La liste des noms partiels a été fournie dans le but de se conformer à un décret présidentiel visant à réduire la main-d’œuvre fédérale.
David E. Sanger et Julian E. Barnes, The New York Times, 5/2/2025
Traduit par Tlaxcala
La C.I.A. a envoyé un courriel
non classifié énumérant tous les employés embauchés par l’agence d’espionnage
au cours des deux dernières années pour se conformer à un décret du président
Trump visant à réduire la main-d’œuvre fédérale, dans une démarche qui, selon d’anciens
fonctionnaires, risquait de divulguer la liste à des adversaires.
La liste comprenait les prénoms
et l’initiale du nom de famille des nouvelles recrues, qui sont encore en
période d’essai - et donc faciles à licencier. Elle comprenait un grand nombre
de jeunes analystes et agents qui ont été embauchés spécifiquement pour se
concentrer sur la Chine et dont les identités sont habituellement gardées
secrètes parce que les pirates informatiques chinois cherchent constamment à
les identifier.
L’agence préférerait normalement
ne pas faire figurer ces noms dans un système non classifié. Certains anciens
fonctionnaires ont dit craindre que la liste ne soit transmise à une équipe de
jeunes experts en logiciels récemment embauchés pour travailler avec Elon Musk
et son équipe d’efficacité gouvernementale. Dans ce cas, les noms des employés
pourraient être plus facilement ciblés par la Chine, la Russie ou d’autres
services de renseignement étrangers.
Un ancien responsable de l’agence
a qualifié de « désastre en matière de contre-espionnage » le fait
que les noms aient été communiqués dans un courriel non classifié.
Les fonctionnaires actuels ont confirmé
que la C.I.A. avait envoyé les noms des employés à l’Office of Personnel
Management, conformément à un décret signé par M. Trump. Mais les
fonctionnaires ont minimisé les problèmes de sécurité. En n’envoyant que les
prénoms et les initiales des employés en période d’essai, ils espéraient, selon
un fonctionnaire usaméricain, que les informations seraient protégées.
Mais d’anciens fonctionnaires se
sont moqués de cette explication, affirmant que les noms et les initiales
pouvaient être combinés avec d’autres informations - provenant des systèmes de
permis de conduire et d’immatriculation des voitures, des comptes de médias
sociaux et des données accessibles au public provenant des universités que l’agence
utilise comme terrains de recrutement - afin de dresser une liste plus
complète.
Le sénateur Mark Warner de
Virginie, premier démocrate de la commission du renseignement, a écrit
dans un message sur les réseaux sociaux que la divulgation des noms des
officiers était « un développement désastreux pour la sécurité nationale ».
« Exposer l’identité de
fonctionnaires qui effectuent un travail extrêmement sensible en ferait des cibles
directes pour la Chine », a écrit M. Warner.
Le nombre d’agents concernés
reste confidentiel, mais il pourrait être important. En 2024, la C.I.A. a connu
sa meilleure campagne de recrutement depuis les attentats du 11 septembre. En
raison de leur formation intensive, les agents de la C.I.A. sont soumis à une longue
période d’essai, qui peut aller jusqu’à quatre ans. Cependant, la Maison
Blanche n’a exigé que les noms des personnes ayant servi pendant deux ans ou
moins.
Sous la direction de William J.
Burns, l’ancien directeur de la C.I.A., l’agence a mis l’accent sur le
recrutement d’un groupe diversifié d’agents, arguant que les opérations d’espionnage
à l’étranger nécessitaient des personnes possédant un large éventail de
compétences linguistiques et de connaissances culturelles. Il s’est
particulièrement attaché à développer la couverture de la Chine par l’agence,
en créant au siège un centre chinois qui comprenait des analystes, des agents
et d’autres personnes. Lorsque M. Burns est arrivé à l’agence en 2021, environ
9 % du budget de l’agence était consacré à l’analyse et à l’espionnage liés à
la Chine ; aujourd’hui, ce chiffre avoisine les 20 %.
Par conséquent, toute élimination
à grande échelle des recrues les plus récentes pourrait avoir un impact négatif
sur les personnes parlant le mandarin et les experts en technologie, ainsi que
sur les minorités qui travaillent au sein de l’agence. Mais les responsables
actuels ont déclaré que le nouveau directeur de la C.I.A., John Ratcliffe,
accordait la priorité à la Chine et ne voulait pas assister à un exode massif
des personnes ayant une expertise dans ce domaine.
L’administration Trump s’est
rapidement attaquée aux programmes de diversité, en ordonnant leur fermeture et
en les supprimant des sites web.
L’examen des embauches en période
d’essai ordonné par la Maison Blanche intervient alors que M. Ratcliffe a
entamé des efforts pour pousser les agents de longue date de l’agence à prendre
une retraite anticipée. M. Ratcliffe, selon des responsables, espère ouvrir la
voie à des postes de direction pour les agents en milieu de carrière.
La C.I.A. offre à ses employés ce
qu’elle appelle une « démission différée », c’est-à-dire la
possibilité de démissionner tout en continuant à être payé jusqu’en septembre,
dans le cadre des efforts menés par M. Musk pour réduire la taille de la main-d’œuvre
fédérale, ont indiqué des responsables.
Les agences liées à la sécurité
nationale avaient initialement été exemptées, du moins partiellement, de l’offre
de “bifurcation” - quitter leur emploi - qui a été prolongée la semaine
dernière. Mais M. Ratcliffe a fait pression pour qu’une version de l’offre soit
étendue à son personnel.
Dans le cadre du programme de la
C.I.A., l’agence conservera un certain droit de regard sur le calendrier des
départs afin de s’assurer que les zones critiques disposent d’un nombre
suffisant d’agents.
Pour le reste, l’offre est
structurée de la même manière que celle que l’équipe de M. Musk a proposée à l’ensemble
du gouvernement fédéral.
Dans un courriel envoyé mardi,
les agents de l’agence se sont vu proposer de quitter l’agence à compter du 30
septembre, mais de continuer à être payés. Un collaborateur de M. Ratcliffe a
déclaré qu’il s’agissait « d’une offre de rachat et d’une voie d’accès au
secteur privé ».
L’offre a été rapportée par le Wall Street Journal.
L’assistant de M. Ratcliffe, qui
a parlé sous le couvert de l’anonymat conformément au protocole de l’agence, a
déclaré que cette initiative visait à encourager certains des nombreux agents
qui ont rejoint l’agence après les attentats terroristes du 11 septembre à
prendre une retraite anticipée.
« Ces mesures s’inscrivent
dans le cadre d’une stratégie globale visant à insuffler une énergie nouvelle à
l’agence, à offrir des opportunités aux nouveaux dirigeants et à mieux
positionner la C.I.A. pour qu’elle puisse remplir sa mission », selon une
déclaration publiée par une porte-parole de la C.I.A.
La porte-parole a déclaré que l’offre
garantirait que la force de travail de l’agence réponde aux « priorités de
sécurité nationale » de l’administration Trump.