel le Hamas prendrait en otage la population de la ville de Gaza [reresic] et, contrairement au passé, l’évacuation se ferait très lentement, ce qui affaiblirait la dynamique israélienne. Jusqu’à présent, le Hamas n’a pas réussi à empêcher le déplacement de la population, mais la ville de Gaza est le dernier bastion dont il dispose, et la plupart de ses forces y sont concentrées. Il n’abandonnera pas facilement. »

Selon Weiner, ces inquiétudes sont exagérées. « Pour convaincre les habitants de Gaza d’évacuer, deux choses doivent se produire », dit-il. « La première est de garantir que l’aide humanitaire n’entre pas dans la ville de Gaza, mais uniquement dans les zones d’évacuation. La seconde est de cesser de parler d’un accord partiel. Nous devons affirmer haut et fort que nous n’avons pas l’intention d’arrêter l’opération à Gaza, donc vous feriez mieux de partir, car les bombardements et les bulldozers arriveront bientôt. »

 

JR Mora, janvier 2024

 

20/07/2025

GIDEON LEVY
C’est clair : Israël a désormais un plan pour procéder au nettoyage ethnique des Palestiniens de Gaza

Quelqu’un l’a conçu, il y a eu des discussions sur les avantages et les inconvénients, des alternatives ont été proposées, et tout ça s’est déroulé dans des salles de conférence climatisées. Pour la première fois depuis le début de la guerre de vengeance à Gaza, il est clair qu’Israël a un plan – et celui-ci est ambitieux.

Gideon Levy, Haaretz, 20/7/2025
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Adolf Eichmann a commencé sa carrière nazie en tant que chef de l’Agence centrale pour l’émigration juive au sein de l’agence de sécurité chargée de protéger le Reich. Joseph Brunner, le père du chef du Mossad David Barnea, avait trois ans lorsqu’il a fui l’Allemagne nazie avec ses parents, avant la mise en œuvre du plan d’évacuation.


La semaine dernière,
Barnea, le petit-fils, s’est rendu à Washington afin de discuter de l’« évacuation » de la population de la bande de Gaza. Barak Ravid a rapporté sur Channel 12 News que Barnea avait déclaré à ses interlocuteurs qu’Israël avait déjà entamé des pourparlers avec trois pays sur cette question, et l’ironie de l’histoire s’est cachée, honteuse. Un petit-fils d’un réfugié victime d’un nettoyage ethnique en Allemagne discute de nettoyage ethnique, et aucun souvenir ne lui vient à l’esprit.

Pour « évacuer » deux millions de personnes de leur pays, il faut un plan. Israël y travaille. La première étape consiste à transférer une grande partie de la population dans un camp de concentration afin de faciliter une expulsion efficace.

Bas du formulaire

La semaine dernière, la BBC a publié un reportage d’investigation basé sur des photos satellites, montrant la destruction systématique menée par les Forces de défense israéliennes dans toute la bande de Gaza, village après village, des localités sont rayées de la carte, rasées pour faire place à un camp de concentration, afin que la vie à Gaza ne soit plus possible.

Les préparatifs pour le premier camp de concentration israélien battent leur plein. Une destruction systématique est en cours dans toute l’enclave afin qu’il n’y ait plus aucun endroit où retourner à part le camp de concentration.

Pour mener à bien ces travaux, des bulldozers sont nécessaires. La BBC a présenté deux offres d’emploi. L’une décrivait « un projet de démolition de bâtiments à Gaza nécessitant des conducteurs de bulldozers (40 tonnes). Le salaire est de 1 200 shekels (308€) par jour, repas et hébergement compris, avec la possibilité d’obtenir un véhicule privé ». La deuxième annonce précisait que « les horaires de travail sont du dimanche au jeudi, de 7 h à 16 h 45, avec d’excellentes conditions de travail ».

Israël commet en silence un crime contre l’humanité. Il ne s’agit pas ici de détruire une maison ici et là, ni de répondre à des « nécessités opérationnelles », mais d’éliminer systématiquement toute possibilité de vie dans cette région, tout en préparant les infrastructures nécessaires pour concentrer la population dans une ville « humanitaire » destinée à servir de camp de transit – avant expulsion vers la Libye, l’Éthiopie et l’Indonésie, les destinations indiquées par Barnea, selon Channel 12.



Tel est le plan pour le nettoyage ethnique de Gaza. Quelqu’un l’a conçu, il y a eu des discussions sur les avantages et les inconvénients, des alternatives ont été proposées, des options de nettoyage total ou par étapes ont été envisagées, et tout cela s’est déroulé dans des salles de conférence climatisées, avec des procès-verbaux et des décisions prises. Pour la première fois depuis le début de la guerre de vengeance à Gaza, il est clair qu’Israël a un plan, et qu’il est ambitieux.

Ce n’est plus une guerre sans fin. On ne peut plus accuser Benjamin Netanyahou de mener une guerre sans but. Cette guerre a un but, et c’est un but criminel. On ne peut plus dire aux commandants de l’armée que leurs soldats meurent sans raison : ils meurent dans une guerre de nettoyage ethnique.

Le terrain est prêt, on peut passer au transfert des personnes, les annonces sont en cours de publication. Une fois le transfert de la population achevé, et lorsque les habitants de la ville humanitaire commenceront à regretter leur vie parmi les ruines, entre famine, maladie et bombardements, il sera possible de passer à la dernière étape : le placement forcé dans des camions et des avions à destination de leur nouvelle patrie tant attendue, la Libye, l’Indonésie ou l’Éthiopie.

Si l’entreprise d’aide humanitaire a coûté la vie à des centaines de personnes, la déportation en coûtera des dizaines de milliers. Mais rien n’empêchera Israël de réaliser son projet.

Oui, il y a un plan, et il est plus diabolique qu’il n’y paraît. À un moment donné, des gens se sont assis et ont concocté ce complot. Il serait naïf de penser que tout cela s’est produit tout seul. Dans 50 ans, les procès-verbaux seront rendus publics, et nous saurons qui était pour et qui était contre ce plan. Qui a pensé à peut-être laisser un hôpital intact.

Outre les fonctionnaires et les politiciens, il y avait également des ingénieurs, des architectes, des démographes et des membres du service budgétaire. Il y avait peut-être aussi des représentants du ministère de la Santé. Nous le saurons dans 50 ans.

Pendant ce temps, le chef de l’Agence centrale pour l’émigration palestinienne, David Barnea, a mis en place une étape supplémentaire. C’est un haut fonctionnaire obéissant, qui n’a jamais causé de friction avec ses supérieurs. Cela vous dit quelque chose ? C’est le héros de la campagne d’amputations massives par talkie-walkie. Si vous l’envoyez sauver des otages, il y va. Si vous l’envoyez préparer la déportation de millions de personnes ? Pas de problème pour lui. Après tout, il ne fait qu’obéir aux ordres.

Soueïda assiégée : le nettoyage ethnique des Druzes de Syrie
Appel urgent – Juillet 2025

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Traduit par Tlaxcala

Cette déclaration est émise par une coalition d'étudiants, de chercheurs et d'activistes druzes d’Amérique du Nord (Canada, USA et Mexique).
Nous nous exprimons en tant que membres de la diaspora ayant des liens familiaux et culturels directs avec Soueïda, et nous refusons de rester silencieux face à cette campagne de nettoyage ethnique contre notre peuple. Contact

Le 15 juillet 2025, les forces du gouvernement intérimaire syrien dirigées par Ahmed al-Charaa, connu des Syriens sous le nom d’Abou Mohammad al-Jolani — ancien commandant de la branche syrienne d’Al Qaïda et ancien affilié de l’État islamique — ont lancé une offensive de grande ampleur contre la ville à majorité druze de Soueïda.

Cette opération, présentée comme une mission visant à « rétablir l’ordre » et à faire respecter « la sécurité dans la province », fut en réalité le début d’un massacre sectaire minutieusement planifié. En l’espace de quatre jours, ce qui s’est déroulé fut un nettoyage ethnique orchestré de la population druze, mené par des forces djihadistes alignées sur l’État et soutenues par les mêmes individus qui avaient déjà dirigé des escadrons de la mort sous des bannières extrémistes.

Massacres et assassinats ciblés de civils

De nombreux rapports crédibles et témoignages directs confirment que les forces gouvernementales syriennes et les milices alliées ont exécuté des civils druzes chez eux et dans les rues. L’un des épisodes les plus atroces fut le meurtre de 12 à 15 civils druzes non armés, rassemblés dans la maison d’hôtes de la famille Radwan, tués à bout portant. Dans un autre cas, six hommes druzes ont été sommairement exécutés devant chez eux.

Selon Sky News, Reuters et The Guardian, les exécutions sur le terrain furent généralisées et les victimes incluaient des femmes, des enfants et du personnel médical. Dès le premier jour du massacre, le Réseau syrien pour les droits de l’homme (SNHR) confirmait au moins 321 morts civils, dont des enfants de seulement 18 mois, tués devant leurs familles. Certains furent mutilés, violés ou décapités. Des hommes druzes furent humiliés, des religieux tournés en dérision, et des captifs forcés de renier leur foi avant d’être exécutés. Dans une vidéo authentifiée, des hommes druzes sont jetés d’un balcon puis abattus en plein vol — un crime de guerre filmé.

Alors que les premiers rapports évoquaient des centaines de morts entre le 13 et le 18 juillet 2025, le bilan réel dépasserait désormais les 1 000 victimes, et continue d’augmenter. De nombreux corps restent introuvables, enterrés dans des fosses communes ou méconnaissables du fait des destructions et du ciblage systématique des familles.

Ville coupée du monde

Le régime intérimaire syrien a coupé l’électricité, l’eau et les communications, transformant Soueïda en une prison à ciel ouvert. Le HCR et d’autres organisations humanitaires ont indiqué ne pas pouvoir accéder à la ville, bloquées qu’elles étaient par les tirs et les barrages. Les hôpitaux étaient submergés, avec plus de 200 corps entassés dans les morgues et les couloirs. L’hôpital national de Soueïda a été pris d’assaut par des combattants armés, qui y ont ouvert le feu, détruit les équipements et tué le personnel. À ce jour, seuls quelques centres de santé locaux restent fonctionnels, les principaux hôpitaux ayant été bombardés.

La nourriture s’est épuisée. Les nourrissons n’avaient plus de lait. Les magasins ont été vidés et pillés par des milices tribales alliées au régime. Des quartiers entiers ont été réduits en cendres. Au 18 juillet, on estimait entre 25 000 et 60 000 personnes déplacées, beaucoup sans abri ni vivres. Les efforts de secours ont été délibérément entravés.

Des preuves documentées

Les médias internationaux Reuters, The Guardian, Associated Press, Sky News, et le Times of Israel ont confirmé les atrocités à l’aide de reportages sur le terrain, de vidéos, et de témoignages de survivants.

Le Réseau syrien pour les droits de l’homme (SNHR) et l’Observatoire syrien des droits de l’homme (SOHR) ont tous deux qualifié cette opération de campagne de nettoyage sectaire, le SNHR la décrivant comme « l’un des massacres les plus marquants de nettoyage ethnique et religieux de l’histoire récente de la Syrie ».

Même Ahmed al-Charaa, président autoproclamé du gouvernement intérimaire syrien, a reconnu que des crimes avaient eu lieu, mais a rejeté la faute sur des “groupes hors-la-loi” non identifiés, malgré les preuves accablantes impliquant ses propres combattants, issus pour beaucoup d’anciens réseaux djihadistes et déjà connus pour leurs crimes de guerre.

Le monde ne peut détourner le regard. Nous exigeons :

● Une enquête internationale formelle sur le massacre de Soueïda et des poursuites contre les responsables, y compris Ahmed al-Charaa (Jolani) et les membres de son commandement militaire.

● Un corridor humanitaire d’urgence via la Jordanie pour acheminer nourriture, eau et soins médicaux.

● La reconnaissance immédiate par l’ONU et les instances internationales que ce qui s’est produit à Soueïda constitue des crimes contre l’humanité et un acte de nettoyage ethnique.

Les Druzes de Soueïda ont déjà été menacés de génocide — ce n’est pas la première fois que leur sang est jugé dispensable. Mais aujourd’hui, leur massacre est filmé, documenté, et indéniable.

Si la communauté internationale reste passive, elle est complice.

 Emad Hajjaj

11/07/2025

GIDEON LEVY
Les raids à domicile et les violences s’intensifient : à Al Khalil/Hébron, le transfert “volontaire ” des Palestiniens bat son plein

Alors que la guerre fait rage, les invasions des maisons palestiniennes dans la vieille ville d’Hébron/Al Khalil par les colons et les soldats israéliens deviennent de plus en plus fréquentes et violentes.

Gideon Levy  & Alex Levac (photos), Haaretz , 11/7/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Naramin al-Hadad avec ses petits-enfants. Il y a quelques semaines, des soldats sont venus chez elle, lui ont montré une photo de son fils Nasim, âgé de 7 ans, puis l’ont emmené avec eux. Ils l’ont relâché une demi-heure plus tard, terrifié.

La place du marché est déserte, comme le dit la chanson emblématique d’une autre vieille ville, celle de Jérusalem [Jerusalem of Gold - Yerushalayim shel Zahav, Naomi Shemer, 1967]. Le principal marché de Hébron est presque entièrement désert depuis des années. Pour comprendre pourquoi, il suffit de lever les yeux : suspendus aux grilles métalliques installées par les Palestiniens au-dessus des étals pour les protéger des colons, des sacs poubelles remplis d’ordures et d’excréments que ces derniers jettent sur les visiteurs.

Les maisons des colons du quartier juif d’Hébron surplombent le marché désert et jouxtent celui-ci. De l’autre côté du poste de contrôle, dans ce quartier, il ne reste plus un seul magasin ou étal palestinien. Plus loin, la partie encore ouverte du marché était également à moitié déserte cette semaine. Les produits sont abondants et les étals colorés sont ouverts, mais il y a peu de clients.

Les Palestiniens n’ont pas d’argent, dans une ville qui était autrefois le centre économique de la Cisjordanie jusqu’à ce que la guerre éclate dans la bande de Gaza. Vous voulez savoir pourquoi ? Regardez sa porte d’entrée principale. Elle a été cadenassée cette semaine. Une ville de 250 000 habitants est fermée. Quelqu’un peut-il trouver quelque chose de comparable sur la planète ?

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Des soldats israéliens surveillent l’entrée principale d’Hébron. Parfois, ils ouvrent le portail, parfois non. On ne sait jamais quand il sera déverrouillé. Lundi dernier, lorsque nous nous y sommes rendus, ils ne l’ont pas ouvert. Il existe des itinéraires alternatifs, certains sinueux et vallonnés, mais il est impossible de vivre ainsi. C’est précisément pour cette raison que le portail est fermé : parce qu’il est impossible de vivre ainsi. Il n’y a aucune autre raison que la volonté des Forces de défense israéliennes de maltraiter les habitants, ce qu’elles font de manière encore plus violente depuis le 7 octobre, afin de les pousser au désespoir – et peut-être même à la fuite. Définitivement.

En effet, peut-être qu’un petit nombre choisira finalement de partir, réalisant ainsi le rêve de certains de leurs voisins juifs. Pour sa part, l’armée israélienne coopère activement à ces plans diaboliques, travaillant main dans la main avec les colons pour parvenir au transfert de population tant souhaité. Sous le couvert de la guerre dans la bande de Gaza, les exactions se sont également multipliées et sont désormais presque totalement incontrôlées.

Cela n’est nulle part plus évident que dans la zone H2, qui est sous contrôle israélien et comprend la colonie juive de la ville, ainsi que les quartiers anciens qui l’entourent. Ici, le transfert n’est pas progressif, il est galopant. Les seuls Palestiniens encore visibles ici sont ceux qui n’ont pas les moyens de quitter cette vie infernale, sous la terreur des colons et de l’armée, dans l’un des centres de l’apartheid en Cisjordanie. On trouve ici d’anciens bâtiments en pierre, ornés d’arcades, dans un quartier qui pourrait être un trésor culturel, un site patrimonial, mais qui est abandonné, à moitié en ruine, jonché des ordures des colons et de leurs graffitis ultranationalistes haineux.



Les maisons des colons dans la vieille ville d’Hébron surplombent le marché

Après nous être garés – il y a désormais beaucoup de place dans ce marché désert – nous entrons dans une cage d’escalier étroite et sombre. À travers les fenêtres grillagées, on aperçoit des tas d’ordures ; derrière, les institutions des colons : Beit Hadassah, le centre d’études religieuses Yona Menachem Rennart et le bâtiment du Fonds Joseph Safra. Les maisons des colons sont à portée de main. Il suffit de tendre le bras.

Nous sommes dans la rue Shalalah, qui est en partie sous contrôle palestinien. Le vieux bâtiment en pierre dans lequel nous sommes entrés a été rénové ces dernières années par le Comité palestinien pour la réhabilitation d’Al Khalil, et il est impossible de ne pas admirer sa beauté, malgré les conditions déprimantes qui l’entourent. Situé à quelques dizaines de mètres du poste de contrôle menant au quartier juif, il s’agit d’une structure étroite de trois étages qui abrite cinq familles. La famille élargie Abou Haya – parents, enfants et petits-enfants, dont 15 jeunes et tout-petits – reste ici en raison du loyer modique.

Après avoir croisé une foule d’enfants, nous montons au troisième étage, dans l’appartement de Mahmoud Abou Haya et de sa femme, Naramin al-Hadad. Mahmoud a 46 ans, Naramin 42, et ils ont cinq enfants, dont certains ont déjà fondé leur propre famille. Naramin avait 15 ans lorsqu’elle s’est mariée, raconte-t-elle avec le sourire.

Le père de famille, qui travaillait autrefois dans le bâtiment à Ashkelon, est au chômage depuis le début de la guerre, le 7 octobre 2023. Naramin cuisine à la maison et vend ses plats aux habitants du quartier. C’est actuellement la seule source de revenus de la famille. Avant la guerre, elle était également bénévole au sein de l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem. Avec une caméra fournie par l’ONG dans le cadre de son projet « Camera Project », elle documentait ce qui se passait dans la région. Mais Naramin n’ose plus participer au projet. Il est beaucoup trop dangereux d’avoir une caméra ici. La dernière fois qu’elle l’a utilisée, la seule fois depuis le début de la guerre, c’était il y a environ cinq mois, lorsqu’elle a filmé un incendie allumé par des colons sur le toit du marché. Il y a environ un mois et demi, des soldats sont venus à l’appartement, ont montré à Naramin une photo de son fils Nasim, âgé de 7 ans, puis sont repartis avec lui. Ils l’ont relâché, terrifié, environ une demi-heure plus tard.

Les raids nocturnes contre les habitations palestiniennes se sont multipliés au cours des 21 derniers mois. D’une fréquence moyenne d’une fois par mois, l’armée fait désormais irruption dans leurs maisons au moins une fois par semaine, selon Naramin, presque toujours au cœur de la nuit.

Aucun Israélien ne connaît une réalité dans laquelle, pendant des années, à tout moment, il ou elle se réveille en sursaut à la vue et au bruit de dizaines de soldats armés et masqués qui envahissent son domicile, parfois accompagnés de chiens, puis poussent tous les occupants hébétés, y compris les enfants terrifiés, dans une seule pièce. Dans certains cas, les envahisseurs procèdent à des passages à tabac et à des fouilles violentes des lieux, laissant derrière eux une traînée de destruction ; dans tous les cas, ils profèrent des insultes et des humiliations.

Dans le passé, ces incursions semblaient avoir un objectif précis : l’arrestation d’un suspect, la recherche de matériel de combat. Mais depuis le début de la guerre, on a l’impression que ces raids ont pour seul but de semer la peur et la panique, et d’empoisonner la vie des Palestiniens. Ils ne semblent avoir aucune autre raison d’être.



Maher Abou Haya sur la terrasse de sa maison, avec Beit Hadassah en arrière-plan, cette semaine. Des caméras de sécurité l’ont filmé se tenant dans la rue, lorsque soudainement des soldats sont apparus et ont fait irruption dans la maison.

Le dernier incident impliquant la famille Abou Haya s’est produit il y a une semaine. Jeudi dernier, aux premières heures du jour, Maher, le fils de Naramin, âgé de 24 ans, marié à Aisha, 18 ans, et père de deux jeunes enfants, a quitté le domicile familial, mais est revenu après avoir vu des soldats s’approcher de la porte d’entrée.

Les caméras de sécurité installées par la famille à l’entrée montrent Maher debout innocemment dans la rue et les soldats apparaissant soudainement. Ils lui ont ordonné de les faire entrer et de les guider à travers le bâtiment. Maher les a conduits à l’autre entrée, qui mène à l’appartement de son frère, Maharan, 23 ans, marié et père d’un bébé de 6 semaines, afin de ne pas réveiller tous les autres enfants du bâtiment, qui sont nombreux.

Mais Maher a reçu l’ordre de réveiller tout le monde et de rassembler tous les occupants de chaque étage dans une seule pièce. Les soldats n’ont donné aucune explication sur les raisons de cette opération. Maharan venait juste d’essayer d’endormir sa petite fille lorsque les soldats ont fait irruption. Maher a frappé à la porte de l’appartement de ses parents et les a réveillés. Son oncle, Hamed, 35 ans, a été tiré hors du lit ; bien qu’on ait expliqué aux soldats qu’il se remettait d’une opération du dos, il a été saisi à la gorge et traîné hors de son appartement.

Les trois familles du troisième étage étaient regroupées dans le petit salon où nous avons été reçus cette semaine. Naramin se souvient qu’elle s’inquiétait de ce qui se passait aux étages inférieurs. Ils entendaient Maher crier, comme s’il était en train d’être battu.



La maison de la famille après le départ des soldats. Photo de la famille.

Un soldat a déchiré le rideau à l’entrée du salon de Naramin, puis ses camarades ont brisé les objets en verre dans le buffet. Sans raison. Les enfants se sont mis à pleurer. Naramin a voulu ouvrir une fenêtre, car on étouffait à l’intérieur, mais un soldat, plus jeune que la plupart de ses fils, l’en a empêchée.

Le lendemain, Manal al-Ja’bri, chercheuse de terrain pour B’Tselem, a recueilli le témoignage de la femme de Maharan. Elle a raconté que son bébé pleurait et qu’elle voulait l’allaiter, mais que les soldats l’en empêchaient. Les demandes d’eau ont également été refusées.

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Au bout d’environ une heure, les soldats ont ordonné à Naramin et aux autres membres de sa famille de se rendre dans un autre appartement du même immeuble. Le sol était jonché d’éclats de verre et elle avait peur pour ses enfants qui étaient pieds nus. Elle a ensuite entendu des bruits de vaisselle qu’on brisait dans son appartement. Les soldats ont également jeté le ventilateur par terre et l’ont cassé.

Ja’bri affirme avoir déjà recensé une dizaine de cas similaires de destruction gratuite dans la même zone, peuplée de Palestiniens défavorisés sur le plan économique.

Quel était l’objectif du raid de la semaine dernière ? Voici la réponse donnée cette semaine par le porte-parole de l’armée israélienne : « Le 2 juillet 2025, l’armée israélienne a mené une opération dans la ville de Hébron, qui est [sous la supervision de] la brigade de Judée, à la suite d’informations fournies par les services de renseignement. L’opération s’est déroulée sans incident particulier et nous n’avons pas connaissance d’allégations de destruction de biens. »



Le marché fermé d’Hébron. Les Palestiniens qui y restent n’ont pas les moyens de quitter cette vie infernale, dans l’un des centres de l’apartheid de Cisjordanie.

Vers 2 heures du matin, le silence s’est abattu sur l’immeuble. Naramin a osé jeter un œil dehors pour voir si les soldats étaient partis ; ils étaient partis sans prévenir les occupants. Qui s’en souciait ? Les Palestiniens pouvaient rester où ils étaient jusqu’au matin. Maher était couvert de bleus, mais il n’a pas voulu dire à sa mère ce que les soldats lui avaient fait. Les trois voitures de la famille avaient été forcées ; les clés ont été retrouvées dans la benne à ordures.

Alors qu’on nous servait le café, la famille a découvert que le verre qui recouvrait la table était également fissuré. Ont-ils l’intention de partir ? Naramrin bondit comme si elle avait été mordue par un serpent et répond par un « Non » court et définitif.

La semaine dernière, quatre familles ont quitté le quartier voisin de Tel Rumeida. Elles n’en pouvaient plus. Au total, Ja’bri, la chercheuse, estime qu’au moins dix familles ont quitté le quartier depuis le début de la guerre. La semaine dernière, selon les habitants, il n’y avait apparemment aucun problème de sécurité sur lequel enquêter, et à Tel Rumeida – où les Palestiniens ne sont autorisés à entrer avec aucun type de véhicule, pas même une ambulance – un véhicule commercial a été autorisé à entrer afin d’évacuer les biens des familles qui sont parties. Certaines fins justifient apparemment tous les moyens.

Nous sommes ensuite montés sur la terrasse pour admirer la vue. Des bâtiments anciens en pierre étaient construits à flanc de colline. Mais la terrasse était étouffée de toutes parts par les constructions des colons.

29/03/2025

GIDEON LEVY
Adieu Jénine, symbole de la lutte contre l’occupation israélienne
23 ans plus tard, la “solution finale”

Le “travail” d'anéantissement du camp de réfugiés de Jénine, entamé en 2002, semble désormais avoir été mené à son terme. Ci-dessous 2 articles, le premier sur la situation actuelle, le second sur la destruction de 2002.-FG

Gideon Levy, Haaretz, 26/3/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Le camp de réfugiés de Jénine est détruit et ses 21 000 résidents ont été expulsés par les forces de défense israéliennes. Quatre cents maisons de plus sont inhabitables. Les bulldozers de démolition poursuivent leur travail de destruction alors que le camp est déjà devenu le “nounours” promis par le conducteur de bulldozer des FDI, “Kurdi Doubi” [“nounours kurde”, voir article suivant, NdT], qui s’est vanté de ses actions.


Jénine martyre, par Ahmad Qaddura    

C’était en 2002. En 2025, le camp de Jénine est encore plus fantôme qu’à l’époque ; ses maisons et ses rues ne sont plus qu’un amas de ruines traversées par les eaux usées.

Plus personne ne vit dans le camp de Jénine. Les FDI tirent sur tout ce qui bouge et personne n’ose s’approcher des champs de bataille. Le camp est mort et ses habitants en ont été exilés à jamais. L’armée a annoncé qu’elle n’autoriserait pas la reconstruction des maisons et des routes. 

Pour de nombreux Israéliens, il s’agit d’une bonne nouvelle. Beaucoup d’autres, probablement la majorité, hausseront les épaules. Depuis des années, ils nous disent que le camp de Jénine est un “nid de vipères”. Vous pouvez vous réjouir de la destruction de ce nid [si vous voulez]. Mais la destruction de ce camp est un crime de guerre particulièrement odieux. Ceux qui connaissent le camp, et ses habitants en particulier, ne peuvent que pleurer cette semaine.

Il serait utile de prendre un moment pour examiner le récit des FDI, tel qu’il a été diffusé cette semaine par ses porte-parole, ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans un camp, sauf à l’intérieur de l’un des véhicules blindés de l’armée.

La destruction du camp visait à « assurer la liberté d’action de l’armée », expliquent les journalistes : « L’opération se concentre désormais sur les aspects liés à l’infrastructure et à l’ingénierie ». « Les terroristes [ !] ont construit le camp de manière dense et ont rétréci les routes de manière à ce que seuls de petits véhicules puissent y circuler » et « les maisons qui ont été détruites étaient le minimum nécessaire ». 

Le minimum de Tsahal est le plus grand au monde. Ce ne sont pas des “terroristes” qui ont construit le camp, mais les Émirats arabes unis, qui ont contribué à sa reconstruction après sa destruction en 2002. Ironiquement, les planificateurs ont veillé à ce que les rues soient aussi larges qu’un char d’assaut, de sorte que la prochaine fois que l’armée de destruction envahirait le camp, les chars ne détruiraient pas tout sur leur passage. Et quels mots raffinés et diaboliques que « les aspects d’infrastructure et d’ingénierie » pour justifier la destruction totale.

Jénine était un camp combattant, un symbole de la lutte contre l’occupation. Ces dernières années, de nombreux hommes armés ont été aperçus dans ses rues - il était impossible de ne pas les rencontrer. Il s’agissait de jeunes gens très motivés. Ils travaillaient dans des laboratoires de fortune à l’assemblage d’explosifs destinés à empêcher les incursions des FDI dans le camp, comme en 2002.

Le camp de Jénine n’a jamais cédé à l’occupation. S’il s’était agi d’une lutte pour la liberté ailleurs, le camp serait devenu légendaire. Des films avec de jeunes héros auraient été tournés à ce sujet.

Aussi difficile à croire que cela puisse paraître, le camp était un lieu de vie ordinaire. Il disposait d’un magnifique théâtre qui présentait des productions pour les enfants et les adultes. Il y avait une vie sociale et culturelle, autant que cela est possible dans la dure réalité d’un camp de réfugiés. Lors des mariages pauvres, généralement célébrés dans la rue, les invités jetaient des pièces de monnaie dans un sac, sans que personne ne connaisse le montant du cadeau offert au jeune couple, afin de ne gêner personne. Il y avait un esprit de solidarité.

Tous ses habitants étaient des réfugiés et des enfants de réfugiés qu’Israël avait expulsés de leur terre en 1948. Les habitants vivaient pour un passé longtemps désiré. Une société enracinée dans son passé et ses souffrances, comme la société israélienne, devrait pouvoir l’apprécier. Lorsque nous venons détruire leur camp pour la deuxième fois en 25 ans, 77 ans après avoir été expulsés de leur terre, comment peut-on s’attendre à ce qu’ils ignorent l’histoire.

Le camp de Jénine est un camp pilote. Les camps de Nur al-Shams et de Toulkarem sont les suivants. L’armée a des projets pour les 18 camps. Lorsque l’on ferme un zoo, on s’assure de mettre les animaux en lieu sûr. Lorsque vous fermez un camp de réfugiés, ses habitants sont jetés sans défense sur le bord de la route - pour la deuxième ou la troisième fois de leur vie. C’est ainsi que nous résoudrons le problème des réfugiés : nous les transformerons en réfugiés désespérés.

L’opération “Bouclier défensif” à Jénine, 20 ans après

Du 3 au 17 avril 2002 environ, les forces militaires israéliennes avaient pris d’assaut le camp de réfugiés de Jénine, tuant plus de 50 Palestiniens et faisant 13 000 sans-abri. Jennifer Loewenstein se souvient de sa visite du camp et de l’indifférence des médias face à cette attaque.

Jennifer Loewenstein, Mondoweiss, 7/4/2022
Photos de l’auteure
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Jennifer Loewenstein est une militante indépendante des droits humains de Madison (Wisconsin), journaliste indépendante, cofondatrice du Madison-Rafah Sister City Project, directrice associée des études sur le Moyen-Orient et maître de conférences (à la retraite) à l’université du Wisconsin-Madison. Ses grands-parents étaient originaires de Mariupol en Ukraine. Elle a passé une partie de son enfance et de sa jeunesse en Palestine/Israël. Elle a été étiquetée comme « self-hating Jew » [Juive pratiquant la haine de soi] par d’éminents sionoihilistes comme David Horowitz, qui l’a même qualifiée de « cinquième colonne occidentale de la barbarie islamiste ».

 Une famille sur les décombres de sa maison dans le camp de réfugiés de Jénine, avril 2002

Fin mars 2002, alors que la seconde Intifada faisait rage, les forces de défense israéliennes (FDI) ont lancé l’opération Bouclier défensif contre des villes et des villages de la Cisjordanie occupée. Bouclier défensif a été la plus grande opération militaire dans le territoire depuis 1967, les forces militaires israéliennes envahissant Ramallah, Toulkarem, Qalqilya, Naplouse, Bethléem et Jénine. L’opération aurait été une réponse directe à l’attentat suicide du 27 mars au Park Hotel de Netanya, qui avait tué 30 vacanciers et qui est également connu sous le nom de “massacre de la Pâque”.

L’objectif de “Bouclier défensif” était de réaffirmer le contrôle israélien sur les principaux centres de population de Cisjordanie [1]. [Les plans de l’opération avaient été élaborés en 1996 dans le cadre de l’opération “Champ d’épines”, par le chef d’état-major de l’époque, Moshe Ya’alon. Ce plan avait été élaboré en réponse à trois jours d’affrontements violents qui avaient débuté le 24 septembre 1996 après l’ouverture par Israël d’un tunnel touristique reliant le Mur occidental, le site le plus sacré du judaïsme, à la Via Dolorosa (où, selon la tradition chrétienne, Jésus aurait marché sur le chemin de la crucifixion) et passant par plusieurs lieux saints islamiques [2]. 25 soldats israéliens et près de 100 Palestiniens ont trouvé la mort au cours des violences qui ont suivi. Plus de 1 000 Palestiniens ont été blessés à Jérusalem-Est et à Gaza, où la violence s’est propagée [3]. 

L’objectif de l’opération Champ d’épines était de développer une stratégie militaire claire pour reprendre la Cisjordanie, écraser la résistance palestinienne et transférer les Palestiniens hors du territoire, ou “zones sensibles”. L’opération “Bouclier défensif” était moins radicale que  “Champ d’épines”, mais elle partageait des objectifs similaires et n’était pas moins violente dans sa mise en œuvre[4]. 

Du 3 au 17 avril 2002 environ, les forces militaires israéliennes ont pris d’assaut le camp de réfugiés de Jénine pour y poursuivre des “terroristes”. (la date du retrait des FDI du camp varie selon les sources). En réalité, la démolition du camp a été un acte de punition collective qui a duré au moins deux semaines. Jénine a été ciblée, dans ce cas, apparemment parce qu’elle abritait l’homme responsable de l’attentat suicide de Netanya. Jénine était un “foyer de terrorisme”, a déclaré le Premier ministre israélien, Ariel Sharon. Cela n’explique pas pourquoi les autres villes palestiniennes ont été visées par l’opération, ni pourquoi tout un camp de réfugiés a dû en payer le prix.

Les forces des FDI, dont 150 chars, des véhicules blindés de transport de troupes, des hélicoptères Apache et des avions de chasse F-16, ainsi que deux bataillons d’infanterie régulière, des équipes de commando et 12 bulldozers blindés D9, ont pilonné le camp dans une guerre urbaine dense au cours d’une campagne qui a fait au moins 52 morts et de nombreux blessés parmi les Palestiniens (52 est le chiffre officiel ; beaucoup affirment que le nombre de morts était plus élevé)[5]. Vingt-trois soldats israéliens ont également trouvé la mort. Selon Human Rights Watch, 22 des 52 morts palestiniens étaient des civils [6]. [Aujourd’hui encore, les avis sont partagés sur la question de savoir si la bataille de Jénine doit être qualifiée de massacre ou non, et si elle correspond à la définition du dictionnaire, à savoir « un acte ou un cas de meurtre d’un grand nombre d’êtres humains, sans distinction et avec cruauté ». Amnesty International a rédigé un rapport détaillé sur l’opération “Bouclier défensif” dans lequel on peut lire ce qui suit :

Pendant les combats, les résidents palestiniens, les journalistes palestiniens et étrangers et d’autres personnes se trouvant à l’extérieur du camp ont vu des centaines de missiles tirés sur les maisons du camp par des hélicoptères Apache qui effectuaient des sorties successives. La puissance de feu déployée sur le camp de réfugiés de Jénine a conduit les témoins des raids aériens, y compris les experts militaires et les médias, à penser que des dizaines de Palestiniens, au moins, avaient été tués. Le cordon serré autour du camp de réfugiés et de l’hôpital principal du 4 au 17 avril signifiait que le monde extérieur n’avait aucun moyen de savoir ce qui se passait à l’intérieur du camp ;... [7]

Dans son rapport, Amnesty fait également état d’homicides illégaux, de l’utilisation de Palestiniens comme boucliers humains, de tortures et de traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux détenus, d’un manque d’accès à la nourriture et à l’eau, d’un blocage de l’assistance médicale et humanitaire et de la destruction massive de biens et d’infrastructures civiles [8]. 

Au printemps 2002, j’ai vécu et travaillé dans la ville de Gaza. Les Palestiniens de la bande de Gaza n’étant pas autorisés à se rendre en Cisjordanie, le Centre Mezan pour les droits de l’homme (où je travaillais) m’a envoyée faire un reportage dans le camp de réfugiés de Jénine. Je suis arrivé le 18 avril et ce qui suit est un compte-rendu de ce que j’ai vu. Il est tiré d’articles que j’ai écrits à l’époque, d’un journal que j’ai tenu sur les événements, de mes souvenirs recoupés avec des faits, et des innombrables photos que j’ai prises, dont certaines ont fait partie d’une exposition.

Un groupe d’observateurs entre dans le camp de réfugiés de Jénine par le côté sud, avril 2002

Au début, je ne savais pas si j’étais au bon endroit. J’avais devant moi un paysage de ruines. Je me souviens avoir demandé à un vieil homme où se trouvait le camp. Il m’a regardé, a fait un geste vers les ruines et a dit : « al-mukhayim » (« le camp »). C’est alors que j’ai réalisé à quel point la destruction avait été dévastatrice. J’ai erré d’un tas de débris à l’autre, souvent sans même savoir ce que je voyais. Le sol était boueux et des personnes, y compris des femmes et des enfants, essayaient de récupérer des biens personnels, de dégager des chemins autour des bâtiments effondrés pour les équipes médicales d’urgence et de retrouver les morts.

L’odeur de la mort imprégnait le camp. J’avais entendu des gens parler de « l’odeur terrible de la mort », mais je n’en avais jamais fait l’expérience jusqu’alors. Lorsque je l’ai ressentie, j’ai su presque instinctivement ce que c’était. Dans les ruines de la maison de quelqu’un, j’ai vu la semelle d’une chaussure dépasser d’un tas de terre. Autour de moi, les gens se couvraient le nez et la bouche avec des morceaux de tissu pour ne pas avoir de haut-le-cœur à cause de l’odeur. C’est alors que j’ai réalisé que la chaussure était attachée à un pied, et le pied à une personne. Pour rester à l’écart, j’ai quitté la zone et j’ai marché jusqu’à ce que je sache maintenant que c’était l’entrée du camp, là où se trouvait l’hôpital. J’ai traversé les couloirs, pour la plupart vides, jusqu’à ce que j’arrive à l’entrée arrière. Dehors, il y avait beaucoup d’agitation.

 Deux filles assises devant leur maison détruite

Je me suis éloignée de la foule et j’ai grimpé sur une corniche surplombant la zone située à l’arrière de l’hôpital. Là, les morts étaient enveloppés dans des draps blancs et gisaient sur le sol en plein soleil. Des ouvriers ont empilé certains corps à l’arrière d’une camionnette, laissant les autres alignés les uns à côté des autres, leurs noms griffonnés au marqueur noir sur les draps, pour que les vivants puissent les identifier. Un jeune homme s’est agenouillé devant l’un des corps, plongé dans ses pensées, ses prières ou son chagrin. Derrière les rangées exposées à la lumière du soleil, des hommes creusaient une tombe où ont été enterrés ceux qui sont morts pendant le siège. La fosse avait été creusée à la hâte pour que les corps des morts ne propagent pas de maladies. Maintenant, ils étaient déterrés, débarrassés de la terre et alignés avec les autres. Ils seraient eux aussi chargés dans le camion et emmenés pour un enterrement en bonne et due forme.

Une vieille femme se tenait au centre de cette agitation et criait aux journalistes d’arrêter de prendre des photos. Les journalistes l’ignoraient et prenaient quand même des photos : le besoin de prouver ce qui s’est passé l’emporte sur la nécessité de préserver la dignité des morts. Deux hommes portant une civière de fortune ont apporté un autre corps du camp. Je n’ai pas compté combien de corps il y avait. À l’époque, il ne m’était pas venu à l’esprit que le nombre de personnes tuées ferait l’objet d’une telle controverse.


La “maison béante” dont les fenêtres et les portes ont été soufflées

Plus tôt, ce jour-là, après la fin du siège, j’avais fait la queue avec des reporters étrangers qui attendaient l’autorisation de l’armée pour entrer dans le camp et documenter l’après-blitz. Nous avons emprunté un chemin serpentant depuis un village voisin. J’ai compris que nous avions emprunté ce chemin pour éviter les tirs des soldats qui étaient restés en arrière, mais les soldats ont quand même tiré - au-dessus de nos têtes. Sans se décourager, ce cortège d’étrangers s’est quand même déplacé : Des Européens de l’Est, un photographe grec, deux Italiens, des Libanais, un Russe et quelques autres. Seuls un autre USAméricain, un étudiant du Midwest et un volontaire d’une ONG britannique sont entrés avec nous.

C’était la première fois que des civils, des journalistes et des photographes - à l’exception de quelques-uns qui avaient risqué leur vie pour entrer plus tôt - étaient autorisés à entrer. Les auteurs n’avaient pas souhaité être filmés avec leurs bulldozers, leurs fusils et leurs bombes, leurs hélicoptères de combat, leurs missiles, leur utilisation de boucliers humains, les explosifs qu’ils utilisaient pour faire sauter des bâtiments et des maisons familiales, dont l’une avec un homme paralysé dans un fauteuil roulant encore à l’intérieur [9]. [De toute évidence, ils ne voulaient pas que les étrangers sachent que l’électricité, l’eau, la nourriture et les fournitures médicales avaient été coupées, que personne n’était autorisé à entrer ou à sortir. Ils ne voulaient pas que les observateurs voient comment les soldats brûlaient les photos de famille, comment ils urinaient et déféquaient dans les casseroles, plantaient des épingles dans les jouets des enfants et les déchiraient, tiraient des missiles dans les salons, tailladaient les vêtements des femmes et jetaient les réserves de nourriture sur le sol des cuisines, comment ils abîmaient les meubles et brisaient les tasses, les assiettes, les bols, les verres, les vases, les cadres, les télévisions et les radios sur le sol. Dans le couloir d’une école située à l’arrière du camp, quelqu’un avait pris soin, avec un cutter, d’arracher les yeux de chacun des enfants peints sur une fresque murale. Une fois l’opération terminée, certains ont ri ou se sont vantés de la destruction à outrance [10] Dans une interview désormais tristement célèbre, un soldat surnommé Kurdi Doubi* (Moshe Nissim), s’est souvenu de l’époque où il conduisait un bulldozer blindé dans le camp. Avec une bouteille de whisky calée sur son tableau de bord, Kurdi Doubi a passé trois jours d’affilée à démolir ce qu’il pouvait du camp.

Pendant trois jours, j’ai détruit et détruit. Toute la zone. Toutes les maisons d’où ils tiraient s’écroulaient. Et pour les faire tomber, j’en ai détruit d’autres. Les gens étaient prévenus par haut-parleur de sortir de la maison avant que j’arrive (sic), mais je n’ai laissé aucune chance à qui que ce soit. ... Je fonçais sur la maison à pleine puissance, pour la faire tomber aussi vite que possible. D’autres se sont peut-être retenus, c’est du moins ce qu’ils disent. De qui se moque-t-on ? ... Je me moquais des Palestiniens, mais je ne ruinais pas sans raison. C’était sur ordre. De nombreuses personnes se trouvaient à l’intérieur des maisons que nous voulions démolir. ...] Je n’ai pas vu, de mes propres yeux, des gens mourir sous la lame du D-9. Et je n’ai pas vu de maisons s’effondrer sur des personnes vivantes. Mais s’il y en avait, je m’en ficherais complètement. ...] J’ai vraiment aimé ça. Je me souviens avoir abattu le mur d’un immeuble de quatre étages. Nous nous attaquions aux côtés des bâtiments, puis au bélier. Si le travail était trop difficile, nous demandions un obus de char d’assaut. ... Le dimanche... après la fin des combats, nous avons reçu l’ordre de retirer nos D-9 de la zone et d’arrêter de travailler sur notre "stade de football", parce que l’armée ne voulait pas que les caméras et la presse nous voient travailler.

Une fois le travail terminé, les soldats responsables se sont retirés à l’extérieur du camp pour se reposer. Certains étaient assis sur leurs chars et parlaient entre eux ; d’autres se promenaient, fusils en bandoulière. D’autres se détendaient sur l’herbe en regardant le défilé de voitures et de camions qui entraient et sortaient. Un groupe de soldats était assis sur un banc et mangeait des glaces.


 Le camp de réfugiés de Jénine après l’assaut, avril 2002

Après la catastrophe, il n’y avait toujours pas d’eau, d’électricité ou de nourriture disponible pour les habitants, car il n’y avait plus de camp. Il avait été rasé, détruit au point d’être méconnaissable. Quelques maisons vides, dont les fenêtres et les portes ont été noircies et soufflées, sont restées vides, comme en état de choc. Plus de treize mille personnes ont fui le camp, terrorisées, et sont devenues les réfugiés des réfugiés. Des maris, des pères, des fils et des frères ont disparu, laissant derrière eux des membres de leur famille qui ne savaient pas comment les retrouver. À la fin de cette première journée, juste avant le crépuscule, une cabane en bois située à l’extrémité du camp a explosé et s’est embrasée.

Il n’y a jamais eu d’appel à l’envoi d’équipements et d’armes pour aider la résistance, ni de reconnaissance du fait qu’il s’agissait d’une résistance. Il n’y a pas eu de reconnaissance générale du caractère disproportionné des forces engagées pour l’attaque ou de leurs violations du droit international. Le secrétaire d’État usaméricain Colin Powell a mis près d’une semaine à arriver en Israël, affirmant que sa mission de médiation en vue d’un cessez-le-feu n’était « pas le moins du monde menacée » alors que la bataille de Jénine se poursuivait. Dans une déclaration commune du « Quartet » du Moyen-Orient (Colin Powell, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, le responsable politique de l’Union européenne Javier Solana et le ministre russe des affaires étrangères Igor Ivanov), le Premier ministre israélien Sharon a été invité à « se retirer des zones palestiniennes » et le dirigeant palestinien, Yasser Arafat, a été invité à « mettre un frein au terrorisme ». « Le terrorisme, y compris les attentats suicides, est illégal et immoral », indiquait la déclaration. Israël « doit se conformer pleinement aux principes humanitaires internationaux [et] ...permettre un accès total et sans entrave aux organisations et aux services humanitaires »[11]. La déclaration a, bien entendu, été ignorée.

 Décombres du camp de réfugiés de Jénine, avril 2002

Ariel Sharon insista sur le fait que ce serait une “erreur tragique” pour Powell de rencontrer Yasser Arafat et affirma que l’“opération” était en “légitime défense”, bien qu’à l’intérieur du camp, un combattant palestinien eût informé par téléphone un chef de la résistance qu’ils étaient à court de munitions. [12]

« J’espère que notre grand ami les USA comprendra qu’il s’agit pour nous d’une guerre de survie... c’est notre droit de défendre nos citoyens et aucune pression ne devrait être exercée sur nous pour que nous ne le fassions pas », a déclaré Sharon aux journalistes alors qu’il visitait un poste de commandement de l’armée surplombant le camp de réfugiés de Jénine, où les troupes israéliennes ont affronté des Palestiniens armés cette semaine. [13]

Les USA ont annoncé qu’ils opposeraient leur veto à toute résolution du Conseil de sécurité condamnant les actions d’Israël.

Après le siège, il n’y a pas eu de Lester Holt ou d’Anderson Cooper [présentateurs de télé stars, le premier sur NBC, le second sur CNN, NdT] à Jénine pour raconter au monde ce qui s’était passé, interviewer les survivants qui avaient tout perdu dans les combats, filmer leurs larmes, recueillir leurs témoignages de première main avec une équipe de tournage et des traducteurs. Il n’y a pas eu d’images de mères portant leurs bébés ou de vieilles femmes pleurant parce qu’elles avaient perdu leurs fils, leurs maisons, leurs voisins ; CNN, MSNBC, ABC et les autres géants des médias usaméricains n’ont pas filmé des personnes retranchées dans des bunkers souterrains pour se mettre à l’abri (bien qu’en fait il n’y ait pas eu de bunkers ou d’abris de quelque sorte que ce soit). Aucun analyste militaire n’a été invité à s’exprimer à la télévision, ni aucun ministre des affaires étrangères n’a promis l’hospitalité si les réfugiés se réfugiaient dans son pays ; aucune promesse n’a été faite qu’ils seraient accueillis « à bras ouverts, sans poser de questions ». Il n’y a pas eu d’experts politiques pour évaluer les circonstances ou deviner ce qui allait se passer.

Les journalistes occidentaux n’ont pas enregistré de témoignages d’hommes qui étaient restés sur place pour se battre parce que c’était leur terre. Les organisations humanitaires n’ont pas pu envoyer de colis d’aide humanitaire dans le camp pour aider les habitants à survivre en état de siège. Il n’y a pas eu de promenades dans l’hôpital pour filmer des personnes avec des blessures causées par des éclats d’obus ou des bandages autour de la tête et des membres ; pas d’images de bâtiments bombardés et rasés et pas de commentateurs retenant leurs larmes. Il n’y a pas eu d’images d’enfants s’accrochant aux basques de leurs mères ou de personnes emportant leurs animaux de compagnie bien-aimés pour les mettre à l’abri.

Au contraire, il y a eu solidarité avec les Israéliens. Cette absurdité radicale a prévalu lorsque les conglomérats médiatiques ont débarqué à Jérusalem et à Tel-Aviv pour serrer la main des auteurs des attentats, jurant leur solidarité avec les occupants et garantissant davantage d’aide militaire. Imaginez ces mêmes acteurs débarquant à Moscou pour un récapitulatif des événements. Les habitants de Jénine ont été ignorés. Lorsque j’ai finalement quitté la ville dans l’après-midi du 20 avril 2002, je me souviens d’avoir jeté un coup d’œil en arrière sur les piles de décombres. Sur un amas de béton brisé, quelqu’un avait planté le drapeau noir du Djihad islamique.

Jénine a été oubliée. C’était il y a 20 ans. Pourquoi s’en souvenir, alors que des opérations bien plus horribles se sont déroulées depuis en Palestine, en particulier à Gaza : Opération Plomb durci, Opération Pluies d’été, Opération Nuages d’automne, Opération Hiver chaud, Opération Pilier de défense, Opération Bordure protectrice, Opération Gardien des murs (il y a tout juste un an, en mai 2021) - pour n’en citer que quelques-unes. Il est devenu plus difficile, voire impossible, pour les médias d’y pénétrer et, le 15 mai 2021, une frappe aérienne israélienne a abattu la tour Jala’a, qui abritait un certain nombre d’agences de presse étrangères, dont Associated Press et Al-Jazira, sous prétexte qu’elle abritait une station de brouillage du Hamas, ce qui n’a pas été prouvé. Il était donc pratiquement impossible pour les médias de la bande de Gaza d’atteindre le monde extérieur. Après la frappe, les forces militaires israéliennes ont soumis un rapport édité au secrétaire d’État usaméricain Tony Blinken, qui a déclaré que la frappe avait été "nécessaire"[14].

Alors que les scènes de la guerre en Ukraine envahissent les salons à travers le pays [les USA] et que la mort, la destruction et la souffrance humaine sont décriées d’un océan à l’autre, les guerres et batailles oubliées d’autres peuples demandent à être reconnues pour les souffrances, les morts et les déplacements qu’elles ont provoqués. De nombreux anniversaires de ce type passent inaperçus, sauf pour ceux qui les ont vécus, hantés par des images délibérément enfouies et niées. L’indignation face à l’hypocrisie des nations occidentales qui saluent l’Ukraine, illuminent leurs villes du bleu et du jaune du drapeau ukrainien et placardent des photos du président ukrainien Volodymyr Zelensky, entre autres, serait atténuée par la reconnaissance des crimes commis par les USA et ceux soutenus par eux.

La commémoration de ces événements est donc devenue d’autant plus nécessaire : comme dans de nombreux cas, la résistance commence par la mémoire. Le souvenir provoque souvent l’action et peut mobiliser le mécontentement populaire. Si les médias échouent en raison de leur soumission à l’État, il incombe aux citoyens de rectifier les faits, de surveiller et de contrôler les centres de pouvoir.

Jénine n’est qu’un symbole des batailles oubliées. L’Ukraine nous a rappelé à quel point les médias peuvent être convaincants, même lorsqu’ils sont utilisés pour des raisons discutables, et comment les États et les autres acteurs devraient (ou pourraient) répondre aux crises humaines. Se souvenir de Jénine, ou de tout autre crime oublié, est un acte de résistance, une confrontation avec notre passé et une demande de changement du présent. C’est un premier pas vers l’action populaire et l’espoir pour l’avenir.

NdT

*Kurdi Doubi : un Israélien d’origine kurde; Doubi, nounours en hébreu, est le surnom donné par les militaires israéliens au énormes bulldozers Caterpillar D-9 utilisés pour niveler au sol des bâtiments.

Notes de l’auteure

  1. https://www.jewishvirtuallibrary.org/operation-defensive-shield
  2. https://electronicintifada.net/content/they-cant-distinguish-forest-trees/4366 (Field of Thorns) and https://www.csmonitor.com/1996/0930/093096.intl.intl.1.html
  3. https://www.latimes.com/archives/la-xpm-1996-09-25-mn-47381-story.html
  4. Between The Lines
  5. https://reliefweb.int/report/israel/israeli-forces-commit-massacre-jenin-refugee-camp
  6. https://www.hrw.org/news/2002/05/02/israel/occupied-territories-jenin-war-crimes-investigation-neededhttps://www.hrw.org/reports/2002/israel3/
  7. https://www.amnesty.org/en/wp-content/uploads/2021/10/mde151432002en.pdf
  8. https://www.amnesty.org/en/wp-content/uploads/2021/10/mde151432002en.pdf
  9. https://www.hrw.org/news/2002/05/02/israel/occupied-territories-jenin-war-crimes-investigation-needed# & https://www.hrw.org/reports/2002/israel3/
  10. http://www.hartford-hwp.com/archives/51a/041.html
  11. https://www.wsj.com/articles/SB1018466560712917120
  12. https://www.wsj.com/articles/SB1018466560712917120
  13. https://www.wsj.com/articles/SB1018466560712917120
  14. https://www.middleeasteye.net/news/israel-gaza-media-tower-bombing-edited-intelligence-handed-us-justify